Tumgik
carnet-du-capitaine · 5 months
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Intérimaire de l'inconnu
Introduction
Cid avait suivi à la lettre les instructions, trouvées après des heures de recherches intensives sur les forums occultes et obscurs d'internet. Il avait entendu parler de la rumeur par bouche à oreille et même s'il n’était pas convaincu de sa véracité, il avait besoin d'argent. Le jeune homme était prêt à tenter sa chance… il ne risquait rien à essayer, au moins.
1. Installer une application de réseau social, peu importe lequel, sur laquelle vous n'avez jamais créé ou utilisé de compte personnel.
2. Ne pas ouvrir l'application tout de suite.
3. Déplacer l'application sur votre écran d'accueil de smartphone, sur un panneau sans application ou widgets. La déposer le plus en bas à gauche possible.
4. Attendre 3 jours. Au bout du 3ème jour, entre 0h57 et 1h du matin, ouvrir l'application. Ne rien toucher et retourner sur l'écran d'accueil.
5. Changer son fond d'écran par l'image en lien à la fin des instructions.
6. Retourner sur l'application (toute l'interface aura changé mais cela est normal) et créer un nouveau compte, sous le nom de :
L̵̮͓̬̯̔̋̔ͅò̷̖̙̤͌̕r̶̤̦̥̙͐̕é̴͙̜̠̪̊m̸̨̥͚̐̆̔̿ͅ ̶͇̼̗̞̌̂̀͋i̵̱͕̽p̵̻͖̹͌̒̄̋̏s̴̞͐̊́̄̚ư̴̡̖̝͎̙̍̔͗͘ṃ̵̢̫̑̾ ̶̛̙̣̏̽̕d̶̜̰̟̫͒͆ͅo̶̯̝̽͗̚l̵̖̘̓̽̓ọ̵̢̈́̈̔͛̓r̵̨̼̪̾̒̈́ ̴͈̬̀͋͐̽̕s̵͎̪̗͈̉͛͜i̷͇̹͎̝͊̉̐͆̂ṫ̵̠̞͂̈́͑̓ͅ ̷̢͇̞͛a̴̛̮͓̜̣̅̎ͅm̸͎͉̻͆̈́͋̿͝e̶̻̙̦͚̳̐t̶͕̜͎̅̓́
7. Répondre aux questions qui s'afficheront sur l'écran avec une totale honnêteté. Tout mensonge déclenchera la fermeture de l'application et la destruction de votre smartphone.
8. Valider le compte. Vous avez réussi. Vous êtes libre de changer à nouveau le fond d'écran mais nous recommandons de laisser l'application à son emplacement.
9. La moindre désinstallation de l'application entraînera la suppression de votre compte, il vous faudra donc recommencer la procédure depuis le début. Les questions personnelles seront très différentes la prochaine fois que vous re-créerez un compte, et la procédure plus dangereuse pour vous... à vos risques et périls.
À sa grande surprise, l'application de réseau social avec sa note de musique blanche sur fond noire qu'il avait choisi avait entièrement changé. Elle affichait désormais un grand point d'interrogation violet sur un fond sombre, dont la couleur semblait ne jamais vraiment être définissable et stable. Il avait répondu à toutes les questions demandées à la création de compte, même si certaines l'avaient mis extrêmement mal à l'aise. Des questions générales sur son identité, son adresse, son numéro de téléphone mais aussi sur ses peurs et cauchemars, ou encore la couleur de son œil gauche. La question la plus surprenante restait celle qui lui demandait ce qu'il préférait entre perdre un doigt ou tous les ongles de sa main droite. Cid espérait que cela ne reste qu'hypothétique mais...
Qui sait les risques que l'on prend quand on décide de travailler au sein de l'Inconnu... tout ce qui est indéfinissable, occulte ou tout simplement inexplicable. À partir des bribes d'information qu'il avait rassemblé, le jeune homme se faisait une idée vague de ce que l'application allait lui proposer : des jobs étranges, des petits boulots incongrus, parfois bizarres, parfois dangereux, mais toujours bien payés. Il n’était pas obligé d'accepter toutes les opportunités proposées, mais il savait qu’il devait accepter au moins un travail tous les six mois, sous peine de voir son compte désactivé. Le jeune homme espérait tout de même que les offres d'emploi seraient plus régulières que ça. Il n'avait pas vraiment le choix, il était prêt à accepter n'importe quoi : lorsque l'on a de bonnes raisons, le jeu en vaut la chandelle.
Les mains légèrement tremblantes, la boule au ventre, Cid appuya sur l'onglet : offres d'emploi, qui affichait déjà plusieurs notifications…
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carnet-du-capitaine · 6 months
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Le temps d'un soir
Chapitre 1 - Pilier de bar
Élisabeth posa son verre, lasse. L'alcool n'avait que très peu de goût pour ses papilles plus habituées à des liquides plus...riches en fer. Néanmoins, elle aimait savourer de temps en temps des cocktails ou des alcools forts. Cela la rendait nostalgique. Si elle se concentrait, elle sentait une très légère amertume, une timide pointe de sirop de cerise, le fantôme d'une épice...et la trace d'une vie qui lui semblait si loin. Assurée et soignée, elle aimait se mettre en scène, incarner un personnage. Cela l'aidait à ne pas perdre pied au fil des années. La femme solitaire adossée au bar, belle et mystérieuse, qui chassait les inconnus venus l'aborder avec dédain. Enfin, elle se laissait parfois tenter par une idylle d'une nuit, ou un léger repas succinct.
Que ce soit pour repaître son appétit, son corps ou son cœur, elle faisait toujours attention à rester dans une consommation modérée, jamais trop. Elle ne voulait pas se retrouver dans une mauvaise posture, trop près du danger.
Elle soupira, se laissant tenter par l'idée d'un autre verre, même s'il ne pouvait la désaltérer. Alors qu'elle s'apprêtait à héler le serveur pour une commande, un homme vint s'asseoir à ses côtés, tout en douceur. Elle ne l'avait pas entendu approcher. "Laissez-moi vous payer ce prochain verre, lui annonça-t-il nonchalamment, Mademoiselle... ?
_ Beth.
_ Enchanté Beth, vous êtes une habituée ?
_ Pas vraiment, non, je ne suis fidèle à aucun bar.
_ Moi non plus, à vrai dire. Mais je suis heureux d'avoir choisi cet établissement aujourd'hui.
_ Et qu'est ce qui vous fait dire cela ? Qui vous dit que je ne m'apprête pas à partir et vous laisser là, sur votre tabouret, tout penaud.
