Tumgik
#Elle était prudemment heureuse
unreveoccasionnel · 1 year
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CHANGES
Oswin crut devenir complètement folle, mais ne voulut prendre aucun risque : et si tout ceci n’était pas une hallucination et si c’était réel ? Quoiqu’il en soit, il fallait sortir de ce lieu étrange. Oswin prit le chemin de tourbe, puis entra dans la forêt. Cette dernière ressemblait à un de ces bois que l’on trouve aux abords des lacs de zones volcaniques : le relief était irrégulier, par moments des arbres au feuillage très dense enrobaient des rochers de calcaire rosé, dissimulant de petites grottes. L’environnement était envoûtant mais Oswin n’oublia pas son objectif : sortir d’ici en moins de trois jours. Elle n’avait aucune idée de l’ampleur du parcours. Soudain un clown sortit d’une des grottes. Un clown ! Oui ! Oswin ne rêvait pas. Je me drogue et je ne le savais même pas ! se dit-elle l’air dépité. Que faire quand tout semble absurde à part garder son sens de l’humour ? Le clown, sans dire un mot, s’approcha d’elle en titubant d’une manière grotesque. Il tourna autour d’elle, s’arrêta, puis lui tendit une fleur, sortie subitement de sa manche. Oswin eut un mouvement de recul : elle n’aimait pas les clowns. Ces individus faussement joyeux, c’était suspect ! Un craquement de branches se fit entendre dans son dos, Oswin se retourna en sursaut. Un autre clown sorti d’un buisson épais l’observait comme une bête curieuse. Un bruis attira son attention sur sa droite : le troisième guignol s’avançait vers elle de cette même démarche grotesque que les deux premiers. Oswin était pétrifiée. Elle n’allait tout de même pas les agresser ? Courir ? Mais dans quelle direction ? Les trois clowns silencieux, s’approchaient d’elle prudemment, comme pour ne pas effrayer « l’animal » . L’un d’eux lui montra une direction en essayant de lui tapoter l’épaule. Oswin ne pu se contenir d’avantage et s’enfuit dans la direction opposée. Hélas ce n’était pas le bon chemin.
Elle courut longtemps sans s’arrêter, jusqu'à ce que le souffle lui manqua. Elle finit par s’effondrer dans un tas de feuilles mortes. Quelle étrange forêt. Toutes les saisons y étaient présentes en même temps. La jeune femme eut à peine le temps de se relever qu’elle fut agripper à la cheville par ce qui semblait être une racine, puis s’éleva soudain dans les airs à une vitesse vertigineuse, pour finir perchée comme un jouet de noël à dix mètres du sol. Cette supposée racine était devenue un arbre en un battement de cils. Oswin commençait à ressentir les effets du vertige. La tête en bas, suspendue par la cheville à près de cinq étages de hauteur. Elle dû se balancer, se contorsionner malgré sa peur du vide pour attraper le tronc. Une fois agrippée à l'arbre, elle tira nerveusement sur sa jambe pour se libérer de l’emprise de la cime. Heureusement qu’elle pratiquait l’escalade dans son adolescence ce qui lui permit de se sortir de ce mauvais pas. La blonde pris un moment pour observer le panorama essayant de voir d’où elle était venue mais elle ne vit qu’un océan vert s’étendant à l’infini. C’était peu encourageant.
Une fois le pied sur la terre ferme elle reprit son chemin vers l’inconnu. Où qu’elle aille, elle aboutirait bien quelque part. Elle s’arrêta subitement pour constater que le bois avait radicalement changé : une immense forêt de pins se déployait sous ses yeux. Oswin ne marchait plus sur des feuilles mortes mais un tapis d’épines. Un bourdonnement étrange enveloppait le lieu donnant l’angoissante sensation d’être épié. Elle fit un tour sur elle-même, c’était surréaliste. Les pins étaient identiques les uns aux autres, ce tapis d’épines homogène parcourait toute la surface du sol enrobant les pieds des arbres et ce bruit tonnant la même note sans discontinuer !
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n-a-colia · 2 years
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Peur de Mourir
Ce que vous vous apprêtez à lire est une nouvelle.
Chapitre I :
         J’étais dans la merde. Coincé au beau milieu d’un nid de mutés, dans une pièce sombre et dévastée… J’étais caché derrière un bureau à l’accueil de l’immeuble et je recouvrais ma bouche de ma main droite pour retenir les sons de ma respiration. Autour de moi, je les entendais bouger… Ils frottaient leurs dents entre elles tellement fort que le grincement produit était semblable à celui d’une craie sur un tableau noir.
« Bon sang ! pensai-je. Le lieu semblait désert quand je suis rentré. Pourquoi ces enfoirés sont-ils réveillés ? »
Mais je ne pouvais en vouloir qu’à moi-même.
         En cherchant de quoi manger dans ce hall, j’avais repéré un distributeur de snacks que je m’étais empressé de briser à l’aide de mon pied-de-biche… S’ensuivit un bruit sourd qui résonna dans la cage d’escalier à côté de l’engin. La suite était prévisible. J’allais mourir ici.
         Je priais tout de même pour que ces monstres se ruent vers un autre endroit mais quand les mutés entendaient un bruit, tout ce qui pouvait les dévier de leur chasse, c’était un autre bruit. Je cherchai prudemment dans mon sac à dos.
Une lampe torche ; un sachet de chips ; une bouteille d’eau… Et du matériel électronique en tout genre. Rien d’utile ! Fait chier !
Piégé, je tentai le tout pour le tout. Je me redressai légèrement pour passer ma tête au-dessus du bureau et voir mes futurs meurtriers. Des stores de papier étaient baissés devant les vitres de l’entrée de l’immeuble, ce qui ne me laissait que de fins faisceaux de lumière pour voir dans l’obscurité de cette salle blanche. Ils avaient leur corps noir et visqueux habituel, pas encore métamorphosés. C’était bon signe, car cela m’indiquait qu’ils ne m’avaient pas repéré. En même temps, si ça avait été le cas, je n’aurais déjà plus été de ce monde. J’épiai davantage :
Un devant l’entrée ; un autre à droite… Un vacillant à gauche accompagné d’un autre… Pff…
         C’est alors que celui de droite, plus proche que les autres, tourna la tête dans ma direction… Il avait le visage de ma petite sœur. Elle souriait, comme si elle était heureuse de me revoir. Seulement, son œil gauche était sur sa joue. Bien que je fusse désormais habitué à cette vision d’horreur, elle n’en restait pas moins déroutante et il me fallut un lapse de temps trop long pour réagir. La créature m’avait repéré avant que je me remette à couvert. L’adrénaline me montait à la tête et je sortis mon pistolet de son étui.
         J’étais très mauvais tireur et il ne me restait plus que deux balles. J’estimai donc mes chances de survie aux alentours de 4%. J’étais terrifié et la créature accentua mes craintes lorsqu’elle gémit d’une voix fluette :
« Pourquoi tu te caches, Mathieu ? »
C’était la voix de ma sœur qu’elle imitait ! Elle m’avait repéré et elle s’approchait lentement de ma position. Ses grincements de dents avaient cessé, elle adoptait un comportement de chasse…
« Tu te caches parce que tu veux plus me voir ? »
Elle commença à pleurer et des souvenirs épouvantables vinrent me tirailler l’estomac.
Ma sœur était morte devant moi, dévorée petit à petit par une meute de mutés… J’étais resté caché durant tout ce temps, impuissant face à leur nombre. Je n’avais pu qu’écouter ses cris et ses pleurs alors qu’elle agonisait, puis, j’étais resté seul… Durant des semaines ou des mois.
« Mathieu… J’ai peur ! Les mutés, ils sont partout ! Ne me laisse pas encore comme ça… S’il te plait… »
Sa voix était plus proche que jamais et ses gémissements m’étaient insupportables. J’empoignai mon arme avec force et je me préparai à l’action. J’allais me lever et tirer une balle dans la tête de l’enfoiré qui avait osé imiter ma sœur, puis utiliser la balle qui me restait pour m’occire. Je priai une dernière fois :
« Petite sœur, j’arrive… »
         C’est alors qu’un coup de feu retentit à l’extérieur du bâtiment. Les créatures se retournèrent d’un coup vers la porte d’entrée, puis elles foncèrent dessus, la défonçant au passage. Quand elles arrivèrent dehors, elles émirent un hurlement strident à cause de la lumière du soleil, mais elles continuèrent leur route, manquant de trébucher dans leur course effrénée.
         Je mis un certain temps à réaliser que je venais d’échapper à la mort… Mais le silence en était témoin. Je me relevai doucement, arme à la main, et je me dirigeai vers l’entrée. Je regardai dans toutes les directions pour être certain de ne pas en louper un qui se serait planqué, mais il n’y avait que moi dans cet immeuble. Je laissai s’échapper un souffle de soulagement et je marchai en direction de l’extérieur, quand je vis une silhouette dans la lumière du jour.
         Devant moi, une femme brune à la chevelure longue et détachée se tenait avec fierté. Elle me souriait mais ne semblait pas être un muté. Son visage était bien symétrique et son sourire était sincère. De plus, je n’avais jamais vu cette personne auparavant alors les mutés ne l’auraient pas reproduite en face de moi. Elle était belle, mais j’avais l’intuition qu’elle allait être une source d’ennuis.
« Salut ! s’exclama-t-elle en sautillant.
— Heu… Salut. T’es qui ? »
Elle croisa les bras et débuta une marche en balançant ses pieds dans ma direction.
« C’est tout ? Pas même un petit merci ?
— Le coup de feu, c’était toi ? »
Elle rit d’un air conquérant et dégaina un fusil accroché à son dos qu’elle brandit vers moi. Je levai les mains en l’air, craignant qu’elle ne soit en réalité qu’une pillarde de plus, mais elle éclata de rire avant de le ranger.
« Haha ! T’inquiète ! Je t’ais pas sauvé la vie pour te fusiller ensuite. Ouais, c’était moi. J’ai entendu des pleurs venir de ce bâtiment. Le truc, c’est que j’avais déjà repéré un nid à l’intérieur, alors j’en ai conclu que c’étaient des mutés en chasse. Voilà ! »
Un silence envahit la pièce après ce long discours. Je ne savais pas vraiment quoi dire et elle semblait attendre beaucoup de moi. Son attitude trop amicale et ses gestes trop nombreux m’indiquaient qu’elle était seule depuis longtemps. Je pris enfin la parole en la dépassant pour sortir du bâtiment.
« Merci. À plus !
— Attends ! »
J’arrivai dehors.
         Le ciel était toujours nuageux et teinté d’un rouge volcanique. Il brûlait, comme d’habitude. La végétation s’était emparée de la ville et elle grimpait aux bâtiments. Celui dont je sortais fut une espèce de monument bizarre par le passé : Une sorte d’immeuble de verre tordu, comme si on l’avait pressé. C’était une forme d’art immonde et je me dis qu’il allait être bien plus beau une fois recouvert de verdure.
         Je continuai mon chemin sur la route de goudron au milieu de cette ville morte tandis que la fille me suivait. Elle restait silencieuse, à deux ou trois mètres de moi. C’était comme si nous étions compagnons de voyage depuis longtemps mais je ne voulais pas d’elle à mes côtés. Rester seul dans ce monde avait tendance à faire sombrer les esprits les plus combatifs dans la folie et ses cheveux détachés m’indiquaient qu’elle favorisait son apparence plutôt que l’aspect pratique. J’estimai qu’en restant avec elle mes chances de survie chutaient de 10% à 15%, ce qui les faisaient baisser de 85% en moyenne à 75% ; 70%. Bien-sûr, elle avait une arme à feu puissante, mais elle était également une bouche supplémentaire à nourrir. Une bouche qui, de surcroit, s’ouvrait beaucoup trop pour le peu qu’il y avait à dire.
« Pourquoi me suis-tu ? »
Elle était plus petite que moi et elle devait presque courir pour tenir la cadence de ma marche rapide. Elle ahana :
« Eh bien… Je me disais que… que vue que je t’ai sauvé la vie, on pourrait… on pourrait faire équipe !
— Non. »
Elle continuait de suivre la cadence. Après un court silence, elle reprit d’une voix joueuse :
« T’es pas très bavard ! C’est drôle… On dirait que le destin… que le destin nous a mis sur la même route. Toi qui restes muet… et moi qui évite les silences insupportables ! On fera une fine… équipe ! »
Je m’arrêtai et me retournai vers elle. Elle s’immobilisa en levant légèrement le menton, comme pour me défier. Je m’agaçai et m’avançai face à elle.
« Je crois que tu ne comprends pas comment fonctionne ce monde, alors je vais t’expliquer : Les gens avec qui tu “ fais équipe ” comme tu dis, sont des personnes que les mutés utiliseront pour te piéger. »
Elle fronça les sourcils, la bouche tombante. Ses yeux tristes, azurs comme le ciel que nous avions perdus, pénétraient mon âme. J’avais l’impression d’être un monstre en la rejetant ainsi mais je savais que j’avais raison…
« Alors, si tu veux survivre, comme c’est mon cas, marche seule. Bonne route. »
Je tournai les talons et partis en accélérant le pas. Mais j’entendis un son de métal derrière moi…
« Peut-être, mais c’est moi qui tiens le fusil. »
Je m’arrêtai brusquement, de nouveau. Elle me pointait du bout de son canon, le doigt sur la détente.
« Arrête, dis-je, on sait tous les deux que tu n’es pas une meurtrière…
— Tu serais prêt à miser ta vie là-dessus ? »
         L’atmosphère devint plus lourde. Nous étions au beau milieu de la route, entourés de voitures abandonnées et cramoisies, tandis que le ciel s’assombrissait peu à peu. Le rouge sang des nuages se nuançait pour tirer vers un marron sale et cela m’indiquait qu’il me restait moins de 2 heures pour trouver une planque pour la nuit. De plus, je ne percevais aucun signe de bluff sur le visage de cette femme qui faisait drastiquement chuter mes chances de survie. Je devais prendre la bonne décision. Elle continua :
« Je sais ! Voilà ce que je te propose : On passe la nuit et la journée de demain ensemble. Si demain, au coucher du soleil, tu n’es pas encore convaincu du fait que je sois un atout majeur pour ta survie, je partirai sans faire de scènes. »
Elle baissa son canon vers le sol, comme si j’avais déjà accepté son offre.
Elle ne me laissait pas vraiment le choix, mais après tout, que risquais-je à passer une journée avec elle ? Il fallait simplement ne jamais nous séparer ni nous perdre de vue pour que tout se passe bien.
         Je partis sans rien dire et elle me suivit de nouveau, heureuse d’avoir un nouvel ami. Elle me tira la manche du manteau pour me faire signe d’aller moins vite et je décélérai mon rythme de marche. Nous devions trouver un abri avant la nuit et mes réserves de nourritures étaient limitées. Quand elle commença à fredonner gaiement en sautillant pour avancer à côté de moi, j’estimai ses chances de survie dans ce monde à moins de 40%. Était-elle folle ? Je l’ignorais… Mais quelque chose me disait que j’allais bientôt le découvrir.
Chapitre II :
         Nous marchions gaiement sur les routes désertes de la ville. Le beau brun ténébreux que j’avais rencontré n’était pas très bavard. On aurait dit qu’il poussait la caricature de l’homme mystérieux et tourmenté… De quoi alimenter mille fantasmes, mais s’il croyait pouvoir m’impressionner ainsi, il rêvait ! Il allait devoir redoubler d’efforts dans ce jeu de séduction que nous menions au milieu du chaos.
« Ah ! m’écriai-je.
— Quoi ?! »
Il s’était retourné d’un coup par crainte d’un danger.
« On ne s’est même pas présentés ! »
L’air dépité, il retourna à sa marche insensée. Cette nonchalance avait son charme, mais elle commençait à me faire penser qu’il était plus rabat-joie que séducteur. Je me mis à sa hauteur et pénétrai son regard mais il n’y fit pas attention.
« Moi, c’est Lucie !
— Enchanté, Lucie. Mathieu.
— En tant qu’équipe, je pense qu’on devrait être plus avenant l’un envers l’autre.
— Ah oui, tu penses ? » souffla-t-il.
Je restai à le regarder dans le silence. Il épiait chaque recoin de la ville et parfois, le ciel. Il reprit d’une voix amère :
« Lucie, la nuit va bientôt tomber et on n’a pas de planque… Tu crois vraiment qu’on doit se soucier des rapports que l’on a ? Nos chances de survie sont tombées en dessous de la barre des 60% !
— Une planque ? Ah ! C’est donc ça que tu cherches… Il fallait le dire, j’en ai trois ou quatre dans le coin ! »
Il s’immobilisa au milieu de la route pour se tourner vers moi. Ses yeux noirs ratissèrent chaque partie de mon visage alors que sa bouche s’entrouvrait doucement. Il était décidément un charmeur né… Puis, il déplaça son regard sur les quelques voitures vides autour de nous. Il laissa ses bras se balancer tandis qu’il faisait des pas aléatoires, comme s’il était exténué. Une fois séparé de ma position par quelques mètres, il arrêta ses pas et frotta sa barbe mal rasée de sa main gauche. Puis… Il éclata :
« Bon sang Lucie ! Ça va faire une heure qu’on cherche ! T’aurais pas pu me le dire plus tôt ?! On en aurait profité pour chercher à manger ou à boire !
— Mais…
— Bon ! Vas-y, je te suis. »
Cet accès de colère me perturba quelque peu… J’avais pensé que, comme moi, il voulut simplement passer un peu de temps sur la route pour estimer la compatibilité que l’on avait en tant que coéquipiers. Je restai planté devant lui, sourire gêné aux lèvres, ne sachant ce qu’il attendait de moi. Il tendit son bras pour me faire signe de mener la marche. Super !
         Je sautai sur sa main tendue pour l’attraper et je la tirai pour que l’on avance. Main dans la main, nous étions inarrêtables ! Il ne pouvait pas se plaindre, c’était lui qui m’avait avertie qu’il ne fallait jamais se perdre de vue. Je ne faisais que suivre ses ordres en les agrémentant de ma touche personnelle. Je balançai nos bras au rythme de la marche.
« Alors, qu’est-ce que tu préfères ? J’ai : un bureau sordide ; un toit d’immeuble avec vue sur les rues ; et un restaurant barricadé !
— Mmm… Va pour le bureau.
— Non ! Je sais ! On va aller sur le toit. C’est assez joli, tu verras. Pour un premier rendez-vous, j’ai pas mieux ! »
Dans un mouvement de tête, il souffla avec dédain comme il savait si bien le faire.
         Je le conduisis à mon repère secret, enthousiaste à l’idée que nous allions peut-être coucher ensemble ce soir. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas vu d’hommes… Et beau, en plus ! J’en salivais d’avance. Dans ce monde tordu qui m’avait laissée seule, j’avais commencé à penser que j’étais probablement la dernière survivante et, bien que je le cachasse, quand je vis Mathieu, je fus le temps d’un instant, la plus heureuse des femmes sur terre.
         Après avoir gravi le grand escalier de l’immeuble, nous arrivâmes à son toit : Ma meilleure planque secrète ! Ce toit avait la particularité de n’être relié à aucun autre car l’immeuble était séparé du reste des habitations, ce qui permettait d’éviter de se soucier de l’arrivée de mutés. Il était spacieux et j’avais installé au sol une tente et un réchaud à gaz ainsi que quelques boites de conserves. J’avais également une récolte de pluie faite d’une petite bâche posée en entonnoir sur un seau. La pluie qui tombait depuis le cataclysme était bien plus acide que lorsque le monde tournait normalement, mais il suffisait de la faire bouillir pour la rendre potable.
         Je tirai Mathieu par la main pour l’entrainer vers le bord du toit. Une bordure de béton de la taille d’une marche faisait office de rempart aux contours de l’endroit. Comme si cela allait empêcher quiconque de tomber ! Au moins, cela nous permettait d’apprécier la vue. Mathieu se dégagea de mon emprise et je lui fis signe de s’approcher, alors que j’étais penchée vers le vide à l’extrémité du toit. Il me rejoignit prudemment… Il avait le vertige, c’était trop mignon !
         Malgré le fait que la nuit allait tomber rapidement, le ciel marron éclairait encore les rues. De notre perchoir qui n’était pas si haut, nous voyions les boutiques aux vitrines brisées qui jonchaient les trottoirs d’une grande rue. Un magasin de vélo ; un autre de chaussures ; et encore un qui vendait autrefois des choses en tout genre, dont le gaz en bouteille qui me servait pour le réchaud.
« Alors… C’est ici que tu vis ?
— Oh non… J’ai plein d’autres planques ! Tu verras. »
Il se retourna et partit vers la tente. Il l’examina un moment, puis dit :
« Ah… Bon. Eh bien, je te laisserai la tente. Le sol ne semble pas si inconfortable que ça.
— Pourquoi ? »
Je me relevai et m’approchai de lui. La lumière environnante baissait à vue d’œil et je n’apercevais presque plus les traits de son visage.
« On peut juste se serrer un peu. Un matelas une place, c’est beaucoup trop grand pour moi ! »
Il resta bouche ouverte, surpris par ma proposition, mais avant qu’il eût le temps de répondre, le ciel s’assombrit davantage, jusqu’à nous plonger dans l’obscurité… Un cri perçant, strident et menaçant, retentit dans toute la ville. Il fut suivi d’un autre venant d’ailleurs, puis d’un autre, et ainsi de suite… La nuit était tombée.
Je m’emparai de la lanterne que je gardai au pied de la tente et je l’allumai. En la rapprochant de mon visage, presque collé au sien, je m’écriai :
« Bou ! »
Mais Mathieu n’eut aucune réaction.
Je ris à ma blague absurde et retournai me positionner contre la bordure du toit sur laquelle je déposai ma lanterne. Je m’allongeai sur le côté gauche de ma hanche et posai mes bras sur le bord de béton, puis je plaçai ma joue dessus pour admirer le peu de choses que l’on pouvait voir dans les rues.
         Les mutés étaient désormais de sortie et nous pouvions en discerner certains dans l’obscurité lorsqu’ils passaient devant des brasiers que j’avais allumé pour l’occasion. Mathieu était mon invité de luxe après tout ! En s’asseyant à mes côtés, il me dit de sa voix suave :
« Ça fait longtemps que tu vis ici ?
— Mmm… Oui. Plutôt. En fait, j’ai toujours vécu ici. »
Je tournai mon regard vers le sien et lui souris. Il avait une attitude plus ouverte, presque gentille. Il prit appui de son bras droit sur la bordure, tourné vers moi, comme pour que j’en dise plus.
« Quand tout a commencé, j’étais à une soirée étudiante. On fêtait la fin de notre troisième année de fac. C’était amusant… Mon copain m’avait demandée de rentrer plus tôt que prévu. Un vrai jaloux celui-là ! Heureusement pour moi, j’étais bornée et susceptible à cette époque.
— Wow ! Rien à voir avec la Lucie d’aujourd’hui ! » se moqua-t-il.
Je lui tapai le bras en riant.
« M’enfin ! Ce ne sont pas des manières de s’adresser à une demoiselle !
— Toutes mes excuses princesse.
— J’aime mieux ça ! »
Peu à peu, mon sourire disparut alors que je replongeai dans mon passé, les yeux rivés sur les rues noires.
« Enfin bref… J’avais décidé de rester le plus longtemps possible ce soir-là… Juste pour lui montrer que j’étais loyale et qu’il n’avait pas de raisons de s’inquiéter. Au cours de la soirée, l’alcool me monta à la tête et mes anciens amis avaient augmenté le son de la musique à fond dans l’appartement. C’est alors que je reçus un appel de mon grand frère… »
Une émotion dérangeante vint s’emparer de mon cœur. Ma vision se troubla lorsque je ressassai ce souvenir. Ma gorge se noua et Mathieu posa sa main sur mon épaule.
« Lucie, arrêtons-nous là.
— Quand mon frère m’appela, je partis dans les toilettes pour pouvoir l’entendre… »
Malgré moi, des larmes me montèrent aux yeux.
« J’ai décroché le téléphone, puis… Il me demanda de le rejoindre dans un parc où on allait avec nos parents lorsqu’on était enfants… Il me suppliait… Il me disait que c’était urgent, que sa vie en dépendait ! … Le problème, c’était que mon frère était à des centaines de kilomètres de moi, dans un autre pays… »
J’essuyai mes larmes et soufflai pour évacuer la pression que ce souvenir me mettait sur le cœur. Je tournai mon visage vers Mathieu, lui souris, et repris :
« Alors que j’essayai de résonner mon frère, encore inconsciente de ce qu’il se tramait dans le monde, la police sonna à la porte de l’appartement. “ Tapage nocturne ” prétendaient-ils. La musique se coupa brusquement, puis, quelqu’un leur ouvrit la porte… S’ensuivit le plus gros bain de sang que je n’avais jamais vu… Les hurlements incessants, les bruits de chair que l’on arrache… Mes amis qui tapaient à la porte des toilettes, implorant ma pitié pour que je leur ouvre… »
Il passa sa main sur ma joue, le regard compatissant.
« On doit tous faire face à nos propres démons, Lucie…
— Haha ! Oui… Et j’ai payé cette cachette au prix fort. Après cette soirée, je n’ai plus aperçu âme qui vive… Tout le monde dans la ville mourut petit à petit avant que je puisse les rencontrer.
— Tu es restée seule… Durant tout ce temps ? »
Je lui fis un “ oui ” de la tête avant que le silence ne s’empare de notre lieu de vie. J’avais cassé l’ambiance et je cherchai un moyen de retrouver cet échange amical que nous avions avant mon histoire. Je me raclai la gorge, puis dis :
« Et toi ? Tu vis quelque part ? »
Il sortit une carte du pays de son sac à dos et il la posa entre nous.
« J’ai beaucoup voyagé. D’après mon expérience, nos chances de survie baissent avec le temps lorsque l’on reste à un même endroit. Bien-sûr, toi, tu t’es bien débrouillée.
— Haha ! Enfin un compliment qui sort de ta bouche. »
Il grogna en souriant, puis passa son doigt sur la carte pour me montrer son chemin.
« Je viens de l’Ouest. Grâce à cette carte, j’ai pu déterminer un chemin pour rejoindre le port de la côte Sud-Est. J’allais là-bas quand j’étais petit. D’après mes souvenirs, l’endroit est reclus et protégé par la montagne. J’espère pouvoir y former un camp sécurisé où je pourrai cultiver ma propre nourriture et pêcher le poisson… Cela augmenterait drastiquement mes chances de survie. Je passerais d’une moyenne de 80%, à 95% voir plus…
— Ah ! Trop cool !
— Oui, cool… Le problème, c’est qu’une longue route de campagne m’attend après cette ville et qu’il me faudra de nombreuses provisions avant de partir. Et puis, des munitions d’arme à feu pour éliminer les quelques mutés qui pourraient se trouver au port. »
Il avait le regard brillant devant le feu de ma lanterne. Parti dans ses rêves, il était plus beau que jamais. J’enveloppai sa main de la mienne.
