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traitor-for-hire · 2 years
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Les Quatre Filles March, chapitre 40
La vallée de l'ombre de la mort
Une fois la première amertume passée, la famille accepta l’inévitable et essaya de le supporter de bon cœur, en s’aidant les uns les autres de l’affection accrue qui vient tendrement lier les familles dans les périodes troublées. Ils mirent de côté leur peine, et chacun fit sa part pour faire de cette dernière année une année heureuse.
La chambre la plus plaisante fut réservée à Beth, et tout ce qu’elle aimait le plus y fut rassemblé — fleurs, tableaux, son piano, la petite table à ouvrage, et les chats bien-aimés. Les meilleurs livres de Père y firent leur apparition, le fauteuil de Mère, le bureau de Jo, les plus beaux dessins d’Amy, et tous les jours Meg amenait ses bébés en un pèlerinage d’amour, pour ensoleiller la journée de Tante Beth.
John mit discrètement de côté une petite somme, pour pouvoir avoir le plaisir de fournir à la malade les fruits qu’elle aimait et qui lui faisaient envie. La vieille Hannah ne se lassait jamais de concocter des mets délicats pour tenter un appétit capricieux, laissant tomber quelques larmes tout en travaillant, et de l’autre côté de l’océan arrivaient des petits cadeaux et des lettres enjouées, qui semblaient porter des bouffées de chaleur et de parfums venues de pays qui ne connaissent pas l’hiver.
Ici, chérie comme une sainte du foyer sur son autel, se tenait Beth, aussi calme et industrieuse que jamais, car rien ne pouvait changer sa nature douce et généreuse, et même en se préparant à quitter la vie, elle essayait de la rendre plus gaie pour ceux qui resteraient en arrière. Les doigts affaiblis n’étaient jamais au repos, et un de ses plaisirs était de fabriquer de petites choses pour les écoliers qui allaient et venaient quotidiennement — de laisser tomber de sa fenêtre une paire de mitaines pour des menottes pourpres, un carnet à aiguilles pour la petite mère de nombreuses poupées, des essuie-plumes pour de jeunes écrivains travaillant d’arrache-pied à des forêts de pattes-de-mouche, des albums pour les yeux amateurs d’images, et toutes sortes d’objets plaisants, jusqu’à ce que les réticents grimpeurs à l’échelle de l'apprentissage voient leur chemin jonché de fleurs, pour ainsi dire, et en viennent à considérer la gentille donatrice comme une sorte de fée marraine, assise au-dessus d’eux, qui les couvrait de cadeaux miraculeusement adaptés à leurs goûts et à leurs besoins. Si Beth avait voulu la moindre récompense, elle la trouvait dans les petits visages joyeux toujours tournés vers sa fenêtre, avec des saluts et des sourires, et dans les drôles de petites lettres qui lui parvenaient, pleines de taches d’encre et de gratitude.
Les quelques premiers mois furent très heureux, et Beth regardait souvent autour d’elle en disant « Que c’est beau ! », comme ils étaient assis tous ensemble dans sa chambre ensoleillée, les bébés en train de remuer et de gazouiller sur le sol, mère et sœurs en train de travailler, et père en train de lire, de sa belle voix, des passages des livres vieux et sages qui semblaient riches en mots bons et réconfortants, tout aussi applicables maintenant qu’au moment où ils furent écrits, des siècles plus tôt, dans une petite chapelle, où un prêtre paternel enseignait à ses ouailles les dures leçons que nous devons tous apprendre, essayant de leur montrer que l’espoir peut réconforter l’amour, et la foi rendre possible la résignation. Des sermons simples, qui allaient droit à l’âme des auditeurs, car le cœur du père était dans la religion du ministre, et les fréquentes hésitations de sa voix donnaient une double éloquence aux mots qu’il disait ou lisait.
Ce fut une bonne chose pour tous, ce temps paisible pour les préparer aux tristes heures à venir, car petit-à-petit, Beth dit que l’aiguille était « trop lourde », et la rangea pour toujours. Parler la fatiguait, les visages la troublaient, la douleur la fit sienne, et son esprit tranquille était tristement perturbé par les maux qui affligeaient son faible corps. Pauvre de moi ! Que de journées pénibles, que de longues, longues nuits, que de cœurs endoloris et de prières implorantes, quand ceux qui l’aimaient furent forcés de voir les fines mains tendues vers eux, suppliantes, d’entendre le cri amer, « Aidez-moi, aidez-moi », tout en sentant qu’ils ne pouvaient aider. Ce fut une triste éclipse de l’âme sereine, une courte lutte de la jeune vie avec la mort, heureusement brèves ; et puis, la rébellion naturelle passée, l’ancienne paix revint, plus belle que jamais. Dans le naufrage de son corps frêle, l’âme de Beth se renforça, et bien qu’elle dise peu, ceux qui l’entouraient sentirent qu’elle était prête, et virent que le premier pèlerin appelé était aussi le plus apte, et attendirent avec elle sur le rivage, essayant de voir les Anges venus l’accueillir à sa traversée de la rivière. 
Jo ne la quittait pas même pour une heure depuis que Beth avait dit « Je me sens plus forte quand tu es ici ». Elle dormait sur un sofa dans la chambre, se réveillant souvent pour attiser le feu, pour nourrir, ou soulever ou assister la patiente créature qui ne demandait que rarement quoi que ce soit, et « essayait de ne pas déranger ». Tout le jour elle hantait la pièce, jalouse de toute autre infirmière, et plus fière d’avoir été choisie que d’aucun autre honneur que lui avait jamais accordé la vie. Ce furent des heures précieuses et utiles pour Jo, car en ces moments son cœur recevait les leçons dont il avait besoin. Des leçons de patience, si gentiment enseignées qu’elle ne pouvait échouer à les apprendre, la charité pour tous, l’esprit aimable qui peut pardonner et véritablement oublier la méchanceté, la loyauté au devoir qui rend le plus dur aisé, et la foi sincère qui ne craint rien, mais croit sans le moindre doute.
Souvent, quand elle se réveillait, Jo trouvait Beth en train de lire son petit livre fatigué, l’entendait chanter doucement pour occuper la nuit sans sommeil, ou la voyait reposer sa tête entre ses mains, tandis que les larmes coulaient lentement entre les doigts translucides, et Jo étendue la regardait avec des pensées trop profondes pour les larmes, sentant que Beth, à sa façon simple et désintéressée, essayait de se détacher de sa chère ancienne vie, et de se préparer pour la vie à venir, par des mots de réconfort sacrés, des prières silencieuses, et la musique qu’elle aimait tant.
Voir ceci fit plus pour Jo que les sermons les plus sages, les hymnes les plus saints, les prières les plus ferventes qu’aucune voix ne pourrait proférer. Car ses yeux rendus clairs par de nombreuses larmes, et son cœur attendri par la peine la plus douce, elle reconnut la beauté de la vie de sa sœur — sans histoire, sans ambitions, mais pleine des vertus authentiques qui « sentent bon, et fleurissent dans la poussière », l’oubli de soi qui fait que les plus humbles sur Terre sont plus tôt récompensés aux cieux, le véritable succès, possible pour tous.
Une nuit où Beth regardait les livres sur sa table, pour trouver quelque chose qui lui ferait oublier la fatigue mortelle qui était presque aussi difficile à supporter que la douleur, en tournant les pages de son vieux favori, Le Voyage du Pèlerin , elle trouva une petite note, gribouillée de la main de Jo. Le nom attira son œil, et les lignes brouillées lui certifièrent que des larmes étaient tombées dessus. 
« Pauvre Jo ! Elle dort si bien, je ne vais pas la réveiller pour lui demander la permission. Elle me montre toutes ses choses, et je ne pense pas que ça la dérange si je lis ceci », pensa Beth, avec un regard vers sa sœur étendue sur le tapis, les pinces à côté d’elle, prête à se réveiller à l’instant où la bûche tomberait en morceaux.
MA BETH
Assise patiente dans l’ombre
        Dans l’attente de la lumière bénie
        Une présence sereine et vertueuse
        Sanctifie notre foyer en peine.
        Les joies, les espoirs et les chagrins terrestres
        Se brisent comme l’onde sur la rive        
        De la rivière profonde et solennelle
        Où elle se tient maintenant de son plein gré.
Ô ma sœur, en t’éloignant de moi,       
        Des soucis humains et des conflits,
        Laisse-moi en cadeau ces vertus
        Qui ont embelli ta vie.
        Très chère, accorde-moi cette grande patience
        Qui a le pouvoir de soutenir
        Un esprit enjoué, qui jamais ne se plaint,
        Dans sa prison de douleur.
Donne-moi, car j’en ai bien besoin,
        Ce courage, tendre et sage,
        Qui a verdi le sentier du devoir
        Sous ton pas résolu.
        Donne-moi cette nature généreuse,
        Qui, avec une charité divine,
        Peut pardonner les torts au nom de l’amour.
        Doux cœur, pardonne les miens !
Ainsi notre séparation perd chaque jour
        Un peu de son amertume,
        Et en apprenant cette dure leçon,
        Ma terrible perte devient un gain.
        Car le contact du chagrin rendra
        Plus sereine ma nature sauvage,
        Donnera à la vie de nouvelles aspirations,
        Une confiance nouvelle en l’invisible.
Désormais sauve de l’autre côté de la rivière,
        Je verrai à jamais
        Un esprit du foyer bien-aimé,
        Qui m’attend sur le rivage.
        Espoir et foi, nés de ma peine,
        Deviendront des anges gardiens,
        Et la sœur partie avant moi, par leurs mains
        Me conduira jusqu’à la maison.
Aussi floues et tachées, piètres et bancales que furent ces lignes, elles apportèrent un air de réconfort indicible au visage de Beth, car son unique regret avait été d’avoir fait si peu, et ceci semblait lui assurer que sa vie n’avait pas été inutile, que sa mort n’apporterait pas le désespoir qu’elle craignait. Comme elle se tenait assise, le papier plié entre ses mains, la bûche brûlée s’effondra. Jo se réveilla en sursaut, attisa la flamme, et se glissa au chevet du lit, espérant que Beth dormait.
« Je ne dors pas, mais je suis si heureuse, ma chérie. Tu vois, j’ai trouvé ceci et je l’ai lu. Je savais que cela ne te gênerait pas. Ai-je été tout ça pour toi, Jo ? » demanda-t-elle, avec une sincérité humble et pensive.
« Oh, Beth, tellement, tellement ! », et la tête de Jo vint se poser sur l’oreiller à côté de celle de sa sœur.
« Alors je n’ai pas l’impression d’avoir gâché ma vie. Je ne suis pas si bonne que tu le dis, mais j’ai essayé de bien faire. Et maintenant, quand il est trop tard pour seulement commencer à faire mieux, c’est un tel réconfort de savoir que quelqu’un m’aime autant, et pense que je l’ai aidé.
— Plus que n’importe qui au monde, Beth. Je pensais que je ne pourrais pas te laisser partir, mais j’apprends à ressentir que je ne te perds pas, que tu seras plus pour moi que jamais, et que la mort ne peut nous séparer, malgré les apparences.