_ À vrai dire, ça m'est égal si vous décidez de vous en aller. Vous avez quelque chose d'unique...un charme que je n'ai jamais rencontré ailleurs. Je suis déjà heureux d'avoir croisé votre route, je ne vous retiendrais pas. "
Élisabeth, étonnée par cet étrange inconnu, ne put retenir un petit rire cristallin. Sa curiosité piquée au vif, elle dévisagea son interlocuteur avec attention. L'homme pouvait peut être se révéler de charmante compagnie, que ce soit pour l'un de ses désirs ou plusieurs.
Le petit bar sur lequel elle avait jeté son dévolu avait eu peu de succès ce soir. Quelques personnes, visiblement les habitués, occupaient l'espace avec les touristes éméchés. L'ambiance était tamisée et une musique de jazz assez quelconque se diffusait timidement dans l'espace. L'endroit fourmillait d'odeurs, et Élisabeth adorait ça. Tabac froid, alcools, odeurs corporelles, sueur, émotions variées. Ses papilles étaient plus sensibles aux saveurs odorantes tout autour d'elle que dans son verre. Cet homme sentait bon, une odeur enivrante qu'elle n'avait encore jamais sentie auparavant. Il se tenait devant elle, son visage entre deux âges illuminé par un doux sourire. Il avait les cheveux châtains et une fine barbe ornée d'une timide moustache. Elle soutint son regard. On aurait dit que ses yeux gris avaient été colorés par un lavis d'encre de chine. Élisabeth frissonna. L'homme lui plaisait, il cochait toutes ses cases et son odeur lui ouvrait l'appétit. Un peu trop. Elle devait tempérer ses ardeurs.
" Commandez moi un Old Fashioned alors, que l'on discute un peu de vous...Monsieur ?"
L'homme s'exécuta et se tourna vers elle : "
_ Ned, mes amis m'appellent Ned. Du moins, du temps où j'avais des amis.
_ Vous êtes donc si terrible que ça, Ned ? Sourit Beth.
_ Non, ne vous inquiétez pas, les aléas de la vie m'ont séparé de mes proches. Rien de terrible chez moi, je suis doux comme un agneau.
_ Pourriez-vous dire la même chose de moi ? Ou aimez-vous les femmes un peu dangereuses...prédatrices ?
_ Quand je vous regarde, vous ne m'inspirez aucune crainte. Si vous souhaitez me dévorer corps et âme, vous avez mon consentement éclairé."
Beth déglutit et s'empressa d'attraper le cocktail que le serveur lui tendait pour en prendre une gorgée. Tout ça allait un peu trop vite. Le charme de son interlocuteur lui faisait tourner la tête. Ou bien était-ce l'alcool ? Elle ne savait plus. Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas nourrie et sa faim se réveillait un peu trop fort à son gout. Quel idiot ce type. Quel genre d'homme sort ce genre d'inepties à une inconnue, comme ça ? Elle n'était pas sûre que ses techniques de séductions étaient efficaces, mais Dieu qu'elles lui donnaient faim.
Ned remarqua son embarra.
"Excusez moi, souffla t-il avec douceur, je fus peut être un peu trop enjoué. Je ne voudrais pas vous mettre mal à l'aise. J'ai un rapport étrange avec le danger et le décès. Prenez cela comme la plaisanterie que je souhaitais faire, sans aucun sous entendu étrange.
_ Vous me rassurez", lui répondit Beth en reposant son verre après une gorgée de sa boisson amère. Elle avait envie de sel.
Nonchalamment, elle passa une main dans ses cheveux noirs et les ébouriffa légèrement.
L'homme la regardait, avec curiosité et un peu d'amusement. Il lui demanda :"
_ Cette coiffure vous va très bien, un hommage aux années folles ?
_ Oui, une époque pleine de musique et de lumières, parfois j'en suis nostalgique.
_ Vous avez un très léger accent, d'où venez vous Beth, vous êtes américaine ?
_ Je l'ai été quelques temps, mais je viens d'Angleterre, je suis retournée en Europe depuis peu, cela me manquait. Vous êtes d'ici vous ?
_ Oui, je suis français, mais j'ai beaucoup voyagé à travers le continent, bien que je n'ai jamais posé le pied en Amérique.
_ Je ne sais pas si je recommande l'Amérique en ce moment, sourit Beth, vous avez raté le coche !
_ De presque un siècle, rétorqua Ned avec un sourire amusé, ce n'est pas dans mes habitudes d'être en retard comme ça, croyez moi ! "
Beth étudiait son interlocuteur avec attention. Il était bien habillé, pantalon noir, chemise blanche cintrée d'un veston sombre, avec comme pardessus un manteau gris à carreaux qui soulignait la couleur singulière de ses yeux. Elle se surprit à se poser plus de questions que d'ordinaire à propos de cet homme. Quelle était son histoire, quelle profession exerçait-il ? Était-il un homme important ou un inconnu tout ce qu'il y a de plus normal ? Elle était trop curieuse. Élisabeth se posa un holà silencieux. Ce n'était pas dans ses habitudes, il ne fallait pas qu'elle perde le fil, c'était risqué pour elle. Pas trop d'intérêt, pas trop d'attachement. Garder le contrôle. Ned lui plaisait. Elle ne savait pas pourquoi. C'était dangereux.
Elle avait faim. Tant pis. Elle ne prendrait pas le risque de plus connaître ce doux parleur à l'air rêveur. Il lui servirait seulement de repas de cette nuit. J'ai hâte de connaître le goût de son sang, pensa-t-elle, presque fébrile.
L'occasion se présenta presque immédiatement. Un groupe de touristes allemands se rua bruyamment dans le bar, déjà très enjoués. Ned, en les entendant crier, sembla mal à l'aise, nerveux. L'assurance tranquille qui habillait ses traits s'évapora en un instant. Beth regarda ses mains se crisper et sauta sur l'occasion comme un félin sur sa proie. Elle effleura ses doigts et se rapprocha de son visage : "Le bruit vous dérange, Ned ? Et si nous nous éclipsions dans un endroit plus...discret vous et moi ?".
L'homme la regarda avec une tendresse à peine déguisée et acquiesça silencieusement. Il attendit qu'elle attrape sa veste en cuir noir et qu'elle s'en habille puis lui tendit son bras pour qu'elle s'y accroche. Ils sortirent du bar, Beth s'appuyant sur son épaule, s'y attardant un peu trop longtemps à son propre goût.