« Et… Tu ne risques pas de devenir fou, tout seul là-bas ? Je pense que m’emmener augmenterait tes chances de survie d’au moins 10% ou 20% !
— Comment j’augmente mes chances de survie de 10%, si je suis déjà à 95% ? rit-il.
— Eh bien… Les pourcentages supplémentaires représentent les chances de donner vie à quelqu’un d’autre… »
Il sembla perdu. Des sons sortirent de sa bouche mais ils n’avaient aucun sens. À sa réaction, je pouvais comprendre que cette perspective ne lui avait même pas traversé l’esprit. Il calculait certainement les chances de survie d’un enfant dans ce monde et je décidai de le couper dans ses pensées :
« Tout se passera bien, Mathieu… »
Il cessa de réfléchir, puis, en regardant le bas de la rue, il me dit d’une voix plus calme que d’habitude :
« Peut-être, oui… »
Cette annonce me réjouit au plus haut point. J’étais prise d’un enthousiasme immense à l’idée que notre équipe mène cette grande aventure !
         Je me relevai d’un bond émettant un cri aigu de joie que j’étouffai pour ne pas alerter les mutés. Mais, dans mon élan, je donnai un coup de pied à ma lanterne qui chuta du toit. Je réalisai mon erreur quand elle s’écrasa sur le sol de la rue dans un fracas assourdissant… Nous fûmes en proie à la terreur quand, plongés dans le noir total, nous entendîmes un hurlement strident et proche de notre position, pourfendre les cieux de la ville…
Chapitre III :
         La peur est naturelle. Elle nous sert à nous sortir de situations de mort imminente. Dans le monde d’avant, cette peur rongeait la vie des Hommes. Le stress qu’elle procurait se déclenchait souvent sans raison, pour nous indiquer que nous percevions quelque chose comme synonyme de mort alors qu’il n’en était rien… La peur du rejet ; la peur de l’échec ; la peur de l’oublie… Toutes ces peurs… Alors que nous avions toujours une seconde chance. Mais depuis le cataclysme, les survivants avaient pris le temps de retourner à la racine des choses. Lorsque nous avions peur, c’était toujours pour une bonne raison. Notre nature n’était plus contre nous, mais avec nous. Cependant, il est aisé de passer d’une émotion de peur à une attitude de panique. Une attitude de panique, qui représente, dans 100% des cas, la mort.
         Je saisis Lucie par les épaules pour qu’elle ne bouge pas. Il fallait à tout prix qu’elle réfléchisse avant d’agir. Nous étions dans le noir total et je ne voyais plus son visage, mais j’entendais sa respiration lourde qui s’accélérai progressivement. Je lui chuchotai :
« Lucie, as-tu d’autres sources de lumière ?
— Heu… »
Elle était perdue tandis que nous entendions un muté arriver à l’emplacement où la lanterne s’était brisée. Je la secouai un coup et elle réussit à se ressaisir.
« Heu… Oui ! »
Elle fonça sur sa tente et s’effondra dessus à cause de sa course dans le noir.
Bon sang ! Fait chier !
         Je sortis mon pistolet. Il ne me restait toujours que deux balles et j’entendais la créature grincer des dents… Cela signifiait qu’elle se rapprochai de nous. Je me penchai au-dessus du rebord du toit et ne vis rien. Mais le son dérangeant se rapprochait. Le muté était en train d’escalader le bâtiment par ses balcons !
« Lucie ! Dépêche-toi !
— J’essaie ! » répondit-elle en se débattant avec sa tente.
Je me reculai du bord de quelques mètres pour garder un angle de tir dans le noir.
« Arrête ! » m’écriai-je.
Lucie s’immobilisa et les bruits de sa tente qui se pliait sur elle-même cessèrent…
         C’est alors que la créature arriva au sommet du toit. Nous ne la voyions pas, mais nous entendions ses dents se frotter entre elles. Dans l’obscurité, le muté ne nous voyait pas non plus. Ils avaient un très mauvais odorat et une moins bonne vue que les humains, mais une ouïe extraordinaire… Le fait que ses dents grinçaient nous indiquait cependant qu’il ne nous avait pas encore repérés.
         Je retins ma respiration et Lucie fit de même. Nous aurions été dans le silence total si le muté ne produisait pas ce crissement infernal. Je priai pour qu’il s’en aille, mais je savais qu’il n’en ferait rien…
         Soudain, la terreur s’empara de moi. J’entendais les grincements du muté s’approcher de la tente… Lucie le remarqua également et elle laissa s’échapper un souffle du nez paniqué. À ce moment, un silence de mort retentit comme le son du glas et je compris que le muté était passé à l’étape de la chasse.
         J’étais perdu. Complètement désemparé. Que fallait-il faire ? Devais-je l’attirer vers moi ? Devais-je lui bondir dessus ? À deux, peut-être que nous avions une chance de gagner ? Mais dans les ténèbres, tout mouvement était incertain. Je brandis mon pistolet devant moi…
« Lucie, pourquoi ne m’as-tu pas rejoint dans ce parc ? »
Cette voix masculine m’indiquait peu à peu sa position mais je n’étais sûr de rien… Il continuait de bouger.
« On aurait survécu ensemble, Lucie… Sans toi, j’ai dû me laisser mourir. J’ai cru que ces salopards t’avaient eu…
— Non… » pleura Lucie.
         Ce gémissement de Lucie signait son arrêt de mort dans la seconde si je ne faisais rien. Sans plus attendre, je tirai à l’endroit où je pensais le trouver. Un flash lumineux sortant de mon arme m’éblouit lors du tir mais le son était étouffé par le silencieux que j’y avais ajouté. Durant une fraction de seconde, nous pouvions voir ce qu’il se passait sur le toit. Le muté avait prit l’apparence d’un homme assez grand qui avait la trentaine tandis que Lucie était allongée sur sa tente, en pleurs. Mon tir lui toucha l’épaule et il poussa un cri inhumain en se tournant dans ma direction. L’obscurité revint s’emparer du toit mais le muté m’avait vu…
         J’estimai mes chances de survie à 30%. Si je ratais ce tir, j’étais perdu. Je levai mon arme pour pointer l’endroit où j’espérai toucher sa tête, puis, Lucie alluma une lampe à rayons ultraviolet et elle la brandit à bout de bras vers la créature qui commença à se tortiller en hurlant de douleur.
         Il fallait réagir rapidement. Les mutés détestaient la lumière du soleil, mais elle ne les empêchait pas d’agir. Elle ne faisait que les affaiblir et les étourdir un bref instant. Cependant, le muté bougeait dans tous les sens et lui tirer dans la tête était une option à oublier avec un taux de réussite que j’estimai en-dessous de 15%.
Je pris mon courage à deux mains et je fonçai alors, tête baissée, sur la créature. Je poussai un cri qui avait l’allure d’un dernier souffle. J’avais toute la haine du monde alimentée par la peur de mourir. Dans ma course, je pensai à ma petite sœur. J’eus l’image de l’œil tombant sur le visage imité du muté rencontré plus tôt et ma rage monta en flèche. Au contact de la créature, elle se redressa pour me faire face mais il était trop tard. Je la poussai de toutes mes forces et m’effondrai sur le toit. J’avais réussi à déséquilibrer le muté suffisamment pour qu’il recule de deux pas. Seulement, le deuxième cogna contre la bordure du toit et le monstre bascula en arrière, chutant dans un cri immonde avant de s’effondrer sur le trottoir… Puis, plus rien. Le silence après le chaos.
Je me penchai au-dessus du vide mais je n’y vis que les abysses de la nuit. Je me retournai alors vers Lucie qui était pétrifiée de peur et en larmes. Aucun cri ne résonna dans la ville et je compris que nous venions d’échapper au pire. Par chance, celui-ci faisait bande à part.
Je m’effondrai sur le sol, assis contre la bordure, le regard vers cette femme qui avait failli nous faire tuer. Elle posa sa lampe pour se recroqueviller derrière ses jambes en se balançant sur elle-même.
« Je suis désolée… » sanglota-t-elle.
Épuisé, je m’allongeai contre la bordure.
« N’y pensons plus. Demain, sera une longue journée… »
Je réussis finalement à m’endormir après de longues minutes, malgré les gémissements de Lucie.
         Le lendemain, Lucie resta muette une bonne partie de la matinée et moi aussi. Les rues de la ville étaient désertes et déjà pillées, alors elle m’avait emmené vers les extrémités. Les bâtiments perdaient en hauteur à mesure que nous avancions mais j’avais toujours ce sentiment d’oppression que j’éprouvais dans chacune des villes que je traversais.
         En ville, les nids de mutés étaient répartis à des endroits aléatoires dans les bâtiments. Qu’ils semblassent vides ou non, chaque immeuble était un potentiel danger et prendre le mauvais tournant dans une rue pouvait parfois mener à des impasses, ce qui rendait difficile la fuite.
« Tu… comptes partir aujourd’hui ? me demanda-t-elle, inquiète.
— Dans l’idéal, oui. »
Elle garda sa tête baissée en direction de ses pieds. Elle craignait que je parte sans elle… Et elle avait raison.
         Malgré le réconfort qu’elle m’apportait par sa présence chaleureuse, elle était trop instable. La solitude l’avait déjà rongée et son attitude infantile finirait forcément par la trahir… Le voyage en campagne nécessitait d’utiliser chaque seconde pour survivre et Lucie en perdait trop souvent, pour rien. L’emmener avec moi diminuait nos chances de survie à tous les deux.
         Lors de notre marche dans les abords de la ville, je regardai le ciel. Toujours brûlé… À la position du feu dans les nuages blancs et noirs, j’estimai qu’il allait bientôt être midi. L’air était lourd et une odeur de pourriture vint inonder nos narines.
         Lucie et moi avions déjà fouillé quelques magasins avant d’arriver ici. Nous y avions trouvé quelques boites de conserves fermées et d’autres percées, de l’eau en bouteille également, mais aucune munitions… Elles se faisaient rares par les temps qui couraient.
         Nous arrivâmes à une place entourée d’échoppes aux vitres brisées. Un carrefour faisait le tour de l’endroit et des voitures recouvertes de végétation parsemaient la route. Elles avaient créé un bouchon dans la circulation lorsque le cataclysme eut lieu et elles n’avaient pas bougé depuis… Au centre de la place se trouvait un petit parc de verdure dont les herbes avaient poussé à hauteur de genou. Les bancs qui servaient autrefois aux amoureux pour se reposer étaient complètement recouverts de mousse. Pour une raison que j’ignorai, Lucie marchait en direction de l’entrée de ce parc…
         C’est alors qu’une pensée vint me tirailler l’estomac… Avec Lucie, nous avions convenus de passer la nuit et la journée ensemble… Mais qu’adviendrait-il si je refusais de poursuivre ma route avec elle ? Elle était instable et elle avait toujours ce fusil accroché dans le dos. De plus, quand elle m’avait braqué avec son arme la veille, je n’avais vu aucun signe de bluff. Serait-elle prête à me tirer dessus ? Je ne sus estimer les chances qu’elle en soit capable, mais je commençai à avoir peur…
         Lucie me sourit, tandis que nous approchions du centre du parc. Elle était belle et heureuse. Telle une enfant, elle avait complètement passé l’éponge sur ce qu’il s’était produit cette nuit. L’insouciance dans ses yeux bleus, elle courut alors en s’écriant :
« Oh ! Viens voir ça ! »
Elle s’empressa de rejoindre le centre du parc, au milieu de la verdure. Tandis que je marchais pour la rejoindre, ma vision se troubla et ma tête résonna sous la pression d’une décision importante.
« T’as vu ça ?! Elle est magnifique ! Je croyais ne plus jamais en revoir… »
Elle se penchait au-dessus des herbes hautes et j’aperçus ce qui l’émerveillait :
         C’était une simple Tulipe. Une fleur que l’on trouvait par centaines dans les campagnes environnantes… Une fleur rouge, de la couleur du sang, belle et insouciante, qui vacille au gré du vent. Cette fleur semblait happer toute son attention.
« Tu crois que je devrais la mettre en pot ? »
         La candeur dans sa voix me déstabilisa. Elle se tenait debout, les mains sur les genoux et le visage tourné vers la fleur de ses songes. Ses yeux brillaient et sa bouche restait ouverte, son âme rajeunissait à mesure que son cœur s’embrasait.
         Bientôt, je ne pus plus avancer. Je restai figé à quelques mètres d’elle, dans le silence. Ma tête tournait beaucoup trop pour que je fasse le moindre pas de plus. J’imaginai une vie au port à ses côtés. Pêcher avec elle, danser et rire à ses côtés, faire l’amour… J’imaginai ses joies dans un monde détruit. Ses insouciances au coucher du soleil, et ses gentillesses à l’aube. Mais ceci n’était qu’un rêve. Je savais au fond de moi que c’était impossible. Était-ce une fleur que je lui faisais ? Mon cœur s’emballait davantage. Après tout, était-ce une vie que d’errer seule dans cette ville ? Mon souffle devint saccadé et incontrôlable.
« Mathieu, tu saurais l’emporter ? Je ne suis pas… »
         Quand elle tourna son visage vers moi, son sourire se déchira immédiatement. Ce ne fut pas de la peur qui le remplaça, mais de la tristesse. Ses yeux s’humidifièrent, puis, pistolet à bout de bras, je lui tirai une balle dans le coeur. Elle s’écroula au sol, écrasant la Tulipe qu’elle admirait.
Je…
Le silence. Et quoi ? Plus rien.
         Figé, le bras toujours tendu, je lâchai mon arme sur le chemin de pavés qui m’avait mené jusqu’ici. Le poids sur mes épaules devint insoutenable tandis que je retrouvai un silence qui m’était familier. Je m’effondrai sur mes genoux. Au moment où ils cognèrent le sol, je réalisai ce que je venais de faire. Le plus grand regret qu’il était possible d’éprouver me noua la gorge jusqu’à l’étouffement.
Non…
         Le regard perdu sur le corps inerte de Lucie, je sentis une larme acide couler sur ma joue. Bientôt, ma vue fut tellement floue que je n’arrivais plus à la voir, alors, je rampai sur le sol pour la rejoindre. Je sanglotais tandis que des souvenirs qui n’existeront jamais découpaient mon esprit. Une fois à sa hauteur, je ne sus que faire.
« Lucie je… je suis désolé… »
Je posai ma main sur son épaule, comme si elle était encore vivante, face contre terre.
« Lucie… c’est que tu avais le fusil… j’ai pris la bonne décision… Lucie, je t’en prie… »
J’attendais une réponse de sa part mais elle ne répondit pas. Je retirai son fusil de son étui dans son dos.
« Ton putain de fusil ! Lucie… Pourquoi ? »
Au toucher froid du métal de son arme, je commençai à pleurer abondamment. Je ne pouvais me résoudre à avoir fait une chose pareille. J’essayai de me consoler en me persuadant qu’elle était un danger à éliminer, mais je n’y croyais presque plus…
Quand j’ouvris le canon de son arme, ce fut le coup de grâce. Il n’y avait aucune cartouche. L’arme était vide. Lucie avait utilisé sa dernière munition pour me sauver la vie…
Je laissai tomber le fusil et pris ma tête dans mes mains puis j’arrachai mes cheveux. Je ne voulais plus vivre. J’étais devenu un monstre. Mes estimations n’avaient plus de sens, plus rien n’avait de sens… Je n’avais même plus le courage de lui adresser la parole. Je hurlai de toutes mes forces pour déverser mon désespoir infini dans les rues de cette ville maudite. J’hurlai de nouveau. Et encore, et encore… Jusqu’à me déchirer la voix.
Mes complaintes furent entendues, et soudain, après un énième hurlement, un cri strident me répondit. J’appelai encore et un autre se fit entendre. J’ameutais les nids pour en finir une bonne fois pour toutes avec cette vie absurde dont je ne voulais plus.
Quelques secondes plus tard, des mutés me rejoignirent. Ils étaient bien plus nombreux que ce que j’avais pu voir jusqu’ici. J’avais alerté au moins trois nids et ils vinrent se placer en cercle autour de moi, regardants le cadavre de l’ange qui m’accompagnait. Mais contre toute attente, ils ne me dévorèrent pas immédiatement. Ils restaient simplement plantés là, le regard perdu.
Puis, l’un d’eux prit l’apparence de Lucie. Un autre le suivit, et un autre, jusqu’à ce que tous soient déguisés en elle. Certains avaient la bouche tordue, d’autres avaient un nez ou un œil mal placé, mais ils avaient tous emprunté son apparence. À l’unisson, ils me dire d’une voix qui me planta la poitrine :
« Pourquoi m’as-tu tuée Mathieu ? Je pensais que nous formions une équipe…
— Butez-moi ! Allez-y ! Finissons-en !
— J’aurais tellement aimé emmener cette Tulipe au port… »
Dans un ultime hurlement, j’attrapai mon arme à feu et j’appuyai sur la clé de détente, l’arme pointée sous mon menton… Mais je n’avais plus de balles.
« Mais la Tulipe est morte maintenant. Nous étions si bien ensemble… Tu me manques déjà… »
         Je me relevai d’un coup et fonçais vers l’un des mutés que je poussai violement, mais il n’eut aucune réaction. Des traits de tristesse se dessinèrent sur les visages copiés de Lucie et ils commencèrent à se disperser lentement…
« Revenez ! Tuez-moi ! Tuez-moi, je vous en prie… »
Je m’effondrai de nouveau.
Allongé sur le dos, je patientai… Longtemps. Mais la mort ne vint pas me prendre. Finalement, en pensant à elle, je m’endormis, puis, je fis un long rêve, incarnant un monstre immonde dans un monde apocalyptique, duquel je ne me réveillasse jamais…
N. A. Colia
Nouvelle du : 15-16-17/10/22
Défi : Ecrire une nouvelle à partir d'une image.
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elevagedubellay · 2 years
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Haria en patronne (1ère)
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Victoire d'Haria du Bellay ce dimanche 7 aout à Enghien. Partie prudemment elle a fait quasiment toute la course nez au vent ( heureusement à un rythme raisonnable) avant de faire une ligne droite de patronne sur le pied de 7.Bravo à Thierry Cattan, Severine Raimond et Alexandre Abrivard pour ce nouveau succès parisien avec la fille de Palika du Bellay! VIDEO
A noter également la sixième place d’Haïda qui court mieux que son classement ne l’indique et sera à suivre à sa prochaine sortie.
La belle dynamique de nos élèves se poursuit pour notre plus grand plaisir!
Dimanche à Aix le Bains, Icare du Bellay était à la lutte pour les places à 200m du poteau lorsqu’il a fait la faute. On le suspecte de se moquer du monde....
A VENIR
Lundi 8 aout aux Sables d’Olonne, Jet set du bellay sera opposée à des mâles, le podium serait donc une très bonne surprise.
Mardi 9 aout, Go for Bellay a eu un peu de temps pour se remettre de son marathon du mois de juillet.
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ikaroux · 3 years
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Xiao x Lecteur (F) : Qui es-tu? (Part 1)
Note de l'auteur:  Comme pour Diluc, je compte faire plusieurs chapitres décrivant la relation de Xiao avec le lecteur. Je veux un Xiao doux  <3  et puis quand on a Matsuoka Yoshitsugu comme seiyuu, comment peut on ne pas l'aimer ?! (même si ça sera sûrement compliqué pour lui de comprendre les émotions qui le traversent !).
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Qui es-tu?
Le dernier gardien Yaksha était effondré au sol, blessé, épuisé. Son dernier combat contre les ténèbres avait duré une bonne partie de la nuit, alourdissant davantage le karma du jeune homme aux cheveux sombres parsemés de mèches émeraude. Les voix de ceux qu'il avait tués embrumaient son esprit, causant d'atroce douleur à son âme et son corps. Allongé sur le ventre incapable d'ouvrir les yeux, sa main chercha difficilement sa lance de jade ailée tombée à terre avec lui. Un gémissement de douleur racla sa gorge au mouvement.
Le jeune homme sursauta brièvement en entendant des bruits de pas approcher de lui rapidement, sentant des mains saisir ses épaules pour le retourner prudemment. Il tenta à nouveau d'ouvrir ses yeux, sa vision était floue et brumeuse. Il n'arrivait pas à distinguer les traits de l'humain qui l'avait saisi, sentant simplement sa main caresser avec douceur ses cheveux dans une tentative d'apaisement. La voix qu'il entendait l'appeler avec inquiétude ressemblait à celle d'une femme, douce et chaleureuse.
Une lumière apaisante enveloppa la jeune femme, le garçon ne comprenait pas ce qui se passait car dans la seconde qui suivit, son corps s'allégeait, ses douleurs s'évaporaient, rêvait-il ? Bien que sa vision soit toujours floue, il réussit néanmoins à distinguer un peu mieux les contours de la jeune femme aux longs cheveux (couleur).
« Qui es-tu? »
Sa voix était marquée par la fatigue. Il réussit à distinguer un fin sourire sur le visage de sa sauveuse. Il répéta plus faiblement:
« Qui es-tu... ? »
Ses yeux s'affaissèrent, la forme éthérée de la jeune femme lui rappelant des souvenirs lointains, une chaleur soudaine fit irruption dans son cœur. Des larmes perlèrent dans le coin de ses yeux.
« Gui...zhong ? »
Le paysage autour de lui s'assombrit, le menant tout droit dans une douce torpeur.
Xiao se réveilla en sursaut. Où était-il? L'auberge Wangshu ? Oui, il reconnaissait ses appartements, mais comment était il arrivé jusqu'ici? Il se souvenait encore de son combat contre la horde de monstres qu'il avait terrassé. Il leva sa main droite vers son visage, l'examinant de plus près. Il n'avait plus aucune blessure, plus aucune douleur ce qui le ramena à la jeune femme qu'il pensait avoir vue. Avait il halluciné ? L'avait elle vraiment soignée? Tout lui paraissait flou. Il se leva du lit sans difficulté, se dirigeant directement vers le balcon qui se trouvait au dernier étage de l'auberge. Il observa les alentours, espérant trouver la femme qui l'avait aidé. Le soleil commençait à se coucher, il avait donc passé la journée à se reposer ici. C'était inhabituel pour lui, n'étant pas humain il n'avait donc pas les mêmes besoins qu'eux, dormir, manger, vivre avec autrui, tout ça lui paraissait ridicule. Il s'en voulait presque d'être resté inconscient si longtemps, frappant l'une des colonnes en bois du balcon. Xiao s'en retourna, se dirigeant vers les escaliers, descendant rapidement les marches pour rejoindre l'aubergiste de Wangshu, Verr Goldet.
« Verr. »
La jeune femme porta son attention sur Xiao.
« Bonsoir seigneur Xiao, vous êtes vous remis de votre dernier combat? »
« As-tu vu qui m'as amené ici? »
Verr ne s'offusqua pas de son ton brusque, secouant simplement la tête pour lui signifier que non. Xiao claqua la langue, agacé. Il avait besoin de savoir qui était cette mystérieuse femme qui avait prit soin de lui. Le souvenir de la chaleur qui émanait d'elle lui serra de nouveau le cœur, ramenant ses pas vers la sortie de l'auberge. Il heurta brusquement un jeune homme aux cheveux blonds, accompagné de son agaçante petite créature.
« Xiao? »
Aether regarda Xiao avec de grands yeux ronds, il n'avait pas pour habitude de le voir avec une telle expression. Il était déboussolé, frustré et en colère, voilà toutes les émotions qui traversait le yaksha depuis son réveil.
« Xiao n'est pas de bonne humeur »- Paimon virevolta autour de lui- « Tu devrais venir manger quelque chose avec nous, rien ne vaut un bon repas pour... »
« Je n'ai pas besoin de ça ! »
Paimon sursauta, se cachant derrière Aether. Xiao tenta de se calmer en inspirant un grand bol d'air, passant à côté du voyageur sans dire un mot.
« Attends Xiao! Où vas tu? »
Aether l'arrêta, empoignant son bras sans trop de force pour ne pas le brusquer davantage. Xiao donna immédiatement un coup sec sur son bras pour se dégager, il regrettait ses mots brusques, il détestait ça. Avant de connaître Aether, il n'avait jamais eu besoin de se soucier des autres ni de la façon de se comporter avec eux, il était seul et ça lui convenait. Tout ça était trop... humain pour lui. Lentement, il tourna son regard vers le voyageur.
« Aether je... suis désolé. »
« Xia...! »
Sans dire un mot de plus, Xiao disparut dans un courant d'air.
Lorsque vous aviez débarqué à Liyue depuis votre terre natale, Sumeru, il y a quelques mois de ça, un combat terrifiant s'était déroulé au port de la ville. Un ancien Dieu qui avait été autrefois scellé par le seigneur de la roche s'était libéré de sa prison, tentant par la même occasion de détruire le port de Liyue, fort heureusement il avait été stoppé rapidement.
Depuis ses évènements, vous aviez commencé à voyager sur les terres du géo archonte, étudiant la faune et la flore locale. Les fleurs vous avaient toujours fascinées, leurs formes, leurs odeurs, leurs significations ou leurs bienfaits, vous étudiez absolument tout, notant et dessinant dans un carnet tout ce que vous croisiez.
À Sumeru, vous aviez rejoint la prestigieuse académie de magie pour y perfectionner votre art et approfondir vos connaissances. Plus d'une fois vos professeurs vous ont répété que votre manipulation de votre vision dendro était exceptionnelle, certaines cités états cherchant déjà à vous recruter en tant que chercheuse ou soigneuse, mais vous aviez toujours refusé, préférant rester libre de vos mouvements. Une fois vos études terminées, vous avez rapidement décidé de quitter votre patrie, souhaitant apprendre davantage de vos voisins. Vos pas vous menèrent finalement à Liyue.
Vous étiez partie très tôt ce matin, vous dirigeant vers la forêt de pierres Huaguang depuis le marais Dihua. En chemin, vous aviez croisé un jeune homme grièvement blessé portant des tatouages couleur émeraude sur lui. Son visage, malgré les blessures, était magnifique et lorsqu'il avait ouvert ses yeux, la couleur ambre vous avait immédiatement fascinée. Vous ne pouviez pas le laisser comme ça, blessé et meurtri, faisant appel à votre vision dendro pour le soigner. Lorsque vous l'utilisiez, elle projetait sur vous une aura couleur jade et une zone fleurie poussait autour de vous, libérant l'énergie qui vous permettait de soigner les blessures, même les plus profondes. Il avait tenté à plusieurs reprises de vous demander de vous identifier, ce que vous aviez fait, mais la fatigue apparente du jeune homme avait fermé ses sens.
