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#lavender haze taylor swift
mayalovestay13 · 1 month
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⊹₊ ⋆ 𖦹₊ ⊹ ⊹₊ lavender haze ⊹₊ ⋆ 𖦹₊ ⊹ ⊹
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⊹₊ ⋆ 𖦹₊ ⊹ ⊹₊ ⋆taylor swift⊹₊ ⋆ 𖦹₊ ⊹ ⊹₊⋆
@taylorswift @taylornation
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solstycja · 1 year
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Get it off your chest!!! Get it off my desk!!!
Honestly, this might be my favorite collage I've ever made <3
Song: Lavender Haze - Taylor Swift
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sameoldscarf · 1 year
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lavender haze icons
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dedheaders · 1 year
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Taylor Swift Midnights Headers Lavender Haze
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Credit's twitter @Daraoelho
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loveisaruthless · 8 months
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taylor swift’s discography: moodboard edition
Lavender Haze, Midnights
"i'm damned if i do give a damn what people say."
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dellq-pcrtridqe · 1 year
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@taylorswift @taylornation
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“staring at the ceiling with you…”
“drew a map on your bedroom ceiling…”
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Lavender Haze merch concept 💜
@taylornation pls hire me ;)
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LAVENDER HAZE MV | TAYLOR SWIFT
I feel the lavender haze creeping up on me Surreal I'm damned if I do give a damn what people say No deal The 1950s shit they want from me I just wanna stay in that lavender haze
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Relatable
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aroace-cat-lady · 1 year
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Okay sooo lavender haze mv is about to drop so. Don't expect me to be normal about it. Like, at all.
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I wish they could all be #1
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boookfiend · 2 years
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lavender haze stickers up on my etsy Read of Me Shop! link in my bio !
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ry-reviews · 5 months
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L a v e n d e r H a z e (Maxime's Version)
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M a s t e r l i st - m i d n i g h t s
Résumé : Jeune apprenti-journaliste, Maxime vit une vie mouvementé par les études et sa copine. Mais au détour d'une soirée dans laquelle il a été embarqué de force, Maxime va, après une énième dispute, faire la rencontre d'un inconnu. Accoutumé à une vie banale, cet inconnu va lui faire découvrir une nouvelle manière d'appréhender une liaison.
Cette nouvelle fait partie d'une collection de nouvelles, la Midnights Collection, qui regroupent des nouvelles de différents styles, inspirées par le dixième album studios de Taylor Swift, Midnights.
TW : Scène de sexe implicite
Extrait :
Il empoigne cette main tendue, et les deux jeunes hommes rentrent dans la boîte de nuit. Au départ, mal à l’aise – car il ne s’agit pas de son monde – Maxime se laisse aller, suit les mouvements de son compagnon. Celui-ci se mêle à la foule, danse et saute partout. Il a l’air d’être dans son élément, comme un poisson dans l’eau dans cette mer lavande. Autour de lui, personne ne resplendit. Une brume de fumée se masse alors que la musique se fait de plus en plus forte. Les vibrations du son, les sauts répétés de la foule, rien ne le déstabilise plus que les mouvements corporels de l’inconnu. Il joue avec la fumée, les couleurs violacées, le rythme endiablé du son. Et Maxime le suit, se laisse tenter à quelques pas maladroits.
Cette fiction peut aussi être lu sur Wattpad, bonne lecture :)
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Meet me at midnight – Lavender Haze
            Le monde des boîtes de nuit ne lui a jamais plu. Qu’on soit clair sur ça, il aime la fête comme il adore boire. Mais cet univers dégage une aura si particulière, si spéciale, qu’il s’y sent étranger. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Mais il faut croire que l’espace étroit de la piste de danse, la musique forte, d’un style qui ne lui plait pas, et les cris de sa copine qui frappent ses tympans, ne l’aideront définitivement pas à se familiariser avec le milieu. Il passe une main dans ses boucles brunes, transpirantes, et commence à s’expliquer avec la fille qui lui fait face.
            L’alcool a des effets à double tranchant. Vous êtes heureux, alors la bière que vous avez bue vous rendra euphorique. Mais vous êtes malheureux, et voilà que les mélanges de whiskey-coca que vous avez enchainés vous déprime. Lise se trouve dans ce deuxième cas. Elle se plaint auprès de lui, auprès de Maxime qui, comme à son habitude, n’arrive pas à se détendre lors de ses soirées importantes. Il n’y peut rien, la sphère de la célébrité et des paillettes n’est pas celle qui lui est destinée. Lui, il adore l’actualité, mais elle préfère en être le sujet. Lorsqu’il passe un coup de fil, il parle avec Monsieur et Madame Tout-Le-Monde. Lorsqu’elle décroche un appel, elle se retrouve à discuter avec une actrice renommée, un modèle d’une marque de luxe, le porte-parole d’une association bienfaitrice. Ils vivent dans deux mondes qui tout oppose. Pourtant, ils sont en couple.