— Je sais qu’elle ne le peut pas, et je n’en ai plus peur, car je suis sûre que je serai toujours ta Beth, pour t’aimer et t’aider plus que jamais. Tu dois prendre ma place, Jo, et être là pour Père et Mère quand je serai partie. Ils vont se tourner vers toi, ne leur fais pas défaut, et s’il est difficile de travailler seule, souviens-toi que je ne t’oublie pas, et que tu seras plus heureuse ce faisant qu’en écrivant des livres magnifiques ou en visitant le monde entier, car l’amour est la seule chose que nous pouvons emporter avec nous quand nous partons, et il rend la fin si aisée.
— Je vais essayer, Beth », et en cet instant Jo renonça à sa vieille ambition et se voua à une autre, nouvelle et meilleure, en reconnaissant la pauvreté des autres désirs et en éprouvant la réconfort béni de la croyance en l’immortalité de l’amour. 
Ainsi passèrent les journées de printemps, le ciel se fit plus clair, les fleurs firent leur apparition assez tôt, et les oiseaux revinrent à temps pour dire adieu à Beth, qui, comme une enfant fatiguée mais confiante, se tenait aux mains qui l’avaient guidée toute sa vie, comme Père et Mère la menaient tendrement à travers la Vallée de l’Ombre de la Mort, et l’abandonnaient à Dieu.
Il est rare, si ce n’est dans les livres, que les mourants prononcent des mots mémorables, voient des visions ou nous quittent dans un état de béatitude, et ceux qui ont assisté au  départ de bien des âmes savent que pour la plupart, la fin vient aussi naturellement et simplement que le sommeil. Comme Beth l’avait espéré,  la marée « descendit sans peine », et dans l’heure sombre avant l’aube, sur le sein où elle avait pris sa première inspiration, elle rendit paisiblement son dernier souffle, sans adieux mais avec un regard aimant et un léger soupir. 
Avec des larmes et des prières et de tendres mains, Mère et sœurs la préparèrent pour le long sommeil duquel la peine ne la tirerait plus jamais, voyant avec gratitude la belle sérénité remplacer bientôt la patience pathétique qui leur avait si longtemps brisé le cœur, et sentant avec une joie révérencieuse que la mort était pour leur chérie un ange bienveillant, et non un fantôme redoutable.
Quand le matin vint, pour la première fois en bien des mois le feu était éteint, la place de Jo était vacante, et la chambre était très silencieuse. Mais un oiseau chantait gaiement sur une branche en bouton, tout proches, les perce-neige fleurissaient à la fenêtre, et le soleil de printemps rayonnait comme une bénédiction sur le visage paisible sur l’oreiller — un visage empli d’une paix dénuée de souffrance, à tel point que ceux qui l’aimaient souriaient à travers leurs larmes, et remerciaient Dieu que Beth, enfin, ne souffre plus.
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oraneonsedna · 23 days
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En quoi la notion d’altérité peut-elle éclairer les relations entre anthropologie et littérature ?
Introduction
« L'anthropologue, qui effectue une expérience née de la rencontre avec l'autre, agissant comme une métamorphose de soi, est souvent conduit à rechercher des formes narratives susceptibles d'exprimer et de transmettre le plus exactement possible cette expérience. » (Laplantine, 1987). L'anthropologie, dans sa quête de connaissance de l'homme, se retrouve confrontée à une altérite qu'il s'agit alors de comprendre et de (re)présenter. L'expression de cette rencontre avec l'autre, par l'anthropologue, s'accompagne de la recherche de formes narratives pertinentes (Ibid.). A ce moment-là, « la confrontation de l'anthropologie avec la littérature s'impose » (Ibid.).
Au-delà du recourt à la littérature dans une volonté d'expression et de transmission de recherches anthropologiques, ne retrouvons-nous pas déjà une relation de la littérature à l'autre dans son existence-même ? En effet, la littérature comme l'anthropologie sont des disciplines qui recherchent la connaissance de l'homme. Or cette quête implique une rencontre avec l'altérité. Nous pouvons alors nous poser la question suivante : quels sont les défis que rencontrent la littérature et l'anthropologie dans cette quête commune de connaissance de l'autre ?
Dans un premier temps, il s'agit de s'intéresser à la question du décentrement, comme une étape nécessaire à la rencontre de l'autre. Dans une deuxième partie, nous nous interrogerons sur la façon dont anthropologie et littérature fabriquent l'autre en en parlant. Enfin, dans une troisième et dernière partie, nous verrons comment le rapport à l'altérité évolue au 20ème siècle et favorise désormais des discours sur le proche/le « nous ».
I. Le décentrement, par l'anthropologue et par l'écrivain
Le décentrement est « cette capacité à prendre distance d'avec soi, ses repères, ses convictions, sa vision du monde, pour aller à la rencontre d'autrui. » (Vandamme, 2017). L'anthropologue a une démarche scientifique, qui suppose la reconnaissance de ses propres biais de représentation – que Durkheim appelle « prénotions » – afin de permettre le décentrement. Bronislaw Malinowski entreprend une anthropologie de terrain et utilise la méthode de l'observation participante. Sur le terrain, Malinowski exprime, dans un journal, ses pensées intimes au sujet de « la vie des indigènes » qui lui semble « entièrement dénuée d'intérêt ou d'importance » (Lombard, 1987). Ce journal privé, dans lequel l'anthropologue couche des représentations personnelles qui n'ont pas vocation à être rendues publiques, sera malgré tout publié post mortem. Certains enseignants en anthropologie s'inspirent aujourd'hui de ce journal, encourageant leurs étudiants à écrire leurs représentations intimes dans un carnet personnel. L'objectif est le suivant : conscientiser ses prénotions, pour mieux s'en éloigner au moment de proposer une description/analyse scientifique. Nous voyons avec cet exemple que la littérature – sous la forme d'un journal personnel de terrain – permet la mise à distance avec soi, et donc le décentrement, de l'anthropologue. Cette stratégie peut également être employée par des écrivains qui cherchent à proposer une réflexion sur l'altérité.
L'écrivain et l'anthropologue utilisent la littérature pour se mettre dans la peau d'un Autre. En 1721, Montesquieu publie son roman épistolaire Les lettres persanes, dans lequel il vient faire de sa propre société un objet Autre. C'est à-travers le regard de ses personnages fictifs Persans que Montesquieu vient tourner en ridicule et critiquer sa propre culture. Le pouvoir (le Roi), l’Église et les mœurs de son époque se retrouvent efficacement tournés en dérision. S'agit-il cependant d'un véritable décentrement, dans le sens qu'en donnait Vandamme ? La fiction permet aux auteurs un camouflage de leur identité derrière des personnages. Ces derniers sont alors instrumentalisés, car ils deviennent les porte-paroles décomplexés des représentations de leur créateur. Il ne s'agit sans doute plus tant ici d'un décentrement que d'une stratégie de l'écrivain pour parler plus librement. Ce phénomène est également retrouvé dans l’œuvre de Gustave Flaubert, avec la parution de Madame Bovary en 1857. Dans ce roman, Flaubert utilise ses personnages pour rire de la petite bourgeoisie de province. Il se retrouvera par ailleurs accusé d'outrage à la morale publique et religieuse. Nous remarquons que la position de décentrement est facilitée par l'approche scientifique anthropologique, quand les littéraires favorisent plutôt le rapport à soi sur le rapport à l'autre. La littérature, cependant, intervient dans le processus de décentrement de l'anthropologue, en permettant à celui-ci de reconnaître – puis de dépasser – ce qui jusqu'à présent l'empêchait de comprendre l'autre.
II. La fabrication de l'Autre, par l'anthropologue et par l'écrivain
« Le petit-bourgeois est un homme impuissant à imaginer l'Autre. Si l'autre se présente à sa vue, le petit-bourgeois s'aveugle, l'ignore et le nie, ou bien il le transforme en lui-même. Dans l'univers petit-bourgeois, tous les faits de confrontation sont des faits réverbérants, tout autre est réduit au même. » (Barthes, 1970). Ce sont les normes et les valeurs dans lesquelles l'individu a été socialisé qui conditionnent son rapport à l'Autre. La norme et la déviance sont les deux faces d'une même pièce. Tout ce qui n'est pas la norme d'un individu est condamné à être d'abord interprété comme une déviance. Que faire de la déviance ? Pourrait-on envisager de la laisser exister telle qu'elle ? Devons-nous la comprendre et donc la nommer ? En cherchant à analyser scientifiquement l'altérité, les anthropologues ont entrepris de classer et nommer l'Autre. L'espèce humaine se retrouve ainsi organisée en catégories. Ces classifications ethniques seront récupérées pour justifier des entreprises coloniales. Les stéréotypes racistes des premiers temps de l'anthropologie ont laissé des traces jusque dans les représentations actuelles.
L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident est écrit par Edward Saïd et publié en 1980. Dans son ouvrage, Saïd reproche l'ethnocentrisme de ceux qui fabriquent un Autre fantasmé, inférieur ou idéalisé. Artistes et écrivains romantiques du 19ème siècle fabriquent un Orient essentialisé, fantasmé comme l'inverse de l'Occident. Saïd affirme que ce discours par l'Occident, qui véhicule une imagerie et un vocabulaire qui n'a de sens que pour lui, produit l'orientalisme comme « un style occidental de domination, de restructuration et d'autorité sur l'Orient » (Saïd, 1980, p. 15, dans le cours de Littérature et anthropologie N8CL301). Le succès de l'ouvrage majeur de Saïd joue un rôle important dans l'émergence d'un nouveau courant intellectuel critique, à la fin du 20ème siècle : le post-colonialisme. Nous remarquons que les anthropologues comme les écrivains produisent une altérité fantasmée. Le rapport à l'altérité est une problématique philosophique, sociale et psychologique. L'anthropologie, dont le statut de discipline scientifique peut être mobilisé comme argument d'autorité, et la littérature, accessible à un plus grand nombre, ont toutes deux un pouvoir non négligeable dans la circulation des représentations sociales et culturelles.
III. La rencontre du proche/du « nous », par l'anthropologue et par l'écrivain
« La seconde moitié du XXème siècle confronte la discipline anthropologique à un double mouvement de décolonisation : une décolonisation des territoires dans lesquels elle pratique ses recherches, et une (tentative) de décolonisation de ses sujets, ses méthodes et ses épistémologies. » (Calenda, 2022). Les anthropologues ne veulent plus enquêter dans des terrains lointains. Il s'agit désormais de rechercher la rencontre de l’altérité dans un ailleurs différent... plus proche. L'altérité est par ailleurs réinterrogée, car il n'est plus question de reproduire les rapports de domination coloniaux. Les anthropologues veillent à ne plus ignorer les rapports de pouvoir en jeu dans les interactions, qu'il s'agisse de domination de classe, de genre, ou autre. (Ibid.) C'est dans ce contexte que l'anthropologie du proche se développe. En 2011, l'anthropologue Ghislaine Callenga publie Le feu aux poudres. Une ethnologie de la « modernisation » du service public. Cet ouvrage est réalisé à l'issu d'un travail de recherche de dix ans au sein d'un terrain proche : la Régie des transports de Marseille (RTM).