Guizhong, voilà la dernière chose qu'il vous avait dîtes. Qui était-ce? Il vous semblait pourtant avoir déjà lu ce nom dans un des livres que vous aviez empruntés à l'académie. Vous n'aviez pas pu lui demander, la fatigue l'emportant loin de vous. Vous saviez que non loin se trouvait une auberge, ça allait être difficile mais vous deviez l'y emmener pour qu'il puisse se reposer. Lorsque vous l'avez relevé, entourant son bras autour de vos épaules pour le soutenir, sa lance posée au sol disparu d'elle-même. Vous aviez ajusté votre prise avant de commencer votre marche.
Après plusieurs minutes à vous remémorer ces évènements, vous remarquiez que vous étiez enfin arrivé devant les hautes falaises d'Huaguang. Prenant votre courage à deux mains, vous vous préparée mentalement pour escalader la falaise. Là haut se trouvait une fleur que vous souhaitiez absolument étudier, la fleur de Qingxin. Elles poussaient exclusivement sur les plus hauts sommets de pierre, évitant chaleur et humidité, une fleur solitaire et difficile à atteindre.
« Ça va aller ! »
Vous retroussiez vos manches, posant vos pieds et vos mains là où ils pouvaient s'accrocher, lentement vous avez commencé votre ascension.
La nuit était tombé sur les plaines de Liyue et c'est au sommet du pic de Qingyun que le Yaksha s'était réfugié, observant les étoiles plus brillantes que jamais. Assis au bord de la falaise, le souvenir de la jeune femme le hantait. La douleur dans sa poitrine lui fit serrer les poings, jamais il n'avait ressenti ça, il ne savait même pas quel nom mettre sur ces sentiments. Xiao était un adepte vieux de millier d'années, les sentiments humains ne le concernaient pas, alors pourquoi? Pourquoi une telle souffrance à la simple pensée d'une... inconnue? Mais était ce vraiment une inconnue? Cette femme lui avait rappelé une ancienne amie, Guizhong, morte durant la guerre des archontes. Pouvait elle être revenue sous une forme éthérée? Ou peut être était ce un nouveau tour que les démons avaient trouvé pour le torturer un peu plus.
Au loin, Xiao aperçut une faible lumière couleur jade provenant de la forêt de pierres d'Huaguang. Il écarquilla les yeux, se souvenant de cette lueur qui lui avait sauvé la vie. Son cœur se mit à battre furieusement dans sa poitrine.
« C'est... impossible... je t'ai trouvé. »
Sa voix tremblait à la vue de la douce émanation. Elle le réchauffait, l'apaisait, les voix qui constamment le martelaient se turent et son corps habituellement douloureux était désormais léger. Enfin il comprit son obsession pour vous, lorsque vous l'aviez soigné plus tôt ce matin, un lien entre vous s'était établi, un lien aussi fort que celui qui l'unissait à Morax pour qui il vouait le plus grand respect et la plus grande dévotion.  Xiao se leva, regardant dans la direction où vous vous trouviez. Il disparut dans le souffle du vent.
Vous étiez enfin arrivé en haut de la falaise, repérant tout de suite deux-trois fleurs de Qingxin. Vous vous êtes immédiatement agenouillée au côté de l'une d'elles, sortant votre carnet et votre crayon. Vous commenciez à dessiner cette fleur magnifique sous toutes ses coutures, notant ici et là les caractéristiques que vous pouviez observer. Satisfaire de tout ce que vous aviez pu voir, vous vous êtes enfin tourné vers le paysage plongé dans l'obscurité de la nuit. Le ciel de Liyue était parsemé d'étoiles qui brillaient de mille feux. Assise en tailleur au centre du sommet de la falaise, votre regard c'est de nouveau tourné vers les fleurs de Qingxin, vous rappelant soudainement le jeune homme que vous aviez secouru. Lorsque vous aviez plongé votre regard dans le sien, ses yeux vous paraissaient si tristes, si seul. La douleur qui semblait émaner de lui vous avait heurté au plus haut point.
Vous détourniez de nouveau votre attention pour la diriger vers les étoiles. Votre esprit était obnubilé par ce garçon et c'est en pensant à lui que vous commenciez à chanter un ancien poème de Sumeru. Les paroles, bien que chanté dans votre langue natale, étaient à n'en pas douter triste et mélancolique. Vos mains se placèrent devant vous, paumes vers le ciel, les yeux clos, activant ainsi votre vision dendro. Un cercle vert jade encercla toute la surface de la falaise, des particules de lumière s'échappant du sol. Peu à peu, des fleurs bleues luminescentes commençaient à pousser autour de vous, suivant le rythme de votre chant.
Ce fut un violent courant d'air qui vous coupa, ouvrant vos yeux de surprise. Vous sursautez lorsque vous constater que devant vous se tenait le jeune homme aux yeux ambrés. Il était essoufflé, raide comme un piquet, ses yeux ne quittant jamais les vôtres. Quelque chose en lui vous paraissait différent de ce matin, dans ses yeux vous pouviez y voir... de la paix? Il s'approcha prudemment de vous, s'agenouillant devant vous pour se mettre à votre hauteur. Il prit l'une de vos mains dans la sienne, la serrant délicatement. Les particules que vous aviez créées virevoltaient autour de vous, illuminant la scène. Votre cœur battait la chamade maintenant qu'il était en face de vous, vous le trouviez encore plus séduisant sous la lueur de la lune. Ses yeux brillaient d'un éclat incroyable, ses tatouages luisaient eux aussi d'un doux éclat émeraude.
Votre voix, votre apparence, tout lui semblait doux à ses yeux, rien d'étonnant à ce qu'il vous confonde avec Guizhong, vous lui ressembliez sous certains aspects.
Ses lèvres tremblaient légèrement alors qu'il continuait d'examiner votre visage, une question semblait vouloir franchir le seuil de ses lèvres. Sa main libre monta jusqu'à votre visage, plaçant l'une de vos mèches derrière votre oreille.
« Qui es-tu? » -Son ton était plus brutal qui ne l'avait voulu.-
Vos yeux s'écarquillèrent à la question. Bien sûr vous n'aviez pas pu vous présenter ni apprendre qui il était, son nom, ce qu'il faisait. Vous vouliez tout savoir de cet homme qui avait marqué votre cœur. Voyant que vous ne répondiez pas, il reposa sa question dans un doux murmure, vous faisant rougir.
« Qui es tu? »
« (V/n)... »
Et pour la première fois depuis votre rencontre, un sourire étira ses lèvres, un silence accompagnant votre réponse. Son sourire disparut aussi rapidement qu'il était apparu, sa main  lâcha la vôtre.
« Xiao. »
Vous le regardiez intensément, le visage complètement rouge alors qu'il se redressait sur ses jambes.
« Tant que tu seras à Liyue, je te protégerais. Appelle-moi et je serais là dans la seconde qui suit.»
Vous avez lentement hoché la tête, fasciné par cet homme qui n'avait décidément rien d'humain. Il vous observa encore quelques secondes, ses yeux envoûtés par votre présence avant de disparaître comme il était apparu...
« Xiao... »
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luma-az · 4 years
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Permaculture
Lorsque la graine de tomate donna une petite feuille, puis deux, puis trois, pointant timidement au-dessus de la terre, elle découvrit loin au-dessus d’elle un colosse, un véritable géant végétal, quasiment un arbre à cette échelle. Le plant nouveau-né s’en tint prudemment à l’écart – autant que sa petite tige le lui permit. Il était effrayant, celui-là.
Petit à petit, le plant de tomate grandit, tout comme son immense voisin, et comme son minuscule autre voisin : sous ses feuilles, la large verdure de feuilles de courge commençait à s’étaler au sol, tandis que tout là-haut, une immense fleur se mit éclore au sommet du tournesol. Celui-ci faisait moins peur au pied de tomate, qui s’était peu à peu habitué à sa présence aussi imposante que silencieuse. Heureusement, car leurs destins se retrouvèrent littéralement liés lorsqu’on les attacha l’un à l’autre.
Très gênée, le pied de tomate tenta d’expliquer au tournesol qu’il n’y était pour rien ! Oui, ça devenait de plus en plus dur, ces derniers temps, de soutenir ses propres tiges. De minuscules tomates commençaient à pousser et l’alourdissaient considérablement. Mais quand même, hors de question de se plaindre ni de se laisser aller !
L’autre lui répondit simplement :
— Laisse-toi faire.
— Mais non, je ne peux pas m’appuyer comme ça sur toi, enfin !
— Mais si. Regarde comme je suis grand et fort, alors que tes tiges ploient sous le poids des feuilles. Tu imagines quand tes fruits seront mûrs ! Et puis, je suis là pour ça.
— Mais toi, tu n’auras pas de fruits ?
— J’aurais mes graines sur la tête, mais ça ne change rien. Allez, appuie-toi ! »
Le plant de tomate leva la tête et vit, tout là-haut au sommet, un sourire timide mais amical, le sourire du tournesol. Alors il accepta et posa enfin son fardeau.
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joaniepencil · 3 years
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Voici ma première fic!
Résumé :Billie Morgan une jeune femme sourde rencontre le capitaine James Syverson lors d'une prise d'otage.
Warning violence!
Pleins de guimauve à venir.
P.S je ne suis pas sourde moi-même. Soyez indulgent svp😟
P.p.s je fais sûrement des fautes d'orthographes désolée!
Fanatique de Muffin
Chapitre 1
-Tu aurais du m’écouter et prendre un taxi plutôt que me demander de conduire. Maintenant on va droit sur un barrage!
Billie Morgan conduisait la petite berline familiale de sa meilleure amie Jane Simons. Avec toute une bande de copine, elles avaient décider de faire une virée en ville pour célébrer le mariage prochain de Jane. La belle blonde avait bu plus que de raison, pendant toute la soirée. Billie s’était contenté de quelques verres seulement.
Elle n’aimait pas boire trop. Malheureusement elle se retrouvait coincé à conduire en pleine nuit. Un barrage routier était érigé plus loin sur la route qu’elles devaient emprunter. Elles ne pouvait pas reculées maintenant. Une longue file de véhicules c’était formé derrière elles.
Billie suait a grosse goutte elle espérait vraiment que les policiers les laisse passer. Elle ne comprenait pas pourquoi il y avait un barrage routier en pleine nuit au milieu de nulle part sur une autoroute sans éclairage.
Jane ronflait comme un hippopotame affalé sur le siège arrière. Elle n’avait conscience d’absolument rien. Elle avait bu des cocktails toute la soirée et dansée jusqu’à en prendre haleine.
Billie avança doucement dans la file d’attente, elle mourrait de nervosité. Quand elle arriva près du barrage, son cœur menaçait d’exploser dans sa poitrine. Plusieurs policiers faisaient le tours des véhicules et cherchaient visiblement quelques choses. Ils faisaient ouvrir tous les coffres de voitures et braquant leur grosses lampes touches en inspectant l’intérieur. Plus elle s’approchait plus elle avait peur. Les policiers étaient lourdement armés. Il portait des gilets par balles et de gros fusils. Quand ce fut son tour, elle eut toute les peines du monde a ouvrir la fenêtre. Elle ne trouvait pas le bouton de la fenêtre.
On lui braqua une lampe torche dans le visage. Complètement aveuglée elle ne voyais pas le ou la policière qui devait, inévitablement, lui parler.
-Sil vous plait ne me braquer pas votre lampe devant le visage je ne vous comprends pas…. Elle vit qu’on faisant le tour du véhicule, les lumières se braquèrent sur Jane qui dormait derrière.
Elle leva le bras pour ne plus avoir le faisceau lumineux directement dans les yeux mais son geste dû être mal interprété. En un clin d’œil, la portière s’ouvrit et elle fut tirer sans ménagement hors de la berline.
Billie mourrait de peur et tremblait comme une feuille. On l’a mit face contre le véhicule. On l’a fouilla sans son consentement passant des mains indélicates sur son corps, elle tenta de s’expliquer et dit.
--Je suis sourde je ne vous comprends pas… Rien ne changea on continua de la fouiller et fouiller le véhicule. On lui passa les menottes brutalement. Elle hurla totalement terrorisée et frustrée d’être traiter comme une criminelle.
-Je suis sourde bon dieu je ne vous entends pas ! Je n’ai rien fait de mal!! Je suis la sœur de l’enquêteur Luke Morgan putain! Elle était dans la nuit noire, elle avait froid dans sa petite robe marine et elle avait peur, elle ne comprenait pas ce qu’on lui voulait. On l’a maintenait les bras dans le dos, on l’a poussait sur le véhicule. Puis la pression dans son dos se relâcha. Une main large se posa sur son bras nu et la retourna, quelqu’un lui braquant de nouveau la lampe torche dans le visage. La lumière l’aveuglait.
-Je lis sur les lèvres, je ne vous entends pas si je ne vous vois pas… s’il vous plaît… . La lumière aveuglante se retourna puis enfin elle vit un visage.
Un homme barbu s’éclaira le visage.
-Vous me comprenez maintenant?
- Oui. Elle tremblait comme une feuille. Elle fit un effort surhumain pour ne pas baisser les yeux. Cet homme était immense et large comme une montagne. Il ne l’a retenait pas mais elle n’osait bouger, coincée entre lui et la voiture. Il ne la touchait pas non plus mais se tenait très près d’elle.
-Votre nom s’il vous plait?
-Billie Morgan… Je n’ai rien fait de mal, pourquoi j’ai des menottes?
-Pourquoi il y a une personne inconsciente dans votre véhicule? Où sont vos papiers?
Billie tremblait comme une feuille et ce colosse ne l’aidait en rien. Une larme coula sur sa joues, son cœur battait à toute allure.
-C’est ma copine Jane elle a trop bu. Je la ramène à la maison…
-Avez-vous bu? Vos papiers? Elle secoua la tête.
-Un verre ou deux maximum…pendant la soirée. Mes papiers sont dans mon sac sur le siège passager. Il tourna la tête et dit quelque chose à un autre policier qui fouilla la voiture. Il lui tendit ses cartes d’identités. Jane dormait toujours à point fermé et ronflait allègrement les jambes largement écartés sur le siège arrière.
Il regarda brièvement son permis de conduire puis son visage. Il retourna la carte. Il ramena la lumière sur son visage.
--Vous ne devez pas conduire la nuit. Pourquoi vous avez prit le volant quand même ? Billie pointa de la tête Jane.
-Je ne pouvais pas la laisser comme ça! J’ai conduis doucement. On est presque arrivé… Sa voix craqua. Je n’ai rien fait de mal. Pourquoi je porte des menottes? Il fit un geste vers un autre homme qui lui tendit la clé.
-Retournez-vous. Il la détacha avait de la retourner une nouvelle fois beaucoup plus délicatement. C’est bon, conduisez prudemment.
Elle remonta dans le véhicule et démarra en tremblait. Qu’est ce que c’était que ce bordel? Elle n’avait même pas eu de contravention! Luke pourrait lui dire ce qui ce passait. Elle parcouru les derniers kilomètres qui la séparait de la maison de Jane. Pourquoi elle avait louer une chalet dans le fond du cul du monde! Elle envoya un message à son jumeau en arrêtant la voiture.
Billie : Pourquoi il y a des policiers partout? Je suis tombé sur un barrage en allant au chalet de Jane.
Avec difficulté, elle réussit à faire rentrer une Jane totalement imbibée dans sa maison de campagne. Heureusement elle n’avait pas besoin de la monter à l’étage. Elle l’a borda sur le canapé du salon et attendit des nouvelles de son frère.
Il lui renvoya un message une bonne vingtaine de minutes plus tard.
Luke : Tu es à New Heavan ??? Tu aurais dû aller chez nous. Il allait lui faire une de ses crises.
Billie :Jane voulait vraiment venir ici. On en reparlera. Tes collègues ne sont pas très gentil ils m’ont tirer hors de la voiture et mis les menottes. Qu’est ce qui ce passe?
Son téléphone se mit à vibrer. Luke voulait lui parler en appel vidéo. Il était furieux mais pas que. En arrière plan elle voyait son bureau au poste de police, c’était le branle bas de combat, des hommes en uniforme allaient et venaient dans tous les sens.
-Tu as conduis? Elle hocha la tête. Tu vas bien? Elle hocha de nouveau la tête. Son expression changea il semblait soulagé. Une femme blonde et un bébé ont été enlevé par un fou dangereux près de chez Jane. Verrouille bien toute les portes. Sois prudente. Elle hocha de nouveau la tête. On se parle demain. Je t’aime.
La communication coupa. Billie passa une bonne partie de la nuit à se ronger les ongles en faisant le tour des fenêtres. Elle n’aimait pas être aussi loin de la ville la nuit. Elle détestait l’obscurité et autour de la maison de location de Jane il n’y avait que des arbres et aucuns éclairage. Elle fini par s’endormir assis sur le tapis près de Jane.
Une rude gifle la réveilla abruptement elle tomba face contre terre sur le tapis. Complètement sonné elle ne comprit pas tout de suite ce qui ce passait. Sa joue brûlait sur le tapis. On l’a releva en la tirant pas les cheveux. Une douleur brûlante se diffusa dans son cuir chevelu. L’homme lui donna un violent coup de poing sur la mâchoire. Elle vit 36 chandelles danser devant ses yeux, le goût du sang se répandit dans sa bouche. Quand elle pu revoir correctement elle vit le canon d’une arme à moins de 10 cm de son visage. L’homme derrière le fusil semblait hurlé.
-Hé ! Tes réveiller salope ! Où sont les clefs de ta caisse?
Billie se rendit compte avec horreur qu’un homme les avait séquestrer dans la maison. Elle vit Jane recroquevillée près de la cheminée serrée contre elle se tenait une jeune femme blonde qu’elle ne connaissait pas assise par terre, elle tremblait de peur son œil gauche était enflé et bleuit elle tenait un bébé qui semblait pleurer.
-Donne lui les clés, articula Jane.
Billie réfléchit à toute vitesse. Son téléphone était par terre près de ses fesses. Le détraqué avait l’air complétement fou, il regardait nerveusement Billie, Jane et la jeune femme. Il était nerveux et criant après la jeune femme des choses que Billie ne comprenait pas. Elle savait une chose, si cet enfoiré partait il y avait de grande chance que cela finisse mal. Elle devait retenir se monstre le temps que la police les retrouve.
--Vous ne pouvez pas partir comme ça. Il y a des flics partout dans le coin.. Il détourna la tête et hurla quelque chose à la fille que Billie ne comprit pas mais au moins il recula de quelques pas assez pour que Billie puisse appuyer sur la touche recomposition de son téléphone. Elle espérait de toutes ses forces que Luke allait répondre et comprendre ce qui ce passait. Elle poussa son téléphone sous le sofa pour éviter que le ravisseur ne le voit.
-Pourquoi vous êtes venu jusqu’à New Heavan?
Dix minutes plus tard, à 20 km de là le téléphone du Capitaine James Syverson sonna furieusement. Il répondit rapidement.
-Capitaine on l’a retrouver. Je vous envoie l’adresse dans le gps. Lui dit la répartitrice. Il a prit deux autres otages, deux femmes. La fiancée et la sœur de l’enquêteur Morgan. On a la sœur de Morgan en ligne.
-Fuck! Dit il en appuyant plus fort sur l’accélérateur de sa camionnette Ford. Est qu’on peut avoir plus de précisions, la sœur de Morgan peut elle nous en dire plus. Est-ce qu’il est armé?
-Billie Morgan est sourde impossible de communiquer avec elle. Elle fait de son mieux capitaine. On sait qu’il est tout seul avec les trois femmes et le bébé. On entend le bébé pleurer.
Syverson négocia une courbe en faisait valser le derrière de son camion. Il vola sur une bute. Pas question que cet enfoiré s’en prenne à trois femmes et un bébé.
Deux minutes plus tard il arrivait près des lieux suivit des trois autos patrouilles.
Il gara son camion a trois maison de la pour éviter d’alarmer le fou furieux. Pendant que l’équipe se préparait à passer à l’assaut, Billie essayait de gagné du temps.
-Pourquoi vous ne prenez pas le temps de manger un morceau. Vous devez avoir faim… Il hurla quelque chose qu’elle ne comprit pas et lui donna un coup de crosse avec son revolver de toute ses forces directement dans les dents. Ses dents de devant se brisèrent en lui blessant les lèvres. Elle tomba au sol une nouvelle fois. La douleur était atroce, sa bouche se remplissait de sang, ses yeux se remplirent de larmes, elle crut qu’elle allait mourir. Elle tourna la tête vers le sofa et murmura : Glock. Je t’aime Luke j’espère que tu m’entends.
Au bout du fil un hurlement de terreur lui répondit en sourdine.
-BILLIE!!! Luke Morgan paniquait, il ne voulait pas l’entendre mourir dans son oreille. Il était en route vers les lieux il avait encore 40 km a faire avant de retrouver sa petite sœur.
-Morgan garder la tête froide! Lui dit Capitaine Syverson. On va la sauver. Il avait eu la communication avec Morgan. Il pouvait donc suivre en temps réel le déroulement à l’intérieur du chalet de montagne et parler au jeune homme. Il pouvait entendre la jeune femme gémir de douleur. Ses hommes étaient prêt à passer à l’action. Elle venait de leur donner un indice crucial. Il avait une arme de poing. Un bébé pleurait en fond sonore. Il donna l’assaut. En une minute ils investirent le petit chalet en bois ronds. Syverson maîtrisa facilement le suspect surpris et le plaqua au sol en une fraction de seconde.
En voyant le visage tuméfier et sanglant de Billie Morgan qui gisait au sol à quelques pas d’eux, Syverson appuya fortement sur les omoplates du fou furieux avec son genou qui grogna de douleur en le traitant de tous les noms.
-Tu mériterais bien pire espèce d’enculer. Il lui passa les menottes et le releva brusquement en le tirant par les poignets menaçant de lui déboîter les deux épaules.
Billie cligna des yeux encore sous le choc. Une policière lui parlait mais elle ne l’a comprenait pas. Elle l’a repoussa en secouant la tête.
Elle avait été soulagée de voir débouler dans le chalet une escouade d'assaut entière. En un battement de cil, le kidnappeur avait été plaqué au sol par un géant. Quand il lui avait passer les menottes, elle avait poussée un sanglot de soulagement.
Elle s’assit tranquillement, indifférente aux policiers qui l’approchait, elle était complètement sonnée. Elle crachat a même le plancher de bois , plusieurs morceaux de dents et beaucoup de sang. Il lui semblait que l’intérieur de sa bouche était déchiqueté. En se brisant ses dents avaient déchirer sa peau à l’intérieur de ses lèvres.
Jane pleurait à chaude larmes toujours recroquevillée près de la cheminée.
La jeune femme et son bébé était déjà au bon soin de l'équipe de secours. Billie essayait de reprendre ses esprits. Le géant qui avait plaqué le kidnappeur au sol se pencha sur elle et capta son regard.
Elle reconnu sa barbe et ses lèvres, c'était le même homme qui lui avait parler au barrage routier.
-Billie? Vous allez bien c’est fini maintenant ça va bien aller. Elle vit de la sollicitude et de l’inquiétude dans son regard bleu cobalt.
Son visage lui faisais un mal de chien.
- Sortir d’ici. …Air. Arriva-elle a dire en se levant lentement. Chaque mot lui faisait mal ses dents brisées écorchaient ses plaies ouvertes. Il prit son bras et l’aida à se relever. La tête lui tourna et le goût du sang lui soulevait l’estomac. Elle avait la nausée, une fois sur pied, elle se rua sur le patio et vomit par-dessus la balustrade. Ses nerfs lâchèrent complètement et elle explosa en larmes. Elle avait eu tellement peur!
Elle sentit qu’on lui mettait une couverture sur les épaules.
Syverson hésita à poser la main sur son dos. Elle avait eu un choc horrible et c’était montrer très courageuse. Il n’eut pas le temps de se poser plus de questions. Luke Morgan déboula sur le patio complètement affolé.
L’un a côté de l’autre, Syverson se rendit compte qu’ils étaient jumeaux. Elle était plus petite mais ils avait le même visage avenant, les même yeux vert, sauf les cheveux Luke étaient châtain coupé court et Billie avait de longs cheveux rouges cerise. Luke prit sa sœur dans ses bras et la serra très fort contre lui.
-Ma petite crotte lui dit il dans les cheveux. J’ai eu tellement peur. Elle le repoussa à bout de bras et vomit de nouveau. Syverson demanda à l’équipe médical d’aller la voir. Elle partie en ambulance 10 minutes plus tard.
Le lendemain, alors qu’elle attendant d’avoir son congé de l’hôpital, elle vit son frère entrée dans sa chambre. Il portait encore son complet d’enquêteur. Il avait passer la nuit avec Jane qui avait subi un choc nerveux.
Billie lui sourit faiblement. On lui avait fait de multiples points de sutures dans la bouche, à l’intérieur des lèvres et dans les joues. Ce salopard l’avait bien amocher. On lui avait donné des antidouleurs mais elle avait quand même mal et un peu honte de son sourire brisé.
-Comment ça va petite crotte? Il lui donna son appareil. Tu l’avais laisser à la maison. Elle signa plutôt que de lui parler.
-Oui je ne voulais pas le perdre. Comment va Jane?
Luke lui sourit doucement.
-Elle va bien. Écoute, je ne suis pas tous seul. Le capitaine Syverson voudrait prendre ta déposition. Si tu te sens prête. Il attend de l’autre côté.
Elle fronça les sourcils.
-Pourquoi tu ne le fait pas toi-même ? Tu es enquêteur…. J’ai une tête atroce! Elle essayait de lisser un peu ses cheveux et replaça ses vêtements. Elle n’avait que sa petite robe marine pleine de sang a ce mettre.
-Non je ne peux pas, il y a conflits d’intérêts. Tu veux que je reste? Elle mit le petit appareil dans son oreille. Elle hocha la tête en le mettant en place. Il épousait la forme de son oreille et ne paraissait presque pas. Pour elle il faisait toute la différence entre le silence complet et un fond sonore.
-Pas question que j’ouvre la bouche ! Tu es prévenu!
Il lui donna un baiser sur le front.
-D’accord petite crotte. Il sortit de la chambre et revint avec le géant qui avait arrêter le détraqué.
Il ne portait plus son gilet par balle simplement un chandail de laine noire juste au corps avec un petit écusson qui disait police sur le côté gauche de sa poitrine. Il était l’homme le plus costaud qu’elle n’est jamais rencontré. Il portait un jeans et un étui à revolver.
Billie remarqua ses beaux yeux bleus et son visage absolument parfait avec cette barbe fournit mais bien entretenu. Quelques boucles brunes lui retombaient sur le front. Il était ridiculement beau.
Billie du se concentrer pour comprendre ce que lui disait Luke.
-Billie je te présente le capitaine Syverson.
-Bonjour, comment allez vous ce matin? Luke ma dit que vous ne souhaitez pas parler directement je comprends mais j’ai besoin de savoir votre point de vu sur ce qui s’est passé hier.
-Bonjour. Signa t elle avec un petit sourire triste. J’ai déjà eu des meilleurs jours. Luke traduisait à mesure et lui serra très fort la main.
Capitaine Syverson parut sincèrement désolé pour elle.