Tristement en couple.
            Il fait des études, elle est occupée à gérer sa boîte tout le temps. Eh oui, cette soirée à Monte-Carlo fait partie de son emploi du temps ô combien chargé. Maxime se perd dans ses explications, Lise se confonds en accusations. Il discerne à peine son visage dans cette lumière violette émise par les projecteurs et les néons de la boîte de nuit. Elle entend à peine ses soupirs à cause du brouhaha éthylique et musical. Cette discussion ne mène nulle part, un dialogue de sourds dans un endroit sans lumière. Il hésite, mordille sa lèvre inférieure. Ce n’est pas le genre de Maxime d’hésiter, une réminiscence de leur première rupture. Cela ne fait qu’un an qu’ils se sont remis ensemble, et il regrette. Parce qu’elle n’a pas évolué. Parce qu’elle n’a pas changé d’attitude. Parce qu’elle est restée cette même fille qui ne comprend pas son monde, qui le force dans le sien. Alors, solution soutenue par l’alcool, par cette dispute, il amorce une bombe :
            « Tu sais quoi, Lise ? »
            Elle le regarde avec une telle colère dans ses yeux bleus, froids, glaciales. Son visage lisse laisse deviner son exaspération. Ses lèvres, repliées sur elles-mêmes, forment une moue boudeuse à la manière d’une enfant. Peut-être que l’immaturité est aussi un motif de rupture. Dans tous les cas, la décision de Maxime est prise :
            « J’crois qu’on aurait jamais dû se remettre ensemble »
            Et, une fois ces mots prononcés, Maxime quitte le comptoir et part loin de Lise, ne posant pas le moindre regard sur le visage qu’il imagine décomposé de son ex. Il se précipite dehors, loin de tout ce bruit, loin de tout ce monde. Désormais, seule la musique étouffée et les complaintes des quelques passants atteignent ses oreilles. Il perçoit même les battements de son cœur, erratiques. De sa bouche sort de la buée à un rythme irrégulier, l’hiver mordant les morceaux de sa chair nue. Il frissonne. Il doit y retourner, non pas pour s’excuser, mais pour récupérer ses affaires. Il ne le veut pas. Et son souffle erratique l’empêche d’avoir une pensée logique. Il se perd dans son monde, un défaut que lui attribue souvent Lise.
            Attribuait.
            Usage d’un passé révolu, Maxime se rend compte de ses actions. Merde. Il vient vraiment de larguer sa copine ?
            « Putain… » lâche-t-il alors qu’il s’accroupit, les mains sur les genoux, essoufflé.
            Est-ce qu’il a pris la bonne décision ? Il l’ignore. Son esprit, embrumé par l’alcool, ne trouve pas de réponse à sa question. C’est une équation qu’il ne parvient pas à résoudre. Et encore, il vient de quitter sa copine. Il pense à la liberté que cela lui offre. Puis la peur, la crainte, les représailles sur les réseaux. Il vient de quitter une célébrité. Il vient de se libérer du poids de ce monde ; il a froid. Il tourne la tête vers la boîte de nuit, trop chic pour son univers.
            Il doit y retourner.
            Ça fait combien de temps qu’il est dehors ? Machinale, sa main fouille sa poche. Vide. Il soupire. Il devra se confronter à la foule, se perdre dans cet endroit assombri, seules les lumières violettes éclairant sa voie. Il se frotte les mains, tentative vaine de se réchauffer. Puis, ses oreilles captent le bruit métallique d’un Zippo. Ses narines sentent l’odeur âcre et chaude de la nicotine. Il se tourne vers ce bruit, cette odeur.
            À ses côtés, se dresse une figure. La blondeur de ses cheveux est dévoilée par la maigre lueur de sa cigarette. Il peine à distinguer sa coupe courte, une touffe mimant un style coiffé/décoiffé. Et, quand une voiture passe à leur côté, ses phares dévoilent le visage, masculin, et les yeux, d’un bleu perçant, de l’inconnu. Maxime tente un sourire, transformé en grimace à cause du froid hivernal. La fumée de la cigarette atteint à nouveau ses narines, réchauffe son visage.
            « Tu devrais rentrer » avertit le jeune homme à ses côtés.
            Il a une voix grave, graveleuse.
            « Je peux pas… » répond Maxime, plaintif.
            Il entend l’inconnu pouffer de rire. Adorable.
            « Rude soirée ? » demande-t-il alors qu’il tend sa cigarette.