Le ciel nocturne était paré de quelques timides étoiles. Beth entraina son cavalier dans des ruelles calmes et peu peuplées en cette douce nuit d'août. Une fois passées les rues touristiques et fréquentées, elle serait plus tranquille pour son méfait. Ned se laissait guider par son pas dansant. Il lui faisait bien trop confiance : comment un homme pouvait être aussi naïf ? Tant mieux, se dit-elle, bien que rongée par la culpabilité. Je dois rester prudente.
Beth se décida sur une petite impasse presque sans lumière mais pas non plus glauque. Il n'y avait personne à la ronde. Parfait. Elle y attira son bel inconnu et l'adossa doucement à un mur. Il lui sourit, surpris de la tournure des événements. Elle n'en pouvait plus.
"Je m'attendais à un lieu plus... cozy ? Romant.."
Beth se jeta sur lui dans un baiser sauvage. Elle se surprit à mélanger désir et faim. Ses lèvres se laissèrent aller au contact de celles de l'inconnu, chaudes et douces. La barbe de l'homme caressa ses joues. Ned l'entoura de ses bras, serrant sa taille de guêpe avec douceur.
Le baiser s'arrêta. Elle se recula légèrement, mais ne le regardait plus dans les yeux. Du coin de l’œil, elle aperçut sur les lèvres de son partenaire un petit sourire en coin, amusé, presque timide. Le rouge montait aux joues de Ned. Rouge.
Beth perdit le contrôle.
Elle retira le manteau de Ned, et arracha presque les boutons de son veston et de sa chemise en dégageant son cou. La peau blanche et frissonnante de l'homme la fit frémir. Merde.
Elle plongea ses crocs dans la chair de Ned, s'abandonnant à sa faim.
Son sang était incroyablement succulent. Beth avait chaud, elle tremblait d'excitation, sa tête lui tournait. Sa poigne était devenue trop puissante pour que Ned puisse résister, elle le bloquait pendant qu'elle se délectait de son sang. Encore, elle en voulait encore. Elle sentait Ned tressaillir et se crisper, saisit par la surprise, impuissant.
Elle ne pouvait pas s'empêcher d'aimer cette sensation de pouvoir, de puissance, même si elle détestait ça. La situation lui avait entièrement échappé. Le gout du sang de Ned, entre cuivre, fer et rouille, la rendait folle. Elle rassasiait une faim qu'elle avait laissé trop longtemps grandir en son sein.
Le corps de Ned devenait de plus en plus lourd, il avait perdu connaissance depuis longtemps. Élisabeth aurait déjà dû s'arrêter. Elle le faisait normalement. La vampire ne s'attardait jamais trop dans ses repas, habituée à un mode de vie frugal qui ne mettait pas en danger ses proies. Même s'il était dur de résister à son instinct de tueuse, elle avait pris des siècles à le maîtriser et en était satisfaite. Les écarts passés pesaient sur sa conscience et elle ne pouvait les changer, mais elle savait qu'elle ne voulait plus tuer. Plus jamais...
Jusqu'à ce soir où elle ne répondait malheureusement plus de rien. Enivrée par son attirance pour sa victime. Lâchée comme une panthère dans une bergerie. Possédée par sa faim et son désir, elle s'était abandonnée.
Rassasiée, elle reprit ses esprits. Elle s'écarta et lâcha son emprise sur Ned. Le pauvre homme, inerte, s'affala sur le sol comme un pantin sans vie. Elle avait bu trop de son sang. Le bel inconnu avait été dévoré, son sang rouge rubis tachait sa chemise blanche, sa peau était pâle, cadavérique.
"Merde, merde merde merde merde, Bettie qu'est ce que tu viens de faire ! Tout ça ne te ressemble pas, qu'est ce qu'il vient de se passer ? Qu'est ce que tu as fait", s'affola Beth, d'une petite voix paniquée. Elle s'en voulait tellement. Maintenant que sa faim s'était tue et l'emprise de l'alcool diminuée, elle restait ébahie, désolée.
Elle faisait les cents pas, le visage entre les mains. Comment avait-elle pu ? N'était-elle donc pas différente de ses semblables, un monstre inhumain sans aucune considération pour autrui ? Un être sans cœur, sans culpabilité n'écoutant que ses désirs les plus bestiaux ? Elle se mordit la lèvre, les larmes aux yeux.
Une grande inspiration bruyante interrompit sa détresse.
Elle se retourna. À sa plus grande surprise, Ned s'était relevé et était assis par terre, les cheveux ébouriffés. Sa peau avait repris des couleurs plus vives, ses joues étaient mêmes un peu roses.
"Je ne m'y ferais jamais", lâcha-t-il avec un petit sourire mi rieur, mi amusé.
Beth resta bouche bée. Elle n'y comprenait rien. Ce... ce n'était pas, elle n'avait pas... non, ça ne marchait pas comme ça. Impossible. Elle n'avait pas la capacité de donner naissance à un de ses semblables. Qu'est ce qu'il venait de se passer ?
"_Vous... vous avez l'intention de continuer ou...vous avez terminé votre dégustation ? Excusez moi, je n'avais jamais encore rencontré de...vous êtes une vampire n'est ce pas ?
_Ned vous...vous devriez être mort. Comment est-ce possible que...Oh je suis désolée Ned ce n'est pas...ce n'était pas intentionnel, ce n'est pas dans mes habitudes, j'essaie toujours de faire attention à ne pas tuer mes victimes mais... J'ai perdu le contrôle, j'étais trop troublée. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris."
Ned se releva, comme ankylosé. Il roula des épaules et étira son cou. Baissant la tête, il vu l'état de sa chemise et étouffa un petit rire :
"_ Je suis bon pour changer de chemise, ne vous en faites pas, j'avais un peu envie d'un nouveau style !
_ Pourquoi vous n'êtes pas horrifié ?
_ Pourquoi le serais-je ?
_ Je viens d'essayer de vous tuer.
_ Vous n'avez pas essayé, vous avez réussi. Je vous ai dit que j'avais un rapport particulier avec la mort.
_ Mais qu'êtes vous Ned ?"
L'homme la regarda dans les yeux, une expression songeuse sur le visage. Il prit un moment pour organiser ses souvenirs, penseur, puis prit appui sur le mur derrière lui.