Comment pouvait-on faire une chose pareille à une femme? Elle avait toute la joue gauche bleu et mauve, ses lèvres éclatées étaient enflés bleu, on pouvait voir les points de sutures à certains endroits. Il avait dû la frappé de toute ses forces.
Ce drogué ne perdait rien pour attendre. Sy s’en assurerait. Il fixa son regard sur ses yeux verts.
-Pouvez-vous me dire ce qui s’est passer? Vous permettez que je vous enregistre? Dit il en sortant son portable. Il regarda à la fois Billie et Luke comme il était sa voix. Billie hocha la tête, elle fit signe au capitaine de prendre une chaise et de s’assoir.
--Assoyez-vous capitaine vous la rendez nerveuse. Il s’assit sur la chaise près du lit. Luke se posa sur le pied du lit. Billie s’assit en tailleur, face au capitaine, la couverture d’hôpital la recouvrait jusqu’à la poitrine.
-Merci. Il démarra l’enregistrement. Témoignage de Billie Morgan interprété par son frère Luke Morgan dans l’affaire 84208. Témoignage recueillie par James Syverson. Racontez moi ce qui s’est passer mademoiselle. Billie commença à raconter en le regardant dans les yeux. Elle gesticulait dans tous les sens, ses mains délicates volaient dans les airs avec grâce. Elle le regardait lui, même s’il ne comprenait rien.
-Nous sommes arrivées à la maison de vacances de Jane, vers 2 h du matin. J’ai eu beaucoup de mal à faire entrer Jane, elle avait bu beaucoup! J’ai parler à Luke qui m’a dit d’être prudente. Ce qu’il confirma. J’ai passé la nuit à regarder dans les fenêtres mais je ne voyais rien. Putain ce que je déteste la noirceur.
--Bill je ne peux pas lui dire ça ! Elle haussa les épaules et les sourcils. Sy haussa un sourcil.
-Elle déteste la noirceur. Continue.
-J’ai fini par m’endormir assise près de Jane sur le tapis. Je me suis réveillée quand cette brute m’a mit une claque en plein visage…. Elle raconta dans le détail tout ce qui c’était passé. Luke tremblait de rage. Sa sœur adorée avait subit un calvaire. Elle trembla à quelques reprises et essuya une larme sur sa joue.
Sy était surpris par l’aplomb et le courage de cette jeune femme. Malgré son handicap et sa terreur elle avait réussi à appelé de l’aide et à retenir ce monstre. Elle en payait le prix de ses dents.
--Merci beaucoup Mademoiselle Morgan, votre témoignage va beaucoup nous aider pour le procès. Une dernière question, est-ce que je peux prendre une photo de vos blessures?
Elle regarda Luke affolée elle lui dit quelque chose à toute vitesses. Il lui répondit tout aussi vite. Elle secoua vivement la tête.
-Bill arrête de faire ta princesse bon dieu! Sy attendant patiemment le dénouement de cette discussion animé. Il ne comprenait rien du tout mais Billie semblait avoir du caractère. Il l’entendit grogner à quelques reprises. Elle se retenait de parler.
-Désolé, capitaine cette tête de mule ne veux pas ouvrir la bouche. Vous pouvez prendre sa joue mais pas les dents. Sy hocha la tête, il se leva et prépara son téléphone, elle ne le quittait pas des yeux. Il s’approcha du lit pour avoir un meilleur angle. Billie eut une bouffée de son parfum subtil, il sentait terriblement bon un mélange de poivre, de menthe et de savon à linge. Il se pencha sur elle. Sa mâchoire était rouge, bleu et noire. Elle continuait de le fixer.
-Regarder devant vous s’il vous plait. Elle tourna la tête et fixa devant elle. Sy ouvrit l’appareil photo de son portable. Il prit quelques clichés avant de replacer délicatement une mèche de cheveux rouge derrière son oreille. Il vit son petit tatouage juste sous l’oreille. Un petit icône de haut-parleur avec une croix dessus. Le signe évident de sa surdité. Luke grogna quand il le vit toucher sa sœur. Sy haussa un sourcil vers le jumeau.
Il prit quelques nouvelles photos. S’il voulait envoyé se trou de cul à l’ombre pour longtemps il devait voir ses dents. Il en avait eu un très bref aperçu quand il l’avait vu dans le chalet et ce n’était pas beau à voir.
-Billie, ce serait vraiment mieux si je pouvais voir vos dents également. Plus nous avons des preuves contre lui, plus longtemps il va rester en prison. Vous ne voulez pas que quelqu’un d’autre subissent la même chose?
Elle secoua la tête. Elle baissa la tête elle essuya une petite larme. Elle hocha la tête et dit à son frère.
-Sort d’ici s’il te plaît. Je ne veux pas que tu vois ça.
-Ne sois pas ridicule voyons !
-Sil te plaît sors d’ici. J’ai la gueule comme du steak haché je ne veux pas que tu vois ça. Sort sinon rien…
--Parfait! Je vous laisse Capitaine. Ma sœur à peur pour ma sensibilité je crois. Je vais être à côté.
Une fois qu’il eut quitter la chambre, Billie essaya de ne pas se mettre à pleurer. Ses lèvres douloureuses tremblaient.
Sy lui sourit doucement. Il attendait qu’elle soit prête, il lui dit avant de lui mettre l’appareil devant le visage.
-Quand vous êtes prête montrer moi tout ce dont vous êtes capable. Dents, gencive, lèvres. Tout. Ok ?
Elle hocha la tête. Il tenta de demeurer le plus impassible possible quand elle entrouvrit les lèvres. Il commençait à la mitrailler de photos.
Elle avait eu raison de demander à Morgan de sortir. On aurait crut qu’elle avait tenu une grenade avec ses dents et l’avait laisser exploser.
Toutes ses dents de devant étaient cassés en morceaux plus ou moins pointu. Elle devrait inévitablement se les faire retirer. L’intérieur de sa lèvre inférieure était maintenant pleine de sutures. Sa joue gauche également. Ses lèvres avaient éclatés sous les coups. Elle était enflée de partout. Heureusement sa langue semblait correcte. Il déposa son portable et la regarda un instant. Elle avait la tête baissée, des larmes coulaient sur ses joues.
Sy avait vu quelques photos d’elle sur le compte Instagram de Morgan. Elle était une très belle jeune femme. Elle souriait toujours de ses belles dents blanches un peu imparfaites.
Il lui tendit un mouchoir. Elle essuya ses yeux.
Sy posa la main sur son bras et chercha son regard.
-Il ne s’en sortira pas de sitôt je vous le promets.
Grayson Jones fut jugé coupable d’enlèvement, de séquestration et coup et blessures. Il finit en prison pour 10 ans. Billie su par l’entremise de son frère que Jones s’était fait tabasser sévèrement en arrivant dans l’établissement pénitentiaire.
Billie quant à elle subit plusieurs interventions dans la bouche. Il lui fallut près de 3 mois pour ravoir un sourire normal.
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misskittyspuffy · 4 years
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{Infiltré} Chapitre 3 - Première offensive
Couple : Buffy/Spike
Localisation : Post-série (post-Chosen 7x22, post-NFA, 5x22)
Résumé : Un nouvel ennemi fait son arrivée à Sunnydale. À la tête d'une organisation de vampires particulièrement puissante et bien structurée, il semble avoir des choses à régler avec la Tueuse, qui est devenue sa première cible. Afin de leur permettre de riposter, le Scooby est alors contraint d'infiltrer Spike dans leur organisation.
Lien Ao3 - Chapitre 1 - Chapitre 2
Note : cette fanfiction prend place après la fin des séries Buffy et Angel (environ un an et demi après la fin d'Angel). Spike est bien mort en se sacrifiant, et il est revenu à Wolfram & Hart dans un premier temps, avec la Angel Team, la seule différence est que Sunnydale n'a jamais été détruit, seul le lycée l'a été. Buffy & co continue donc de vivre dans la maison Summers, et Spike a fini par rejoindre sa Tueuse.
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CHAPITRE 3 - PREMIÈRE OFFENSIVE
« Pose le pied sur cette pédale… »
« Laquelle ? »
« Celle de gauche. »
« Comme ça ? »
« Exactement, Globule. »
Au volant de la voiture de sa sœur, Dawn se formait à la conduite avec Spike. Plusieurs jours, voire semaines, seraient nécessaires pour parfaire sa pratique. Pour ce premier cours, le vampire avait choisi le parking du supermarché voisin, qui était désert à cette heure de la nuit.
« Maintenant, lève la pédale, tout doucement, et la voiture va…- »
Le véhicule s’était mis légèrement en mouvement, avant de prendre un rythme saccadé et de caler.
« Oups, » dit Dawn en tournant une petite moue désolée vers le vampire blond.
« C’est pas grave, les débuts ne sont jamais simples. On reprend ! »
« Comment t’as appris à conduire d’ailleurs ? » s’interrogea Dawn, les sourcils froncés.
« Huh ? »
« Je veux dire, t’es né au dix-neuvième siècle, les voitures n’existaient pas encore. Comment ça s’est passé ? Comment t’as appris ? Surtout en étant maléfique ? »
Spike haussa une épaule. « Foncer dans le tas, il y avait que ça de vrai… En tant qu’êtres maléfiques, on s’embarrassait pas trop du Code de la route pour tout te dire, et le reste venait naturellement. »
« Je vois… »
« Mais, maléfique ou non, je suis sûr que j’ai calé aussi dans les débuts, » ajouta t-il en haussant un sourcil.
Dawn fit une petite moue. « Tu dis ça pour me rassurer ? J’ai eu moins de mal à apprendre à manier le pieu… »
« Pieuter du vampire ne demande pas autant de subtilité. On reprend ! » finit-il en se recentrant sur leur tâche.
Il avait le regard fixé sur les pédales du côté du siège conducteur.
« Euh, Spike ? »
« Hmm ? » réagit le vampire d’une voix distraite en relevant le regard vers elle.
Le regard de Dawn était dirigé vers l’extérieur ; elle avait ouvert de grands yeux ronds. Quand le blond y prêta attention à son tour, il réalisa que des ombres noires les entouraient. En analysant la situation d’un peu plus près, Spike réalisa qu’il s’agissait de vampires.
« Ok, ça sent pas bon… »
« Qu’est-ce qu’on fait ? » demanda Dawn légèrement paniquée, tout en ayant le réflexe de verrouiller les portes de la voiture.
« Ils sont trop nombreux, on n’y arrivera pas à nous deux, on n’a pas ce qu’il faut. Fonce. »
« Foncer ? Mais comment ? »
Le vampire blond activa la boîte automatique.
« La pédale de droite. Appuie à fond dessus ! »
La jeune Summers s’exécuta et la voiture percuta de plein fouet trois des vampires qui se trouvaient devant le capot. Dawn tourna le volant en direction de la route, qui était heureusement déserte. Le groupe de vampires tenta de se lancer à leur poursuite, mais fut contraint de renoncer face à la vitesse avec laquelle le véhicule s’éloignait.
***
Buffy avait eu une longue journée. Être conseillère d’orientation au lycée de Sunnydale avait parfois des aspects plus éreintants que la chasse aux démons et aux vampires. C’est donc avec un plaisir non dissimulé qu’elle avait finalement quitté son bureau, à une heure relativement tardive.
Elle éteignit la lampe de son bureau, ayant fini de compléter son dernier rapport, qu’elle venait de ranger dans un tiroir. Elle rassembla ses affaires et prit la direction de la porte, se retrouvant à parcourir les couloirs du nouveau lycée d’infortune. Suite à la destruction de la Bouche de l’Enfer, l’ancien établissement avait été englouti dans l’immense gouffre qui avait été causé par le médaillon et le sacrifice de Spike. Avec le retour progressif de la population une fois l’Apocalypse surmontée, la nouvelle Maire de Sunnydale —Cynthia Clarison— avait fait le choix de convertir un ancien hôpital en lycée, afin de pourvoir à l’éducation des centaines d’élèves de la ville. Ce n’était pas le grand luxe, mais cela faisait l’affaire le temps des travaux.
Sur le chemin de la maison Summers, la jeune femme se figura le plaisir qu’elle prendrait à s’envelopper dans une couverture, une tasse de thé fumant à la main, à regarder un bon film, blottie contre Spike. Mais lorsqu’elle passa le pas de la porte de la maison, elle découvrit son vampire et sa sœur dans le salon, en train de préparer des armes. Un soupir s’échappa immédiatement de ses lèvres. Elle savait qu’elle pouvait dire adieu à ses projets.
« Spike ? » interrogea t-elle en retirant son sac en bandoulière.
« Hey. »
Il se dirigea vers elle et déposa un rapide baiser contre ses lèvres.
« On a un petit commando de vampires qui s’est apparemment formé en ville, » expliqua t-il.
« On n’a pas pu s’occuper d’eux, » poursuivit Dawn. « Ils étaient trop nombreux. »
« On n’avait pas suffisamment d’armes et je ne voulais pas risquer de me laisser déborder et de laisser ta sœur en difficulté, » reprit Spike. « Je voulais qu’on passe te chercher au lycée, mais je me suis figuré que tu serais déjà partie. J’ai préféré qu’on fonce ici. J’ai cru qu’ils se lanceraient à notre poursuite, mais apparemment non… »
« T’as bien fait, » dit-elle en caressant doucement son bras.
Il lui tendit un pieu. « Prête au combat, amour ? »
Buffy hocha la tête. « Laissez-moi deux minutes, le temps de me changer. »
***
Une quinzaine de minutes plus tard, à bord de la voiture de Buffy, ils écumaient la ville à la recherche du groupe de vampires. Sur le chemin, ils étaient passés récupérer Alex, qui s’était également armé en conséquence. Mieux valait être le plus nombreux possible pour faire face à la situation.
« Je crois qu’il va falloir qu’on se sépare… » finit par dire la Tueuse.
« C’est pas comme ça que commencent tous les films d’horreur ? » fit remarquer Dawn d’une voix amusée.
Buffy se tourna vers sa sœur, qui était installée sur la banquette arrière.
« Ah ah, » dit-elle sans y mettre le ton, en lui jetant un faux regard noir.
Le vampire blond appuya la suggestion. « Je pense que t’as raison, il faut qu’on couvre la plus grande zone possible et on est un nombre plutôt limité… »
« Spike et Dawn, vous prenez l’Est de la ville, » lança Buffy. « Alex et moi, on s’occupe de l’Ouest, on va notamment aller faire un tour au Bronze. Les premiers qui les trouvent appellent les autres. Pas d’actes héroïques ! S’ils sont en surnombre, on attend que les autres arrivent. »
Alors qu’Alex et Dawn sortaient de la voiture, les portières claquant derrière eux, Buffy se pencha vers son vampire qui était installé derrière le volant, le regard inquiet.
« Spike… »
« Je sais, » l’interrompit-il, « je veillerai sur elle comme si elle était la prunelle de mes yeux, tu le sais bien, » dit-il en jetant un rapide regard en direction de Dawn qui se trouvait à l’extérieur de la voiture.
Buffy eut un léger sourire. « Ça fait toujours du bien de l’entendre. » Elle approcha rapidement ses lèvres des siennes et y déposa un baiser appuyé. « Sois prudent. »
« Toujours, amour. »
La blonde descendit de la voiture à son tour et sa sœur prit sa place sur le siège passager.
***
Buffy et Alex avaient entamé leurs recherches par les alentours du Bronze. Lors des soirées (notamment d’été) il s’agissait du quartier de la ville le plus fréquenté —mais là où se trouvaient également les proies les plus faciles, en raison de la concentration en grand nombre de personnes en un même lieu. Cependant, à proximité du Night Club, ils furent étonnés par une curieuse absence d’activité.
« C’est un peu trop calme, non ? » demanda le jeune homme consterné.
« Hum, hum, » approuva la Tueuse, sur ses gardes.
Elle jetait des regards méfiants autour d’eux, aux aguets.
« Le Bronze est peut-être fermé ce soir ? »
La Tueuse secoua négativement la tête. « Je ne pense pas, j’ai entendu des élèves parler de s’y rendre aujourd’hui… »
« Mon instinct me dit que c’est louche. »
« Et mon instinct me dit que ton instinct n’a sûrement pas tort, » souligna Buffy.
« On passe par la porte arrière ? » suggéra le jeune homme,
La Tueuse lui indiqua son approbation d’un mouvement de tête et ils contournèrent le Bronze jusqu’à se trouver devant la porte qui jouxtait les bennes à ordures. Prudente, la jeune femme tenta d’ouvrir doucement la porte, et —constatant qu’elle lui résistait— tira finalement dessus d’une main ferme.
« Pratique la force de Tueuse, » marmonna le jeune homme.
Ils pénétrèrent prudemment sur les lieux, qui demeuraient étrangement silencieux. Aucune musique, aucuns échanges. Une seule voix masculine, le ton grave, s’élevait et leur parvenait en un son étouffé depuis leur position. Quand ils approchèrent un peu plus le centre de la piste de danse, ils purent voir une entière armada de vampires qui retenaient en otages l’ensemble des occupants du Bronze, au moins une centaine de personnes. Une quinzaine d’entre elles étaient plus particulièrement tenues à la gorge par les assaillants.
L’un des vampires semblait se présenter comme leur leader. Sa carrure était particulièrement impressionnante, un vrai bloc de muscles mesurant près de deux mètres, ses cheveux bruns taillés courts. Il marchait en rond sur la piste, lancé dans un long discours.
« Vous êtes aujourd’hui les heureux élus ! » dit-il finalement en sautant sur l’estrade, là où les corps des membres du groupe qui se produisait ce soir là au Bronze gisaient au sol, morts.
« Appelle Spike, » murmura Buffy en tendant le téléphone à Alex.
Elle reporta son attention sur la scène qui se déroulait, les traits de son visage durcis par la rage.
***
À l’autre bout de la ville, Spike et Dawn parcouraient en voiture la partie ouest de Sunnydale. Ils venaient de tourner dans un dixième bloc de rues, et trouvaient à chaque fois des quartiers désespérément vides ou à fréquentation normale.
« J’ai l’impression que ça ne donne rien de ce côté là non plus, » soupira la jeune Summers.
Le blond approuva. « Des gars comme eux, c’est pas discret, on les aurait trouvés depuis… »
« Carrément… C’était quand même bizarre, non ? La manière dont ils nous ont entourés ? Les vampires ne font pas ça d’habitude, à moins… »
« … à moins d’avoir un chef et d’agir de manière concertée, » finit Spike en confirmant ce que pensait Dawn.
« C’est pas rassurant… pas rassurant du tout. »
Ils continuèrent de parcourir le quartier jusqu’à ce que Dawn ne réagisse brusquement. « Spike, attends ! Arrête-toi ! »
« Tu as vu quelque chose ? » demanda t-il en constatant que l’attention de la jeune fille était portée sur une ruelle plus spécifique.
« Je crois, oui, » dit-elle tout en descendant de la voiture, que Spike avait ralentie puis arrêtée.
« Dawn ! Dawn !! Attends !! Bon sang, » finit-il en constatant qu’elle courrait déjà en direction de ladite ruelle.
Spike marmonna entre ses dents, descendant à son tour de la voiture et se lançant à sa suite. Arrivés sur les lieux, ils constatèrent qu’une vampire était en train de s’en prendre à un homme. Dawn dégagea la victime de son emprise, et entama le combat avec la vampire par un coup de pied bien placé qui la fit basculer au sol.
« Elle est complètement folle ! Elle m’a mordue, regardez ça, je saigne ! » lança l’homme en se tenant le cou.
« Vu les circonstances, je dirais que tu t’en sors plutôt bien, » commenta Spike en haussant un sourcil. « Sauve-toi ! Passe par l’hôpital, tu as perdu beaucoup de sang, » le conseilla t-il.
Le jeune homme n’attendit pas plus longtemps et prit la fuite en courant.
Spike tenta d’intervenir dans le combat, mais se rendit rapidement compte que la jeune Summers maîtrisait la situation. La petite Dawn n’était plus si fragile ; elle avait gagné en assurance et faisait preuve désormais d’une grande maîtrise.
Alors que le combat se déroulait, occupé à veiller à la sécurité de la jeune Summers, il n’entendit pas son téléphone sonner.
***
Au Bronze, le vampire leader du groupe d’assaillants poursuivait son discours.
« Je sais ce que vous vous dites, vous vous demandez si nous allons faire de vous nos repas du soir, » dit-il en riant. « Ne vous inquiétez pas, nous avons des projets bien plus grands pour vous ! Voyez-vous, il y a une femme en ville, que vous ne connaissez sûrement pas, qui se fait appeler l’Élue. Un peu la grosse tête… » ajouta t-il avec un sourire en coin. « Elle a renversé l’ordre des choses il y a presque trois ans. L’équilibre entre le Bien et le Mal a été rompu, lorsqu’elle a fait le choix d’activer des milliers de Tueuses à travers le monde. Autant de vampires ont depuis péri sous leurs mains… beaucoup plus même. Figurez-vous près de deux milles tueuses, massacrant une dizaine de vampires chaque soir… Le calcul est vite fait. Disons simplement que nous devenons une denrée rare. Il ne sera donc pas surprenant pour vous de nous entendre dire que nous avons bien l’intention de reprendre le contrôle de la situation. Nous sommes quelque peu… rancuniers, » dit-il en accentuant le dernier mot.
Buffy entama un mouvement pour sortir de l’ombre et intervenir, malgré une tentative d'Alex de la retenir —en vain.
« Buffy… Buffy !! » murmura t-il d’une voix pressante. « Je croyais qu’on devait… attendre les autres… »
Les mots moururent dans sa bouche, alors que la Tueuse avançait vers la scène.
« Et pour commencer, nous voulons agrandir nos rangs, » continua le vampire. « C’est là que vous entrez en jeu, chers élus. Ce soir, vous allez renaître ! Ce soir, vous deviendrez vampires. Et nous allons lui faire passer un message à cette monstrueuse idiote. »
« On ne t’a jamais dit que c’était moche les attaques personnelles ?! » intervint Buffy en soupirant. « D’accord, on est ennemis mortels, mais tout de même. »
Elle s’était placée au centre de la piste de danse, affichant ainsi sa présence aux yeux de tous. Elle avait placé ses mains de part et d’autre de ses hanches.
« Les vampires ! » ajouta t-elle avec un soupir. « Toujours à faire de grands discours et toujours à faire faire le sale boulot aux autres. Vous avez un message pour moi ? Dites-le moi en face ! » cracha t-elle durement, en soutenant le regard de son interlocuteur.
Une lueur nouvelle apparut dans le regard du vampire, qui s’imposait comme le chef de la troupe.
« La Tueuse… enfin. Je t’imaginais plus grande, » dit-il en détaillant la jeune femme.
« Ça ne m’a jamais empêchée de botter le cul des connards à dents longues comme toi, » répondit-elle du tac au tac, ne se laissant pas impressionner.
« Je vois que ton sens de la répartie n’était pas qu’une légende. »
Elle croisa les bras. « Une dizaine d’années de pratique, je suis rodée. »
Elle avança un peu plus vers le vampire.
« Vous pensiez vraiment que j’allais vous laisser vous offrir un festin pareil dans ma ville ? Lourde erreur. »
Le vampire sauta de l’estrade, l’air menaçant, et l’approcha rapidement, jusqu’à se tenir à moins d’un mètre d’elle.
« Nos projets sont bien plus ambitieux, Tueuse, » dit-il d’une voix sombre. « Que pensais-tu en venant ici ? Nous sommes trente, tu es seule. Crois-tu vraiment que tu parviendras à tous les sauver ? » dit-il en désignant la centaine d’otages effrayés.
« Elle n’est pas seule ! » émergea la voix d’Alex, qui s’avança vers le centre de la piste, exhibant ses armes. « Et moi aussi j’ai botté mon lot de fesses ! »
« Un ami borgne. C’est tout ce que t’as à nous proposer ? » ricana le vampire.
« Hey ! » s’offusqua Alex.
Buffy et le leader se toisèrent un long moment, le regard défiant. Il finit par reprendre la parole, dans un presque murmure, de sorte à ce qu’elle seule l’entende.
« Tu ne sais pas ce qui t’attend, fillette . Aujourd’hui, nous ne laissons qu’une quinzaine de cadavres derrière nous. Mais demain… demain, nous serons à nouveau légion. Il sera bien plus délectable de te laisser le découvrir. » Puis il reprit à destination de sa troupe de vampires, d’une voix forte : « ON S’EN VA. LÂCHEZ-LES, » dit-il en parlant des jeunes gens retenus par les vampires.
« Mais Patron… » commença à protester l’un d’eux.
« J’ai dit : on s’en va, » cracha t-il d’une voix imposante. « Ils finiront tous par y passer, de toute façon, » dit-il d’une voix provocatrice en reportant son attention sur Buffy.
Quand ils eurent tous quitté les lieux, Buffy et Alex purent enfin baisser leur garde et constater les nombreux dégâts laissés derrière eux. Une quinzaine de cadavres jonchaient le sol et l’estrade du Bronze. S’ils n’avaient pas tué l’ensemble des personnes présentes ce soir là, ils avaient malgré tout perpétré un massacre en bonne et due forme. L’un des plus lourds que Buffy ait connu en ville.
***
Deux heures plus tard, le Scooby se trouvait dans le salon de la maison Summers. Dawn et Alex sur le canapé, Buffy et Spike debouts face à eux.
Un peu plus tôt, Spike et Dawn avaient rejoint Buffy et Alex au Bronze, cinq minutes à peine après le départ des vampires, pour ne trouver qu’une scène de désolation, de personnes blessées pour certaines, mortes pour d’autres ; des téléphones qui sonnaient dans tous les coins, et des personnes bien portantes qui tentaient de secourir les blessé.e.s.
« Je croyais que détruire la Bouche de l’Enfer avait mis un terme à l’attraction surnaturelle des vampires pour Sunnydale… » dit Alex. « Ils sont pas censés ne plus avoir “les hormones en folie’’ en raison de l’énergie maléfique de la ville ?! »
« Ce n’est pas la ville qui les a attirés ici… mais moi. » Les épaules de Buffy s’affaissèrent. « Tous ces gens sont morts pour la simple raison qu’ils voulaient m’atteindre. »
La jeune femme baissa le regard, le visage défait.
« Tu n’as pas à te blâmer pour ça, Buffy, » la stoppa tout de suite Spike en plaçant une main sous son menton afin de relever son regard vers lui. « Tu n’y es pour rien si un vampire a décidé de s’en prendre à la ville. Peu importe qu’il ait fait ça pour t’atteindre ; ce sont ses choix, pas les tiens. »
La bouche de Buffy s’incurva en un sourire triste.
« On est arrivés trop tard… » se maudit-elle en se prenant la tête entre les mains.
Spike se rapprocha instinctivement d’elle, l’enveloppant entre ses bras. Buffy laissa reposer sa tête contre son torse.