            Maxime hoche de la tête. Ses doigts, délicats, frôlent ceux chauds de son interlocuteur tandis qu’il prend le bâtonnet de nicotine. Il ne fume pas. Mais, après une dispute, il pourrait y trouver du réconfort. Alors, il porte cette cigarette à ses lèvres et en extrait ses bienfaits. Son corps se relaxe, ses épaules s’affaissent et un premier sourire se dessine sur son visage. Il opine du chef comme geste de remerciement et rend l’objet récréatif à son propriétaire. Un bref mouvement de tête, le temps passe. C’est quoi les paroles de cette vieille chanson déjà ? Maxime ne s’en rappelle plus, ce vieux souvenir qui le fuit à cause de l’alcool emmagasiné dans ses veines. Toujours est-il que cette pensée lui a ôté la parole un court instant, juste ce qu’il faut pour que le fumeur finisse ce qu’il a entamé. Et, dans un mouvement taciturne, il lui tend sa main.
            « On y va ? » demande-t-il avec un sourire que l’obscurité tente de dissimuler.
            Il veut y retourner.
            Et il a une excuse parfaite.
            Il empoigne cette main tendue, et les deux jeunes hommes rentrent dans la boîte de nuit. Au départ, mal à l’aise – car il ne s’agit pas de son monde – Maxime se laisse aller, suit les mouvements de son compagnon. Celui-ci se mêle à la foule, danse et saute partout. Il a l’air d’être dans son élément, comme un poisson dans l’eau dans cette mer lavande. Autour de lui, personne ne resplendit. Une brume de fumée se masse alors que la musique se fait de plus en plus forte. Les vibrations du son, les sauts répétés de la foule, rien ne le déstabilise plus que les mouvements corporels de l’inconnu. Il joue avec la fumée, les couleurs violacées, le rythme endiablé du son. Et Maxime le suit, se laisse tenter à quelques pas maladroits.
            La soirée s’ensuit, mais rien ne le sort de cette transe dans laquelle il a été embarqué. Il ne se rend pas compte du temps passé sur la piste. Cette notion, il l’a perdue à force de danser, chanter et de discuter avec l’inconnu. Il ignore son prénom, cette distinction qui semble insignifiante alors que son corps, dangereux, s’approche de l’autre. Et peut-être qu’il a un peu trop bu, mais une envie soudaine lui prend. Et un sourire échangé suffit pour comprendre.
            C’est réciproque.
            Alors, Maxime tente un mouvement. Torse contre torse, ils arrêtent de se mouvoir. Le temps se stoppe à cet instant précis où, timorées, leurs lèvres se rencontrent. Et Maxime se laisse aller, se détend alors que le blond intensifie le baiser. Leurs mains trouvent leur corps, s’attachent comme ils peuvent et poursuivent leur union. Ils s’embrasent alors qu’ils se perdent dans cette mer de fumée, cette marée humaine. Ils n’y prêtent pas attention, trop affairés à se découvrir. Jusque-là inconnus, ils se sont trouvés dans cet univers qui n’est pas celui de Maxime. Et pourtant, il tente cette aventure, plonge dans ce regard azur et sourit. Il oublie que, quelques instants plus tôt, dans ce même endroit, il s’est disputé avec sa copine, trop obnubilé par la personne de ses désirs.
Et il en veut plus, beaucoup plus.
Un murmure à ses oreilles, un accord passé, un baiser échangé et ils se séparent, juste le temps pour Maxime de retrouver son téléphone et ses affaires. Puis, une fois dehors, il retrouve la chaleur corporelle de l’inconnu. Ils discutent, se prennent bras-dessus bras-dessous et déambulent dans les rues monégasques. Cet endroit, inconnu, ne l’est pas pour son compère. Il apprend d’ailleurs son prénom après un baiser échanger. Un prénom aux sonorités hispaniques qui révèlent ses origines.
« Pedro… » murmure Maxime, profitant des syllabes qui ronronnent sous sa langue.
Puis, il rit d’un rire éthylique. Émerveillé par un rien, Maxime se présente alors qu’ils s’arrêtent devant un immeuble. Et ils discutent, discutent, discutent, s’échangeant des banalités encombrantes lors de leur ascension. Les escaliers sont interminables, de quoi provoquer des cloques dans ses chaussures trop serrées, une obligation de Lise. Sans s’en rendre compte, un soupir outrepasse ses lèvres, très vite évanoui dans la bouche de Pedro. Un sourire nait sur ses lèvres tandis qu’il pousse son compagnon contre le mur d’un étage. Celui-ci fouille dans ses poches, un cliquetis pressé résonnant dans l’immeuble entier. Enfin, il dégaine des clés qu’il insère dans la serrure de la porte à côté d’eux.
Enfin, ils trouvent une chaleur confortable.
À l’abri des regards d’une foule indiscrète.
Ils poursuivent leur parade nuptiale, découvrent ce qui se cachent sous leur couverture de tissus. Ils troquent le confort de leurs vêtements contre celui de leurs mains. Ils se cherchent, s’observent, se touchent dans une maladresse propre aux premières fois. Sous des caresses, ils se dévoilent l’un à l’autre, leur peau nue en proie à la froideur de leur toucher. Froideur frictionnée en chaleur à mesure qu’ils prennent l’habitude de ce contact, ils explorent leur peau, leurs courbes timides tandis qu’ils se caressent. Et du bout de sa langue, Maxime explore le moindre recoin de ce monde. Soif de découverte, l’aventurier apprend et masse les connaissances. Mais il a tendance à oublier qu’il n’est pas le seul dans cette épopée. Alors, on le lui rappelle d’une pression délicate, puis plus intense vers son bas-ventre, trouvant un contact contre son fessier : un accord tacite passé dans un hochement de tête simultané.