Écrire sur le proche n'est pas réservé aux anthropologues. Une fois encore, nous pouvons observer de quelles façons la littérature et l'anthropologie se retrouvent imbriquées, à-travers l'exemple de l'écrivain Georges Perec. En 1978, Perec publie La vie mode d'emploi. Qualifiée de « romans » par son auteur, cette œuvre fait la description détaillée des vies de chaque habitant d'un même immeuble. Tel l'anthropologue qui s'essayerait à la monographie de fiction, Perec transcende les disciplines. En 1989, l'écrivain déclare que l'heure est venue de fonder une anthropologie qui pille le « nous » plutôt que « les autres » ; il défend le passage de l'exotique à l'endotique. Nous affirmions plus tôt que les littéraires favorisaient le rapport à soi quand les anthropologues favorisaient le rapport aux autres. Or, il s'agit désormais de quitter la dichotomie je/eux ; Perec défend le projet d'une anthropologie du « nous ».
Conclusion
Pour conclure, nous avons vu que les relations entre anthropologie et littérature sont poreuses et que la notion d'altérité vient éclairer leurs ressemblances et dissemblances. Certains romans sont cités et reconnus pour mélanger les sciences sociales et la fiction, quand certains travaux anthropologiques sont eux réputés pour leurs audaces littéraires et créatives. En introduction, nous nous demandions quels défis rencontrent la littérature et l'anthropologie dans leur quête commune de connaissance de l'Autre. Nous avons pu observer que l'altérité émerge à chaque étape de la démarche scientifique (anthropologique), du décentrement à la restitution du travail de terrain. A chacune de ces étapes, la littérature est mobilisée : elle vient aider l'anthropologue à prendre de la distance avec ses représentations (le journal de l'ethnologue) ; elle fabrique des catégories en les nommant, ce qui a pour effet de transformer le rapport à l'Autre ; etc. Parfois, c'est l'écrivain de littérature qui se déguise en anthropologue – Montesquieu à-travers ses personnages Persans, Perec dans ses descriptions de vies... – brouillant encore les définitions et les frontières des disciplines. Par ailleurs, en s'adressant au plus grand nombre, les écrivains de littérature ont une influence particulière sur le lecteur et ses représentations de l'Autre.
Quand la littérature propose une représentation de l'Autre fantasmée – ce que reproche notamment Saïd dans sa critique de l' « orientalisme » –, ne participe t-elle pas autant que l'ouvrage anthropologique, si ce n'est davantage, à la fabrication de l'Autre dans les représentations collectives ?
Bibliographie
BARTHES Roland, Mythologies, éd. Seuil, 1970, chap. « Martiens ».
COLLEYN Jean-Paul, « Quelles sont les voix du film ? », Journal des africanistes, 2017. URL : http://journals.openedition.org/africanistes/5869
LAPLANTINE François, Clefs pour l'anthropologie, éd. Seghers, 1987, chap. « Anthropologie et littérature ».
LOMBARD Jacques. « Malinowski Bronislaw, Journal d'ethnographe », Revue française de sociologie, 1987. URL : https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1987_num_28_2_2407
VANDAMME Pierre-Étienne, « Qu'est-ce que le décentrement ? Moralité individuelle et justice sociale », Ethica, 2017. URL : https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal%3A184830/datastream/PDF_01/view
« Du terrain (près de) chez soi – Épistémologies du « proche » en anthropologie », Appel à contribution, Calenda, 2022. URL : https://calenda.org/965603
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bgugliel · 3 months
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podtodigital · 4 months
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Written by Jonathan Lamarquise
Entrepreneur français à Madagascar, expert en BPO et Outsourcing. Passionné par l'innovation et le développement des affaires internationales.
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virginieterroitin · 7 months
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En Vacances avec Jeannie L
de Bordeaux à La Réole (33) 2023 — projet mené avec l amicale, en collaboration avec Maddalena Pornaro · animation d'ateliers · voyage à vélo pendant 3 jours · conception et réalisation d'une installation · exposition collective — Une résidence d’artistes itinérante, portée par Bruit du frigo. Pour cette résidence particulière, nous étions invitées en tant qu'artistes aux côtés de Marianne Vieulés et Camille Téqui. C'est un groupe composé de membres venant d'horizons différents : mineurs isolés, jeunes adultes neuro-atypiques, leurs éducateur·ices et des artistes. Nous nous sommes rencontré·es d'abord autour d'ateliers, pour faire connaissance, préparer l'expédition à vélo de l'été et partager des pratiques artistiques. Puis, est venu le temps du voyage et de l'aventure collective, pendant 3 jours, nous avons pédalé depuis la Fabrique Pola, à Bordeaux, jusqu'à La Réole. A travers ce voyage, nous nous sommes dépassé·es, nous nous sommes encouragé·es les un·es les autres, nous avons transpirer, dormi, manger, discuter, rigoler, chanter, ensemble. Suite à cette aventure, nous avons préparé une exposition collective, proposant des installations inédites, racontant ou s'inspirant du voyage vécu. Notre installation Vélorama raconte une aventure à vélo d’une équipe éclectique de voyageurs et voyageuses. Le public est invité à y entrer pour plonger au cœur de l’aventure. Une collection d’illustrations raconte les paysages traversés, des objets amenés ou trouvés, des rencontres inattendues… quelques souvenirs de voyage, capturés et partagés au retour des vacances. Le drapeau présenté, n’est pas celui d’un pays, d’un territoire ni celui d’une équipe de foot. C’est celui d’une équipe spéciale, d’un groupe de voyageurs et voyageuses qui ne se connaissaient pas, avant de vivre une aventure collective. Composé d’éléments disparates, d’objets insolites, rassurants, symboliques, liés à des superstitions personnelles, utiles ou non ; il parle d’un peu de chacun.e d’entre nous. Fixé à l’un des vélos du peloton, cet objet flottant représentant notre groupe, nous a accompagnés tout au long du périple. C’est comme si le drapeau, donnant du courage à tout le monde, avait porté le groupe jusqu’au bout. C’est comme si, le groupe avait porté le groupe, jusqu’au bout. il contient : le douk douk de Gaëtan, le démanilleur de François, le ballon de foot de Mohamed, la bague de Tom, l’écharpe de Julie, la casquette de Brice, le marron de Maddie, les boucles d’oreilles de Maëlle, le bracelet de Ali, l’opinel de Annabelle, les paillettes de Virginie, un origami de Thierry, la montre de Amara, le rubik’s cube de Anne-Cécile, le collier de Clara, le carnet de Thérèse, la carte cinéma de Florian, la bague de Camille, les écussons de Gwen, la batterie externe de Mélissa, le bracelet de Aziz, le dinosaure de Marianne, la coquille et le pinceau de Pauline, les clefs de Christelle, les feuilles à rouler de Benoît, le décapsuleur de Didier, la casquette de Aboubakar. — crédits photos : ©virginie terroitin (sauf mentions) plus d'infos : · https://bruitdufrigo.com/projets/fiche/a-velo/
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Comment faire un carnet soi-même (avec les moyens du bord !)
Si vous souhaiter fabriquer un carnet aquarelle, je vous explique comment j’ai réalisé le mien. Je suis une grande addict des carnets, et ce depuis toute petite. J’adore les carnets, de toutes les tailles, de toutes les formes, de toutes les couleurs ! Autant vous dire que lorsque j’ai commencé à peindre à l’aquarelle, je regardais déjà du côté des carnets (d’ailleurs d’où viendrai le nom de ce…
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franckdoutrery · 1 year
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Reposez armes !
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On ne le dira jamais assez : les Américains sont de grands enfants. Et comme tous les enfants ils aiment le feu. Surtout les armes à feu. On le sait depuis la conquête de l’Ouest et ça ne fait que se confirmer. Quand ils se promènent encore en couche-culotte et croient au Père Noël, celui-ci leur apporte leur première arme automatique dans un grand paquet rose enrubanné. Avec les munitions assorties, bien entendu. Les parents tout attendris leur expliquent comment s’en servir. Et les voilà déguisés en cowboys prêts à abattre tous les Indiens qui assiègent Ford Apache. Si bien qu’avant même l’échange des « Merry Christmas ! » et l’entame de la dinde, la maison résonne de salves et d’explosions. Sans parler de l’odeur de poudre qui s’y répand comme la traînée du même nom. C’est ce qui explique qu’Outre-Atlantique, les accidents de chasse sont si fréquents pendant les fêtes de fin d’année.
Mais, tôt au tard, le petit Américain abandonne ses culottes courtes pour aller à l’école. C’est là qu’il apprend la Constitution, dont il retient surtout le deuxième amendement garantissant pour tout citoyen le droit de porter une arme. Une arme qu’en général il ne fabrique pas lui-même, mais qu’il trouve sous le sapin ou achète chez l’armurier du coin. Or, à chaque coin de rue ou presque, il y a un armurier bien achalandé, qui se fournit chez la National Rifle Association. Tant et si bien qu’en calculant le nombre d’armes en circulation dans ce beau pays, on en trouve plus que d’habitants.
On n’est donc pas étonné d’apprendre que, l’autre jour, dans un lycée de Parkland en Floride, un excellent tireur a ouvert le feu sur ses condisciples et leurs maîtres. Étant donné la qualité de son arme et de ses munitions, de même que sa dextérité et son sang-froid, il a réussi à en abattre dix-sept, ce qui fait un tableau de chasse tout à fait honorable vu la moyenne des tueries de masse dans les écoles américaines. Le jeune chasseur avait d’ailleurs toutes les raisons de perpétrer un massacre, vu qu’il avait été récemment renvoyé du lycée et qu’il n’avait pas aimé ça. Dès que le fait divers parvint aux oreilles de la Maison blanche, celle-ci estima qu’il n’était pas normal que des élèves puissent entrer avec des armes dans un établissement scolaire, alors que les maîtres en étaient dépourvus. Elle trouva donc souhaitable de munir au plus tôt ces derniers de colts ou de pistolets automatiques, pour qu’ils puissent se défendre en cas de menace. Notons d’ailleurs qu’un corps enseignant armé jusqu’au dents n’aurait que des avantages ! Ainsi, pour obtenir le silence dans une classe turbulente, le maître tirerait un ou deux coups dans l’air. Il en ferait de même pour un élève endormi ou pour son voisin qui suit sur sa tablette un match des Houston Texans. En cas de chahut incontrôlable il pourrait passer au tir à balles réelles. Demain, un professeur pourrait faire un carnage parce que sa classe refuse d’apprendre les équations d’algèbre à deux inconnues. Au train où vont les choses, chaque enseignant sera bientôt équipé d’un bazooka lui permettant de « riposter avant d’avoir été attaqué ».