« Il va falloir qu’on mette en place un plan d’action, et vite ! » ajouta la jeune femme.
« Une chance que Willow arrive dans trois jours, elle va pouvoir nous aider, » intervint Dawn.
La Tueuse hocha la tête doucement. « Une chance, oui. Un peu de magie ne sera pas inutile… »
 À SUIVRE...
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fallenrazziel · 4 years
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Les Chroniques de Livaï #441 ~ LES COEURS HEUREUX SE RIENT DU FROID (décembre 845) Nile Dork
L'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. ​Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité… Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de lui ce qu'il est ? Je me suis mise en devoir de répondre à ces questions en vous livrant ma propre vision de sa vie, de ses pensées, des épreuves qu'il a traversées, ainsi que celles des personnes qui l'ont côtoyé, aimé, admiré, craint, détesté. Si j'essaie le plus possible de respecter le canon, quelques libertés seront prises sur les aspects de sa vie les plus flous. Quelques personnages seront également de mon invention. Livaï, un homme que l'on croit invincible et inatteignable… Est-ce bien sûr ? Jugez-en par vous-mêmes. 
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Dans quel pétrin me suis-je fourré ? L'idée de passer la soirée avec ce roquet de Livaï et cette dingue de Hanji me paraît tout sauf plaisant... Mais Mary semble y tenir. Je suis déçu que mon idée de restaurant l'ait ennuyée, je pensais que le calme et la qualité de l'endroit seraient à son goût. J'oublie trop souvent ses origines, ainsi que les miennes. Je sais pourquoi elle a voulu changer le programme. Se replonger dans les émotions de la jeunesse, c'est ce que tout le monde fait pendant Yule.
Nous pénétrons dans la gargote d'Erwin et aussitôt le bruit de la musique assaille mes oreilles. Une jeune violoniste fait giguer des danseurs, et les serveuses tourbillonnent autour des tables en s'interpellant joyeusement. Les grosses bougies dispersées par toute la salle donnent une atmosphère à la fois conviviale et chaleureuse à l'endroit. Mary semble heureuse de ce spectacle, et mes filles tapent déjà des mains. Je dois me résigner à faire plaisir aux miens, et j'entre de bonne grâce en soupirant.
Il n'y a que des roturiers ici, aucun aristocrate, je ne m'inquiète donc pas qu'on puisse me reconnaître. Je cache précipitamment mon bolo que j'avais placé sur mon jabot bien en évidence. Les têtes se tournent pour nous observer et nos vêtements coûteux ne passent pas inaperçus. Je ne me sens pas à ma place ici, comme si un mur invisible s'était dressé entre ces gens et nous... Les explorateurs, eux, y évoluent plus à leur aise, avec leurs tenues passe-partout. On voit qu'ils ont l'habitude de côtoyer le peuple.
Erwin nous guide vers le gérant, l'informe qu'il amène des invités et désirerait une plus grande table. Le type - qui a l'air de savoir qui est Erwin - l'assure qu'il n'y aura pas de problème car une grande tablée vient de finir ; un petit coup de propre et ce sera parfait. Nous allons dîner sur une table constellée de saletés, j'en suis sûr...
Les enfants se tiennent tranquilles pour l'instant, sans doute intimidées par ce milieu qu'elles ne connaissent pas. Mary les garde prudemment près d'elle, mais je sais qu'elle apprécie tout ce qui se passe. Pendant un moment, avec la lumière, les odeurs, les sons, un souvenir très lointain me revient... celui d'une jeune fille blonde aux épaules découvertes, virevoltant avec un plateau au bout de son bras, armée d'un sourire ravageur... Instantanément, la pression diminue et j'accepte de me laisser aller à l'instant présent.
Nous prenons tous place à la grande table du fond et les explorateurs passent commande. Un menu de Yule pour Zoe et Erwin, un ragoût de poulet aux herbes pour le caporal. Je jette un oeil à l'ardoise sur le mur et demande à Mary ce qu'elle veut manger. Elle décide de prendre comme Erwin, et je me laisse tenter également par le cochon sauvage au foin et à la bière. Je suis presque étonné de cette abondance ; les restaurateurs ont dû faire leurs réserves avant la Chute.
Nous restons accoudés à la table, à papoter, sirotant par moments une pinte de bière blonde pas mauvaise, ma foi. A part le roquet qui ne fait rien comme les autres avec son vin rouge... Il prétend détester la bière, il n'a vraiment aucun goût... Enfin, je suppose que je dois essayer de me montrer aimable ce soir, même si je sais pertinemment que ce nain ne me rendra pas la pareille.
Comme je ne trouve pas d'autre sujet de conversation, je demande à Erwin ce qu'il a prévu de faire pour sa prochaine expédition, et s'il a démarché d'autres donateurs pour financer son matériel. Il reste évasif, mais affirme que les sorties du début d'année seront assez calmes et dédiées à l'observation. Tu es soumis à un devoir de résultat, n'oublie pas ; si le Parlement constate que les explorateurs sont payés pour se la couler douce, tu vas avoir des problèmes. Il rétorque que je passe mon temps à le mettre en garde depuis qu'il est major et je réponds que je pense à sa carrière. Il lève les yeux au ciel en soupirant que sa carrière est le dernier de ses soucis. Je lui attrape le bras - le roquet me jette un regard soupçonneux - et remarque qu'il ne s'est jamais intéressé aux choses importantes, toujours la tête dans les étoiles et le nez dans les bouquins, à faire des plans improbables.
Mary nous supplie de ne pas parler de travail ce soir, alors Zoe intervient et me demande comment était Erwin quand il était jeune. Et bien... y en aurait des choses à dire ! Vous êtes sous les ordres du type le plus étrange et imprévisible qui soit, je vous préviens. Je ne le suivrai pas pour tout l'or du monde ! Mais à bien y réfléchir... je me demande si ses subordonnés ne sont pas tout à fait comme lui. En vérité, ils sont faits pour s'entendre, tous ces fous !
Et pourtant... moi aussi, il m'a fasciné pendant un moment... Si je n'avais pas eu Mary, la furieuse envie de m'en faire aimer et de fonder une famille... Je l'aurais peut-être suivi moi aussi. Des souvenirs me reviennent par vagues, je revois la taverne où elle travaillait, à Stohess, très semblable à celle-ci... Sa beauté, qui m'a tout de suite captivé... Elle semblait à la fois proche et inaccessible. Erwin, Mike et moi allions souvent manger chez elle et elle nous servait à chaque fois. Elle avait toujours un sourire pour nous deux...
Erwin était déjà capable de charmer tout ce qu'il voulait, moi, j'étais plus effacé. J'essayais de me faire remarquer en parlant fort ou en faisant des blagues. J'ignorais si cela lui plaisait ou non, mais surtout, j'ignorais si Erwin avait le béguin pour elle, lui aussi. Il cachait bien son jeu, déjà à l'époque... Mary le regardait d'une façon particulière, et j'en étais jaloux. Cependant, je ne lui étais pas indifférent non plus. Des années plus tard, elle m'a révélé que si je ne m'étais pas décidé à lui déclarer ma flamme, et si Erwin n'était pas devenu explorateur... c'est elle qui se serait dévoilée à Erwin.
Mais je savais au fond de moi que je l'aimais plus que lui. Je pensais à elle tout le temps, à tel point que j'aurais pu ne pas figurer dans les dix premiers lors de la fin de notre formation. Mon coeur chavirait pour elle, mais Erwin était aussi mon ami, et lui voulait devenir explorateur. J'ai entamé une grande période de doute à ce moment-là. Si je voulais être avec Mary, je devais travailler dur afin d'être parmi les meilleurs et devenir brigadier ; mais l'idée de laisser Erwin affronter seul les titans - enfin pas seul, Mike n'a jamais changé d'idée quant au fait de le suivre où qu'il aille - me peinait. Nous nous étions déjà tant de fois imaginé affronter ces monstres ensemble, soudés et victorieux...
La serveuse revient avec toutes nos assiettes et je ne peux que reconnaître son adresse. Mary y arrivait aussi autrefois. Quand je la regarde, je revois parfois la jeune fille qu'elle était. Elle ne me semble pas vieillir en vérité. Seuls ses vêtements ont changé. Et moi, en quoi ai-je changé pour que l'idée de me trouver dans ce type d'endroit me fasse angoisser à ce point ?
Me suis-je tant oublié moi-même ? Erwin, lui, n'a guère changé. Il est peut-être un peu plus renfermé et moins démonstratif, à la rigueur. Quand nous avons tiré l'épée ensemble face aux titans, lors de ce jour mémorable, j'ai senti une bouffée de fierté m'envahir... Comme si j'accomplissais, pour la première fois, mon devoir de soldat. Je me suis toujours dit qu'Erwin devait envier ma vie, mais aujourd'hui, je n'en suis plus si sûr.
Mary et lui ne sont plus que des amis à présent, j'en suis certain. Quoi qu'il ait pu se passer entre eux, c'est fini. Quant à moi, j'ai choisi entre eux deux. J'ai choisi Mary. Il a choisi les titans. Je le scrute à la dérobée. A-t-il regretté au moins une fois ? J'en doute car il s'est bien employé à écrire cette lettre pour Mary que je le lui ai demandée. Je n'ai jamais eu son éloquence et son talent poétique, et je ne savais pas comment déclarer ma flamme à celle que j'aimais. J'ai longtemps hésité avant de lui demander son aide, guettant sa réaction afin de déterminer s'il l'aimait lui aussi. Il n'a pas bronché, et m'a écrit un texte parfait pour l'occasion. Un peu trop peut-être... Je voulais que Mary me voit moi, et non lui, à travers les mots. Et puis j'ignorais s'il ne lui avait pas déjà écrit des poèmes ! Alors j'ai recopié seulement une partie de son texte, en ajoutant mes propres mots de temps en temps, afin de ne pas me sentir un imposteur.
Elle n'a jamais douté que j'en étais l'auteur. Je crois qu'elle la conservée quelque part. Quant à Erwin, la dernière fois où il a évoqué Mary avant d'intégrer le bataillon, c'était pour me féliciter de l'officialisation de notre couple. Nous étions si jeunes...
Mes pensées sont troublées par le bavardage de Zoe qui s'emploie depuis quelques minutes à expliquer à mes filles à quoi ressemble un titan. Les petites semblent subjuguées, elles ont à peine entamé leur plat. Je n'ai moi-même qu'à peine picoré, et la faim commence à me tenailler. J'attaque la viande et reconnaît que cette nourriture est de bonne qualité, quoique bourrative et peu délicate... Très rustique, avec un fumet très fort... Qu'importe, je suis affamé et cela fera bien l'affaire ! Mary, dis à ce savant fou d'arrêter de parler avec les filles, elles vont faire des cauchemars ! Elle me répond entre deux bouchées qu'elles s'amusent beaucoup, qu'il serait méchant de les interrompre, et qu'elle a toute confiance en les amis d'Erwin. Confiance, hein ? Je la vois faire un clin d'oeil au nabot par-dessus sa serviette et ma réaction ennuyée la fait rire. Je constate que tu t'entends avec lui, première nouvelle ! Où avez-vous sympathisé ?
Elle élude la question et me supplie plutôt de l'emmener danser. Quoi, ici, sur cette... musique ? Elle me prend la main et c'est comme si j'étais de nouveau transporté des années en arrière, dans les guinguettes que nous avons fréquentées au début de notre relation et que nous aimions tellement... Elle m'entraîne sur la piste et le temps n'a plus aucune prise sur nous. Je suis amoureux d'elle comme au premier jour. Alors je la fais danser sans plus m'occuper de nos camarades ou des autres convives.
Entre deux envolées, je constate que les filles battent des mains, que Zoe se ressert un verre de bière, tandis que le major et le caporal se parlent à voix basse. Je regarde mes deux petites. Je ne veux pas qu'elles voient des titans pour de vrai. Le jour où cela arrivera, ce sera la fin de tout. Devrais-je moi aussi les combattre pour protéger ma famille ? Finalement, ton combat est-il le bon, Erwin ?
Je ne veux plus y penser ce soir. Juste me noyer dans les yeux bleus de Mary...
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Préquels : Spécial Noël : Partie 2
Suite des préquels de Noël, (première partie ici) avec maintenant : Dan, Adia, Myriam, Martin, Maël et Marina.  (si vous avez un doute sur quoi que ce soit, n’hésitez surtout pas à aller regarder dans les pages Personnages & Relations qui sont là pour ça). (encore pas de musique pour cause de capricieux tumblr) TW : Famille toxique / suggestion de TCAs / suggestion de dépression / veuvage / complexe sur l’intelligence / gens de droite / relations entre sœurs conflictuelles / mention de divorce
Dan finissait de mettre la table. La soirée de Noël l’angoissait un peu. Il aimait beaucoup sa famille, mais c’était toujours flippant de revoir ses cousins biens mieux que lui, son oncle et sa grand mère qui allaient lui faire mille remarques passives agressives, et sa mère qui allait lui supplier de sourire avec elle même une moue forcée. Il s’attendait déjà à certain lot de remarques. Son oncle allait demander si il allait bientôt ramener une copine et il était évidemment hors de question de lui répondre qu’il était bloqué sur son ami d’enfance depuis qu’il était en Ce2. Sa grand mère allait asséner à ses parents des “mais vous le nourrissez bien, au moins ? Il est tout maigre.”. Génial. Il avait eut la remarque contraire la moitié de son enfance et de son adolescence mais ça faisait trois Noël qu’elle répétait les mêmes choses, comme son poids s’était stabilisé. Il devait se saper aussi, et merde, c’était vraiment une source d’angoisse, encore une fois. Déjà parce que ses seuls trucs habillés étaient près du corps et qu’il détestait ça, et que sinon tout le monde allait lui dire qu’il ne savait pas choisir de fringues de fêtes. Quelle prise de tête. Il fixa la crèche, remettant en place l’âne en plastique tombé par les courants d’air. Voir ça le rendait un peu nostalgique. Petit, il avait fait la crèche plusieurs fois avec Martin, qui même si il était athé avait trouvé particulièrement drôle de placer des figurines en plastique dans une petite niche aménagée. Martin… Il avait envie de lui offrir un cadeau cette année en revenant en cours, mais il n’arrêtait pas de changer d’avis. Rien n’était encore assez bien. Ou peut être juste que Martin était trop bien pour tout. Il sentit une main glacée sur son épaule et eut un mouvement de recul. Sa mère, en robe blanche et maquillée en dorée lui souriait, l’air encore affairée. 
“Désolé si ce soir c’est encore un peu le même cirque avec Mamie et tonton… Tu sais bien comment ils sont.”
Dan haussa les épaules et fit un demi sourire. Il commença à avoir l’habitude. 
“Tu sais… j’ai réagis un peu à chaud avant hier, je comprenais pas trop. Mais à propos de notre discussion…”
Oh non, non, non. Si seulement elle avait pu oublier. Dan voulait juste qu’elle ne reparle plus jamais de leur échange durant lequel il avait fait un coming out peu assuré. 
“Je veux que tu saches que je tiens à toi, d’accord. Et que en vrai, ça me regarde pas, le plus important c’est que tu sois heureux. Et je serais contente que tu ramènes une fille ou un garçon à maison. Ça changera rien, d’accord ?”
Une sensation de soulagement envahit Daniel. Il avait eut tellement peur quand elle avait commencé à en parler, mais si c’était pour lui dire ça, ça valait clairement le coup. Sa mère l’enlaça et il répondit à son embrassade. Ça faisait du bien, qu’elle sache. Il ne risquait pas de ramener grand monde pour l’instant, et surtout pas son “meilleur ami” hétéro, mais au moins, il n’avait plus l’impression de lui mentir à moitié. Ce Noël avait au moins quelques bons points. 
“Maman rentrera vers 7h ce matin, on offrira les cadeaux à midi comme vous êtes grands toi et Naïm, d’accord ?”
Adia avait grimacé, alors qu’elle aidait son père à finir de nettoyer la maison de fond en combles. Oui, c’était logique, Dima travaillait comme chirurgienne, elle n’allait pas laisser une hernie discale ou une appendicite en plan car elle voulait aller boire du champagne en famille. Mais bon, c’était frustrant, de passer Noël en décalé, et de faire une demie fête le soir même sans sa mère. Alors qu’elle râlait silencieusement, son grand frère rentra, engoncé dans son manteau et les bras pleins de sacs de courses, suivit d’Hugo, son petit ami, lui aussi très chargé. 
“Eh bah quand je vous demande de faire les courses, vous vous moquez pas de moi, les garçons”
Elle et son père était venus leur prêter main forte au couple, tentant de tout faire tenir dans le frigo. Alors que le couple sa taquinait, Adia faisait tout pour retarder ce qu’elle savait qu’elle devrait faire après. Elle n’avait pas envie de se confronter à ça. 
“Adia… Tu penses que tu pourras aller chercher Mamie, après ? Elle dois encore dormir dans sa chambre.”
Et voilà. Son frère vient à la rescousse aussitôt. 
“Je peux y aller, sinon ? Ça fait longtemps que j’ai pas vu Mamie.”
Merci Naïm, pensa Adia, et échangeant avec ce dernier un sourire tristement complice. C’était dur de se confronter pour elle à la détresse de sa grand mère, surtout qu’habitant encore ici, elle la voyait presque tout les jours. L’aïeule était déjà malheureuse avant d’être veuve, et la tragédie n’avait rien arrangé. Adia ne savait jamais comment se comporter face à elle, et n’en ressortait qu’avec une culpabilité tenace et une impression d’impuissance. Et elle se sentait si éloignée. C’était une impression réellement troublante, comme un mur de silence et d’incompréhension. 
Heureusement, elle avait un chouette grand frère, se dit elle en rangeant le crémant. Là dessus, elle avait toute la chance du monde. 
“C’est sûr que ce sera pas les mêmes cadeaux que l’an dernier…”
La voix d’Anne était douce et presque railleuse, mais Myriam préférait ça à tout ce qu’elle avait pu vivre avant. L’adolescente sourit et leva les yeux au ciel, avant de sortir une petite bûche glacée du frigidaire. C’était si étrangement calme pour un Noël. Pas de frères, sœurs, cousins pour mettre une certaine animation. Pas de déballage indécent de fric. Pas d’oncle aux pompes à un prix indécent. Tout était dans le petit salon d’Anne, dont la plante verte mourante avait été décorée de boules rouges et dorées, ainsi que d’une guirlande lumineuse clignotante. Myriam ferma les yeux une seconde, s'imprégnant des odeurs de bouffe et du fond musical doux. C’était son premier Noël sans réflexions de droite. Mais aussi son premier Noël sans ses parents. Sans Isaure et Médéric. Ne pas regretter, juste profiter. C’était Noël après tout. Elle s’assit en silence à côté d’Anne sur le canapé gris. Sa tante lui tendit un verre de vin blanc. Elle avait appris à en boire avec ses parents. Ce n’était plus le même calibre, mais elle appréciait ce genre d’alcool plus facilement que la plupart des adolescents de son âge. Alors qu’elle trinquait, elle pensa à la chance d’avoir pu partir. D’avoir eut cet échappatoire. D’avoir quelqu’un qui l’aimait et qui était prête à l’aider comme ça. Des larmes montèrent à ses yeux gris. Son regard sévère s’embua et elle déposa le verre pour prendre Anne dans ses bras. 
“Merci… vraiment.”
Elle renifla bruyamment contre le dos de sa tante, étalant son fard à paupière bordeaux alors qu’elle s’essuyait les yeux. C’était puissant, c’était encore une nouvelle étape. Une nouvelle de ce nouveau départ. 
Martin était debout sur la jetée, son appareil photo à la main. Il était tôt le matin, la brume enveloppait l’océan, mais pour l’adolescent c’était le temps idéal pour tester son cadeau de Noël, un FE2. Martin sentit le froid engourdir ses doigts minces alors qu’il soufflait dessus. Il adorait cette ambiance. Tout était désert, calme, avec une mélancolie et une douceur palpable. Presque impossible de discerner quoi que ce soit à quelque mètres, ce qui pouvait être chouette pour structurer ses photos. Il avança prudemment, le clapotis des vagues comme seul bruit environnant. Il fallait mieux qu’il profites des vacances pour faire ça, avec le Bac de français, il savait qu’il devrait turbiner. C’était tellement frustrant de voir la plupart de ses potes autour de lui ne pas en foutre une et s’en sortir quand même sans trop de problèmes. Mais pour lui c’était différent. Pourquoi il avait autant du mal ? Si au moins quelque chose compensait, mais non, il était aussi mal en point face aux relations sociales que face à des examens. Et ça, depuis toujours. Et il en avait toujours eut honte. Est ce que personne ne lui disait, mais qu’en vrai ils le considéraient tous comme stupide ? Ca ne l’aurait même pas étonné. Il ne leur aurait pas donné tort. Martin soupira, laissant échapper un peu de buée. Au moins ce matin, il avait l’océan pour lui. Autant en profiter. 
“C’est Marina qui t’as mis ce genre de trucs en tête, hein ? J’ai rien contre cette gamine, mais elle a pas à te monter contre nous.”
Maël était allongé sur son lit. Oui c’était Marina, bien sûr que c’était Marina. Heureusement qu’il y avait Marina pour lui avoir montré une autre vision des choses. Et en même temps évidemment que ses parents prenait ça personnellement. Il n’avait pas trop su quoi leur répondre, se contentant d'acquiescer un peu fébrile. Génial, maintenant ses parents aussi allaient le prendre pour un idéaliste stupide, allait faire pleins de réflexions là dessus, et le reste de la famille allait suivre. Maël était fatigué d’avance pour le repas du midi qui allait arriver, et sur les débats politiques que ça allait mettre sur la table. Sa tante allait surement parler des “vilains casseurs”, et rapidement, toute sa famille serait au courant qu’il avait une opinion aux antipodes des leurs. Et là, il avait clairement pas envie de se battre en longs débats, notamment avec sa famille. Surtout avec sa famille. 
“Maël, Nathalie est arrivée.”
Le répit était fini.
Marina fulminait. Le repas du 25 décembre venait de se clore et elle avait fusillé des yeux Ange. Ange, était le nouveau copain de sa sœur, qui avait tenue à ce qu’il soit invité au repas du lendemain du réveillon. La mère de Marina avait accepté, et tout le monde en était là. Alors qu’à leur habitude, après avoir passé un réveillon chez leur père et leur famille paternelle, les deux sœurs profitaient de leur mère pour les fête, le repas fut froid et gênant. Comment Denise avait pu dégoter un mec pareil ? Il était… de droite. Il était clairement de droite. Elle s’en était doutée quand elle l’avait croisé la première fois, quelques semaines avant (c’est vrai, en même temps, qui attache des chemises sur ses épaules ?), mais là. C’était le pompon. Des remarques sur les chômeurs, sur les SDFs et sur les pauvres patrons qu’on voulait trop cadrer. Elle avait sentit ses doigts se resserrer sur ses couverts, s’empêchant d’enfoncer sa fourchette dans le globe oculaire de son “beau frère”. Ce qu’il était con. Elle avait tenu tout le repas, essayant d’apprécier tant bien que mal le poulet rôtie aux haricots verts de sa mère, mais à fin, ce fut trop. Avant même le dessert, elle fit un sourire forcé et dit poliment : 
“Je penses que je vais sortir de table.”
Dans le couloir, elle avait entendu sa mère dit à son gendre que leurs idées politiques étaient très différentes, et que ça pouvait être compliqué de parler de ça à table. Elle était restée d’un calme Olympien que Marina lui enviait. Si elle avait ouvert sa bouche là dessus, elle aurait tout bonnement incendié le petit ami de sa sœur. Alors qu’allongée sur son lit, elle faisait craquer ses phalanges, elle entendit toquer. 
“Oui ? C’est qui ?
- C’est Denise.”
Merde. Elle allait lui faire la morale pour ne pas être restée tout le repas. Fallait pas sortir avec un facho, ce n’était pas sa faute, à elle, si il était aussi difficile de se retenir de lui en coller une. 
“Marina… Je sais que c’est compliqué pour toi de parler avec Ange, mais… s’il te plaît, est ce que tu pourrais redescendre, au moins un peu ?
- Effectivement, c’est compliqué de ne pas répondre à toutes les conneries qu’il débite”, siffla Marina entre ses dents.
Denise lui lança un regard sévère. Génial. Elle n’avait pas le droit de critiquer son sacro saint petit copain, maintenant ?
“Écoutes, c’est Noël. J’aime vraiment Ange, et il a promit qu’il ne parlerais plus politique avec vous maintenant.
- C’est un peu tard, maintenant. Tu aurais pas pu briefer ton droitard pour qu’il évite d’aborder ce genre de sujets dans une maison de gauchos comme ici ? Il voulait, quoi, nous tester ?”
Le regard de Denise n’était plus sévère, il était brûlant. 
“Mais merde, Marina, tu pourrais faire un effort ! J’amènes juste mon copain à la maison, et il faut forcément que tu en fasse une affaire politique !
- C’est lui qui a commencé à en parler ! Je peux pas faire semblant de rien avoir entendu ! Et vraiment, je suis désolé, oui, ça va être compliqué pour moi.
- Ce que tu peux être extrême.”
Les mots étaient tombés, et avaient pris à la gorge Marina. Alors voilà comment était devenue sa sœur. Elle s’était bien rendue compte que Denise changeait, qu’elle s’éloignait de ses idéaux politiques… mais à ce point ? Est ce qu’elle avait juste préféré ignorer ces changements, qu’elle avait fermé les yeux, et que maintenant un véritable fossé les séparait. Dur à dire. Elle devait en avoir le cœur net.
“Est ce que… tu penses comme lui ?
- Pas exactement. Enfin, c’est compliqué, j’ai pas envie d’en parler.”
Ça voulait dire oui dans la bouche de Denise. Marina eut envie de pleurer. Sa soeurette, sa Denise, était devenue comme ça. Merde. Comment elle avait pu se mentir tout ce temps ? Parce que ça semblait improbable ? Est ce que ça l’était tant que ça ? Les questions se bousculaient dans la petite tête de la jeune femme. Elle n’avait jamais été tant fusionnelle avec Denise, mais… c’était quand même sa sœur, et sa seule sœur. Quand leurs parents s’étaient séparés, elles s’étaient raccrochées l’une à l’autre. Denise lui avait donné des conseils sur l’école, la lecture, les règles, et des manières à la con de draguer les garçons. Marina avait le sentiment d’être profondément trahie, et surtout, que plus rien ne serait comme avant entre elles. C’est comme si sa sœur de toujours était devenue une étrangère, de part ce changement. Elle eut envie de s’écrouler et de pleurer face à cette perte insidieuse, mais Marina ravala seulement ses larmes et suivit Denise dans le salon. Cet effort serait le dernier, plus jamais elle ne s’amuserait à parler sans reproches à Ange. 