Ils se séparent, le temps de se préparer. Un préservatif, du lubrifiant, et ils ne s’arrêtent plus. Les coups de reins s’enchainent à un rythme irrégulier, juste le temps de se réguler. Le plaisir est décuplé à chaque coup, alors que le sexe libre du brun se trouve vite empoigné par le blond qui le masturbe tout en pénétrant son derrière. Et ils continuent, encore et encore, les râles et soupirs occupant l’espace auditif alors que la sueur s’accumule sur leur torse. Enfin, dans un pénultième baiser, une dernière union, un ultime va-et-vient, Pedro jouit en même temps que Maxime. Et le plaisir prodigué par cet instant complice les pousse à la fatigue, non sans échanger un baiser qui vient clore leurs ébats et leurs yeux.
.*.*.
Le lendemain, les premières notes désagréables de son réveil résonnent. Irrité au départ, Maxime tend sa main fatiguée pour éteindre son téléphone. Par malheur et inconvénient, il ne le trouve pas à sa place habituelle, sur son chevet. Puis, en ouvrant un œil, les lueurs faiblardes d’un soleil d’hiver dévoilent l’endroit inconnu. Stupéfait, il constate sa nudité sous les draps, constate l’odeur particulière d’un déodorant masculin, entend les rues se réveiller dans ce paysage trop dense pour sa petite Nice. Mais la carence d’une personne le force à puiser dans ses souvenirs épars de la veille. Il visualise ce visage aux attraits ineffables, à l’allure masculine, loin des carcans féminins dont il s’était accoutumé à force de côtoyer Lise.
Et il se rappelle, les maux et la dispute de la veille qui l’avaient mené dans ce lit. Des regrets ? Il n’en nourrit que peu, libéré des chaînes d’une relation vouée à l’échec. À la place, un tendre sourire se fend sur son visage alors que, rêveur, il se défait des draps, récolte ses vêtements éparpillés au sol et s’apprête à partir. L’homme de la veille, il aurait laissé leur histoire au passé, devenir un souvenir périssant en anecdote juvénile, si un post-it n’avait pas retenu son attention. Accroché à la porte d’entrée, des boucles et des lettres irrégulières y sont inscrites, captivant son intérêt. Un mot, un remerciement, une suite de chiffres, un numéro de téléphone démarrant par +377 : un Monégasque pur souche. Maxime sourit, prend la note avec lui et s’éclipse de l’endroit.
Il ne connait que trop bien la ville-État. Habitant à côté, le temps de sa vie estudiantine a suffi pour qu’il passe ses soirées dans l’endroit. Ce sont des escales rares - le Christ s’évanouirait en voyant les prix des vins – néanmoins toujours charmantes. Il apprécie la petitesse et la chaleur qui émanent toujours de l’endroit. Les voitures de luxe se massent dans les rues alors que des bateaux au loin profitent de la tranquillité maritime. L’air frais donne des airs estivaux, le printemps donne des signes avant-coureurs. Les rossignols, messagers de Proserpine, récoltent les premiers éléments de leur nid naissant. Maxime se laisse aller, emporter au gré des vents. Le matin lui dépeint un paysage pittoresque aux couleurs roses. Puis, il se rappelle qu’il a rendez-vous, ce samedi. C’est aujourd’hui, non ? Un rapide coup d’œil, téléphone encore muet, constat : samedi, huit heures du matin. Sa voiture l’attend sur le parking d’un hôtel aux prix mille fois trop cher. Le jeune homme soupire et entame sa route pour récupérer son véhicule.
Au détour d’une allée, d’une rue, en plein centre de Monte-Carlo, il retrouve enfin sa voiture. La ville a eu le temps de s’animer. Des passants aux accoutrements loufoques, des terrasses pleines malgré la saison, des baguettes tendres dressés dans des sachets en papier : son premier matin à Monaco. Dommage qu’ils doivent retourner à Nice. Mais il doit honorer sa parole, son rendez-vous avec Leah. Alors, il entre dans la voiture, enclenche le moteur et entame sa conduite.
Sur la route, il pense à Lise, à sa relation avec elle. Il craint les médias, la presse. Lui-même sait comment elle peut être cruelle. Il se rappelle ses cours de communications, de l’insistance de sa professeure sur la pression qu’il faut mettre et sur le tranchant des questions. Il la plaint, cette vie de star du web. Il n’était que son compagnon lors de cet instant, de cette durée qu’elle mettait en scène sur les réseaux. À un feu rouge, signe d’une pause dans sa course, il regarde son téléphone et va sur Instagram. Les stories de la veille défilent.