Mais les écoles américaines ne sont pas les seuls endroits propices aux fusillades. Il y a aussi les églises et les temples. En effet, quand on n’est pas d’accord sur l’interprétation de la bible, il arrive que les esprits s’échauffent. On échange d’abord des arguments, puis des noms d’oiseaux et des menaces, enfin des coups de feu. Sachons que, pour assister à l’office, certains chrétiens n’ont pas seulement apporté leur missel ou leur carnet de chants liturgiques, mais aussi leur Smith & Wesson dernier cri. C’est ainsi que, dans une église baptiste de Sutherland Springs au Texas, une assemblée dominicale a donné récemment lieu à un tir groupé qui a fait vingt-six morts et vingt blessés. On a soigné ceux-ci et enterrés ceux-là, mais ça a fait tout de même des flots de sang et des torrents de larmes. Peut-être que l’officiant devra bientôt porter, lui aussi, un casque de combat, un gilet pare-balles, voire une arme automatique dissimulée sous la chasuble mais prête à fonctionner en cas de descente inopinée, non du Saint-Esprit, mais d’un paroissien mécontent.
Ce besoin irrépressible de faire parler la poudre baigne là-bas dans un amalgame explosif de héros bibliques, de Moïses californiens, de billets verts où figure le nom de Dieu, de mormons, de quakers, de méthodistes, de baptistes et autres adventistes du septième jour. Tout ce beau monde est prêt à vous imposer la lecture la plus littérale de la Genèse, quitte à dégainer en cas de différend. Les plus acharnés seraient même capables d’investir un hôpital et d’exécuter froidement des médecins qui pratiquent l’IVG. Voilà en effet un de ces paradoxes de l’Amérique profonde : quand on marche en rangs serrés sous le drapeau « Let them live ! » (Laissez les vivre !, mouvement anti-avortement), on se sent tout à fait le droit de faire mourir celles et ceux qui n’adhèrent pas aux mêmes convictions.
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lesombresdeschoses · 1 year
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AMNESIA
Elle se réveille dans la ruelle, totalement amnésique... Ouvrant les yeux sur un monde nouveau avec ce corps ayant déjà vécu.
Où aller dormir ? Comment trouver à manger ?
Glasgow est une ville qui ne manque pas de squats, mais elle ne peut pas le savoir. Quelle sensation étrange, ce vide dans la tête, pas une bribe d'image qui pourrait évoquer un début de piste vers son identité. Déambulant dans les rues, cherchant un endroit où se réfugier, elle regarde autour d'elle et cherche un moyen de déclencher un souvenir. Rien. Elle s'arrête soudain : une petite maison à la vitre brisée à l'étage, se dessine devant elle. La glycine et le lierre se bataillent pour la conquête de la façade, quelques fissures marquent les murs, mais la toiture semble en bon état. Elle escalade la clôture envahie de plantes grimpantes de toutes sortes, de fougères et d'herbes folles. Le jardin ressemble à une jungle miniature. Elle pousse la porte d'entrée qui s'ouvre sans résister, puis se retrouve nez à nez avec un escalier l'invitant à monter à l'étage. Curieuse, elle visite d'abord le rez-de-chaussée. Sur la gauche un gros meuble avec un miroir fendu se dresse contre le mur. En face de cette armoire s'ouvre une petit arche vers un salon très lumineux. En plein milieu, gît un vieux Chesterfield. Elle aime ce Chesterfield. Elle fait le tour de la pièce. Une vieille cheminée qui ne fonctionne plus, un bar avec une petite cuisine derrière, sculptent discrètement cet environnement insolite. En face, deux grandes fenêtres s’ouvrant sur une petite terrasse, puis rien. Rien d'autre que ce vieux Chesterfield. Elle avait déjà l'impression d'être à la maison, elle se rue à l'étage pour découvrir le potentiel du bâtiment en s’imaginant déjà ce qu'elle en ferait.
En haut, deux chambres contiguës longeant l’escalier, avec une grande fenêtre dans chacune d'elle. Toutes deux vides. À coté, face aux marches, une belle salle de bain avec baignoire et toilettes, inutilisables. Mais elle a déjà sa petite idée. Qui est-elle ? Architecte, designer ? Les idées foisonnent dans son cerveau, elle se sent comme une centrale nucléaire en pleine activité. Une folle envie de refaire le monde. Son monde. Elle sort.
Elle sort chiner du matériel pour sa nouvelle vie. Il lui faut des outils, ainsi que le minimum pour dormir et se réchauffer. Elle trouvera le moyen de se nourrir plus tard. Ces réflexes sont les siens. Avant, elle était quelqu'un. Aujourd'hui elle n'est personne. Aujourd'hui seuls ses réflexes la définissent. C'est intéressant. Qui elle était, n'est plus la question. Qui pouvait-elle devenir en partant de rien ? Lui semblait être une aventure plus palpitante.
Une semaine s'est écoulée. Elle s'est doucement adaptée à sa survie en chapardant dans les supermarchés ou pratiquant la cueillette sauvage dans les jardins des quartiers relativement aisés. Son squat commence à ressembler à un foyer. Elle a trouvé dans les encombrants un matelas quasi neuf avec une couette encore dans son emballage. Une petite table basse. Deux oreillers près d'une poubelle... Il lui faut de l'eau, maintenant.
Il lui faut des vêtements et une identité. Elle ne pense pas passer sa vie à voler. Avec ses capacités elle pourrait trouver de petits jobs, s'acheter du matériel, rebâtir ce petit monde qu'elle s'est façonné. Puis pourquoi pas redonner vie à cette petite terrasse en y aménageant un jardin. De l'eau, il lui faut de l'eau. Il pleut souvent dans cette ville. Elle devrait pouvoir construise un système pour la récupérer et l'assainir. Armée de patience, plus tard, elle a su le fabriquer afin de la stocker et s'en servir avec une relative facilité. Ayant appris qu'elle était douée pour réparer les choses et en créer, aussi, elle se sent, aujourd’hui, prête à conquérir le monde.
Les idées s’enchevêtre dans sa tête. Elle pense à tous ces détails. À l'étage, dans son lit, sous sa couette, un paquet de chips à la main. Son carnet et son stylo sur les genoux. Entourée de quelques bougies, placées sur la table basse, en guise d'éclairage improvisé. Mais il est temps de dormir. Ses yeux s'alourdissent. Elle souffle sur ses petites lampes de feu en pensant qu'il faudrait qu'elle se trouve une lampe de poche ou une DEL pour éviter un incendie. Elle glisse sa tête sur l'oreiller, puis ferme les yeux. Elle s'endort sourire aux lèvres, écoutant la pluie jouer son rythme désordonné contre la fenêtre de son petit univers.
Six mois passent.
Elle rêve. Elle rêve, mais pas d'une autre vie. Elle rêve une autre vie, une vie dans laquelle il la connaît. Mais il ne la connaît pas. Ils viennent de se rencontrer. Il n'est pas amnésique, cependant, il ne la connaît pas. Elle l'a rencontré dans ses rêves, il ne l'a pas encore rencontrée dans la vie. Souvenirs d'un rêve, amnésie d'une vie. Il ne la connaît pas et pourtant... Chaque nuit, depuis qu'elle s'est installée dans sa petite maison apprivoisée, elle rêve de cet homme : Alex. Commencerait-elle à se souvenir de son passé ? Pourtant, la mémoire ne revient pas. Chaque nuit, c'est comme si elle vivait dans la peau d’une autre. Une existence parallèle.
Un jour se promenant dans le parc, elle le voit, assis contre un arbre, jouant sa musique. Elle s'approche de lui, confiante :
— Alex ?
Il lève la tête et la dévisage, étonné :
— Oui. On se connaît ?
— Je crois. Vous m'avez appris à jouer de la guitare.
— Je n'en ai pas le souvenir. Quand ça ? Ça doit dater du lycée, je suppose.
— Je ne pense pas, je devais encore être en primaire.
Elle s'agenouille devant lui, puis tend son bras pour qu'il lui prête son instrument. Le jeune homme le lui confie spontanément, sans comprendre pourquoi. Elle joue un morceau qu'il reconnaît aussitôt : c'est une de ses compositions.
— Oswin !
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antonknightsblog · 1 year
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Le MANGA
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Peut-être t'es-tu demander : Qui a créé le premier manga?
Sur le blog du site Univers du Japon, tu trouveras un article assez complet, intitulé L’histoire du manga, qui fournit de nombreuses informations sur ces bandes dessinées japonaises. 
Bien que le premier manga, tel qu'on le connaît, date de 1902, l'histoire du manga trouve son origine au XIIIe siècle ! Popularisé par Hokusai, le légendaire maître de l’estampe, le manga désigne des esquisses rapides avant de devenir par extension un terme utilisé pour qualifier les dessins ou les films d’animation de styles japonais. Désormais, il représente plus communément la bande dessinée de manière générale. […]
Qu’est-ce qu’un manga ?
Manga est un mot composé de 2 kanjis : "Man" qui signifie "divertissant", "exagéré", et "Ga" qui se traduit par "dessin" ou "image". Le nom peut donc se définir par "esquisse rapide", "dessin grotesque" ou "caricature". […]
Les origines du manga
Le manga puise ses origines dans les emaki, premiers rouleaux narratifs illustrés datant de l’époque de Nara au 8e siècle et les ehon, livres d’estampes ukiyo-e de l’époque Edo.
En 1814, le célèbre peintre Hokusai utilisa le mot "manga" pour désigner ses carnets de croquis. Il avait choisi ce terme pour exprimer la notion de dessin pris sur le vif. Ces recueils d’illustrations nommés "Hokusai manga", comprenaient des scènes de la vie quotidienne ainsi que des paysages, des éléments naturels, des représentations de la mythologie et des esprits japonais. Ses œuvres connurent un véritable succès au Japon comme à l’étranger.
L’influence occidentale sur le manga japonais
[…] Des caricaturistes européens tels que Wirgman ou Ferdinand Bigot participèrent à l’éclosion des bandes dessinées dans la presse japonaise.
Le premier véritable manga date de 1902. Il s’agissait d’une BD humoristique publiée sur le journal Jiji Shinpō. Son auteur, Rakuten Kitazawa, avait illustré le thème de l’Arroseur arrosé, le célèbre court-métrage français des frères Lumière. C’est le premier à réutiliser le terme de manga après Hokusai. D’autre part, l’artiste se définit lui-même comme un mangaka.
[…] Kitazawa fut considéré comme l’un des pères du manga.
Le manga japonais est donc issu de la presse écrite à travers laquelle il constitue un nouveau moyen d’expression, avant de prendre sa forme que l’on connaît aujourd’hui. […]
Évolution du manga au Japon
Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que le phénomène explose sous l’influence du comic américain. En effet, les mangas représentent une forme d’évasion pour la population qui doit faire face à de grandes difficultés. Le talentueux dessinateur Osamu Tezuka va fortement contribuer au boum du manga. […]
Il révolutionne l’art du manga en s’inspirant du cinéma et des différents plans, cadrages ou angles de vues. La patte de l’auteur se reconnaît également par ses personnages aux grands yeux expressifs qui deviendra par la suite la marque de fabrique de tous les mangas. Ce n’est pas pour rien qu’Osamu Tezuka est surnommé le dieu du manga au Japon. »
Si tu souhaites aller plus loin, tu trouveras également un très bon article sur le site du9, intitulé Une brève histoire du manga, de même qu’un billet de blog intitulé Les origines du manga japonais : un univers fascinant sur le site Go! Go! Nihon : ils t’en apprendront plus sur les orgines du manga et sur les débuts de cette bande dessinée japonaise.