"À vrai dire, je n'en suis pas sûr moi même. C'est une longue histoire, je ne sais pas si je veux gâcher votre précieux temps, vous êtes peut-être une vampire très occupée…"
Beth qui avait retrouvé ses esprits après son état de choc, l'interrompit d'un "shush" et attrapa sa main pour le sortir de l'impasse. Elle s'arrêta et se retourna lui relever son manteau défait sur les épaules, l’épousseter et lui dérober un baiser succinct. Puis elle l'entraina derrière elle dans la nuit.
Elle mourrait de curiosité et n'allait pas le lâcher.
Chapitre 2 - Histoires de siècles
Elle poussa Ned par les hanches dans un son petit appartement où elle vivait depuis quelques années. Frugal mais décoré avec soin, guirlandes de couleurs, rideaux rouges et plaids chatoyants. L'endroit était plein de vie, mais sans attaches. Elle avait l'habitude de tout plaquer et de changer de ville, de pays, de moment, tout ça sur un coup de tête. Avec l'immortalité, on vit différemment.
Son invité regardait autour de lui, curieux. Il se retourna vers elle alors qu'elle fermait sa porte d'entrée et lui souffla : "Ici c'est cozy, c'est plus le genre d'endroit que j'avais en vue.
_ Même si c'était pour vous vider de votre sang ?
_ Bien entendu, lui répondit-il en accrochant son pardessus au porte manteau. J'aime beaucoup ce que vous avez fait comme décoration, c'est charmant…"
Elle ne le laissa pas continuer, et agrippa par le col pour le poser sur son canapé, il suivit le mouvement, sagement. Élisabeth retira avec adresse ses chaussures à talon rouges et vint s'asseoir tout près de lui, les mains sur ses genoux.
"Racontez-moi tout, je veux savoir ce que vous êtes. Je n'ai connu que des créatures de mon espèce. Vous n'êtes rien de tout cela. Qui êtes-vous Ned ?
_ Je suis un raté.
_ Ne soyez pas si dur avec vous-même, rétorqua Beth, mi outrée mi amusée, en singeant une petite tape sur sa cuisse.
_ Non, s'esclaffa-t-il, je suis un raté de sorcier. Je suis né en France, en l'an 1852. Édouard Manier. J'ai quitté mon village jeune pour voyager dans toute la France en tant que travailleur itinérant. Ma vie m'a mené dans un petit village des Alpes où j'ai reçu par mégarde la malédiction d'un sorcier rancunier et jaloux. Mais voyez vous, je suis d'un naturel avenant et j'ai toujours fait attention à ne jamais froisser les autres. Cet homme s'était trompé : celui qu'il souhaitait maudire était un autre Édouard Manier, résident sédentaire du coin. J'ai connu quelques aventures, mais jamais avec la femme qu'ils convoitaient tous deux. J'aurais du perdre mon âme et me retrouver déformé à jamais, mais l'affaire était impossible : le sorcier s'étant trompé. J'y ai perdu ma mortalité et mon âme est devenue...inatteignable, confisquée. Un vice de contrat, le sorcier n'a jamais pu l'annuler.
_ Vous êtes donc condamné à rester en vie jusqu'à la fin des temps, rien ne peut vous tuer ?
_ Oui, en quelque sorte. Je reviens toujours. Mes blessures disparaissent et je reprends connaissance. Je pense que même si l'on me détruisait, je réapparaitrais, comme si de rien n'était. Pouf !
_ Fascinant mon cher.
_ Il y a toutefois un moyen d'arrêter ce sort, mais il y a des conditions...particulières. La magie du sorcier est censée s’arrêter lorsque tous ses descendants seront disparus. Mais mon homme était...disons...un séducteur né. Sa descendance est nombreuse, même deux grandes guerres n'ont pu en venir à bout. Je crois que l'un de ses arrières arrières petits enfants est même devenu roi du pétrole en Amérique et a fait fortune de l'autre côté de la mer.
_ Peut-être l'ai-je croisé un jour sans le savoir. Vous avez donc vécu tous les tourments de ce dernier siècle, en Europe ? Vous avez participé aux Guerres Mondiales ?
_ Malheureusement, oui...le visage de Ned changea, s'assombrissant. Il n'y a rien de plus terrible que de participer à une guerre et de voir tous ses camarades tomber les uns après les autres sur le champ de bataille...en sachant qu'il ne peut rien nous arriver.
_ Vous n'avez pas eu envie de jouer les héros ?
_ À quoi bon ? Les hommes en face de nous n'étaient que des miroirs. Tous de pauvres âmes piégées là, à l'exception de la mienne. Tant de souffrance, parfois, même encore aujourd'hui, elle me rattrape et me hante. Des bruits forts ou des voix me renvoient là bas, sur les champs de bataille. Une partie de moi y sera toujours prisonnière, même si tout cela est bien loin.
_ On laisse tous une partie de soi dans les moments terribles de nos vies..."
Beth frissonna. En un instant, elle s'était retrouvée dans la geôle de Moldavie qu'elle avait dû appeler sa chambre, après la grande trahison de sa famille. Un goût d'humidité et de moisissure apparut sur ses papilles. Un voile était tombé sur elle et toute la pièce s'était mise à tourner. Ses oreilles bourdonnaient.
Ned saisit sa main, la chaleur de son contact la ramena à la réalité, au présent.
"_ Je vous rappelle de bien tristes souvenirs. Souhaitez-vous que j'arrête là ?
_ Non, continuez je vous en prie, lui répondit-elle les yeux humides.
_ Mon histoire est presque terminée j'en ai bien peur. J'ai voyagé dans toute l'Europe, travaillé par ci, par là, j'ai fait deux grandes guerres et connu les changements de ce siècle. J'ai rencontré tellement de gens, vécu tant de vies. Les visages disparaissent mais je suis heureux d'avoir croisé autant de personnes. Chaque rencontre m'apporte de la joie et pimente ma vie immortelle. Un jour, peut-être, le sort s'arrêtera et mon corps retrouvera son âme. La vie reprendra son cours.
_ Mais ça ne vous fait pas peur ?
_ Pas vraiment, quand on a vécu plusieurs vies, quelles réclamations nous reste-il à faire ?
_ C'est vrai oui... "
Ned la regardait en souriant timidement, Beth devina la question sur le bout de ses lèvres. Elle laissa courir son pouce le long de la main de son invité.
"_ Vous m'avez conté votre histoire...voulez-vous connaître la mienne à présent ? "
Ned porta la main de la vampire à ses lèvres et l'embrassa tendrement. Il soutint son regard.
" _ Ai-je vraiment besoin de vous le demander…? Dès que vous avez croisé ma route, j'étais sous votre charme. J'ai tant envie d'en connaître plus sur vous…
_ Vous attendiez-vous à ce que je sois...différente ?