Il y a de tout. Des potes de son école qui révisent, d’autres qui passent leur soirée au restaurant, des célébrités qui affichent leur quotidien, des posts partagés, des mèmes. Puis, Maxime arrive à la story de Lise : elle a montré sa soirée, son sourire médiatique, des photos des diverses boissons qu’elle a bues ; le jeune n’apparait pas. Peut-être que leur couple n’était pas digne des réseaux, le feu passe au vert.
Sur la route, alors qu’il arrive presque à destination, il reçoit un message vocal de Leah. Il l’écoute et sourit à la fausse voix plaintive qu’elle prend. L’humour se mêle à son accent, le second degré et le sarcasme devient son idiome que les caisses sonores font résonner dans l’entièreté de sa voiture. Il rit à gorge déployée alors qu’il arrive enfin dans sa petite ville.
La mer teint de bleu l’atmosphère chatoyante de Nice. Moins urbaine que sa cousine monégasque, la petite ville semble plus lente, plus tranquille. Le luxe s’efface derrière un écran de banalité que les passants arborent, fiers. Des drapeaux français flottent en haut de certaines bâtisses. Il se gare non loin de l’une d’entre-elle. Des lettres flottent sur une banderole, indiquant le nom du lieu : « Le Petit Niçois. » C’est là qu’il a l’habitude de réviser, son appartement trop petit et sa colocataire trop bruyante le poussant dehors. Il aperçoit de son siège la baie vitrée. De là, il voit l’endroit s’activer, clients comme employés se pressant. Cela donne des airs de fourmilière à ce café d’habitude si calme. Maxime patiente un temps, juste de quoi naviguer sur les différents réseaux. Twitter lui offre bon nombre de débats, Snapchat divers quotidiens de personnes qu’il n’a pas revu depuis si longtemps et WhatsApp des anecdotes partagées sur le groupe de famille – il devrait recontacter sa mère qui est restée en Suisse.
C’est un nouveau message de Leah qui le sort de sa contemplation. Un message ironique accompagne une photo de lui dans sa voiture, pianotant sur son téléphone. En relevant le regard, il remarque une jeune femme qui lui sourit. Maxime lui fait un doigt d’honneur avant de sortir du véhicule et d’entrer dans le café. Son entrée enclenche une petite sonnette et Leah le salue depuis une table, proche du comptoir. Elle se lève, ses bras prêts à accueillir une étreinte. Le brun montre ses dents dans un sourire franc, nostalgique. Puis, il accepte le câlin, le cliquetis des bijoux de Leah se manifestant dans son mouvement.
Il sent contre son cou le métal doré de son collier, tandis que le contact froid contre sa joue dévoile la chaîne qui entoure son oreille. Des aveux de manque mutuel sont échangés dans ce court échange et un parfum de luxe émane de son cou dans lequel il a enfoui son visage. De l’extérieur, on pourrait croire aux retrouvailles d’un couple. Mais leur relation n’est caractérisée que par une grande amitié qui remonte à l’enfance, dans ce petit village suisse, perdu dans le Canton de Vaud. Ils en ont fait du chemin, leur déplacement en France et leur carrière prometteuse étant témoins de leur progrès. Puis, une petite fille, qui tire sur la robe de Leah, met fin à leur retrouvaille.
« Excusez-moi… » tente-t-elle avec un air chétif alors que les adultes la couvent d’un regard attendri « Je pourrais avoir un autographe ? »
Maxime jette une œillade à la principale intéressée alors qu’un sourire joueur couvre son visage. Elle lui fait un bref mouvement de la tête, l’envoyant balader tandis qu’elle s’accroupit, les motifs de sa robe se ployant. Leah fait son affaire, ce qui provoque un éclat euphorique chez la petite fille qui la remercie. Ils prennent une photo ensemble, le tout surveillé par un Maxime hilare. Il ne s’est pas habitué à la célébrité de son amie d’enfance. Non sans être accoutumé à ce genre de scène – Dieu sait à combien il en a assisté avec Lise – il reste impressionné par l’assurance de son amie. Elle qui, à l’époque, était si timide, renfermée dans son petit monde, qu’il a peiné à intégrer pendant qu’ils étaient encore jeunes et innocents, se retrouve aujourd’hui à signer des autographes et à faire rêver une jeune génération au travers des personnages qu’elle joue dans ses séries et films.
Leah salue la petite fille qui part à pas clocher.
« Je vois que le succès te sourit toujours autant, se moque Maxime.
- Ferme-la un peu, tu veux ? » rit-t-elle alors qu’elle se relève.
Ils finissent par s’asseoir, se faisant face. Un serveur à la peau métis vient prendre sa commande, un simple café au lait avec une chocolatine. Leah poursuit en lui demandant un muffin. Le serveur hoche de la tête tandis qu’il griffonne leur commande sur son bloc-notes. Il finit par s’absenter et lance une promesse d’un service rapide.