Petite histoire du manga
Les origines 
D’un point de vue étymologique, le mot manga est composé de deux kanji : "Man" qui signifie "divertissant", "exagéré", et "Ga" qui se traduit par "dessin" ou "image". On peut donc traduire littéralement manga par esquisse rapide, dessin grotesque. En somme, le premier manga relevait du dessin caricatural.
Les ancêtres du manga sont les emaki ou emakimono. Il s’agit de rouleaux peints qui décrivent une histoire. On lit cette dernière en déroulant le rouleau. C’est cette méthode de lecture qui rapproche les emaki du livre et de la BD ou l’histoire se “déroule” dans des cases ordonnées selon un sens précis. Ces premiers rouleaux illustrés datent du VIIIème siècle, à l'époque Nara (710-794).
Toutefois le mot manga ne devient vraiment répandu qu’à partir du XVIIIème siècle avec la parution de recueils de caricatures tels que Mankaku zuihitsu (1771) de Kankei Suzuki, Shiji no yukikai (1798) de Kyōden Santō ou Manga hyakujo (1814) de Minwa Aikawa.
C’est surtout en 1814 que le terme s’impose et se fait connaître du public occidental. Cette année-là, le grand maître de l’estampe Hokusai publie ses carnets de croquis pris sur le vif, les Hokusai manga.
Apparition du manga moderne 
Avec l’avènement de l’ère Meiji (1868-1912), le Japon sort de son isolement et s’ouvre rapidement à la modernité. Il se confronte aussi à la culture occidentale dont il adopte certains codes.
C’est particulièrement le cas de la presse japonaise qui apparaît à cette époque et qui reprend beaucoup de modèles de la presse anglo-saxonne. Or c’est aussi dans la presse que la BD occidentale trouve ses racines, particulièrement dans le dessin satirique. 
On voit même des caricaturistes occidentaux comme Charles Wirgman ou Ferdinand Bigot participer aux journaux japonais apportant avec eux cette tradition de la BD. Ces deux hommes vont s’installer au Japon à la fin du XIXème siècle et ils vont tout à la fois participer à des journaux locaux et former de jeunes auteurs japonais à l’art de la caricature et de la bande dessinée occidentale.
Le premier manga de l’histoire, au sens où nous l’entendons aujourd’hui, est attribué à Rakuten Kitazawa, en 1902. C’est lui qui se réapproprie le mot manga pour désigner son travail et qui se définit lui-même comme un mangaka, autrement dit un auteur de mangas. Après avoir travaillé pour des journaux comme Box of Curious (journal de langue anglaise publié au Japon) où il dessinait des cartoons, puis pour le quotidien Jiji shimpo où il fonda la Jiji Manga, une page de BD dans l’édition dominicale; Rakuten Kitazawa va fonder son propre journal satirique sur le modèle du Puck américain, le Tokyo Puck en 1905.
Le manga reste, pendant toute la première partie du XXème siècle, lié à la presse. Il sera même utilisé comme moyen de propagande par le gouvernement impérial pendant les années 40.
Osamu Tezuka, père spirituel du manga
Ce n’est qu’après la guerre que le manga s’impose comme un genre et un support à part entière. Les jeunes mangakas sont abreuvés de comics américains pendant la période d’occupation du pays vaincu par les forces américaines. Les Japonais vivant une période difficile sont en effet très friands de toutes formes d’évasion et ce format rencontre un grand succès.
Et c’est Osamu Tezuka (1928-1989) qui va révolutionner le manga et l’imposer comme un genre à part entière. 
Tezuka montre bien qu’il vient de la presse caricaturale par son trait vif et très expressif que certains ont qualifié à tort de simpliste. Il garde toujours une note d’humour, jeu de mots ou éléments de décor, dans ses œuvres même dans les récits les plus tristes ou sombres. C’est aussi lui qui démocratise et impose la transcription du mouvement dans le dessin. 
Chez Tezuka, chaque trait et chaque ligne du dessin fait sens et a une utilité. C’est aussi son usage récurrent du trait “Super deformed”. Les traits de visages sont volontairement grossis pour passer des expressions avec plus de force. Ce sont par exemple les grands yeux des personnages de mangas qui va imposer ce type de traits dans les futurs productions. 
On compare souvent Tezuka à Disney, dont il était un fervent admirateur, par l’ampleur de son œuvre (700 œuvres originales recensées) et sa capacité à la porter sur différents supports. En effet, Tezuka a aussi été animateur et producteur de dessins animés puisqu’il a fondé son propre studio en 1961, Mushi productions, puis en 1973, Tezuka productions. Il sera même à l’origine de la première série d’animation japonaise en 1963, d’après son œuvre Tetsuwan Atom.
Le saviez-vous ?
Même si les Studios Disney ont démenti toutes ressemblances, Le Roi Lion est très similaire à l'histoire de Tezuka intitulée Le Roi Léo. 
Dans les années 60, la série de Tezuka connaît un franc succès aux Etats-Unis. La société Disney va même prendre peur et faire un chantage aux distributeurs pour ne plus diffuser les œuvres de Tezuka qui lui font de la concurrence. On se doute donc bien que l’histoire de Léo, le lion blanc était connue des Américains quand ils ont créé le Roi Lion. 
Toutefois, les descendants et ayant-droits de Tezuka n’ont pas porté plainte pour plagiat, car ils estimaient que Tezuka, lui-même grand admirateur de Disney, ne serait pas offusqué de la situation, au contraire.
Le saviez-vous ? 
Le kamishibaï, format de petit théâtre d’image mobile qui est très apprécié à la Médiathèque, est très proche du manga. Le découpage des planches du kamishibaï et la manière d’en raconter l’histoire sont très similaires. Le dessin du kamishibaï d’origine était classé de la même manière que le dessin de manga. Ogon Bat, la Chauve-souris d’or, le grand personnage du kamishibaï est directement inspiré des Mangas d’Hokusai. Et ces deux genres connaissent un regain d’intérêt après guerre. Notez aussi que plusieurs grands noms du manga ont commencé comme conteur de kamishibaï.
Des années 1960 à nos jours: consécration et diversification
En 1964 apparaît l’association des mangaka du Japon, autre preuve de la force du manga dans la culture nippone. Cette association commence à distribuer des prix à partir de 1972.
Les années 60 marquent surtout un fort mouvement de diversification dans le manga. En effet, les premiers lecteurs de mangas ont vieilli et les mangakas décident de s’adapter à leurs nouveaux lecteurs.
C’est ainsi qu'apparaît le gekiga, sous la plume de Yoshihiro Tatsumi. Il s’agit de mangas aux sujets plus sombres et traités de manière plus mature. Le trait aussi a évolué pour apporter plus de réalisme aux récits.
Dans les années 70, le manga pour filles, le shojo, par opposition au manga pensé pour les garçons dit shonen, se développe en même temps que l’arrivée de mangaka féminines. On se souviendra surtout de Lady Oscar (La Rose de Versailles de Riyoko Ikeda selon son titre original) ou de Candy (Candy Candy de Yumiko Igarashi et Kyoko Mizuki) particulièrement connues en France grâce aux dessins animés issus de ces œuvres. 
La diversification du manga ne cessera désormais plus. Aujourd’hui, il est possible de trouver des mangas sur tous les sujets et pour tous les publics. De plus, le manga est aussi décliné sur de nombreux supports. On connaît particulièrement les adaptations en films et séries d’animations puisqu’il s’agit de la première forme de manga rencontrée en France dans les années 70 et surtout 80. Mais le manga peut aussi être à l’origine de jeux vidéos ou jeux de société, particulièrement les cartes à collectionner, et d’une florissante industrie du goodies. Toutes sortes d’objets à l’image du manga sont commercialisés. On connaît surtout le domaine des figurines, devenues de véritables objets de collection.
Aujourd’hui, le manga est devenu un pilier de l’économie nippone. Depuis les années 1990, les chiffres sont assez stables. Le manga représente un tiers des ventes dans l’édition japonaise. Les chiffres d’affaires cumulés des ventes de magazines de manga et de recueils de mangas, c'est-à-dire le format que nous connaissons en France, représentent plusieurs centaines de milliards de yens. 
Dès l’apparition des livres numériques, le manga représente quelques ¾ des ventes en ligne.
Tout cela sans compter les ventes à l’étranger. On comprend donc bien que le manga n’est pas prêt de d’être remplacé.
A l’heure actuelle, One Piece est le manga le plus vendu de tous les temps ! Il comptabilise quelque 480 millions d’exemplaires vendus !
Le saviez-vous ? 
En Occident comme au Japon, les bandes dessinées, comics ou mangas étaient publiés en feuilleton dans des journaux. D’abord dans la presse normale, on a vu apparaître des journaux de prépublication qui proposaient de lire les séries de BD avant leur publication en livres reliés. Si en France, ce système a presque disparu sauf dans Spirou, il est encore prépondérant au Japon. Si un manga ne plaît pas aux lecteurs du magazine, il y a peu de chance qu’il soit publié en livre relié et encore moins de chance qu’il se fasse connaître à l’étranger.
Le plus connu de ces magazines est le Shonen Jump qui a révélé Dragon Ball, One Piece, Naruto ou Bleach pour ne citer qu’elles !
Le saviez-vous ? 
Pourquoi le manga est-il en noir et blanc?
L’utilisation du noir et blanc pour le manga possède plusieurs origines.
Tout d’abord historiquement, la couleur coûte cher et n’est utilisée que par des artistes confirmés et en petite quantité pour des ouvrages plutôt luxueux. Or le manga est un art populaire  voire même un objet de consommation. Il faut donc aller vite, produire beaucoup et pour pas cher. 
C’est devenu particulièrement vrai pendant et après la 2nde Guerre mondiale, dans un Japon totalement ruiné. Les magazines et journaux proposant des mangas ont donc imposé le noir et blanc, plus facile à recopier et à produire en masse.
Le système des journaux de prépublication a définitivement imposé le noir et blanc, car ils sont produits et vendus en masse à un rythme soutenu,le plus souvent hebdomadaire, et à prix coutant. Ils ne peuvent pas se permettre de publier en couleur. Les mangakas se sont donc adaptés à cette contrainte. Notez que cela commence à changer avec le manga numérique, les webtoons, qui permet plus facilement l’usage de la couleur.