_ Je m'en doutais, vous aviez quelque chose de spécial. Je me doutais que vos intentions à mon égard seraient surprenantes, mais je n'avais pas peur de vous, non.
_ Parce que vous ne pouvez pas mourir.
_ Parce que vous êtes fascinante. "
Elisabeth sentit ses joues s'empourprer. L'admiration que lui vouait Edouard était intense mais charmante. Sa confiance habituelle était désarçonnée et elle avait l'impression de perdre plusieurs décennies d'expérience sous son regard tendre. La sensation était terriblement plaisante. Elle se pencha vers lui pour initier un baiser et il répondit à son appel. Elle s'abandonna quelques instants à la chaleur de son étreinte. Il caressa sa joue et recoiffa quelques mèches de ses cheveux.
Beth se blottit dans les bras de Ned, changeant de position pour s'allonger sur le canapé.
" _ Mon histoire commence il y a plus longtemps que vous. J'étais une aristocrate anglaise dans une famille en fin de règne. Pesé par les dettes, mon père décida de me vendre à un riche seigneur de la Principauté de Moldavie, alors que je n'étais qu'une adolescente. Un mariage de convenance, m'assura-t-il. Mais du haut de mes 15 ans je savais déjà à quoi m'en tenir. La première fois que j'ai vu mon mari...j'étais terrifiée, terrorisée. Je sentais la malice dans son regard. Je voulais être forte pour ne pas inquiéter mes sœurs mais...je savais qu'il avait de noirs desseins envers moi. Il n'abusa pas de moi, du moins, pas de la manière que j'avais imaginée. Il avait décidé de me dresser. De faire de moi la petite femme parfaite pour partager sa couche une fois que j'aurais atteint le bon âge, son âge originel.
_ Il n'était pas humain, n'est-ce pas ?
_ Non, c'était un vampire. Pendant dix longues années, il m'éleva d'une manière cruelle et brutale. Des abus physiques, des dégradations...j'étais enfermée dans un des cachots de son château pour apprendre "l'humilité". Je devais être éduquée, raffinée et soumise. Mais je n'étais jamais à la hauteur. Cet homme était fou. Il m'avait interdit d'entretenir des relations amicales avec qui que ce soit. "Une femme aristocrate ne se doit d'avoir que du mépris pour tous ceux qui sont en dessous d'elle dans la chaîne alimentaire". Quelles foutaises...Quand j'y repense aujourd'hui j'ai des envies de meurtres...mais à l'époque, j'étais impuissante. Quand je suis devenue proche d'une de mes servantes, il l'a dévorée devant mes yeux.
_ Je suis désolée Beth…, souffla Ned en serrant fort sa main dans la sienne.
_ Ne le soyez pas. J'ai subi les travers de cet homme. J'ai attendu, patiente, le moment où ma vengeance pourrait prendre forme. Le jour de mon anniversaire, il me fit parer des plus beaux habits en sa possession. Je voyais son regard lubrique, impatient. Je pense qu'il n'aurait jamais pu consommer son mariage avec une humaine, mais avec une créature comme lui, par contre...Il voulait se façonner une parfaite petite épouse pour l'éternité, son jouet personnel, incassable. Je ne lui en ai pas laissé l'occasion. Dans la chambre nuptiale froide et lugubre où il me fit emmener, je le laissais me déshabiller de ses doigts dégoutants, prête à frapper dés qu'il serait distrait. Quelle ne fut pas ma surprise quand je sentis de longs crocs s'enfoncer dans mon cou et mon corps tout entier pris d'une vague de froid et de panique...comme si chaque organe de mon corps s'arrêtait, changeait...Quand je repris mes esprits, je m'étais évanouie sur le lit et ce monstre était au dessus de moi, fébrile, prêt à profiter de moi la seconde ou ma transformation serais complète. Il pensait que j'étais entièrement asservie à sa personne...il se trompait.
Alors qu'il était comme un animal la tête dans ma poitrine, je lui plantais ma broche en argent, dernier souvenir de mes chères sœurs, dans la joue.
Puis le cou.
Puis le cœur.
Il s'arrêta net et s'effondra dans la couche nuptiale, sans avoir pu goûter aux joies du mariage. Bon débarras.
_ Vous êtes impressionnante...mais vous avez tant enduré Elisabeth…
_ Non, ne vous en faites pas, j'ai eu le temps de vivre avec tout cela. Beaucoup de temps, vous savez. Même si j'étais débarrassée de cet homme il m'avait transformée à jamais. Je ne savais pas ce que j'étais à l'époque et les premières années furent...difficiles. Je n'avais pas le moindre contrôle, j'étais devenue une bête féroce errant dans l'Europe de l'Est, ne connaissant ni langues, ni cultures. J'ai dû tout apprendre de moi même, petit à petit. J'ai voyagé à travers l'Europe et retrouvé l'Angleterre, mais tout avait déjà si vite changé avec la Révolution industrielle...Mes sœurs n'étaient plus là depuis longtemps et je n'avais plus d'attaches. Je décidais de m'embarquer pour l'Amérique et les USA partant à l'aventure sur un nouveau continent. Je connu Castle Clinton et découvris l'Amérique sauvage et tout ses dangers, ainsi que la cruautés des hommes envers leurs semblables… Je restais à l'écart, peu impliquée, mais je fus tentée par les lumières de la scène. Danse, théâtre, cabaret, chanson, drama. J'ai fait de tout, sauf du cinéma. J'avais peur de ne pas passer à l'écran...pourtant j'ai bien un reflet ! Puis j'eu à nouveau envie d'anonymat...j'avais aussi rencontré des semblables. Des vampires comme moi, mais suite à plusieurs différents avec eux, l'une d'elle en particulier, je rompis tout contact. Elle se disait mon amie mais elle ne faisait que m'entrainer vers une pente dangereuse…faite de mépris envers la vie qui ne nous habite plus. J'ai connu les travers de l'Amérique, le racisme, le sexisme et la lutte des classes, alors l'élitisme d'immortel...sans moi. J'ai mis tout ça derrière moi, et j'ai voyagé à travers le monde. Je suis enfin revenue en Europe une fois la dernière guerre mondiale passée. Je n'aime pas vraiment le conflit. Cela me met hors de moi et je souhaite garder le contrôle. J'ai trop peur de faire à nouveau du mal aux humains. Je sais me nourrir avec modération et j'en suis fière… enfin… sauf…
_ Avec moi.