« Merci Ricardo ! » déclare Leah.
Ainsi, ils échangent, prennent des nouvelles de chacun.
« Alors, avec Lise ? commence-t-elle.
- C’est fini avec Lise.
- Ah ? »
Maxime hoche de la tête, un soupir las sortant de ses lèvres.
« T’avais raison, j’aurais jamais dû me remettre avec elle, déplore-t-il.
- En même temps, tu m’écoutes jamais. »
Il s’apprête à répliquer, mais ses cordes vocales ne s’activent pas. Il finit par hausser des épaules pour toute réponse. Il s’étire alors qu’il raconte comment la relation s’est dégradée. Comment ils en sont arrivés à se disputer dans une boîte de nuit. Comment elle l’a encore forcé dans une de ses soirées mondaines pour le travail. Comment la fatigue et le malaise l’ont envahi tandis qu’il enchainait les verres. Et comment il a décidé, après une énième prise de tête, de couper les ponts avec Lise. Leah écoute tout cela avec une oreille attentive, opinant du chef et en faisant des commentaires de temps en temps. La conversation s’interrompt quand Ricardo apporte leur commande.
            « Merci » lance Leah.
            Ricardo tente un sourire qui ne lui sied pas avant de repartir. Un sourcil s’arque au-dessus d’un des yeux de Maxime.
            « Encore en train de courir après un cas désespéré ? demande-t-il.
            - Si seulement c’était ça… »
            Ce sujet est vite balayé par Leah qui raconte des anecdotes de tournage. C’est ce qui la différencie de Lise. Quand elle parle de son travail, Leah parait authentique, humaine. Elle discute avec les techniciens, les maquilleurs. Elle ne cherche pas la célébrité ni même le pouvoir, elle effectue juste son travail. Et il faut croire que c’est la clé de son succès. Maxime pense à un article du Monde, celui sur lequel il a travaillé et qui lui a permis de trouver un stage.
Ils étaient alors dans ce même café, à échanger sur la carrière de l’actrice dans une atmosphère professionnelle. C’était loin de leurs habituelles boutades et de leurs tranchants sarcasmes. C’était plutôt une session de question-réponse durant laquelle Leah parlait de sa carrière et Maxime prenait des notes sur son IPad. À la fin, ils avaient troqué leur tenu professionnel par celle de la vie de tous les jours, l’humour reprenant le pas dans leur conversation, similaire à leur échange d’aujourd’hui.
            Maxime fixe Leah, une touche euphorique rayonnant son iris dans une teinte ambré qui resplendit. Sa robe propre contraste avec la chemise froissée qu’il porte. Tandis qu’elle porte la pâtisserie à sa bouche, un bracelet d’or glisse sur son poignet clair. Des miettes s’échappent de sa bouchée, s’infiltrant entre ses bagues précieuses. Maxime, d’un geste inconscient, frotte le bracelet brésilien qu’il porte à son poignet gauche ; un cadeau de Leah quand ils étaient enfants. Il ne l’a jamais enlevé, les marques du temps se traduisant dans des bouts effilochés.
            Il tapote dans sa poche, sentant une gêne au niveau de son genou. Le brun finit par entrer sa main dans la poche de son chino Levi’s et trouve un papier froissé. Il ne peut retenir son sourire quand il voit la suite de nombres. Cela n’échappe pas à Leah qui feigne une quinte de toux pour attirer son attention.
            « Qu’est-ce qui te fait sourire comme ça ? » demande-t-elle.
            Maxime remonte le regard, apercevant la malice dans le regard brun de son amie. Il vient de commettre une erreur, et elle ne va pas le lâcher s’il ne crache pas le morceau. Alors, autant tout confier.
            « Après ma dispute avec Lise, j’ai baisé avec un gars. »
            Un peu cru, certes, mais ç’a le mérite d’être honnête. Trop peut-être, à tel point que la mâchoire de Leah semble se déboiter quand elle l’ouvre. Maxime sent le rouge lui monter aux joues alors qu’un petit cri s’échappe des lèvres de sa comparse.
            « Petit cachotier ! » s’exclame-t-elle. « Et tu comptais pas me le dire ?! »
            Sa parole est ponctuée par des frappes répétées contre son épaule. Une plainte exagérée résonne dans le café, moins peuplé, néanmoins témoin de la scène de ménage. Le brun arrête l’un des coups tout en riant. Ils se calment, les rires se tarissent dans des soupirs exténués et enfin, ils reprennent la discussion. Maxime ne rentre pas dans les détails, il explique le nécessaire pour comprendre l’histoire : une cigarette échangée, des heures de discussions dansantes, un baiser, puis deux, trois jusqu’à en perdre le compte pour terminer avec ce numéro de téléphone.