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moonmoonandnokomis · 6 years
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Rose entrouvrit la porte de son appartement en soupirant. Elle savait qu’elle n’arriverait jamais à tenir Jill et Saoirse à l’écart bien longtemps mais elle avait espéré passer son jour de congé à boire du chocolat chaud en regardant des téléfilms de Noël et pas en décortiquant tout ce qui avait pu mener au désastre entre Jack et elle. Elle avait une idée assez claire des différents éléments et ça ne l’avançait pas à grand de chose. S’il refusait de parler, de mettre les choses à plat, elle ne pouvait pas faire quoi que ce soit. Et elle n’était pas sûre de vouloir lui parler de toute façon. Elle acceptait qu’il ait été effrayé par leur situation et par l’état de sa vie mais pas la manière dont il lui avait parlé. Elle essayait de ne pas penser à la douleur lancinante dans sa poitrine, a la façon dont elle avait avoué ses sentiments pour qu’ils soient piétinés dans la foulée. Elle essayait de ne penser à rien et ses amies voudraient tout passer au crible. Ou elles la regarderaient avec leurs grands yeux remplis de compassion et elle se remettrait sûrement à pleurer.
Elle alla mettre la bouilloire en route en attendant que Jill arrive. Elle l’avait prévenue qu’elle était en bas quelques minutes plus tôt et Rose savait qu’elle aimait papoter avec M Porter quelques instants. Elle sortit trois tasses, en sachant que Saoirse apparaîtrait bien assez tôt elle aussi et qu’elle ne refusait jamais une tasse de thé vert. Elle prépara la sienne en réfléchissant à ce qu’elle allait porter à la fête de Noël de l’agence le lendemain soir. Son patron avait réussi à convaincre plusieurs boîtes de leur bâtiment de faire une fête commune et Melissa et elle avaient un pari sur qui arriverait à caser Patron la première. Rose se disait que sa mission l’empêcherait de se morfondre sur la situation et l’alcool gratuit lui permettrait de passer un 24 décembre dans son lit avec une bonne excuse pour ne pas aller au réveillon organisé par Jill. En parlant de celle – ci,  Rose entendit les portes de l’ascenseur se fermer et les pas de son amie se rapprocher de sa porte d’entrée. Elle éteignit la bouilloire et ouvrit son placard à thé tout en haussant la voix pour se faire entendre de l’autre côté de l’appartement.
-Jilly, do you want the same tea as last time ? You know the one with the weird shit in it, like Rose petals or something ? You’re the only one drinking it, maybe I should give you the box and bee done with it. Jill ? Jilly ?
Tasse en main, Rose se retourna pour demander à son amie pourquoi elle ne lui répondait pas et lâcha aussitôt son thé. La porcelaine blanche éclata en touchant le sol et le son résonna dans l’appartement. Pendant un instant, une petite éternité sûrement,  aucun autre bruit ne se fit entendre. A part la respiration de Jack peut être, le frottement de ses cils sur ses joues, l’air encore frémissant de son passage. Puis Rose réalisa qu’elle avait laissé tomber sa tasse pleine de thé chaud à ses pieds et qu’elle devrait se demander si la douleur qu’elle ressentait était due à une brûlure ou à une coupure. Jack parut se rendre compte de la situation au même instant et ils se mirent à jurer ensemble.
-         Putain de bordel de merde.
-         Holy shit Rose, are you okay ? Did you burn yourself ? Was that hot ? Be careful, don’t step on broken pieces. Fuck Rose.
-         Fucking hell, I think I cut myself, is it bleeding ?
-         I don’t know, I can’t see. Here, let me, I’m wearing shoes. Don’t move.
Et dans la confusion du moment, entre la surprise et la douleur, Rose se retrouva dans les bras de Jack, portée comme une princesse jusqu’à son canapé avant d’être déposée délicatement entre les coussins.
-Do you have a first aid kit somewhere ?
- Um. Bathroom ? Cupboard above the sink ?
Avant que Rose n’ait eu le temps de comprendre ce qu’il se passait, Jack était de retour avec une serviette, de l’alcool et des pansements et il s’était agenouillé près du canapé pour examiner le pied de Rose. Le silence s’installa à nouveau pendant que Jack désinfectait les petites coupures provoquées par les éclats de la tasse. Rose en profitant pour observer Jack. Une partie d’elle était heureuse de voir les cernes mauves marquer un autre visage que le sien, de remarquer les traits tirés et les yeux légèrement rougis. Une autre partie voulait l faire disparaître tous ces signes de leurs derniers jours d’un frôlement d’index, d’une caressé de la main. Elle en avait assez qu’ils se brisent constamment, elle voulait qu’ils commencent à se guérir, à se réparer. Si Jack était là, dans son salon, ça voulait dire quelque chose. Ça signifiait que tout n’était pas perdu, avec un peu de chance et un peu d’efforts. Elle était blessée, en colère, fatiguée mais sa conversation avec Nathan était encore fraîche dans sa mémoire. Ils avaient peut être besoin de plus de temps pour retomber sur leur pieds et faire en sorte que leur sol redevienne stable. Pour se réapprendre correctement. Pour apprendre à s’aimer sainement si c’était encore possible.
Jack finit de poser le dernier pansement et garda ses mains posées sur la peaux de Rose, une  autour de sa cheville et l’autre sur son genou. Elle sentait la chaleur de sa peaux à travers le tissu de ses leggings et celle-ci parut se propager à tout son corps. Sans lever les yeux, Jack commença à tracer des cercles sur sa cheville et se mit à parler.
-         That’s not how I pictured this in my mind. Less burning liquid and fewer porcelain shards maybe.
Rose laissa échapper un rire. Quelle situation absurde.
-         Well that’s not how I pictured Jill in my mind. More colorful hair and less silence, I guess.
-         I’m pretty sure pink hair would suit me. Please don’t be mad at her ? I had to bribe her pretty hard to get her to help me and she punched me in the arm, twice, hard. Same spot as Peter too, they’re clearly meant to be together.
-         I’m not …mad, I think. She’ll get her door privileges revoked, that’s for sure but I won’t kill her. How much did you give her to have her allowing you to come up here ?
-         No money but I am now contractually obligated to help her with all the pranks she pulls on Peter. And she has a « sex pass » that allows her to ask me to leave any room at any time to shag my best friend.  She thinks that the resulting emotional scarring will be enough to punish me for life. She also said that Saoirse could and would kill me if I hurt you again…
-         Saoirse can actually kill you and no one will ever find your body. The Irish mafia is particularly powerful. And skilled.
-         I don’t doubt it. The thing is…I never want to hurt you again but it seems that it’s what I do best. I think I’ve proved it times and times again.
-         Well, I-
-         No, please, let me say everything I came here to say. You told me you weren’t perfect and I know it’s true. But damn if you haven’t been real close to it in the last few weeks. I don’t know how you did it. You could have sent me to hell when I texted you. You didn’t have to see me or ask me to be friends.
-         Okay but it was for purely selfish reasons.
-         Maybe, but you were ready to befriend Sarah. You opened your door at four in the morning for me. You didn’t pry, you listened, you worried even though I don’t deserve it. And I know how proud you are, Rose. You don’t give a lot of second chances because you don’t like being hurt but you loathe feeling like a fool when it happens more than once.  And I let you down so many times.
-         Jack…
-         It didn’t start with your father. I could have asked all those times you got withdrawn. I could have tried to understand more clearly how your family worked and  how you worked in repercussion. I thought you didn’t want us to be serious when there were good reasons why you were scared of getting too involved. And I proved you right, didn’t I ? I left you alone to not watch you leave and that’s what drove you away for good.
-         But did I let you come close enough ? I could have said something,  I could have told you about my shitty parents and why they were like that and what it did to me. You didn’t know me well enough to see how what we had was a big deal to me. I should have shown it to you. You’
-         The thing is, you said it, all you knew about me was that I had dated a girl just to pass time and had slept with another one the next night. I’m pretty sure I fell in love with you the day we met but you had no idea if it was just another past time for me, did you ?
-         … Not in the beginning, no. But I kind of guessed later on. I think that’s why it hurt so much when you let me go. I really thought we could make it. I was certain you loved me as much as I loved you.
-         And I think I did and that’s what scared me. Still does to be honest…
-         How so ?
-         I’m pretty sure you’re the one for me. Even after a year of radio silence, even after being with someone else, even now that I’m not sure we can be something again wih how much I fucked up. You’re it. And I tried to lie to myself, I ignored Peter’s worried looks when I got with Sarah, I convinced myself I was over you, over us. But it didn’t work, did it ? Sarah knew from the start my heart wasn’t fully free. I think a few more weeks would have been enough for me to get on a plane to Paris. I was slowly breaking and some buried part of me knew I was breaking over you.  And it’s just huge, when you think  about it. You and me, it’s so big, it’s fucking terrifying. And kinda exhilarating at the same time, like diving from a cliff.
 Less gestes de Jack s’étaient figés et il regardait enfin Rose. Le temps parut se suspendre et Rose entendait son cœur battre la chamade. C’était l’instant de vérité.
 -         I already  told you I was scared. But I don’t wanna be scared anymore. I’m tired of the fear, it has done nothing good for us. I love- I’m in love with you and being your friend will never be enough, I know that. I’m not sure I’m ready to forgive you for the things you said because, even if I know they came from a place of anger and panic, they were still rather mean.
-         I’m sorry. I lashed out and I have no excuse for what I said. Explanations yes, but I had no right to accuse you of anything and to belittle your feelings. I was a complete jersey and I’m so sorry Rose.
-         I know you’re sorry. And I won’t say it’s okay because it’s not. But I think it will be sooner than we think. My heart is beating so fast saying this, but I think you’re it too. I want to be with you, don’t think I’ve ever stopped, truly. Even when I was cursing your name in my sleep, I wanted to be yours and you to be mine. But we need to take it slow.
-         Do you wanna start over ?
Rose réfléchit quelques instants. Jack était toujours assis sur le tapis, ses mains toujours contre la jambe de Rose, dans un geste tellement tendre qu’il en devenait presque erotique.  L’intimité du moment, la douceur de la lumière, le regard de celui qui était revenu, la remplissaient d’une chaleur qui lui avait manqué tout le mois de décembre. Qui lui avait manqué pendant plus d’un an si elle se montrait honnête.
-         I don’t wanna start over. I don’t wanna forget what we lived and what we learned. We don’t erase anything but we go from here. We talk things through, we learn to be honest, we don’t push.
-         Yes to all of it. I’m kinda sad we don’t get to relive the Titanic conversation but I’ll live.
-         Unlike your titanic counterpart.
-         Rude.
Ils riment tous les deux et Rose se sentait si légère, comme libérée d’un poids. Peut être que ça ne fonctionnerait pas, peut être qu’ils Se trompaient tous les deux et qu’ils n’étaient pas prêts à être ensemble. Mais, à cet instant, elle s’en fichait. Elle était prudemment heureuse.
-         I said I didn’t want to start over but there’s one thing that will remind you of our first day…
-         What is it ?
-         Wanna go to a party with me ?
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natachapierre7 · 5 years
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Perdre le fil
Un jour on sait qui l’on est, d’où l’on vient et où l’on va. On en est sure grâce à notre passé, nos valeurs et nos repères.
Puis un jour tout s’envole, tels des feuilles d’automne qui ont fait leur temps. Alors on perd le fil sur lequel on marchait prudemment jusqu’à la ligne d’arrivée, celui qui nous menait à notre but avec tant d’assurance car il était relié depuis le point de départ. 
Il n’est plus là. On ne sait plus vers qui se tourner, où se réfugier, ni même où aller. C’est comme si on avait perdu notre stock d’armes blindées grâce auxquelles on avait tant d’assurance car on pouvait se défendre. Du jour au lendemain on se retrouve comme un petit oisillon fragile tombé du nid, blessé et n’ayant plus ses parents. On a plus de soutien, ni de réserves pour faire face aux dangers. On se sent démunis, seul sur un radeau en plein milieu de l’océan. Alors il ne nous reste plus que l’espoir. L’espoir que le courant va bien finir par nous mener quelque part. Quelque part où il y aura de quoi battir de nouveau.
Et le temps fera peut-être son oeuvre si nous sommes assez solides. Alors on a peur de ne plus jamais être suffisamment solide. Comme si cette dernière bataille était de trop, comme si notre batterie avait été vidée, découragé par toutes les difficultés de la vie. On se dit même qu’on était dans le faux en croyant bêtement qu’il existe une fin heureuse pour chacun. Lassé d’avoir été trop juste, trop gentil pour rien. Que le karma n’existe pas. En fait on se berce d’illusions pour se donner le courage d’avancer. C’est comme jouer au loto, on est des milliards à miser pour gagner notre fin heureuse, mais combien vont gagner? 
Mais nous avons pas le choix, il vaut mieux essayer de la vivre cette vie qu’on nous a donné. Alors l’attente nous permet au moins de nous rappeler nos conquêtes, celles qui nous ont rendu fort. Oui nous avons bien été quelqu’un, une personne ambitieuse, courageuse. Nous sommes celle qui a battit toutes ces choses, et qui a gagné toutes ces guerres, mais nous sommes aussi celle qui nous a mené à cette désorientation. Peut-être provient-elle d’ailleurs d’une peur de se retrouver face à nous-même. Car le courage nous aveugle parfois, mais néanmoins nos faiblesses sont là, cachées dans l’ombre, et peut-être qu’elles ont été trouvées et c’est ce qui nous a mené là.
Nous sommes obligé de ne montrer que les belles choses et qualités pour réussir, mais il faut assumer et non occulter nos faiblesses, car elles seront toujours présentes. Comme les défauts, elle vont partie de notre particularité. Il ne faut pas essayer de devenir quelqu’un d’autre, car malheureusement si l’on emprunte ce chemin, on finit par obtenir une vie qui ne nous correspond pas. Et il n’y a rien de plus charmant que quelqu’un qui s’assume.
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dearmidori · 6 years
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Le train me déposa dans une gare inconnue. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas découvert de nouvelle ville. Une fois sorti de l'enceinte de la gare routière,L'ambiance générale  donnait l'impression que cet endroit était l'alchimie parfaite entre modernité et nature. Les bâtiments étaient tous recouverts de plantes grimpantes et le ratio entre bitume et verdure semblait idéal pour tous ceux qui souhaitaient préserver un lien avec la faune. La ville d’Hortensia faisait partie de ces sanctuaires végétaux qui tenaient front aux métropoles de métal. Les plantes n'étaient pas de simples décorations mais de réels présences pour les gens et les bâtiments. Chaque fenêtre avait ses bacs à fleurs et chaque mur était habillé par une ou deux espèces de plantes. La majorité des buildings étaient espacés de parcs et de points vert en tout genre.  Déjà bien en retard sur l'horaire convenu, je décidai soudainement de reporter la visite des lieux à plus tard et me mis en chemin jusqu'à chez mon amie. Citadine depuis de très longues années, Lou avait choisie de renoncer en partie à la vie en capitale pour se consacrer à son développement personnel et à son bien-être intérieur. Quelques problèmes de santé et de désordre émotionnel lui avaient fait comprendre qu'il était temps pour elle de se focaliser davantage sur son propre confort.  Armée de détermination, elle avait mené son investigation et alors qu'elle semblait encore noyée dans le doute, elle disparue du jour au lendemain sans donner aucune trace à qui que ce soit. Moi qui avais l'habitude de lui parler quotidiennement, j'avais eu le droit à ma dose de solitude et d'anxiété. Notre amitié était fusionnelle et cette absence avait été une réelle torture pour moi. Bien qu'elle m'avait annoncé que c'était ce dont elle avait le plus besoin, l'idée de la laisser seule dans l'inconnu m'avait torturée durant de nombreuses nuits blanches. Après quelques semaines laissé dans le silence, j'avais reçu une petite missive des plus raffinées. Mon amie avait pris la peine de recouvrir l’enveloppe d'un sceau de couleur verte. Le sceau représentait ce que je pensais être une jonquille. Elle avait à coup sûr choisi cette couleur parce qu'elle savait que c'était ma préférée. Laura prenait soin de toujours peaufiner les détails et quand elle voulait faire plaisir aux gens qu'elle aimait, elle savait y mettre les formes. A l'intérieur se trouvait une petite lettre rédigée sur du papier à motifs floraux. Loin d'être un expert dans le domaine, je crus reconnaître des jonquilles dans les motifs du papier.  La lettre était bondée d'excuses pour son absence mais elle m'assurait de nouveau dans le même  que cela avait été nécessaire mais qu'elle avait besoin de moi dans les plus brefs délais. Comme elle m'avait dit être affairée avec la paperasse liée à son nouveau travail, je l'avais prié de me laisser me débrouiller pour faire seul le chemin entre la gare chez elle. Changer de cadre de vie du jour au lendemain, ça devait forcément entraîner une immense charge administrative. Juste penser à la gestion des papiers me fit frisonner d'effroi. Malgré les quelques kilomètres qu'il fallait parcourir, je n'étais pas inquiet et j'avais prévu tout le trajet que j'allais devoir effectuer jusqu'à la nouvelle résidence de mon amie. Patientant sagement à l'arrêt de bus, je profitai de la douce chaleur du printemps et gardai mon casque audio aux oreilles. La musique ajoutait une intensité aux décors que j'étais en train de découvrir. J'admirais littéralement tout ce qui se trouvait autour de moi et la ville me donnait l'étrange sentiment qu'elle s'occuperait bien de moi et que tout se passerait dans les meilleures conditions. Ce n'était pas compliqué de s'imaginer résidant de cet endroit tant tout paraissait paisible et agréable. Il y avait une sorte de lueur bienveillante qui virevoltait ici et là. De toutes façons, Lou n'était pas de ces personnes qui faisaient les choses au hasard et avant même d'arriver à destination, j'étais déjà convaincu que les lieux sauraient me convaincre.  Elle et moi avions des goûts plus ou moins similaires et j'avais la certitude que je me plairai ici tout autant qu'elle. Comme prévu par l'itinéraire que j'avais mis en place, je vis arriver au loin l'ombre du bus que je devais emprunter. Une fois à l'intérieur, je me laissais absorber par quelques notes de piano et finis par m'assoupir. Sûrement marqué par les récents paysages que j'avais aperçu dans le train et à ma sortie de la gare, le rêve que je fis était emplies de fleurs et de couleurs. Les fleurs dansaient autour de moi et étaient mues d'une volonté propre. Les images étaient assez fortes pour me laisser l'impression d'avoir pu respirer quelques odeurs et respirer quelques pollens. Je repris brusquement connaissance quand j'entendis la voix robotisée dans le bus annoncer le nom de l'arrêt auquel je comptais descendre. Je m'empressai de remettre ma casquette en vrac et descendis du bus avec toujours ma valise à la main. A peine réveillé du trajet, je constatai brusquement qu'une demi-heure venait de s'écouler et je pris quelques secondes pour reprendre mes esprits. L'arrêt de bus était comme perdu au milieu de la forêt et je remarquai que le réseau de mon téléphone était quasiment à zéro. Je le rangeai dans mon sac à dos et tirai ma valise à la recherche du lieu de rendez-vous. Un panneau en bois indiquait la présence d'une résidence et j'eus du mal à imaginer que mon amie puisse posséder ce genre de résidence à elle seule. Comme cela coïncidait avec le parcours que j'avais trouvé sur internet, je n'avais pas d'autre choix que de continuer sur cette voie. Le chemin de cailloux me força à m'enfoncer davantage dans les bois et m'être assoupi dans le bus me fit perdre tous mes repères. Où étais-je en train d'aller et comment ferai-je pour regagner la ville si je m'étais trompé dans le trajet ? Après une vingtaine de minutes à marcher, je parvins à atteindre ce que je pensais être un manoir. Je crus me tromper tant l'espace paraissait énorme. Je savais que Lou gagnait bien sa vie en tant qu'ingénieure mais jamais je n'aurai cru possible qu'elle puisse être en mesure de s'offrir un tel luxe. Je m'avançais prudemment et me rassurai en pensant que dans tous les cas je n'avais pas d'autre option que de demander de l'aide. Face à une énorme barrière recouverte de lierres, j'avais l'impression d'avoir été plongé dans un roman fantastique. Bien que les plantes avaient pris le dessus sur le métal, on voyait que celles-ci étaient entretenues à la perfection et qu'aucune mauvaise herbe ne jonchait le sol. Après une courte inspection, je me rapprochai de l'interphone. Après quelques hésitations, je finis par prendre mon courage à deux mains. plusieurs sonneries retentirent quand se mit à résonner une voix des plus enthousiaste : " Jonathan! Je suis sûr que c'est toi. J'ouvre le portail. Attend moi ! " Je reconnus de suite la voix de mon amie. Entendre sa voix après tout ce temps, c'était comme la voir surgir d'entre les morts. Elle mit fin directement à la conversation et le portail mécanique ouvrit le passage. Encore une fois, je ne pus m'empêcher de remarquer à quel point la porte s'était ouverte sans effort. Celui qui s'occupait des lieux était des plus précautionneux. Cette résidence au fond de la forêt avait un énorme manoir en son centre alors que tout autour se trouvaient divers jardins. Au loin, je crus discerner une énorme véranda dans laquelle je me voyais déjà déguster un thé et des gâteaux avec ma précieuse amie. A une centaine de mètres de moi s'ouvrit une porte massive en chêne qui laissa se faufiler une silhouette à la chevelure blond polaire. J'entendis mon amie couiner de joie au loin alors que je fonçais également vers elle.  Alors que je me mis à courir, je vis  qu'à mi-parcours se trouvait un autre chemin sur la droite qui menait à un autre jardin cachait par des murs végétaux. Je pris mon amie dans mes bras et je ne fus pas capable de dire autre chose que " euh, mais, wow. Comment ? " Laura ne fût pas capable de démordre de son sourire et elle m'annonça qu'elle avait prévu de tout m'expliquer mais que la situation était vraiment urgente. Bien qu'elle fût heureuse de me retrouver, je n'arrivais pas à placer de mot sur le sentiment qu'elle faisait naître en moi. Quelque chose... me dérangeait un peu.  Elle fût un peu gênée de m'annoncer qu'elle ne m'avait pas fait venir uniquement pour le plaisir mais qu'il y avait quelque chose que j'étais seul à pouvoir accomplir pour l'aider.  Lou continua en insistant sur le fait qu'elle avait attendue mon arrivée avec impatience et ne put se retenir de me demander de la suivre. Elle n'avait visiblement pas décidée de me laisser entrer de suite dans la demeure et me fis la suivre au travers les jardins. La jeune fille aux cheveux blonds était pressée et je lui ordonnai poliment de ralentir la cadence pour que je puisse comprendre de quoi il en retournait. La connaissant sur le bout des doigts, je m'étais imaginé qu'elle m'avait préparé une surprise et qu'elle était incapable de se retenir davantage.   Bien qu'elle ne répondit pas de suite, elle continua de me demander de la suivre durant quelques minutes. Je m'exécutai sans trop broncher parce que je me doutais à quel point ça devait lui tenir à cœur. J'essayais de deviner ce qui allait m'attendre à l'issu de cette marche. A force de marcher dans les jardins qui entouraient le manoir, nous finîmes par arriver jusqu'à l'entrée d'un gigantesque labyrinthe végétal. Les murs de celui-ci s'élevaient à plus de cinq mètres et j'étais incapable d'imaginer le diamètre qu'il pouvait mesurer. Le ciel dégagé et printanier continuait de nous bercer de son doux rayonnement. Mon amie finit par stopper sa course folle et à reprendre son calme. Du rire aux larmes il y avait peu et je pressentais que les prochains événements allaient être des plus étranges. En effet, Laura se mit à pleurer tout en conservant un semblant de sourire. Encore une fois, je fus seulement capable de traduire cela par la joie de nos retrouvailles. A quel point avait-elle pu se sentir seule durant ce déménagement et ces semaines d’isolement ? « Je savais que je pouvais compter sur toi. J'étais persuadée que tu viendrais en premier. Je n'ai pas le temps de t'expliquer davantage mais j'aimerai que tu entres avec moi dans ce labyrinthe. En fait... » Je lui coupai la parole en lui disant que j'étais toujours prêt pour l'aventure et que je lui laisserai m'expliquer de quoi il en retourne durant le trajet. Mon amie sourit de façon béat et fût heureuse de constater que je n'avais pas changé le moins du monde durant notre séparation Elle plongea une main dans sa petite veste de coton et me tendit une petite boîte à bijoux en velours vert. « Prend ça. » A l'intérieur, je découvris une broche sur laquelle se trouvait un motif floral similaire à celui que j'avais reçu sur la lettre qu'elle m'avait envoyée. « C'est quoi comme fleur ? » Son sourire était plein de chaleur. « Des jonquilles, je pense que c'est ta fleur. Celle l’emblème de quelqu'un qui peut protéger ses relations les plus chères. Celles qui sont marquées par la sincérité. Tu seras notre bouclier ! » affirma t-elle avant de m'inviter à la suivre dans le labyrinthe. Comme je savais à quel point Laura était douée pour créer les mises en scène, je me prêtais au jeu sans rechigner et la suivis d'un pas guilleret. J'avais hâte de voir ce qu'elle avait prévu pour la suite de la journée. Au loin, je ne pus entendre les autres fleurs qui pleuraient. Alors que les jonquilles m'avaient fait venir, je n'étais pas en mesure d'anticiper la venue des tournesols.
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egoroman · 3 years
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IX
06:36
Le jour est en train de se lever. Je me suis rhabillé en vitesse. Les vêtements collent à ma peau humide. Mais la fraicheur de l’eau a revivifié mes sens. Je pénètre lentement à l’intérieur de la maison. Je me demande si elle est partie. Si elle m’a abandonné comme ça, sans un au revoir. Elle avait l’air bien désappointé par ma réponse. Mais je regrette pas. J’ai dit ce que je pensais. C’est peut-être mieux comme ça. Que nos chemins se séparent aussi subitement qu’ils se sont croisés. Je peux pas m’empêcher de ressentir une petite déception, tout de même. Y a tant de choses que j’aurais aimé lui dire.
J’arrive dans le salon. La lumière de la cuisine est encore allumée. Je rentre prudemment à l’intérieur. Elle est là, accoudée à l’ilot central, en train de se servir un nouveau verre de vin. Elle aussi a réenfilé sa robe par-dessus son corps mouillé. Elle tourne la tête dans ma direction. Elle a des gestes lents, lassés. Je reste immobile. On se regarde pendant quelques secondes, de manière neutre.
Puis je brise calmement le silence.
- Je vais rentrer chez moi.
Elle répond avec froideur, sirotant une gorgée.
- Bon vent.
Je bouge pas, ne sachant trop quoi dire. Elle est en colère, je le sens. Je sais même pas exactement pourquoi.
- Tu vas faire quoi ? Tu restes ici ?
- Ca te regarde pas, Charlie.