_ Avec vous Ned. Je vous suis vraiment reconnaissante d'être immortel. Je ne vous connais que depuis ce soir mais...je ne veux pas vous perdre.
_ Le sentiment est partagé. Voyez-y un avantage : avec moi vous pouvez vous laisser aller à boire sans modération.
_ Je ne voudrais pas prendre de mauvaises habitudes, s'amusa Beth, relevant la tête vers Ned.
_ Cela veut dire que vous comptez rester quelque temps en ma compagnie…?
Ils se regardèrent un instant, silencieusement. Beth sourit à son bel invité. Il n'y avait pas besoin de réponses, ils se comprenaient presque naturellement.
Cet homme la mettait à l'aise. Elle baissait sa garde près de lui. Il avait l'air sincère et sans mauvaises pensées. La vampire se sentait comprise, acceptée. Quelque chose qu'elle n'avait jusque là jamais rencontré chez un immortel. Elle était bien dans ses bras, et elle pouvait sentir que c'était réciproque. La vampire se blottit encore un peu plus près de l'homme sans âme et s'abandonna dans le bruit de son cœur qui battait. Elle se trouvait à sa place contre son corps chaud, dans son odeur rassurante et envoûtante. Il embrassa le haut de sa tête et la serra un peu plus fort dans ses bras.
Ils restèrent longtemps comme cela, laissant filer la nuit. Ils avaient tout le temps devant eux pour se découvrir et s'aimer.
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carnet-du-capitaine · 7 months
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La bibliothèque de l'inconnu
Vous ne vouliez pas vous retrouver ici ? Lisez ce prospectus :
Vous regardez autour de vous mais vous ne reconnaissez plus rien. Vous étiez venus rendre un livre à la bibliothèque de votre université mais une fois entré à l'intérieur, tout semble différent. Ce n'est plus votre bibliothèque habituelle. Vous avez, sans savoir comment, franchi les portes de l'indicible, de l'irrationnel, de l'incommensurable. Vous êtes au sein de l'inconnu.
Félicitation, ce haut fait est difficile à réaliser, encore plus sans le vouloir, vous devriez être fier. Mais maintenant, prêtez bien attention aux instructions qui vont suivre : il en va de votre survie. Si arriver ici est ardu, en sortir indemne l'est bien plus encore. Surtout pour un non initié.
Cet endroit n'est pas fait pour des étudiants normaux, encore moins pour les humains. Vous pouvez y survivre, mais la moindre erreur vous sera sûrement fatale, ou au minimum, extrêmement désagréable. Nous en arrivons à la première règle, essentielle, indispensable :
TAISEZ-VOUS. Restez le plus silencieux possible, et surtout ne criez pas. Le moindre éclat de voix vous sera sans aucun doute fatal. Si les bibliothécaires tolèrent usuellement les chuchotements dans les locaux, lorsque trop de bruit est fait, ils risquent de saturer et de ne plus rien tolérer. Personne ne souhaite se faire repérer de la sorte. Croyez nous sur parole.
Le seul endroit où il est sûr de parler est au bureau de l'accueil. Mais ne vous y éternisez pas sans bonne raison non plus, n'abusez pas de la patience des agents de bibliothèque qui y sont postés.
Ne tentez pas de rendre un ouvrage extérieur à cet endroit. Il ne faut pas mélanger les livres de l'extérieur à l'inconnu. Et vous ne souhaitez pas non plus être responsable de la perte d'un livre, ou pire, de sa corruption.
N'empruntez surtout pas un livre de l'inconnu pour le ramener dans votre dimension. Vous ne faites pas partie de l'indicible, il serait complètement imprudent de repartir avec un ouvrage de cette dimension dans votre univers connu. Et vous ne survivrez pas à son transfert. Si tout ici se présente comme un livre, ce n'est pas le cas une fois sorti de cet endroit.
Vous pouvez consulter les ouvrages sur place autant que vous le souhaitez. Du moins, c'est à vous de définir vos limites. L'abus de savoirs de l'inconnu peut entraîner des effets secondaires irréversibles.
Vous ne devez, sous aucun cas, détériorer les livres. Il a été observé que les humains qui déchiraient les pages des ouvrages consultables subissaient instantanément les mêmes dégradations physiques que les livres. Vous n'avez pas envie de perdre un bras ou d'avoir une jambe pliée dans le mauvais sens.
Écrire dans les livres est interdit. Il apparaît que les lecteurs humains ayant écrit des notes dans les livres se sont retrouvés avec des mots gravés à même la peau, ou à l'intérieur de leur corps.
Les imprimantes sont un piège. Vous ne pourrez pas les utiliser, n'essayez pas d'imiter les personnes qui s'en servent. Elles ne sont pas comme vous. Vous pourriez vous faire dévorer par une imprimante, terminer en petites coupures dans les bacs à papier, ou pire encore, être emprisonné à l'intérieur même d'une des impressions.
N'essayez pas d'utiliser les ordinateurs. C'est inutile, vous n'avez pas les logins des utilisateurs normaux de cet endroit. Si une personne de l'inconnu a oublié de se déconnecter, prévenez l'accueil, mais n'essayez pas d'utiliser les ordinateurs, ils sont au-delà de vos limites de compréhension et vous risquez d'y perdre la raison. C'est même certain.
N'essayez pas d'interagir avec les personnes venues consulter les ouvrages de la bibliothèque. Même si elles vous semblent humaines, elles ne le sont sans doute pas. Le risque est trop grand. Vous avez trop à perdre à interagir avec des êtres de l'indicible. Vous avez toutes les chances d'être blessé, dévoré, tué ou de perdre la raison, peut être même d'être changé. Si c'est le cas, il vous sera impossible de sortir de ce lieu.
Vous pouvez demander des informations aux agents à l'accueil, mais restez polis. Ils sont là pour aider tout public et pourront vous aiguiller sur les rayons, votre recherche de livre ou même apporter des précisions à ces règles.
Il vous est par contre interdit de pénétrer dans les bureaux des agents. Ils sont hors d’accès, hors de portée. Si vous tentez l'expérience, une fois le seuil de la porte franchie, ce sera terminé pour vous. Vous cesserez tout simplement d'exister.
Vous pouvez partir. Quand vous voulez. Il suffit de franchir les portes de sortie. Bien que par expérience, il est difficile pour tout visiteur de simplement faire un aller retour par la bibliothèque de l'inconnu et d'ignorer la vaste quantité de savoir qui y réside. Les ouvrages sont bien trop tentants.