            « J’peux voir ton papier ? » demande-t-elle d’un air innocent.
            Son jeu d’acteur est bon, du moins assez pour berner Maxime qui lui tend la note. Il boit la dernière gorgée de son café, refroidi par la discussion. Il s’en délecte néanmoins, profite de la douceur du lait qui attendrit l’amertume naturelle de la boisson. Mais très vite, sa béatitude se trouve tronquée par de l’inquiétude quand il entend le bip d’un téléphone. En face de lui, Leah, accoudée à la table, son cellulaire porté à son oreille, lui lance un sourire aguicheur. Il s’apprête à se jeter sur elle pour lui arracher l’objet des mains, mais le son d’une voix masculine le coupe dans son élan.
            « Oui allô ? »
            Maxime tressaillit. Médusé, il ignore quoi faire quand Leah lui tend le téléphone. Il ouvre la bouche, mais aucun son n’en sort. Leah soupire et reprend l’appel.
            « Bonjour, Leah Grassi à l’appareil, j’vous appelle parce que l’idiot qui me sert de meilleur ami n’ose pas vous parler.
            - Qui ça ? »
            Maxime, le pouce et l’index joint, intime la brune de se taire d’un geste de la main. Pour toute réponse, elle lui tire la langue.
            « Maxime, je sais pas si ce nom vous dit quelque chose. »
            Elle s’humecte les lèvres alors que Maxime rougit à vue d’œil.
            « Et bien, passez-le-moi. »
            Elle hoche de la tête et passe le téléphone au concerné.
            « Allô ? articule Maxime, cachant sa gêne derrière un air sérieux.
            - Alors comme ça, je t’intimide ? »
            Il enlève le haut-parleur et s’éclipse en-dehors du café.
            « J’ai pas trop eu le temps de réfléchir à comment t’aborder, vue que mon idiote d’amie ne m’a pas laissé le temps.
            - Et ton idiote d’amie est une actrice reconnue en France. »
            Il la connait. Évidemment.
            « Ouais, j’espérais te la présenter d’une autre manière.
            - Parce que tu voulais me la présenter ? »
            Il peut entendre de l’autre bout du fil un sourire se former sur ses lèvres. Il l’imite alors que ses yeux verts se perdent dans le vague.
            « Si tu veux me revoir, bien sûr ! »
            Il s’est peut-être trop excité. Mais il n’a pas le temps de douter qu’un rire enjôleur balaye ses inquiétudes.
            « J’t’ai laissé mon numéro, c’est pour une raison ! »
            Maxime se gratte l’arrière de la tête, tourne un peu son corps, juste assez pour que ses yeux croisent ceux de Leah qui doit l’observer depuis tout à l’heure.
            « J’t’envoie un message ce soir ? »
            Un silence plane, un accord tacite, agréable.
            « À ce soir Maxime… »
            Il ne réplique pas, profitant des sonorités de cette voix, ce murmure familier tandis que les bips indiquent la fin de l’appel. Un sourire béat se dessine sur ses lèvres, alors qu’il se retourne. Leah lui tend un pouce, son regard interrogateur demandant confirmation. Maxime hoche de la tête avant de rentrer dans le café.
            « La prochaine fois, préviens quand tu m’fais un coup comme ça, s’indigne Maxime.
            - T’allais jamais l’appeler, j’te connais Max. »
            Il lève le doigt, prêt à répliquer.
            « Sérieux » coupe-t-elle « Après Lise, t’as le droit de t’amuser un peu, non ? »
            Il ne peut pas lui donner tort. Il ne s’était jamais senti aussi vivant que lors de cette fin de soirée, à discuter et découvrir une nouvelle personne. Cette relation, il n’en attend pas grand-chose. Mais peut-être…peut-être qu’il pouvait faire confiance à Leah.
   ��        « Merci, soupire-t-il en se rasseyant.
            - C’est rien, répond-elle en souriant »
.*.*.
Les semaines passent, les cours continuent, les articles s’enchainent et les discussions futiles animent son quotidien. Maxime, affalé contre le mur du couloir, relit sa pige de la veille. Il s’agit d’un article sur l’arrivée prochaine du Grand Prix de Monaco. Les travaux ont commencé dans la principauté voisine, et le Monde l’a chargé de couvrir l’information. Il doit aller sur le terrain demain, mais pour l’instant, il fignole son article, corrige les éventuelles fautes d’orthographe laissées par la fatigue ou la flemme, tandis qu’il attend son prochain cours. Une notification extirpe l’apprenti-journaliste de sa besogne. Il sort son téléphone de sa poche et sourit à la vue du message : c’est Pedro.