Je devrais partir. Maintenant. C’est ma chance de laisser tout ça derrière moi. De passer à autre chose. Rentrer chez moi, me coucher, et faire comme si toute cette nuit n’avait été que le délire fiévreux de mon cerveau malade. Faire comme si cette fille n’avait jamais existé. Au point où on en est, c’est sûrement la seule vraie chose sensée à faire. Mais j’y arrive pas. C’est dur. Je peux pas l’oublier, comme ça. C’est trop dur. Mon cerveau me dit une chose, mais mon cœur... mon cœur a besoin de réponses.
- C’est quoi le problème, Mélodie ? Comment tu pensais que tout ça allait finir ?
- T’as jamais vraiment voulu sauter.
Elle me regarde même pas en face, sirotant son verre d’un air fatigué.
- Quoi ?
- J’avais raison depuis le début. T’as jamais vraiment voulu sauter. Tout ça, c’était du flan. Tu faisais juste semblant. Comme tous les autres.
J’ignore pourquoi, sa remarque me blesse un peu. Comme si j’avais été qu’un hypocrite. Comme si je savais pas aussi bien qu’elle ce qu’était la souffrance. C’est toujours la même rengaine. Est-ce qu’elle a raison ? Je sais plus. Je crois qu’on pourra jamais vraiment se comprendre. Personne pourra jamais vraiment comprendre personne. C’est ça, le problème. Depuis toujours. Je me suis raccroché à une chimère, une douce histoire que j’avais souhaité voir se réaliser. Mais la réalité est là, froide et irrévocable. Je suis seul.
Je prends sur moi. J’ai pas la force de m’énerver.
- Si c’est ce que tu veux croire.
Je commence à me détourner. Ouais, il faut que je parte. Y a vraiment plus rien qui me retient ici. A part de l’amertume.
- Tu vas faire quoi maintenant, Charlie ?
Je m’arrête.
- Comment ça ?
- Tu vas rentrer chez toi. Dormir. Et après ? Demain, tu te sentiras toujours aussi mal. Et après-demain. Tu vas faire quoi ? Tu retourneras au pont ? Tu resteras suspendu au bord, en attendant qu’une nouvelle âme charitable vienne te faire changer d’avis ?
- J’avais pas prévu que tu m’empêches de sauter, tu sais ?
- Moi non plus.
Je la fixe dans les yeux. Elle me rend mon regard avec dureté. Ses mots me heurtent. J’ai l’impression qu’elle aurait préféré me voir mourir, plutôt que de me rencontrer. Pourquoi t’es comme ça ? Je suis trop épuisé. J’ai pas la force de te tenir tête. Je crois qu’il est bel et bien temps de mettre un terme à notre petit jeu.
- Prends soin de toi, Mélodie.
Une nouvelle fois, je m’apprête à partir. Une nouvelle fois, elle m’en empêche en parlant.
- Y a quelque chose en toi, Charlie. Quelque chose qui m’attire.
Elle a prononcé ces mots sans animosité, comme si elle avait plus assez de force pour être acerbe. Je m’arrête, étonné. Je me tourne vers elle. Je devrais fuir, je le sais. Fuir avant qu’elle utilise à nouveau ses pouvoirs pour m’envouter. Mais c’est déjà trop tard. Je suis suspendu à ses lèvres, attendant la suite. Elle prend son temps, entre deux gorgées de pinard.
- Je suis sûre que tu me rendrais heureuse. Et je ferai de mon mieux pour te rendre heureux. On s’installera ensemble dans une maison. Un peu comme celle-là. On se donnera des petits noms tout mignons. Du genre qui nous faisaient vomir avant, quand on les entendait prononcer par d’autres. Mais on en aura rien à faire. Parce qu’on sera amoureux. On organisera des barbecues avec les voisins, les week-ends où il fera beau. On discutera toujours des mêmes choses. Les mêmes sujets politiques. Les mêmes avis. Les mêmes opinions. Avec le temps, on deviendra tous amis. Nos seuls vrais amis. On se rendra mutuellement des petits services. Mais ça ira pas plus loin que ça. Et toi et moi, on aura notre petite vie tranquille. Jusqu’à ce que nous aussi, on finisse par avoir les mêmes conversations, encore et encore. Jusqu’à ce que tous les jours finissent par se ressembler. On aura des boulots à crever d’ennuis, dans des bureaux. Des boulots qui bien entendu accapareront toutes nos discussions. On baisera plus que pour égayer notre quotidien. Pour se donner un truc à faire au milieu du train-train de l’ennui. Une croix à mettre dans le calendrier, comme si c‘était Noël chaque semaine. Et quand on sera ensemble, enlacés dans les bras de l’autre, tu fermeras les yeux, et tu penseras à la nouvelle employée qui vient d’arriver à ton taff. Celle qu’a vingt ans de moins, et que tu soupçonnes de secrètement fantasmer sur toi, parce qu’elle rigole toujours un peu trop fort à tes blagues les plus nulles. Et moi, je m’imaginerai avec le voisin. Celui qui était un peu trop pompette un soir, pendant qu’on dansait, et qui m’avait touché le cul, soi-disant par inadvertance. Et on aura des gamins. On voudra bien les élever. Leur éviter de connaitre les mêmes merdes que nous. Mais ils finiront par voir un psy tous les mois jusqu’à leur retraite. A lui parler de nous sous toutes les coutures, jusqu’à même après qu’on soit crevés. On aura un fils. Tu l'engueuleras parce qu’il sera pas capable d’être plus fort que tu l’étais à son âge. Je le défendrai, mais je pourrais pas m’empêcher de lui en vouloir moi aussi. Parce qu’avec le temps qui passe, il me rappellera de plus en plus tous les connards qui m’ont fait me sentir oppressée dans ma vie. Et on aura une fille. Je serai chaque jour un peu plus jalouse de sa beauté, au fur et à mesure que je verrai la mienne se ternir dans le miroir. Tu voudras la défendre, mais tu feras que l’étouffer. Parce qu'inconsciemment, elle te rappellera toutes les salopes de ta vie qu’ont jamais voulu te baiser. Et quand ils seront adultes, ils se tireront. On se parlera plus qu’aux fêtes, pour s’accrocher désespérément à des liens brisés depuis longtemps. Pour se donner bonne allure. Comme si le sang avait une quelconque importance. Comme si nos liens étaient nés d’autre chose qu’un simple instinct animal, déclenché par nos hormones dans le but de peupler une planète déjà au bord de la surchauffe. Et en vieillissant, on restera plus que tous les deux. A jouer au jeu de l’amour. A faire comme on nous a toujours dit de faire dans les films, les séries télé, les pseudo magasines de psycho. Un amour qu’aura probablement disparu en même temps que notre libido. Et je finirai par haïr chaque détail de ta personnalité. Comme tu haïras la mienne. Mais on fera des compromis. Plein de compromis. Pour faire en sorte que ça fonctionne. Jusqu’à oublier qui on était vraiment, au fond de nous, avant de se rencontrer. Et on se dégoûtera l’un et l’autre, presqu’autant qu’on se dégoûtera nous-même. On crèvera probablement ensemble. Sans plus ressentir aucune once de l’affection qui avait pu nous rapprocher. Sans jamais avoir eu le courage de s’avouer, même à nous même, avoir raté notre vie du début à la fin. Car à chaque fois qu’on se regardera, on pourra plus penser à rien d’autre qu’à ce qui aurait pu être différent. Si seulement, on n’avait pas voulu faire comme tout le monde. Si seulement, on avait arrêté deux secondes de croire aux conneries avec lesquelles on nous a lavé le cerveau depuis tout petit. De croire que ça pouvait marcher. Que l’amour serait autre chose qu’un conte de fées qu’on se raconte pour pas avoir à affronter la réalité. La réalité qu’on crèvera tous seuls. Parce qu’on est seuls, Charlie. On l’a toujours été. Et on aura beau mettre en place tous les subterfuges, on aura beau fuir la vérité, elle reviendra toujours nous hanter, au moment où on le soupçonne le moins. Ca changera jamais rien. Voilà ce qui nous attend si on continue. Voilà le programme.
Je reste silencieux, frappé par la gravité de son discours. Quelque chose de lourd semble soudain accabler mes sens. Un découragement. Comme si sa négativité était infectieuse. J’ai pas envie de l’avouer, mais je crois qu’au fond, elle a raison. Je l’ai toujours cru. C’est ça qui nous attend. Ensemble ou pas. La vie est décevante et prévisible. Et on peut pas y échapper. Enfin, si. On peut sauter d’un pont. Est-ce qu’elle a toujours eu cet état d’esprit, depuis le début de la soirée ? Ou est-ce qu’y a quelque chose qui s’est brisé à un moment, sans que je m’en rende compte ? Je l’ignore. Mais j’ai l’intuition de découvrir son vrai visage, pour la première fois. Enfin. Voilà qui elle est, au fond d’elle. Et malheureusement pour nous deux, je trouve pas de mots pour la contredire.
- C’est un charmant programme que tu nous offres là, Mélodie...
Je tente d’avoir l’air assuré dans ma réponse. De faire passer ça pour du sarcasme. Mais elle semble bien sentir l'accablement dans ma voix. Elle me fixe avec tristesse. Y a plus de colère en elle. Juste une lassitude qu’elle semble avoir acceptée.
- C’est la vie, Charlie. Juste la vie.
On échange un regard. C’est la fin, on le sait. Je peux pas rester là. Je peux pas rester avec elle. Je vais pas le supporter. Ses mots sont comme des couteaux qui écorchent mon âme. Et la raison pour laquelle ils me blessent, c’est parce que je sais qu’ils sont vrais. T’as tout compris, Mélodie. Comme d’habitude. J’aurais simplement aimé que ce soit pas le cas.
Je la regarde avec douceur, et lui parle alors de mon ton le plus sincère.
- Je te souhaite le meilleur.
Je me détourne. Il faut que je parte. Vite. Que je rentre chez moi. La situation me devient ingérable. Mélodie a un petit rire sans joie, répétant le mot sans vraiment y croire.
- Le meilleur...
Elle lève son verre de vin, comme si elle s’apprêtait à se lancer dans un discours. Je repousse le battant de la porte. J’ai comme une envie de vomir. Il faut que je m’enfuie. Que je parte loin d’elle. Que j’oublie tout ça. Avant de perdre mes moyens. Avant de faire une connerie.
- In vino veritas.
Je me stoppe net. Je sens les poils de ma nuque se hérisser. Une intuition paranormale vient de traverser tout mon corps à la vitesse de la lumière. C’est pas la première fois que ça me fait ça. J’avais ressenti la même chose, dans la chambre, quand j’avais trouvé la carte de visite. Y a quelque chose dans sa phrase qui a alerté tous mes sens. Mais j’arrive pas encore à comprendre quoi.
Je me retourne vers elle.
- Qu’est-ce que t’as dit ?
Elle finit sa gorgée, et me regarde avec étonnement.
- In vino veritas. C’est un truc que mon frère dit tout le temps avant de trinquer. C’est du latin. Ca veut dire : “la vérité dans le vin”. Ou quelque chose comme ça.
La vérité. Le mot résonne contre les parois de mon crâne, se transformant en un écho qui traverse tout mon être. La vérité. Ce mot, je l’ai entendu dans la soirée. Plusieurs fois. Je l’ai lu, même. Toujours empreint de mystère. La vérité. C’est ce qu’y avait écrit derrière la carte de visite, dans la chambre. La vérité. C’est ce que le Messager à tête de cochon m’a répété. La vérité. Suis la vérité. C’est le présage qui accompagne le signe. Le signe que je vois partout. La vérité. Il est répété là, une dernière fois, de la bouche même de Mélodie. Alors que j’allais partir, que j’allais abandonner. Ca peut pas être une coïncidence. C’est la réponse que j’attendais !
Ou pas...
C’est peut-être bien juste une coïncidence... Je sais plus... Je sais plus rien... J’ai l’impression de perdre pied... De sombrer une nouvelle fois vers le royaume de la folie... Je commence à sentir ma tête qui tourne...
La vérité...
Suis la vérité...
Tu dois suivre la vérité...
Mes jambes se mettent à trembler. J’ai peur de m’évanouir. Une sensation envahit mon esprit. Une sensation étrange. Comme un air de déjà-vu. J’ai déjà vécu ce moment. Non ? Je suis là, mais je suis pas là. Je suis pas dans le présent. Je suis ailleurs, en train de traverser un souvenir. Je suis à l’extérieur de la scène, à observer mon corps. A me regarder bouger sans avoir aucun contrôle sur mes mouvements. Et soudain, tout m’apparait plus clair. J’ai la certitude que toutes les péripéties de la soirée menaient quelque part. A cet instant. C’est à cette seconde précise que les fils de la destinée s’entrecroisent. Ce que je vais faire maintenant, ce que je vais choisir de faire, définira tout. Je le sais. Je le sens. Mélodie et moi, on répète cette danse depuis bien avant le Big Bang. Et on la revit à travers un cycle éternel, dans des dimensions qui existent au-delà de notre perception du temps. On devait se rencontrer. Ce soir. C’était inévitable. C’était écrit. Tout ce qu’on a vécu ensemble, au cours de ces dernières heures, ça avait du sens. Nos errements n’étaient pas vraiment des errements. Nos doutes n’étaient pas vraiment des doutes. Tout menait vers cette ultime réponse. Vers cette phrase prononcée aveuglément. Chaque action qu’on a vécu ensemble au cours de cette nuit n’a été qu’une étape de plus sur le chemin caché qui serpente en direction de la porte de la vérité. Et c’est là qu’on se trouve désormais. On va l’ouvrir, cette porte. Il fallait qu’on se rencontre pour y accéder, à ce moment précis, ce nœud de connexion cosmique qui ne peut exister qu’à travers nous deux. Tout est là. Tout se passe maintenant. Tout !
- Ca va ?
Elle prononce la question avec une légère inquiétude. Je reviens à moi, et pose une main sur mon front. Je me sens pas bien. Je perds la tête. Tout tourne beaucoup trop vite autour de moi.
- J’ai l’impression qu’on a... déjà vécu ça... non ?
Elle fronce les sourcils.
- De quoi tu parles ?
Je relève les yeux vers elle. Elle a l’air de sincèrement pas comprendre. Pourtant elle fait partie du tourbillon fatidique, elle aussi, qu’elle s’en rende compte ou pas. Je fixe la bouteille de vin, posée sur l’îlot, à côté d’elle. A vrai dire, je vois plus ça. La seule forme claire dans une tempête de couleur. In vino veritas. La vérité dans le vin. La vérité. Suis la vérité. Tu dois suivre la vérité. Je comprends. Je dois plus hésiter...
Je bondis en avant. J’attrape le pinard, et j’engloutis une grosse gorgée directement au goulot. Mélodie lâche un petit cri paniqué.
- Qu’est-ce que tu fais ?!
Elle m’attrape le bras, m’obligeant à reposer la bouteille. Trop tard, j’en ai avalé une bonne partie. Je suis essoufflé. Mais tout autour de moi recommence à prendre forme. La sensation de déjà-vu disparait. Je retrouve lentement mon calme. Je crois que j’ai fait ce qu’il fallait. J’ai bien agi. Je sais pas ce que ça signifiait, mais pour la première fois, j’ai l’impression d’avoir suivi la volonté de l’Univers. Pour la première fois, j’ai l’impression d’avoir eu un vrai but, et de l’avoir rempli correctement, aussi impénétrable soit-il.
Mais Mélodie a pas l’air de partager ma sérénité. Elle fait un pas en arrière, me fixant avec des yeux choqués. Elle répète d’une petite voix, presque un murmure.
- Qu’est-ce que t’as fait ?
Elle reste bouche-bée, sans voix, à me dévisager. Je comprends pas sa surprise.
- Quoi ?
Et puis soudain, contre toute attente, elle se met à rire. Mais pas le genre de rire communicatif qu’elle a d’habitude. Pas le genre de rire qui met du baume au cœur, et qui donne envie de la suivre jusqu’aux confins du monde, pour la seule chance de l’entendre à nouveau. Non, ce rire-là est froid, presque cruel. Y a pas d’amusement derrière. Elle recule, continuant de me fixer. Je sens une angoisse me gagner.
- Qu’est-ce qui t’arrive ?
Elle arrive pas à se calmer. D’un simple geste, elle désigne quelque chose posé sur l’îlot. Quelque chose de petit, que j’avais pas remarqué en entrant dans la pièce. Un flacon marron, à moitié vide. Je comprends pas de suite. Mais ça dure pas longtemps. Ce flacon, je l’ai déjà vu. Chez son frère. Arthur me l’avait présenté. Il m’avait dit que c’était le secret, la solution à mes problèmes. L’expérience que je recherchais. Une expérience de mort...
Du LSD !
Mon cœur s’accélère. Je panique. Comment ça se fait que le flacon se retrouve ici ?! Ca peut pas être le même ! Si ?! Je dois me tromper ! Il faut que je me trompe !
Je me tourne vers Mélodie. Une terreur paralysante s’empare de moi. Elle continue de me fixer, prise de son fou rire dénué de toute chaleur. Je bondis vers elle, et l’attrape par les bras. Je la secoue brutalement, hors de moi.
- Qu’est-ce que t’as fait ?!
Elle se calme un peu. Elle continue de me dévisager. Elle sourit. Son expression est glaciale. Elle dit rien. Je me contrôle plus. Je la secoue davantage.
- Qu’est-ce que t’as fait ?!
Elle parle toujours pas. Dans ses yeux, au delà de son sourire, y a quelque chose qui m’effraie. Quelque chose de dur. Quelque chose qui a renoncé. Qui a accepté l’incessante souffrance de l’existence. Dans ses yeux, je contemple la Mort. Elle a pris une apparence humaine. Mais y a pas de doute que c’est elle.
Mon visage se décompose. Je reste immobile. Je sais plus comment réagir. Mes membres perdent leur force. Le flacon. Il était dans la boite, chez son frère, avec le reste de la drogue. Elle a tout volé quand on est partis. Elle l’avait sur elle, dans son sac, pendant tout le reste de la soirée. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle comptait faire ? Elle avait un plan, où c’était juste une autre de ses fâcheuses improvisations ? In vino veritas. La vérité dans le vin. Suis la vérité. Elle a vidé une partie du LSD dans la bouteille. Et elle l’a bu... Qu’est-ce qu’elle a dit dans la piscine, juste avant qu’on se sépare ? Il est temps de mettre fin à cette soirée, tu penses pas ? Elle a renoncé. Elle a compris que je sauterai pas du pont avec elle. Alors, elle a pris les devants. Elle a décidé de mettre fin à ses jours, toute seule, comme une grande. Sans moi. Quelques gouttes de ce truc, et tu pars pour un trip au-delà de la réalité. C’est ce que son frère a dit. Elle a vidé la moitié du flacon. Elle cherche pas un simple trip. Elle cherche le trip ultime. L’overdose ! J’allais partir. J’allais la laisser mourir, seule, dans cette grande maison vide. Je m’en serais jamais rendu compte. Sans cette intuition qui m’a traversé...
Cette intuition qui m’a poussé à...
J’ai bu la bouteille, moi aussi. J’ai bu le poison. Je suis condamné. Avec elle.
Mes doigts lâchent leur emprise autour de ses bras sans que je m’en rende compte. Elle capte dans mon regard la compréhension de notre situation. Son sourire disparait. Son visage prend une allure plus douce. Elle caresse ma joue avec délicatesse. Un geste qui se veut réconfortant.
- Chuuuuuuut.
J’arrive plus à bouger. J’arrive plus à penser. J’arrive plus à rien faire. Je lui réponds dans un murmure.
- Mélodie, qu’est-ce que t’as fait ?
- Reste avec moi.
Ses mots sont emplis de tendresse. Elle a fait son choix. Elle a accepté son sort. Elle me prend dans ses bras. Je me laisse faire, impuissant. Son étreinte est chaude et rassurante. Familière. Je sens son cœur battre contre le mien, dans un rythme uni. On est reliés comme on l’a jamais été. Comme si on formait plus qu’un seul être. Un être qui va finir ses jours ce soir. Elle se met doucement à déposer des baisers sur chaque centimètre de mon visage. A chaque fois que ses lèvres rentrent en contact avec ma peau, elle répète la même phrase, dans un chuchotement affectueux.
- Reste avec moi. Reste avec moi. Reste avec moi.
Je la serre dans mes bras en retour, et je ferme les yeux. Je sens les larmes me gagner. Mes jambes me trahissent. Je m’écroule sur le sol, à genoux. Elle se penche, et se colle davantage à moi pour me consoler. J’étouffe un sanglot, plongeant mon visage au creux de son épaule. La fréquence de ses baisers s’accentue.
- Reste avec moi. Reste avec moi. Reste avec moi.
C’est fini. J’abandonne. Je deviens une statue. La matière qui me compose soudée à la sienne. Y a plus rien à faire. C’est trop tard. On va quitter ce monde. Ensemble. C’est le mieux qu’on puisse faire.
- Reste avec moi. Reste avec moi. Reste avec moi.
Ses baisers continuent. On mourra pas seuls. Dans un sens, aussi tordu que ça puisse paraitre, je suis content d’être avec elle. On mourra pas seuls. C’est déjà plus que ce dont la plupart des gens ont droit.
***
Le poison fait son effet. Le temps disparait. Le monde autour de nous vrombit. Il perd sa substance. Les murs de la maison sont parcourus de vagues, comme s’ils avaient oublié devoir rester immobiles. Je sens mon esprit s’égarer au-delà du voile qui sépare les dimensions.
***
Je suis couché sur le sol, dans le salon. J'ai aucune idée de comment je me suis retrouvé là. Ma mémoire à court terme est percée de trous. Tout autour de moi tremble. Une terreur suffocante s’empare de mon corps.
Je vois les ombres de la pièce prendre vie. Elles décident de montrer leur vraie nature. Elles se meuvent sur le sol, comme des serpents. Elles ont toujours été vivantes. Elles faisaient juste semblant avant, en attendant leur heure. Elles m’entourent, dansant autour de moi dans un rituel incompréhensible. Elles chantent une complainte poétique, dans une langue oubliée, imprononçable par des formes de vie à base de carbone tels que nous. Je pousse un cri. Elles m’effraient. Je les sens m’épier, scrutant mon âme au-delà de la matière. Elles veulent me dévorer. Elles patientent, mais elles attendent que le moment où elles vont pouvoir emporter ma chair dans leur antre. Je le sais. Je l’ai toujours su. J’ai peur. Bon sang, j’ai peur. J’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Je crois même n’avoir jamais vraiment connu la peur avant ce moment. La vraie peur, celle qui vous fait perdre la raison.
Mon corps se contorsionne dans tous les sens.
***
Je sais pas combien de temps je reste par terre, à me tordre de manière désarticulée. Les ombres continuent leur danse. Je sens une douleur aigue me transpercer le ventre. C’est donc ça, mourir ? Des larmes coulent sur mes joues. J’ai envie que ça s’arrête.
***
Je tourne la tête. Mélodie est couchée à côté de moi. Elle est en train de se débattre contre quelque chose d’invisible. Elle aussi voit probablement les ombres qui sont venus nous chercher. Elle a les yeux fermés, le visage couvert de sueur. Elle crie. Et la douleur dans mon ventre continue, s’accentue. Je sais qu’elle la ressent, elle aussi. Avec la même intensité que moi...
***
Le temps n’existe plus du tout. Le monde non plus. Y a plus que nous deux, en agonie. Faites que ça s’arrête.
***
Je suis en nage. La douleur est maintenant trop forte. Je peux plus bouger. Je décide de l’accepter, de vivre avec, dans l’éternité au travers de laquelle ma conscience se développe désormais. Puisse-t-elle m’emporter loin d’ici...
***
Je fixe le plafond. Les ombres terminent leur rituel. Elles se réunissent là, face à moi. Elles se fondent les unes dans les autres pour former une plus grande ombre. Elle. L’Ombre. La Mère, la Maitresse de toutes. Enfin. Je l'attendais. Elle est les ténèbres qui me pourchassent depuis le début de la soirée. Depuis ma naissance. La fin de la chute. La destination. Qu’elle vienne stopper la souffrance. Qu’elle mette fin à tout cela. Mon corps est paralysé. La douleur est toujours là, mais je sens un sentiment d’apaisement anesthésier tous mes membres. Je suis face à la fin. La fin de tout. Je la reconnais. Elle a toujours été présente dans ma vie, à peine discernable, comme une illusion d’optique dans l’angle mort de ma vision. Eternelle, à m’observer en silence. Nous observer tous. Patientant en attendant son heure. On passe notre vie à tenter de l’éviter. Mais elle se cache. Elle nous suit, imitant chacun de nos pas, glissant entre les parois de nos maisons. Elle se dissimule sous nos lits, dans nos placards. Elle est toujours là. A chaque écho de rire, à chaque pleur. Quand un enfant nait, ou joue. Quand on a une bonne note à l’école, ou qu’on demande notre petite-amie en mariage. Elle est là. Peu importe qu’on la voit, ou pas. Et elle sait. Elle sait que notre vie n’a été qu’empruntée. Et qu’un jour, on va devoir retourner en son sein.
Enfin, je la vois de mes yeux ! Un élan de révérence me gagne. Une émotion d’humilité. J’ai envie de pleurer. Je me sens minuscule. Emporte-moi, Ombre. Je suis rien face à toi. Et toi, tu es tout. Pendant trop longtemps, je t’ai fui. Mais je t’appartiens. Je t’ai toujours appartenu. On t’appartient tous.
L’Ombre tourbillonne sur le plafond, comme un maelstrom. Elle grossit à vue d’œil, se transformant en un nuage de ténèbres qui obscurcit le ciel de mon existence. Maintenant, y a plus qu’elle. L’Ombre qui tournoie lentement au-dessus de moi. Emporte-moi, je t’en prie. Je suis sûr que tes funèbres bras ont la douceur et le confort que je recherche.
Un trou apparait au milieu d'elle. Un trou noir. Il me fixe comme un œil géant et obscur, semblant attendre quelque chose de ma part.
Je me tourne vers Mélodie. Elle est immobile, les yeux fermés. Est-ce qu’elle est morte ? J’en ai aucune idée. Je suis désolé, mon amie. J’ai fait le maximum que j’ai pu. Malgré les obstacles, je suis resté avec toi jusqu’au bout. Je serais resté avec toi au-delà de la fin même, si j’avais eu le choix. Mais on est arrivés aux limites de ce que je peux faire. On peut mourir ensemble. Mais y a un moment où on est tous obligés d’affronter l’Ombre seuls. Je suis désolé. J’espère que tu m’en veux pas. Je t’aime, mais je peux pas faire plus que ça. C’est le moment de se séparer.
Je regarde l’Ombre, et je réponds dans ma tête à sa silencieuse question. Oui, je suis prêt. Emporte-moi, je t’en supplie.
Alors, la douleur s’arrête. Je suis soudain parcouru d’une sensation de légèreté. Mes poumons se vident dans un dernier long soupir. Quelque chose part de ma poitrine, et s’éloigne des délimitations de mon corps, pour finir par englober le reste du monde autour de moi. Ma première réaction est de paniquer. Un instinct de survie. Un simple reflex égoïste. J’ai envie de continuer à être moi, juste encore un tout petit moment.