Faites attention aux portiques magnétiques, évitez de les toucher, cela les fera sonner. Idem si vous sortez avec un livre non emprunté. Si les portiques sonnent, une chose à faire : COUREZ. Les quelques mètres entre le portique et la porte vous sembleront multipliés mais ce n'est pas impossible de réussir à les franchir. Il est impératif par contre de courir plus vite que le bibliothécaire qui se sera mit à vous pourchasser dès qu'il aura entendu la sonnerie.
Attention, si vous tentez de sortir par l'entrée, c'est impossible. Vous vous retrouverez à dériver dans le néant et potentiellement y mourir... ou y rester pour l'éternité. C'est un peu long. Peut être que cette règle aurait dû figurer plus haut dans les consignes et que c'est déjà trop tard, vous avez tenté de sortir par l'entrée par réflexe... Si c'est le cas, nous sommes sincèrement désolés de la gêne occasionnée, et bon courage.
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carnet-du-capitaine · 7 months
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Les étoiles de mer se déhanchaient sur le dance-floor. 
Amélia ne savait pas ce qui l’énervait le plus : qu’elle trouve le concept d’une soirée déguisée autour de la faune aquatique ridicule, ou bien qu’elle n’ait pas pu trouver une idée de costume à temps. Résultat, elle faisait tâche. Gina, la reine du lycée, était éclatante dans sa robe bleue nuit aux paillettes scintillantes. Ses manches se transformaient en vaguelettes de tissus avec des dégradés de couleurs oscillant du bleu turquoise au doré. Jamais Amélia n’aurait pu penser qu’une méduse soit aussi sexy. Elle se mordit la lèvre. C’était la fatigue, ça ne pouvait être que ça. Gina l’avait toujours exaspérée. Mademoiselle la star était toujours là, à se mettre en avant, à rire de son rire cristallin en rejetant la tête en arrière, faisant voler ses boucles blondes. Elle était énervante, toujours trop, toujours là. Amélia ne pouvait passer une seconde de sa vie paisible de lycéenne sans que Gina ne vienne l’éblouir dans sa vision périphérique. Et cette année, elles avaient le malheur d’être dans la même classe de première. Ça lui tapait sur le système, elle ne pouvait pas lui échapper. Et ce soir, c’était le soir de trop. 
Amélia avança jusqu’à la première table du buffet pour essayer de se changer les idées. Des cookies en étoile, des muffins avec des coquillages en sucre. Rien que du sucré, évidemment. Avec un thème autour de la mer, personne n’avait pensé à mettre à disposition un peu de salé ? Elle soupira, vaincue et se servit un verre de jus de raisin avant de se mettre en route vers le fond de la salle, à l’abri des regards plein de jugement de ses camarades. Alors qu’elle se demandait quelle mouche l’avait piquée de venir à cette fête et avant d’avoir pu regretter sa décision, elle percuta un danseur habillé en homard qui, visiblement, ne regardait pas où il mettait les pieds. 
L’intégralité du contenu de son verre venait d’être dispersé sur le haut de sa petite robe blanche. Sa seule robe potable, qui avait déjà de la peine à la convaincre. Ruinée. Le homard, très embêté, n’eut même pas le temps de balbutier des excuses qu’elle s’élançait hors de la salle de sport reconvertie en dance-floor. Amélia couru dans les vestiaires des filles et se rua dans les toilettes, ne prenant même pas la peine de fermer le verrou de son cabinet. 
Elle s’écroula par terre et se lâcha enfin.
Sa soirée était foutue, ruinée, pourrie. Elle était misérable, immonde. Elle n’avait même pas pu trouver quoi que ce soit qui lui allait et qui était dans ce stupide thème marin. Elle n’avait pas la classe de Gina. Elle n’était rien. Elle était juste une pauvre fille pathétique qui n’arrivait même pas à contenir ses larmes et maintenant elle allait être défigurée par les pleurs et la morve. Merde.
Amélia ne savait pas depuis combien de temps elle s’était abandonnée à ses sanglots, mais elle commençait à avoir mal à la tête. Elle s’arrêta pour reprendre son souffle et déglutir quand un timide Toc Toc se fit entendre à la porte des toilettes où elle s’était réfugiée.
“Amélia ? C’est toi ? Je t’ai vue partir de la salle et je te cherchais… Est ce que tout va bien ?” Gina, c’était Gina. Si Amélia avait pensé que la soirée ne pouvait pas être pire, elle s’était trompée. Qu’est ce qu’elle venait faire là ? La jeune femme avait toujours fait attention à ne jamais engager la conversation avec celle qu’elle redoutait. Pourquoi elle, pourquoi maintenant ? “L…laisse moi tranquille” hésita–t-elle en reniflant. “Non.” Amélia n’eut même pas le temps de répondre que Gina avait franchi la porte des WC et s’était agenouillée près d’elle. Beaucoup trop près. Amélia recula sa tête et baissa le regard, gênée. 
“Si tu voulais être seule, il fallait fermer la porte, ou pleurer moins fort. Maintenant, qu���est ce qu’il se passe ? Tu es blessée, le garçon qui t’a percutée t’as dit quelque chose ? Tu veux que j’aille lui faire un croche patte ?” Amélia resta abasourdie. Elle s’était toujours imaginé que Gina n’attendait qu’une faute, un faux pas, pour se payer sa tête, l’humilier. C’était ce genre de fille… enfin du moins, Amélia le croyait. Elle ne sut pas quoi répondre et se contenta de secouer la tête. Gina souffla, rassurée et arracha plusieurs feuilles de papier toilette pour essuyer le visage d’Amélia. Cette dernière, rougissant, lui prit doucement des mains. “Je… je peux le faire moi même, t’embête pas”. Gina la regardait sans rien dire, un petit sourire gêné aux lèvres. Amélia tenta de se moucher discrètement pour dégager son nez mais c’était peine perdue. En entendant le bruit digne d’un éléphant, Gina laissa échapper un petit rire mélodieux. “C…C’est bon, te moque pas” lâcha Amélia, dépitée, mais Gina l’arrêta “Je ne me moque pas ! Tu devrais m’entendre quand je me mouche, c’est bien pire !”. Le nez rouge et les yeux humides, Amélia ne savait plus où se mettre, embêtée de ses réactions et de sa propre personne. 
“Déso…” commença-t-elle avant de s’interrompre. Gina venait de prendre ses mains dans les siennes. Elle la regarda droit dans les yeux, et lui demanda avec douceur : “Qu’est ce qu’il se passe Amélia, dis moi tout...”.