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peggyannmourot · 2 years
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. . . . . . J'avais commencé à fabriquer un étui pour mes 7 cartes Alga Carta L'odeur de la pierre, mais pour x raisons j'ai dû abandonner l'idée en cours - question de disponibilité de papier et d'équilibre financier aussi, je voulais rester en dessous d'un prix précis, bref, j'ai renoncé (et du coup je n'en avais pas parlé, logique). Mais ça m'a tout de même un peu contrariée. Du coup, j'ai décidé de joindre à chaque commande de séries un exemplaire prototype, des épreuves test. Ils ont tous des variantes et des défauts de fait, mais ça donne néanmoins un aperçu de ce que je voulais faire. J'ai carrément emballé les cartes dedans parce que je suis une sorcière. Et bien évidemment je n'en ai fait que quelques uns, c'est le principe du projet en cours et abandonné. Donc les premières commandes parties sont déjà concernées bien sûr, et il ne m'en reste que très peu de reste, donc pour ceux qui hésitent bah on peut AUSSI voir ce que je ne fais finalement pas ! L'envers du décors toujours. (voilà j'ai fini jusqu'à la prochaine fois) // Un jeu complet Alga Carta est offert pour l'acquisition de carnets ou de lithographies L'odeur de la pierre - avec une affiche de l'exposition en supplément pour l'acquisition d'une lithographie. Cartes Alga Carta L’odeur de la pierre ~ Limitées à 100ex N° Signées Imprimées sur un papier recyclé à base d’algues, Alga Carta Favini 350g ivoire Détails & extraits, notamment photographiques - parfois pris « en cours de réalisation » - d'une aventure lithographique menée au printemps. https://peggyannmourot.com/alga-carta-lodeur-de-la-pierre/ . . . . . . #drawing #painting #illustration #dessin #peinture #art #artist #contemporaryartist #modernartist #modernart #expressionism #expressionist #contemporaryart #arte #fineart #atelier #artcurator #illustratrice #collection #artstudio #artiststudio #favini #algacarta #ink #inked #indianink #favinipapers #darkartist #darkart #peggyannmourot https://www.instagram.com/p/ChXoxx4q8bR/?igshid=NGJjMDIxMWI=
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monptittresor · 6 years
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DIY : fabriquer son bullet journal de A à Z !
DIY : fabriquer son bullet journal de A à Z !
Il est de plus en plus facile de trouver de très jolis bujos. Mais ils sont parfois assez coûteux et peuvent représenter un investissement excessif (d’autant plus lorsqu’on n’est pas certains de l’usage que l’on fera d’un tel journal). Alors pourquoi ne pas se fabriquer le sien à moindre coût ? Et cerisette sur le gâteau pour les bricoleuses, c’est aussi une activité plaisante à faire !
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patoune-prod · 3 years
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Comme un lundi, mais un mardi.
Patron: *envoie un mail à 17h10 la veille* (je finis à 16H hein) Objet du mail : (aucun objet) Contenu du mail: une photo collée dans le corps (même pas en pièce jointe) de son carnet de note, mais à 90° donc impossible à lire sans pencher la tête ou enregistrer et modifier. Contenu de la photo: 29 références. Le nom du fabriquant. A faire :"Changement tarif. Sauf réf : ci joint"
J'ai maintenant une centaine de références à vérifier avec cette liste avant de pouvoir juste COMMENCER le travail. Il me FATIGUE d'avance à chaque fois qu'il m'envoie un mail. Et chaque fois que je lui reproche son manque d'organisation, sa réponse c'est: Oh mais je sais pas faiiiire j'ai toujours fait comme ça.
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bgugliel · 7 months
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La fabrique numérique pour les profs
Mon Carnet, le podcast · {BONUS} – La fabrique numérique pour les profs Josée Gauthier, directrice générale de COlab, parle de la Fabrique numérique, une boîte à outils pour les enseignants du secondaire qui vise à faciliter l’enseignement de la compétence numérique. Elle offre 7 thématiques liées au numérique avec des activités ludiques, des vidéos et des retours d’expérience. La plateforme est…
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clhook · 4 years
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Très contente de ce deuxième confinement car ça me permet de terminer mes cadeaux de Noël, voici donc ma liste en avant première pour vous :
Mon père : moulins sel et poivre peugeot (Backup : un plateau à fromage avec des couteaux)
Ma mère : des bottes de jardin fourrées (backup : du papier à lettres, le nouveau cd de Francis Cabrel)
Mes grands-parents : livres sur ma région (”Besançon au féminin” et “Guide secret de Franche-Comté”) (backup : "Des souris et des hommes” illustré par Rebecca Dautremer)
Mes frères : une séance de lancer de hache + 1 carte ninja multi-outils chacun  (backup :  “L’arabe du futur”, un livre sur Crash Bandicoot, un support de casque pour bureau, des écouteurs de sport)
Mon copain : 2 nuits d’hôtel classe pour le nouvel an (et pas à Bruxelles parce que j’ai annulé, mais en Alsace du coup, si on peut y aller) + 1 livre sur Dragon Ball et 1 sur la musique dans les jeux vidéo + un jeu de société sur le cinéma (Shabadabada Cinoche)  (backup :  "anthologie de la bd de sf”, “100 plus belles planches de la bd”, “Citations latines d’Astérix expliquées”, le livre de François Theurel, un carnet à dessin, un livre sur Zelda)
Mes collègues de la médiathèque : 1 sac à livre brodé par mes soins + 1 plante à faire pousser en forme d’animal pour chacune
Une autre collègue : des cotons lavables + 1 plante à faire pousser en forme d’animal
Un autre collègue qui va avoir en bébé en décembre : couverture polaire brodée au prénom du bébé
Mon cousin et mon oncle qui sont viticulteurs : une carte drôle par l’imprimeur de ma ville sur le vin
des copines : un livre sur les méchants disney, un bracelet en morse Strength et un Fearless
Peut-être un hôtel à insectes à fabriquer pour les nièces et neveu de mon copain, une carte steam pour son collègue/meilleur ami et une bd sur le féminisme pour sa copine (soit Jujitsuffragettes, soit  Le problème avec les femmes soit La petite bédéthèque des savoirs)
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coeurencrise · 2 years
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Rhapsodie Bohémienne
Chapitre 2 Abel avait dormi une journée entière et ne se souvenait de presque plus rien à son réveil.
Narcisse et Dorothy l'avaient conduit dans une chambre au dernier étage. Il avait traîné des pieds pendant qu'ils le portaient et, étrangement, n'avait pas oublié ce manque de contribution à son propre bien-être. Il voulut s'en excuser au plus vite, ainsi que pour la panique qu'il avait causé. Se rattraper, les remercier. En leur faisant à manger ou en cueillant des fleurs qu'il mettrait dans un vase à poser sur le comptoir du hall d'entrée. Il voulut aussi sortir du lit et pousser des cris de joie. Admirer le bleu du ciel, bien en dessous pour sentir son immensité, sans être perturbé par un toit devenu trop imposant au-dessus de sa tête. Il voulut courir, se dégourdir les jambes, connaître le goût des nuggets qu'il avait vu et revu dans cette énorme boîte noire qu'est la télévision. Il voulut boire du coca et aller au cinéma pour voir une télévision encore plus imposante, et moins lourde. Se promener dans une librairie, dire bonjour à des passants dans la rue. La liste était longue. Il voulait simplement connaître la liberté.
Le chemin menant à ses objectifs, bien que dégagé, demeurait malheureusement entravé par divers obstacles. Il n'avait pas d'argent. Il aurait volontiers travaillé mais était désormais blessé.
Et puis, il n'avait plus de voix.
Abel n'arrivait plus à parler. Il ne savait pas pourquoi. Depuis deux mois, il était incapable d'articuler le moindre mot, comme si prononcer quoi que ce soit d'intelligible lui tordait les cordes vocales. Quand il essayait, il sentait sa gorge former un nœud qu'il voyait davantage autour de ses poignets.
Alors qu'il avait enfin l'occasion de s'exprimer et de communiquer avec quelqu'un d'autre que lui-même, il était privé de sa voix. La vie lui infligeait des punitions dont il avait honnêtement du mal à déterminer la raison.
Néanmoins, il voulait vivre. Qu'importe ce que cela lui coûterait, il vivrait.
S'extirper du lit ne se fit pas sans peine. Il put sentir la moiteur des draps, imbibés de sa transpiration. Il se demanda s'il n'avait pas fait un mauvais rêve, s'il faisait nuit ou jour, et s'il parviendrait à vaincre la lourdeur qui le clouait au matelas. La chambre n'avait pas d'odeur. Il y avait des bougies entamées sur une table victorienne en face de lui, avec une boîte d'allumettes.
La douleur était toujours présente, ayant fait du ventre d'Abel un nid. La curiosité l'aida à bouger, tout comme l'envie de se défaire de la sensation collante nappant son dos et ses épaules. Expiant un soupir de soulagement alors qu'il regagnait l'appui de ses pieds, il sentit néanmoins ses jambes vaciller. Un léger vertige lui monta à la tête, vertige qu'il fit passer en se tenant brièvement au mur. Le papier peint était une surface lisse et crémeuse. Il y avait une série de petits rubans roses imprimés dessus, et de la dentelle beige en lignes parallèles. Son regard s'attarda sur cette question de goût.
Il se mit à marcher, lentement mais le plus sûrement possible, effleurant les bandages autour de son ventre, prêt à se cramponner à sa plaie au cas où elle se manifesterait d'un cri trop aigu. Torse nu, la chaleur de la saison l'emmaillotait dans un fin voile d'humidité qui lui rappelait son pays natal.
Abel approcha de la table et put reposer ses paumes sur son rebord. Le bois était robuste et d'une grande qualité. C'était de l'acajou. Prenant un instant pour admirer sa finesse, il s'imagina dans un atelier, à fabriquer des tables. Cela lui plut. Il s'imagina aussi presser du papier pour créer des carnets. Il y en avait plusieurs d'empilés sur le coin de droite, certains avec de belles couvertures en cuir et d'autres en papier. Pas bien entamés, à première vue.
Il prit une bougie et y sentit du jasmin. Une autre présentait des accords de vanille et d'écorce d'arbre.
Au lieu de les allumer, ne se donnant pas ce droit, il s'accorda le plaisir d'enflammer une allumette, se délectant de la vision du feu. C'était pour lui apaisant, une flamme dans toute sa solitude. Les incendies, à côté, lui faisaient peur. Il les trouvait agressifs parce qu'il pouvait les entendre crier de rage et que la rage était une émotion qu'il ne comprenait pas.
Abel ne se contenta pas d'une seule allumette mais de six. Il attendait que le feu les consume jusqu'à un demi-centimètre avant le bout où se situaient ses doigts pour souffler dessus, puis les jetait dans la poubelle. Le parquait grinçait sous ses pas. Il aimait beaucoup ce son de grenier, qui le faisait penser à un feu de cheminée, alors il marcha longuement. Appréciant la manière de geindre de chaque planche, il prenait le temps de faire basculer son poids vers l'avant à chaque pas. La sensation du vieux bois sous ses pieds nus, l'atmosphère de la pièce, comme une chapelle ayant écouté ses confessions. C'était réconfortant. Peu à peu, il s'habitua à la présence de sa blessure, puis à la sienne dans un univers nouveau. Il perçut dans sa façon de bouger un langage muet.
Il ouvrit les volets et admira la clarté du matin. Le soleil leva le doute sur la portée de ses chimères. Il sortit de la pièce dans sa partielle nudité, le teint pas encore totalement frais. Il voulait prendre une douche mais avait peur que ce soit douloureux, ignorant aussi s'il valait mieux qu'elle soit froide ou chaude. Ou tiède.