Je regarde autour. La cérémonie a déjà commencé. Les atomes de mon corps se désagrège. Comme des grains qui tomberaient au ralenti d’un château de sable. Sauf qu’au lieu de tomber, ils remontent. Vers leur Maitresse. Vers l’Ombre. Aspirés par le trou noir. Alors, je lâche prise. J’abandonne. J’accepte de me laisser faire. De me laisser emporter. Je suis en paix. Bientôt, je vais plus exister. Au fond, c’est pas plus mal.
Mes pensées se mettent à flotter dans les airs, accompagnant les atomes qui les avaient autrefois aidés à se former. Je me sens avancer en direction de l’œil. Lentement. Il continue de me fixer, en silence. Mais il a pas besoin de mots. Je comprends son message.
C’est l’ultime voyage. Y a pas de retour arrière possible.
Je sais.
Je le veux.
Je suis plus qu’un esprit balancé au moindre coup de vent. L’œil noir continue de se rapprocher. Je jette un dernier coup d’œil en arrière, pas par peur, mais par pur sentiment de nostalgie.
J’aperçois mon corps. Il est resté couché à terre, tandis que mon esprit a décidé par lui-même de s’envoler. Mélodie est à côté de lui. Ils sont immobiles, se tournant le dos, tordus dans des positions d’agonie, les genoux pliés. Elle, le dos arqué. Moi, tout droit, avec mes bras sur le côté. Et je reconnais immédiatement ces formes. Le signe.
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Voilà où il menait...
Je suis content d’avoir eu un semblant de réponse avant la fin. Je me sens apaisé. J’ai plus peur. Il est temps de partir. Je dévie une nouvelle fois, abandonnant mon corps, Mélodie, et le reste du monde. Je pénètre à l’intérieur du trou noir. Un long tunnel se dresse devant moi. Un long tunnel dont les murs sont faits de nuages noirs tourbillonnant. J’arrive pas à distinguer ce qui m’attend de l’autre côté. Et je me souviens alors de la phrase du clochard. Quand tu verras le trou noir, faut que tu suives le tunnel jusqu’au bout. Je sais que ça fait peur, mais faut que tu le suives jusqu’au bout. Alors, lui aussi avait été un Messager de l’Univers. Je me sens ému, rassuré. Le Cosmos a veillé sur moi depuis le début. Il m’a jamais abandonné, communiquant avec moi au travers de la bouche des gens que je rencontrais. Maintenant, je comprends. J’ai jamais vraiment été perdu. Je suis exactement là où je devais être.
Animé par un nouvel élan d’assurance, je remonte le tunnel. Tout disparait autour de moi. Je me retrouve dans des ténèbres impénétrables. J’attends. La suite, un signe, quoi que ce soit. Je continue d’avancer. Y a un flash de lumière. Et puis un autre. Et puis encore un autre. Un orage stroboscopique. Ils se succèdent de plus en plus rapidement. Jusqu’à ce qu’il y en ait un dernier. L’ultime flash. Le plus fort. Comme une explosion.
Et alors, tout devient... blanc. 
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GRIMPEE VALRHONA MAUVES-PLATS
A Mauves, le 12 Octobre 2019
    8eme édition pour cette « jeune » épreuve du calendrier qui propose un contre la montre individuel sur une grimpée de 7,15 km avec un profil assez irrégulier et une petite route très pittoresque et fermée à la circulation pour l’évènement. Le Vélo Club Valrhona qui organisait parfaitement cette course peut compter sur 113 participants malgré une météo bien incertaine et un vent assez fort de sud qui ne facilitera pas la tâche des concurrents !
  Pour ma 5eme participation ici (2 fois victorieux en 2016 et 2017 puis 2eme l’an dernier) j’espère pouvoir de nouveau inscrire mon nom au palmarès ! La condition physique est toujours là et je suis très motivé même si ce fichu vent me tracasse un peu bien que j’ai les repères de l’an dernier où Éole était présent de la même façon. Après avoir retiré le dossard et mangé sur place je rencontre Brice Aerts qui a répondu à l’invitation de Dominique Para et venu se faire plaisir. On va s’échauffer ensemble sur le parcours où je retrouve bien les mêmes conditions que l��an dernier : si les 1ers kms sont globalement à l’abri, la seconde partie de cette montée est bien à découvert et balayée par un vent très fort ! Tandis que Brice redescend pour partir de bonne heure, je poursuis jusqu’à St-Romain-de-Lerpt où un petit crachin se rajoute au vent qui souffle de plus en plus fort sur les crêtes.
Après 28km et 1h12 de route je reviens sur le parking me délester du nécessaire de réparation et bidon et rejoint le départ : Brice en a fini et Claude Costechareyre part juste devant moi. Le départ est rapide et plat : idéal pour s’élancer même si je ne prends aucun risque dans le virage à droite à 90° ! Après 500m grand plateau il est temps de passer le petit et attaquer réellement la montée : un bon km exigent où le vent se fait parfois sentir pour atteindre une partie sinueuse avec 3 virages en épingle. Ensuite c’est 1km très régulier pour atteindre la croix de Beyrieux. Je suis plutôt pas mal sur ce début de montée et Strava me confirmera plus tard, qu’après 4km, j’étais dans les temps de mes meilleurs chronos (idem que 2016 et à 10’’ de 2017)
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     On entre alors dans la partie plus à découvert de la montée avec des « murs » à plus de 10% : je négocie le 1er prudemment en sachant qu’au prochain virage à gauche c’est vent de face de folie et cela pendant 1,5km très difficiles : je choisi de rester assis en mettant le maximum de vélocité pour minimiser la prise au vent mais ça va bien sur moins vite qu’en 2016 où 2017 ! Même le replat atteint n’offre pas de répit : la légère descente où je repasse le gros plateau ne se sent presque pas tellement il faut appuyer sur les pédales ! J’ai alors Claude (parti 1’ avant) en point de mire et je passe en force le dernier talus sans tomber la plaque pour enfin arriver sur les 500 derniers mètres plus faciles (et à l’abri) ; au sprint je coupe la ligne en 16’56 soit 43’’ de mieux que l’an dernier dans des conditions similaires ! Bien sur mes 16’02 de 2018 (record de l’épreuve) sont loin mais la météo était tout autre et il est fort probable que ce vent d’aujourd’hui me coute les 54’’ d’écart : bref je suis plutôt satisfait du chrono lorsque je récupère un peu au ravito.
De retour à Mauves, où je croise Jérôme Dupouy qui part s’échauffer, je tiens le meilleur temps provisoire. Ayant encore pas mal de temps jusqu’aux derniers départs, je récupère bidon et sacoche à la voiture pour rallonger la sortie en direction de Tournon où j’ai repéré 2 bosses : la côte de St-Epine pas très longue mais avec des forts pourcentages puis la montée de Pierre-Reiller après une belle descente de Lubac jusqu’au Grand Pont sur le Doux. Dans cette montée de Pierre j’ai ma cassette qui casse : le pignon de 19 dents coupé en 2 ! : comme ce pignon est solidaire avec le 21 et 23 je peux tout de même continuer de rouler (sans que le reste de la cassette ne bouge) avec juste un rapport de moins qu’il faut sauter en passant les vitesses ! Heureusement que cela n’est pas arrivé en plein chrono… Après avoir rejoint Plats puis de nouveau St-Romain-de-Lerpt, toujours bien balayé par le vent je reviens sur Mauves par Châteaubourg et j’apprends que j’ai gardé ma première place devant Claude et Brice (beau 3eme malgré l’absence de compétition vélo depuis un bon moment !).
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    La saison touche bientôt à sa fin avec cette nouvelle victoire que je suis content d’avoir décroché car j’aime bien cette épreuve ! Alors que chaque participant repart avec un petit sachet de chocolats Valrhona, la remise des prix était elle aussi chocolatée avec la confection de médailles en chocolat or/argent/bronze remis à tous les lauréats ; à prendre en photo pour garder en souvenir car pas sur qu’elle survive bien longtemps !!! Un apéritif offert par l’organisation clôturait ce bel après-midi.
  Classement
http://club.quomodo.com/vcv ou en cliquant ici
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     Strava
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kittyfeli · 7 years
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Jour 12 - Affamé
Theme given by @whumpreads for Inktober 2017!
Elle n’en pouvait plus. Elle ne le supportait plus. Devoir tuer d’autres personnes afin qu’elle puisse se nourrir la rendait malade. C’est pour cette raison que Naomie avait décidé d’arrêter. Elle avait cessé de manger, refusant de toucher de nouveau à de la chair humaine, peu importe ce qu’il pouvait lui arriver. Combien de crimes portait-elle sur ses délicates épaules ? Combien de ses repas possédaient famille et amis, et n’avait jamais pu rentrer à la maison, par sa faute ? Et puis, manger des êtres lui ressemblant en tous points ? Le simple fait d’y songer lui donnait la nausée. De plus, l’assassinat encore récent de ses parents n’arrangeait rien à la chose.
De ce fait, cela faisait maintenant deux semaines qu’elle n’avait rien avalé, si ce n’était du café ; la seule chose pouvant atterrir dans l’estomac d’une goule, sans donner d’atroces relents de nausées. Au début, cela suffisait à combler la sourde famine résonnant au creux de son ventre, soulageant l’envie de planter ses dents dans un morceau de viande, mais, rapidement, le café était devenu inefficace face aux grondements émanant du fin fond de son corps affaibli par la faim, peu importe la quantité qu’elle pouvait ingurgiter.
Aussi avait-elle cessé de se rendre à l’université. Il se faisait dangereux pour elle de s’y rendre ; elle risquait de craquer, à la vue de tous ces humains allant et venant, la frôlant, s’installant à ses côtés durant les heures de cours. Non, elle n’y aurait pas survécu. Une semaine après avoir pris cette résolution, elle ne quittait plus le laboratoire d’Ythel, où elle vivait depuis la mort de ses parents. Celui-ci, inquiet à son sujet, ne cessait de lui répéter de se mettre quelque chose sous la dent, qu’il pouvait se procurer des réserves pour elle, si chasser l’insupportait à ce point. Bien entendu, elle ne doutait pas de cela. Mais elle refusait malgré tout. Et la famine la rendait plus irritable qu’elle ne pouvait l’être d’ordinaire. Alors, bientôt, elle commença à renvoyer son ami par la force, en lui sifflant qu’elle ne désirait pas son aide.
Cette situation la rendait malade. Elle ignorait combien de temps elle pourrait la supporter. Ses crises avaient commencé à se multiplier ; celles-ci avaient toujours été présentes, la jeune fille rejetant sa nature de goule depuis qu’elle en avait conscience. Mais cet instinct s’étant détaché de sa personnalité de base, cette autre elle grognait en constatant l’absence de nutriment.
Une journée de plus s’écoula. Recroquevillée dans un coin du laboratoire, Naomie patientait. Elle ne possédait plus les forces nécessaires pour se mouvoir, de toute façon. Qu’attendait-elle ? Elle-même l’ignorait. Sa tête tournait atrocement, l’empêchant de réfléchir convenablement. Elle ne ressemblait plus qu’à l’ombre d’elle-même, une figure bien triste semblant déjà morte avec sa pâleur cadavérique.
Dans ce silence olympien, un son se fit cependant entendre. La porte de la pièce venait de s’ouvrir, et quelqu’un s’approcha de la goule affaiblie. Elle n’eut pas le temps de voir de qui il pouvait s’agir que, déjà, son nez se mit à s’agiter, humant l’air tout autour d’elle.
Un humain.
De la viande.
A manger.
 « Naomie ? »
  Son unique œil de goule changea de couleur, se remplissant d’une teinte noire, au milieu de laquelle brillait une minuscule pupille sanglante. Dans ce qui ressembla à une explosion de flamme, son kagune, un ukaku, jaillit de son dos.
Puis, la seconde suivante, Naomie ne se trouvait plus au sol. Elle s’était redressée, mâchoire serrée, et fondit sur le scientifique, qui, heureusement pour lui, évita de justesse les crocs de la jeune goule en se décalant d’un pas sur la gauche.
Elle n’en pouvait plus. Sa limite avait été atteinte. Le trou dans son estomac s’était bien trop agrandi pour qu’elle ne puisse le supporter davantage. Elle devait impérativement manger, ou elle en mourrait. Son instinct avait alors pris le dessus, la forçant à se ravitailler avant qu’il ne soit trop tard pour elle. En cet instant, pour elle, ne comptait que sa survie, peu importe ce qu’elle accomplirait pour garantir celle-ci. Le scientifique ne ressemblait plus qu’à une éventuelle proie comme un autre, un morceau de viande sur pieds.
 « N-Naomie… » commença Ythel, visiblement apeuré face à une telle facette de son amie.
 Il déglutit, tandis que la goule grognait, de la bave coulant le long de son menton, comme si elle avait été un animal atteint de la rage.
 « Je sais que tu vas encore m’engueuler, mais… Je t’ai à nouveau apporté quelque chose… S’il te plaît, mange, tu ne vas plus tenir longtemps, comme ça… »
 Vivement, il sortit de la poche de sa blouse blanche un petit paquet, duquel provenait une forte odeur de viande. L’instinct de Naomie en fut affecté puisque, à peine la fragrance lui parvint-elle qu’elle se rua de nouveau sur Ythel, parvenant cette fois-ci à le tacler afin de le plaquer contre le sol, se positionnant à califourchon au-dessus de lui. Ce dernier, sonné, poussa un râle douloureux en atterrissant.
Cependant, avant que les dents de la goule ne viennent s’enfoncer dans sa chair, il plaça le paquet contre la bouche de l’affamée qui, mordant dans le carton de l’emballage, déchiqueta celui-ci, dévoilant ainsi un épais morceau de viande, patientant en son intérieur. Elle s’en empara et l’engouffra dans sa cavité buccale, dépeçant la chair goulument, laissant avec plaisir le goût métallique du sang se répandre au niveau de ses papilles. Quel bonheur, quelle merveille ! Elle se sentit instantanément renaître. A chaque mâchouille, il lui semblait retrouver une once d’énergie perdue.
Qu’est-ce que cette sensation avait pu lui manquer…
Il ne fallut pas attendre bien longtemps avant que toute trace de l’en-cas ne disparaisse au fond de l’estomac de Naomie, qui avala le tout d’une simple gorgée. Bien entendu, cela ne suffirait pas à la satisfaire, mais au moins, elle put retrouver ses esprits, l’énergie de ce qu’elle venait d’ingurgiter se répandant rapidement en elle, dans une vive urgence.
Son kagune disparut, bien que son œil demeurât teinté de noir. Elle se pencha en avant, posant la tête contre le torse de l’homme en dessous d’elle, qui paraissait soulagé de la voir revenir à elle.
 « Bon sang, ça fait du bien… souffla-t-elle.
- Ca va un peu mieux ?
- Ouais… Ah… C’était une mauvaise idée, d’arrêter de manger… J’ai cru que j’allais crever…
- Tu t’attendais à quoi, en te privant d’énergie ? »
 Ythel secoua la tête, un petit sourire attendri sur le visage. Il leva l’une de ses mains, venant la poser prudemment sur la tête de sa protégée afin de lui caresser les cheveux. Elle grogna, plus par habitude que par réelle menace à l’encontre du scientifique.
 « Je sais que c’est pas facile, mais ton régime alimentaire veut que tu te nourrisses d’humains. Alors, tu ne peux pas faire autrement. Je te l’ai déjà dit ; je peux te fournir de quoi faire, si nécessaire.
- Mmh… »
 Un soupir lui échappa. Elle avait échoué, malgré tout. Pourquoi avait-elle dû naître mi-goule, mi-humaine ? Pourquoi cette nature de monstre avide de chair lui avait-elle été attribuée ? Elle ne comprenait pas. Elle qui représentait les deux espèces à la fois, mais en même temps, aucune d’entre elles. Elle se redressa, passant une main dans ses cheveux ébouriffés.
 « J’ai faim… maugréa-t-elle.
- Je me doute ! rit Ythel. Lève-toi, et viens avec moi. Je reviens de chez un ami goule qui tient un… genre de marché noir ? Bref ! J’y ai fait le plein de nourriture. Juste pour toi. Il est temps de te faire retrouver des forces. »
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awakennovella · 7 years
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Ouverture
« Cette fois, je pense avoir une véritable chance. »
« Vraiment ? »
La fée hocha la tête d’une manière prudemment optimiste. Elle savait que le succès était rare ; avant, elle avait toujours échoué.
« Il a regardé un film de science-fiction ce soir. Ça crée plein de possibilités ! »
Son collègue haussa les épaules. « Tu as de la chance », dit-il. « Moi, ma rêveuse est toujours trop réaliste. Bon, à demain. »
La fée fit un signe de la main et partit. Son rêveur était à l’aube du sommeil paradoxal. Pendant qu’elle l’attendait elle réexamina les trois étapes—les trois actes—du cauchemar dans sa tête. Pour se préparer, elle avait déjà lu tous les manuels sur la vie humaine deux fois, y compris un tome de 316 pages au sujet de l’histoire des systèmes d’égouts. Elle était prête.
Et puis, ce fut le moment.
La fée commença à plier l’univers du rêve. Elle fit pousser des arbres grands et pâles, changea la couleur du ciel en violet, construisit une tour en briques à l’horizon, ajouta une deuxième lune et augmenta le vent jusqu’à ce que le rêveur eût des difficultés à rester debout. Elle regarda attentivement son visage. Il semblait curieux. C’était une bonne chose ; il était trop tôt pour lui faire peur.
Lentement, doucement, la fée inversa la pesanteur. Au début, le changement était trop léger pour attirer l’attention du rêveur. Petit à petit, il se rendit compte de l’instabilité de ses pieds. Les feuilles tombées sur la terre s’élevèrent et le rêveur écarquilla les yeux. Il rit. Son corps s’éleva aussi. Il battit ses bras comme des ailes en s’écriant, « Je vole ! Je vole ! »
Avec un sourire sombre, la fée serra le poing. La pesanteur inversée tira sur le rêveur et son mouvement accéléra. Il avançait rapidement vers les deux lunes surréalistes, dont la deuxième était plus dorée et avait une forme plus irrégulière. La fée vit le moment où son expression changea et qu’il eut peur pour sa vie. Ses cris heureux devinrent des cris perçants de terreur.
Mais le cauchemar progressait trop vite ; ce n’était que la fin du premier acte. Le rêveur ne pouvait pas se réveiller si tôt. Avec un geste de sa main, des machines volantes entourèrent le rêveur. Malgré sa peur, il resta pragmatique et ne paniqua pas. Il saisit la machine la plus proche de lui, un appareil métallique qui ressemblait à une abeille démesurée. Il sut immédiatement comment la conduire—après tout, c’était un rêve—et il commença à redescendre.
Le rêveur débarqua avec une exhalaison soulagée et triomphante. Autour de lui, toutes les machines se rassemblèrent. Il donna une petite tape sur le dos de l’abeille. Il les voyait apparemment comme des alliés.
La fée siffla, un son grave qui ressemblait plus au fredonnement qu’au sifflement perçant. Mais toutes les machines l’entendirent et leur comportement changea. Leur peau en métal se fissura et dans les trous on pouvait voir une lumière rouge et brillante. Le rêveur remarqua le changement et il essaya de s’enfuir, mais les machines le prirent en chasse.
Le deuxième acte est accompli, pensa la fée. Elle suivit le rêveur, qui courait vers la tour. Intéressant. La fée siffla de nouveau et les machines le pourchassèrent sans se fatiguer, certains par voie terrestre et certains par voie aérienne, à travers la clairière en évitant les arbres. La fée était depuis son enfance prudente, calculatrice : les machines restaient toujours sur les talons du rêveur sans l’attraper.
La fée créa une porte en bas de la tour juste avant l’arrivée du rêveur. Il l’ouvrit, se précipita à l’intérieur et claqua la porte derrière lui. La fée le regarda. Bizarre, à son avis, qu’il fît tant de confiance à une porte qui n’avait pas existé il y avait quelques secondes.
Par ailleurs, une porte ne pouvait pas arrêter une fée de cauchemars, et surtout pas la fée qui avait donné vie à la porte en question, mais le rêveur n’était pas encore conscient de l’existence de la fée. Comme tous les résidents du plan éveillé, il pensait que les rêves étaient le produit des têtes humaines. La fée accorda néanmoins du crédit au rêveur pour son instinct de conservation.
Elle passa à travers la porte comme un fantôme. Une fois à l’intérieur, elle monta l’escalier hélicoïdal, glissant les mains sur les balustrades de marbre dont pendaient des glands dorés. Elle doutait que le rêveur avait remarqué les détails de sa décoration intérieure dans sa hâte, mais elle avait déjà décidé de remuer ciel et terre pour cette tentative. En passant devant les machines, elle les laissa se désintégrer. Elle avait l’air presque désinvolte, même si elle était anxieuse en réalité. Elle n’avait jamais atteint le troisième acte d’un cauchemar. Jamais auparavant.
La fée gagna le sommet de la tour. Elle s’éclaircit la voix.
Le rêveur avait reculé dans le mur de briques. Il haletait.
« Bonsoir », dit la fée.
Il la fixa du regard. Il était immobilisé, pas par les pouvoirs de la fée, mais par une magie encore plus forte : celle de la peur.
La fée souffla en direction du rêveur et une partie du mur disparut et créa une fenêtre derrière lui. Il sauta de sa position comme après une brûlure.
« Vous allez … vous allez me tuer ? » demanda-t-il finalement d’un ton tremblant.
« Pas vraiment », répondit la fée. Elle se mordit la lèvre, perdue dans ses pensées. « Il faut clarifier. Un jour, oui, j’espère. Mais ce soir, non, pas vraiment. »
Cette énonciation ne sembla pas soulager les soucis du rêveur.
« C’est nécessaire, tu vois », continua la fée en s’approchant de lui. « La fin de ta vie en échange du début de la mienne. Tu comprends, tu es un rêveur idéal. »
« Je ne compre— »
La fée interrompit sa phrase en poussant sur sa poitrine, et le rêveur trébucha et tomba de la fenêtre. Elle se pencha au dehors pour regarder sa chute, une scène qu’elle mit au ralenti pour mieux l’apprécier. Elle vit un hurlement silencieux déformer la bouche du rêveur. Elle était si proche … elle ne pouvait pas supporter un autre échec après être arrivée si loin …
Le rêveur se réveilla de peur.
Le monde se transforma autour de la fée, remplacé par un tourbillon de couleur et de lumière. Elle avait des difficultés à reprendre son souffle. Quand le tourbillon prit finalement une forme stable, elle n’était plus sur le plan endormi. Ce plan était déjà plus éclairé, déjà moins déprimant, déjà exactement ce dont elle avait rêvé (métaphoriquement). Elle se trouvait sur une chaussée grise et solide, au milieu de quelques voitures qui klaxonnaient haut et fort. Elle devint invisible et immatérielle pour apaiser les humains et pour faire le bilan de sa nouvelle situation.
Le ciel était bleu. L’air était frais. Les humains étaient extrêmement bruyants et occupés. Le soleil (juste un seul, et probablement une seule lune aussi) réchauffait sa peau, même en état immatériel, et elle ne s’était jamais sentie si à l’aise.
Elle l’avait fait.
Elle s’était échappée.
La fée explora son nouveau monde en silence et de manière invisible. Elle voulait étudier l’apparence physique des humains pour l’imiter. Grace à ses livres, elle savait que les humains changeaient régulièrement leurs styles, donc il fallait les étudier en personne. Étonnamment, aucun humain n’avait d’ailes. Dommage. Elle pouvait facilement rétracter les siennes, mais elle perdrait sa capacité de vol. La plupart des humains étaient blonds, bruns, ou aux cheveux noirs, mais elle remarqua quelques individus à la chevelure bleue, rose et même multicolore. Elle décida donc de garder la couleur argentée de la sienne.
La fée non seulement regardait les humains mais les écoutait aussi. Et bien qu’elle entendît plusieurs langues, l’anglais était évidemment la langue la plus courante. De plus, elle se rendit compte qu’elle le comprenait. Ces deux révélations la surprise. Une fée qui s’échappe au plan éveillé reçoit les capacités linguistiques du rêveur, mais son rêveur rêvait en français. Elle en était certaine.
Il se peut qu’elle ne fût pas entrée sur le bon endroit du plan éveillé. Peu importe. On pouvait inverser la pesanteur n’importe où. Elle commencerait la re-création du cauchemar ici et elle trouverait le rêveur avant son troisième acte.
Devant elle il y avait un panneau vert. L’entretien de son invisibilité la fatiguait, donc elle redevint visible pour le lire, après avoir vérifié que personne ne la regardait. Il l’informa qu’elle était proche d’un pentagone et d’un cimetière.
Elle essaya de se souvenir des pays du plan éveillé où on parlait anglais. L’Angleterre, bien sûr. Les États-Unis. Le Canada. L’Australie. La Nouvelle-Zélande. Il y en avait probablement d’autres.
« Wow, you’ve got great hair. »
La fée sursauta. Une femme humaine était à ses côtés. Elle observait la fée attentivement et la fée recula un peu. Heureusement, elle avait déjà rétracté ses ailes.
« Mer—thank you », la fée se corrigea.
La femme inclina la tête. « That’s an interesting accent. I can’t place it at all. Are you from far away ? »
La fée fit un son à mi-chemin entre une toux et un rire.
« Yes », elle dit. « Quite. » Elle marqua une pause pour considérer ses mots. Elle ne voulait pas paraître complètement folle. Après sa tragédie, comme elle considérait le cauchemar, sa priorité serait de s’intégrer parmi les humains. « I’m afraid I’m a bit lost », dit-elle. « I haven’t yet mastered navigating this … place. » Elle essaya d’adopter une expression non menaçante.
« Oh, I understand completely », répondit la femme en souriant gentiment. La fée sourit aussi, mais d’une bouche fermée pour ne pas montrer ses dents pointues à cette innocente. « I moved to Arlington from a really small town, and D.C. was like a maze at first. Public transport’s great, though. Where’re you trying to go ? »
Arlington, pensa la fée. D.C. Elle devait être à Washington, D.C., la capitale des États-Unis. Ceci expliquait l’anglais partout. Elle n’était pas du tout près de la France, ni d’un autre pays francophone, sinon le Canada. Mais elle avait l’impression que son rêveur ne venait pas du Canada.
La femme attendait encore sa réponse, donc la fée regarda le panneau une deuxième fois. Entre un pentagone et un cimetière, elle préférait le dernier.
« Arlington National Cemetery », répondit-elle.
La femme lui donna des directions précises et partit, au grand soulagement de la fée.
Il y avait sans doute des endroits moins adaptés à un inversement de la pesanteur qu’un cimetière. Ayant pris sa décision, la fée se dirigea vers sa destination.
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