Elle connaissait son nom. Amélia eut l’impression que son cœur s’était trompé dans son rythme. Elle était déjà rouge d’avoir pleuré, mais là elle devait battre des records de couleur. En tremblant, elle éloigna les mains de sa poitrine pour révéler à Gina l’ampleur des dégâts du jus de raisin sur le haut de sa robe. “Oh” lacha Gina “Quel dommage, elle t’allait vraiment bien.”Qu’est ce qu’elle était censée répondre à ça ?
- “Non…non, elle n’était même pas dans le thème de toute manière, j’ai cherché les embrouilles…
- Comment ça ? On s’en fiche du thème ! Tu t’habilles comme tu veux ! C’était si important que ça pour toi ?
- Je voulais pas faire tâche...”
Amélia s’arrêta. Gina baissa les yeux vers la grande tâche de jus de raisin sur son torse, puis releva la tête, contenant à peine un sourire malicieux. “Et bien, c’est raté on dirait.” Les deux jeunes filles éclatèrent de rire en même temps. Gina n’avait pas lâché ses mains. Sa peau était douce et réconfortante. “Tu ne vas pas rester éternellement ici, à hanter les toilettes, non ?” lui demanda-t-elle, pensive. “Si tu regrettes de ne pas être rentrée dans le thème alors… j’ai une idée !” Gina retira ses mains de celles d’Amélia et lui effleura le visage pour ramener une mèche de cheveux sauvage derrière ses oreilles. La jeune femme se releva d’un bond et épousseta sa magnifique robe bleue, puis tendit la main à Amélia pour l’aider à se relever, avant de la tirer hors des toilettes vers le miroir commun du vestiaire. 
“Reste là et recoiffe toi un peu, je reviens tout de suite !” Lui annonça-t-elle d’une voix chantante en sortant en courant. 
Amélia restait seule dans le vestiaire. Sans la présence de Gina, tout lui semblait vide, silencieux. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine et elle avait chaud aux joues. Mais plus à cause des pleurs. 
Alors qu’elle tentait de retrouver son flegme habituel, elle entendit Gina revenir en courant dans les vestiaires. La reine de la promo avait ramené son sac, qu’elle lança sur l’évier sans perdre une seconde. La jeune femme s’affaira en sortant une brosse à cheveux, un kit de maquillage et plusieurs écharpes de tissus chatoyant, aux reflets dorés. 
-“Mais c’est… on dirait le tissu de tes manches.
- C’est le même genre ! J’en avais fait trop ! J’allais pas accrocher tout ça à mes manches alors je ne savais pas quoi en faire, je l’ai ramené avec moi ! Je me suis dit que ça pourrait servir et … ça va servir, allez viens par là !”
Entraînée par l'enthousiasme de Gina, Amélia la laissa faire et la regarda accrocher avec des épingles à nourrice les bras de méduse brillants aux manches de sa robe. 
-”Il faut encore masquer les tâches… hmm. Ah ! Je sais, attends deux secondes !”
Gina s’écarta et souleva sa robe. Amélia détourna le regard, gênée, tout en se demandant ce qu’elle faisait. 
-”J’ai un jupon jaune d’or, avec des paillettes ! Mais il ne sert à rien, il est caché sous la robe et les musiques ne sont pas assez… rythmées pour que je saute partout ! Il est un peu bouffant… alors si je le coupe ici… et que je l’attache là…
- N…n’abime pas tes vêtements pour moi !
- Ah, ne t’en fais pas, j’adore retoucher et bidouiller les fringues ! Je change toujours ce que je couds selon mes envies. Et j’aime le challenge !
- Je ne savais pas que tu cousais des vêtements…
- Oui, c’est une de mes passions, mais je n’ose pas forcément porter mes créations au lycée, elles sont parfois un peu fantaisistes !
- Tu as fait ta robe toi-même ?
- Hm hm !
- Je la trouve magnifique…” Souffla Amélia, en admiration devant l'œuvre et sa créatrice, pendant que Gina était entièrement concentrée sur la reconstruction de son jupon. 
“Et… voilà ! Enfile ça par-dessus ta robe ! Et je l’attache en dessous des bras… parfait !”
Amélia était incrédule, en deux temps trois mouvements, Gina avait créé un haut de secours qui masquait le haut de sa robe blanche, et ajouté des pans de tissus pour l’habiller et lui donner du volume. Le tout était adorné de petites étoiles de mer en pins décoratifs, qui venaient habiller et soutenir sa tenue.
Elle aussi était devenue une méduse, tout en jaune d’or et paillettes.
Après avoir apposé la touche finale sur le visage d’Amélia avec du maquillage brillant doré et bleuté, Gina jubila :  
-“On est accordées ! C’est génial ! Allez viens ! Avec un style pareil, tu as intérêt à venir danser avec moi !
- Je… je.. merci beaucoup, je ne sais pas comment te repayer ça je…
- Non, nonononon ! Tu ne me dois rien, c’était un plaisir de te rendre service et puis… ça fait longtemps que j’ai envie de te parler et de faire ta connaissance alors… C’est le homard que je dois remercier !
- C’est vrai ? Je suis désolée je ne pensais pas que…tu aurais envie de me connaître.” rougit Amélia.
-”Ah bon ? Pourquoi donc ! Tu avais vraiment l’air cool, je n’avais juste jamais trouvé la bonne occasion de t’aborder.
- Je n’ai pas été la plus accessible alors…désolée.
- Stop ! Arrête de t’excuser ! Tout le plaisir est pour moi ! Et puis… si tu veux vraiment me repayer… j’ai une idée ! Si tu aimes tant que ça mes créations vestimentaires… tu pourrais m’aider, j’ai justement besoin d’un modèle et …. tu… tu es une super source d’inspiration !” lui avoue Gina, en la regardant droit dans les yeux, un peu gênée. 
-”C’est vrai ?” Amélia avait l’impression d’être légère comme une plume. Elle n’en revenait pas. Ce soir, toutes ses impressions sur Gina avaient éclaté en morceau, dispersées par le caractère enjoué et le magnifique sourire de la jeune fille. 
-”Oui ! Allez viens danser, je cherche une méduse partenaire de danse, et vous êtes la plus jolie méduse de ces eaux !” Plaisanta la reine du lycée.
Elle attrapa sa main et l'entraîna dans la salle de danse, à son contact doux et chaud, Amélia espéra qu’elle ne la lâcherait plus jamais. 
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