Des rires provinrent de la chambre située à sa gauche. Le numéro 505 y était gravé en chiffres dorés.
Abel frappa à la porte, qui s'ouvrit à la seconde suivante sur une jeune femme aux cheveux noirs. Elle était très mince et en petite tenue. Ce qui le frappa, ce fut ses yeux d'obsidienne.
— Mes œufs ! s'écria-t-elle avant de réaliser que Abel n'était pas la personne qu'elle attendait.
Elle parut tout à coup très embarrassée. Du rose colora ses joues, et un rire s'éleva de plus loin dans la pièce.
— T'es enfin réveillé ?
C'était Narcisse. Abel le regarda. Il se tenait à la fenêtre à moitié tourné, un sourire révélant la partie supérieure de ses dents, sa cigarette tout juste entamée à la main. Le ciel était une aquarelle de fond se mouillant de bleu. Narcisse avait des yeux en aquarelle. Le ciel dedans, ou bien la mer. Abel repensa à la mer, certain qu'elle procurait la même sensation qu'une plongée dans les yeux de Narcisse. L'inverse aussi fonctionnait. Il n'avait pas encore de réponse pour confirmer la justesse de ses suppositions, n'y étant jamais allé.
En guise d'approbation, il hocha la tête. La jeune femme était de suite partie se couvrir avec un épais peignoir, sa nuisette dévoilant les trois quarts de ses jambes.
— Tu as dormi plus de vingt-quatre heures, comme un mort. Mais il t'arrivait de sursauter dans ton sommeil, alors on s'est dit que ça allait. Tu as fait de beaux rêves ?
« Je suis en plein dans le rêve », voulut répondre Abel. Ne pouvant pas parler, il dut se contenter d'un second hochement de tête.
Narcisse cendra sa cigarette.
— Est-ce que tu comprends ce que je te dis ?
Troisième hochement de tête.
— Ah ! Tu es timide ?
Abel haussa les épaules. Il avait si rarement eu l'opportunité d'aborder des gens qu'il n'avait pas de conception réellement faite de ce en quoi consistait la timidité. Il savait que s'il pouvait parler, il le ferait sans hésitation. Il poserait même beaucoup de questions.
— Je crois qu'il est muet, dit la jeune femme après avoir fermé son peignoir. Entre, je t'en prie.
Il pénétra dans l'enceinte d'un endroit qui semblait clos et fut flatté par cette invitation. Le parquet ne grinçait pas comme dans l'autre chambre, les murs étaient peints en vert pâle. Le lit était à baldaquins. La brunette s'assit sur le tapis couleur orange cocktail pour refaire sa pédicure entre quelques piles de livres.
— Tu as dormi dans ma chambre, déclara-t-elle. sans le moindre reproche. Moi, c'est Mary Jane.
— Narcisse ici.
Abel leur sourit en hochant la tête d'un air plus solennel, comme pour montrer qu'il aimait leurs prénoms. Ils donnaient un sens à leur beauté respective.
— Et toi ? Tu veux bien nous dire comment tu t'appelles ?
Narcisse sortit du tiroir de son bureau un morceau de papier avec un stylo. Il les donna à Abel, sa cigarette pendant de ses lèvres.
— Enfin, l'écrire.
Abel saisit maladroitement le stylo et écrivit son nom. Ses katakanas étaient tremblants. Que cela demandait d'efforts, se rétablir d'une telle blessure ! Il fit une fixette sur son écriture, insatisfait. Il avait pourtant passé des heures à s'exercer dans des cahiers de calligraphie.
— Abel, c'est ça ?
Il fit « oui » du menton, surpris par la sonorité de son nom venant d'une autre bouche que la sienne. En posséder un avait donc un but : être appelé. Cela le détourna de son angoissant perfectionnisme.
— J'aime bien, ajouta Narcisse. Tu fumes ?
Abel n'avait jamais fumé de cigarette de sa vie. Il s'était souvent demandé ce qui justifiait la nature du tabac, et vit là une occasion de le savoir. La perplexité de son silence amusa Narcisse, qui l'entraîna vers la fenêtre.
— Tu veux essayer, pas vrai ? Je le vois dans tes yeux.
La cigarette tint tant bien que mal entre ses doigts. Il tremblait comme un adolescent commettant l'interdit, et n'était pas sûr de savoir si cela était dû à sa blessure ou à son excitation.
Il prit une bouffée qui le fit tousser.
— Alors ?
« Je ne comprends pas pourquoi tu fais ça », répondit explicitement son regard. Il fronça des sourcils en observant la cigarette. Après un instant de réflexion, il la jeta par la fenêtre. Narcisse éclata de rire.
— Tu as bien raison, ajouta Mary Jane. Ne le laisse pas fumer cette merde.
Cela emplit Abel d'une certaine fierté. Il s'imagina soudain garde du corps. La télévision avait de temps en temps évoqué ce terme, et bien qu'il ignorait ce que signifiait réellement « garde du corps », il voyait cela comme une personne chargée de préserver le bon état du corps de quelqu'un. Il se dit qu'il était capable de jeter par toutes les fenêtres les cigarettes de Narcisse.
— Donne-lui des vêtements, d'ailleurs. On va pas le laisser se promener comme ça dans l'hôtel. Les autres vont le prendre pour un client.
— Ou un nouveau.
Elle pouffa de rire en brossant ses cheveux. Quand elle riait trop, elle gesticulait tellement que sa frange finissait en désordre, de part et d'autre, laissant entrevoir un front qu'elle tenait à cacher – personne ne savait vraiment pourquoi. Narcisse l'avait particulièrement fait rire, ce matin.
Il fouilla dans ses placards pour trouver de quoi habiller Abel. Ce dernier trouva noble le fait qu'il se contente de son prénom. Il ne lui avait pas demandé le pourquoi du comment et, même s'il ignorait la motivation d'une pareille discrétion, en était ravi. Pas que les questions l'auraient dérangé, mais il voyait en cela une infinie compassion.
— Je ne sais pas si ça va t'aller. On n'a pas été taillés par le même sculpteur, toi et moi.
Il fallait se rendre à l'évidence : Abel était grand et musclé alors que Narcisse était remarquablement mince. Pas petit ni chétif mais juste très mince. Cela lui allait bien. Il n'y avait rien de son apparence qui n'allait pas à l'aura que sa personnalité dégageait. Si Abel parlait, est-ce que l'on dirait que sa voix appartenait à la bonne personne ? En tout cas, il jugeait l'harmonie de Narcisse comme merveilleuse. Même à la télévision, il n'avait jamais aperçu un pareil individu. Dans les films, les acteurs jouaient un rôle pour lequel ils avaient été sélectionnés. De ce fait, ils devaient y être adaptés, pas seulement par leur jeu mais aussi à travers leur physique. Ils faisaient de leur mieux afin d'incarner le personnage qui leur était attribué. Et Narcisse ? Il était drôlement bien fait pour le sien, à se demander qui le lui avait assigné. Abel n'aurait pas su expliquer cette impression. Il était sûr que tout le monde ressentait la même chose à ce sujet, et c'était majoritairement vrai.
Il était beau, fait difficilement contestable. Mais ce n'était pas une affaire de beauté. Il s'agissait de cohérence, de crédibilité. Abel voulait le lui dire. Sans contexte lui annoncer « ta beauté est crédible ». On pouvait y croire parce qu'elle était réelle, qu'elle avait un sens. Il était fait pour lui-même.
— Tu peux choisir ce qui te plaît. Ce sera peut-être trop petit mais bon... On t'achètera des vêtements plus tard.
De toute sa garde-robe, Abel sélectionna une chemise hawaïenne jaune. Les hibiscus imprimés étaient dans les tons orangés. Mary Jane posa un regard interrogateur sur ce choix, un soupçon moqueur se profilant dans sa voix.
— Eh bien, je savais pas que t'avais des trucs pareils, Nana.
— C'est un cadeau de Dorothy que je n'ai jamais mis... Il a un nouveau propriétaire, maintenant.
— Visiblement. Ça lui va à ravir, étrangement.
L'habit était suffisamment large pour qu'il y entre. La couleur faisait ressortir son teint. Il avait une mine plus éclatante avec.
Narcisse prêta attention à ses yeux. Ils étaient comme dans le taxi, mais en plus lumineux. Très verts, et très très beaux.
— Mes œufs ! s'écria une seconde fois Mary Jane.
Tous se rejoignirent dans la salle à manger destinée aux quelques résidents permanents de l'hôtel, dont ils représentaient la majorité. Les deux garçons arrivèrent avec quelques minutes de retard, Narcisse ayant aidé Abel à se doucher et à prendre ses repères au sein de ses vastes couloirs. Sa chemise fit sensation. Dorothy ouvrit grand les yeux à son entrée.
— Cet achat sert enfin, dit-elle.
Une douce odeur issue de la multitude d'aliments placée sur la table flottait. Pour Abel, c'était celle de la chaleur du partage. Il s'attarda sur le parfum des toasts grillés, prit place à côté de Narcisse et fut surpris par la simplicité du décor, en comparaison avec le hall. Une entrée sans porte débouchait sur la cuisine, d'où il entendait des crépitements d'huile. Une poêle devait encore être chaude. La salle était réservée à seulement quelques personnes, lui avait expliqué Narcisse avant de l'y conduire. Cette explication lui procura le sentiment d'être intégré à cette famille.
Dorothy fit glisser des œufs brouillés dans l'assiette de Mary Jane, mise à table en premier. Elle en proposa aussi à Abel qui accepta, intrigué par tant d'enthousiasme. Le voyant prêt à entamer son repas, elle rajouta des tranches de pain, des légumes frais, de la viande et une noisette de beurre dans son plat. Narcisse servit du jus d'orange à tout le monde sauf à lui-même, se contentant de l'eau du robinet. Il prit de la salade, ce qui lui valut un regard noir de la part de Dorothy.
— Nourris-toi correctement, dit-elle en redonnant à Abel son assiette et en ne lâchant pas Narcisse des yeux. Pour refermer le trou que t'as dans le ventre.
Mary Jane déglutit.
— J'ai bien fait de pas être là. Ça avait l'air sérieux.
— Je te jure, je me suis dit que j'avais bien fait de rester une putain. Docteur, c'est trop fatigant.
Leur rire résonna dans la pièce. Narcisse médita sur l'utilité du plafond, qui ne servait pas toujours à grand chose tant elles riaient fort. Il remarqua aussi que Abel fronçait les sourcils, songeur, mais c'était parce qu'il n'avait pas compris le gros mot.
Il ouvrit la bouche, s'apprêtant à parler, puis se rappela qu'il n'avait plus de voix.
— Tu t'appelles comment, du coup ? demanda Dorothy entre deux bouchées de jambon.
— C'est Abel, répondit Narcisse à sa place. Il parle pas.
— Oh.
Elle posa sa fourchette de façon à montrer que la conversation l'intéressait plus que le contenu de son assiette.
— Tu sais ce qui l'amène ici ?
— C'est-à-dire ?
— D'où il vient. D'où vient cet énorme trou, aussi.
L'éphèbe aux cheveux blonds, au lieu de la lâcher, serra sa fourchette. Dorothy et Mary Jane le virent à l'instant même où ses doigts se crispèrent. Le ton de sa voix demeurait calme.
— Il parle même pas et tu lui poses déjà des questions du genre.
— J'ai le droit de savoir. Non, on a le droit de savoir. Tu as l'intention de le virer, peut-être ? S'il veut rester ici, il faut qu'il nous le dise.
Abel comprenait très bien ce raisonnement. Être au centre d'une discorde le mettait mal à l'aise, cependant.
— On vient à peine de commencer à manger, Dorothy.
— C'est vrai, et la plupart des discussions importantes se font en plein repas.
— La plupart, oui. Pas pendant l'entrée mais en attendant la venue du dessert.
Dorothy s'impatienta. Abel eut un pincement au cœur. Pire, il sentit une main le tenir en otage.
— Sauf qu'il n'y aura pas de dessert si j'apprends que ce type est un meurtrier, un évadé de prison, ou les deux.
Mary Jane avait cessé de manger et titillait sa frange. La tournure de la conversation ne présageait rien de bon. Elle-même ne s'était pas posée la question. Qu'est-ce que Abel avait fait pour finir ici ?
Il essaya de leur dire d'arrêter et chercha à s'expliquer, mais seuls des bruits qui sonnèrent comme des protestations se firent entendre. Sa voix s'opposait à l'idée même qu'il puisse parler. Cela ne fit qu'agrémenter la colère que Narcisse se forçait à tapir.
— Il parle pas, je t'ai dit.
Le moindre changement dans sa façon de parler était perceptible par les deux femmes. Elles le connaissaient depuis petit, et s'il n'était pratiquement jamais gagné par sa colère ou sa frustration, il ne pouvait plus rien leur cacher. Il avait beau apparaître très calme, elles sentaient chez lui une hostilité comparable à celle d'une mère pour son petit. Dorothy comprenait très bien ce sentiment. L'hostilité qu'elle semblait nourrir à l'encontre d'Abel était la même parce qu'elle tenait à la sécurité de Narcisse, et il le savait parfaitement.
Sauf que Abel était visiblement submergé par la panique et laisser ses propos l'atteindre serait l'abandonner à son triste sort.
— Il ferait pas de mal à une mouche. Je suis même sûr qu'il oserait pas marcher sur une fleur. C'est pas toi qui l'as vu entrer en pleurs dans ton taxi en train de pisser le sang. Il va rien nous faire. N'est-ce pas ?
Narcisse se tourna vers Abel, qui n'arriva même pas à hocher la tête tant il tremblait. Il vit bien que ce n'était pas de la honte mais de la nervosité. La peur de faire quelque chose de mal, ou rien de plus qu'un geste brusque susceptible de trahir quelqu'un qu'il n'était pas.
— On n'a aucune preuve de son innocence, dit Dorothy.
— Tu te méfies tellement des gens.
— Je me méfie de ceux qui viennent chez moi couverts de sang, oui ! Comme tout le monde !
— C'est vrai, Nana, murmura Mary Jane. Il a l'air gentil, je dis pas le contraire, mais peut-être qu'il attend son rétablissement pour nous égorger pendant notre sommeil.
— Lui, égorger quelqu'un ?
— T'as vu la taille de ses bras ?
— À t'entendre, on dirait que tu décris un tueur.
Dorothy soupira et dit :
— Écoute, le truc, c'est qu'on n'en sait rien. Tu ne le connais pas plus que moi. Il suffit qu'il nous dise ce qui lui est arrivé pour qu'on puisse le garder plus sereinement. Il se peut tout à fait qu'il soit complètement innocent, mais pour ça, il faut qu'il s'explique.
Narcisse savait qu'elle avait raison. Pourtant, son instinct se voulait plus insistant que la trop simple logique des choses. Il lui fallait protéger Abel. Le désespoir qu'il avait vu, ce soir-là, était un désespoir qu'il fallait avoir connu pour pouvoir déterminer la provenance de son obstination. Abel donnait à l'enfant qu'il avait tu en lui une voix nouvelle, même s'il ne parlait pas. C'était inexplicable. Il ne laisserait personne faire du mal à cet enfant.
Le besoin de justification des autres lui était insupportable. De ce monde, il exécrait la perpétuelle recherche de raison, comme si l'humanité n'avait nul autre guide. Il fallait réfléchir à tout. Remettre en question, chasser ses doutes d'une quelconque façon. Pour lui, cela revenait à mépriser son prochain.
— On s'en va.
— Sois pas fâché.
Après avoir aidé Abel à se lever, Narcisse quitta la table en le prenant par la main. Le repas s'était écourté. Seuls les œufs de Dorothy avaient été mangés.
« C'est dommage parce que c'était bon », pensa Abel en s'éloignant de la table, recouverte de plats encore chauds.
Le soleil avait repris place sur son trône, au milieu de ses valets célestes. Il était treize heures. Narcisse avait installé des chaises pliables sur le toit et ramené son paquet de cigarettes. Abel, de son côté, avait insisté pour prendre un carnet vide au cas où il lui poserait des questions, même si le blond avait jugé que ce n'était pas nécessaire en ajoutant que le silence lui allait très bien. Qu'il avait l'habitude de parler tout seul, même.
Il lui montra la vue. Les gratte-ciels étaient si hauts que Abel avait peur pour la prospérité des nuages. Les panneaux publicitaires faisaient la taille de plusieurs étages. On entendait le tumulte sonore du trafic et on sentait la brise estivale, cadeau des cieux pour ceux qui fuyaient l'étreinte parfois étouffante du plus beau des astres. Les ondulations capillaires de Narcisse faisaient partie de cette vue, dunes de sable annonçant la rive. Cet homme avait tout de la mer. Abel s'inventa des histoires.
Toutefois, il ne tolérait pas la fumée de ses cigarettes. Lorsque Narcisse en sortit une, il lui prit doucement le poignet et interrompit son geste.
— T'aimes vraiment pas ça, dis-moi.
« Non », fit-il de la tête. Il désigna ses poumons du bout de son index.
— Et elles croient que tu vas m'arracher la tête.
Ce qui distinguait sa manière de parler de celle des autres était la résignation qui ponctuait ses phrases. Il semblait tout expier dans un soupir de fin. Pour Abel, il soufflait de la fumée sans même avoir recours au tabac.
— Tu as quel âge ?
Il ne sut pas répondre à la question. Et puis, Narcisse reprit immédiatement :
— Ne t'en fais pas. Ça ne veut rien dire, l'âge. C'est celui du corps et pas de la tête. Je préfère compter en expériences positives.
Agacé par son mutisme, le brun décida de se servir du carnet qui lui avait été donné, et écrivit : « Combien en as-tu eues ? »
— Je dirais un an. De belles choses.
« Tu comptes les expériences négatives ? »
— Non, mais ce serait l'âge de mon corps moins un an.
« Et quel est l'âge de ton corps ? »
— Vingt-deux ans, Abel.
« Tu as la majorité de la tristesse. »
Il rit. Pour quelqu'un d'aussi triste, Abel trouvait qu'il riait beaucoup. Il songea au pourcentage de résignation dans chacun de ses rires, qui tuait davantage que celui de ses fins de phrases. Mais ce qui lui faisait plaisir, c'était que son prénom n'arborait aucune tristesse, même en dernière position.
— En comptant en expériences positives, c'est quoi ton âge ?
Abel prit un long moment de réflexion. Des souvenirs lui vinrent en tête. Le plus beau était celui de courir dans des champs. Le pire aussi, semblait-il.
« Peut-être quinze. »
— Chapeau ! Tu te considères heureux ?
« Actuellement oui. »
— C'est vrai ? Même avec une blessure aussi terrible ?
« Tu m'as sauvé la vie. »
Narcisse leva les yeux vers Abel afin de recentrer son attention sur son interlocuteur et non la page de son carnet. Le bleu qui les teintait de mélancolie fut empli d'une émotion indescriptible. De la reconnaissance ? Celle-ci, ou une autre s'en rapprochant.
— Je n'ai pas fait grand chose, tu sais ? C'est Dorothy qu'il faut remercier.
Abel écrivit « Oui, mais toi surtout. » Son esprit déambula dans le vide avant qu'il ne le reprenne. Il continua : « J'étais en danger. »
Le visage de Narcisse se figea de sérieux.
— On te veut du mal ?
À cette pensée, un frisson parcourut Abel. Ce fut subtil mais désagréable. Il n'y avait pas vraiment réfléchi.
« Je ne sais pas. Je me sentais en danger. » Temps de pause. « Je n 'arrive plus à parler, depuis. »
— Donc tu n'es pas muet ? Tu parlais, avant ?
« Oui, mais je le suis maintenant. »
Il baissa la tête, de chagrin et de regret.
« J'aimerais pouvoir te parler. »
Narcisse le prit par l'épaule et plongea son regard dans le sien.
— On trouvera une solution, ne t'en fais pas.
Bleu magnétique. Intense. Abel se dit alors qu'il était possible de respirer sous l'eau. Tant qu'il s'accrochait à ce bleu, tout l'était. Vivre ou mourir. Ses yeux étaient aussi profonds que l'océan. C'était un ange qui lui apprendrait à nager et celui avec qui il souhaitait voler. « Si tu y crois, je le peux aussi. »
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lumieresdanslacave · 3 years
Note
hey j'espère que la question n'est pas trop personnelle mais c'est quoi le thème général de tes dessins ou bien ce qui t'inspire à les faire ?
ils sont vraiment beau ! et j'aime bien le fait qu'on puisse un peu voir les dessins sur les pages qui sont juste avant avec la transparence des pages, ça donne un petit charme à l'ensemble :)
Hello! Désolée ton message est resté dans ma inbox quelques jours, où je l'ai oubliée, et puis mes parents ont débarqué chez moi.... Bref! En fait les tout petits dessins dont tu parles j'ai commencé à les faire il y a trois ans et demi, à une période pas facile de ma vie. Je bossais dans un magasin de tissus, j'étais très malheureuse et j'ai commencé à fabriquer des tout petits carnets avec ce que j'avais sous la main (des rouleaux de caisse enregistreuse, et n'importe quel moyen pour les relier sur place). Dedans je dessinais ce qui m'angoissais à l'époque, des pensées de passage pas toujours jolies, et puis quelques petites idées qui me passaient par la tête. J'avais du mal à savoir ce que je pouvais faire de ma vie. C'était presque une forme de thérapie. Du coup depuis février 2018, j'ai continué à faire ces petits carnets, deux par mois en moyenne, jusqu'à ce jour. Maintenant ma vie est un peu plus stable, mais je continue à transcrire mes émotions dedans, les trucs qui me traversent et qui m'arrivent. Même si j'essaye toujours de *retranscrire*, pas de raconter mot pour mot, parce que ce n'est pas réellement mon journal. Il y a toujours un peu de romantisation :^) Bref, merci pour ta question!
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