Ils se sont reparlé, appelé de temps à autre alors que leur rencontre remonte à un mois deçà. Maxime ignore la nature de leur relation, les messages à caractère sexuel jonchant les banalités qu’ils échangent. Autant, leur discussion WhatsApp reste propre, autant Snapchat est témoin de leur excitation tardive. C’était casuel, c’était simple : ils s’amusent à la manière d’adolescents qui expérimentent leurs premières relations. Mais ils n’en étaient pas, ils ont des responsabilités que leur âge avancé force à endosser. Maxime a bientôt vingt-trois ans alors que Pedro frôle son quart de vie.
Il a eu le temps d’apprendre cette information au détour de leurs premiers échanges. Résident monégasque, son coup d’un soir gère son entreprise familiale. Il est très secret sur ce qui le rattache à l’Italie, la famille semblant être tabou dans les messages qu’il envoie. La gêne ne fait pas partie de son vocabulaire quand il évoque ses relations passées. Maxime se sent petit à côté, lui qui n’a jusqu’alors connu que Lise et seulement Lise dans les dernières années. Bien sûr, il a eu une copine à un âge où l’on ne cherchait qu’à imiter les parents, et où l’image de l’amour ne se résumait qu’aux Disney. Et bien sûr, découvrir sa sexualité incluait des essais et de la curiosité auprès de la gent masculine, ce qui l’a poussé sur le porno d’à côté et l’a fait s’accrocher aux lèvres d’un garçon qu’il considérait comme un ami. Mais il paraissait si inexpérimenté à côté de Pedro qui parle de ses fantasmes avec une telle facilité qu’il en rougit. Les images explicites, les vidéos floues dans le noir, tout ça ne fait que renforcer la nouveauté et l’amusement dont Leah lui a parlé. Et il en est satisfait.
Très satisfait.
Cependant, le réel le rattrape vite. Ses réseaux sociaux abondent de notifications, de messages privés pour comprendre sa situation avec Lise. Avoir eu une relation avec une youtubeuse signifie aussi subir le courroux de son public. Il en a cure, pour être honnête. Ce sont de jeunes enfants, des ados tout au plus. Le concept de vie privée et de rupture leur échappe. Cette rupture fait parler, les médias peoples s’étant empressés d’écrire une kyrielle d’articles dès que l’information a été communiquée par Lise. Maxime est une personnalité publique malgré lui. Par chance, le virtuel ne se métamorphose pas dans sa réalité. Il est tranquille, ses camarades de classe n’ayant évoqué le sujet qu’une fois, des mots rassurants et des messages d’encouragements intervenant dans ce flot de haine qu’il subit depuis un mois déjà.
Perdu dans ses pensées, il est rappelé à l’ordre par un autre message de Pedro. Il confirme le lieu et l’horaire du rendez-vous de demain. Maxime envoie un bref message, partage une hâte de se revoir et poursuit son travail. La cloche retentit, son groupe d’ami l’attend pour le prochain cours : le quotidien reprend le dessus, celui-là même où il assiste, passif, aux cours de sa professeure juridique. Le droit est loin d’être passionnant, quand bien même il est important. Le manque de protection et la liberté d’expression ne faisant pas l’unanimité partout, il se doit d’être averti des dangers du métier. Son regard alterne entre l’horloge pendue, proche de la porte, et la professeure qui psalmodie un galimatias de droit pénal, un vrai calvaire pour Maxime dont les yeux peinent à rester ouverts. Le tic-tac du cadran, un supplice pour les oreilles, le nargue alors que les aiguilles n’accélèrent pas leur cadence lente.
Qu’on le sorte de là…
.*.*.
Le lendemain, Maxime traine au réveil. Huit heures du matin, c’est trop tôt pour un jeune homme comme lui. Mais le travail l’appelle et il ne doit pas décevoir son maître de stage. Alors, une douche, un café, un petit-déjeuner, et le voilà paré à affronter la journée. Il enfile son sac à dos, dégaine ses clés, et part de l’appartement. Le froid matinal, un début de printemps, le dissuade de sortir. Cependant, il brave cette première épreuve, sort la clé de sa voiture et ouvre la portière. Il embarque, démarre le moteur et le chauffage, et s’engage sur la M6098. Le trafic est faible, moins dense qu’en semaine. Les pendulaires sont en week-end, un rêve qu’envie Maxime. Son flegme est couvert par les commentaires de la radio locale, des voix, dont il commence à s’habituer, faisant une revue de presse détaillée.
Cela occupe sa conduite calme, patiente. Il reçoit parfois des messages que Siri lui dicte, la prudence l’invitant à se concentrer sur la route plutôt que sur les bêtises que lui envoient Leah. Peu à peu, le désert routier est remplacé par le faste et le luxe de Monaco. Le soleil se fait moins timide. Ses rayons illuminent Monte-Carlo, se reflètent contre le verre des immenses immeubles. Quelques bâtisses de marques s’invitent dans le décor dense monégasque. Maxime peine à trouver une place de parking. Il doit faire plusieurs tours pour qu’enfin un espace se libère. Il se gare non loin du port Hercule. L’endroit offre un paysage estival, la mer tranquille et l’air chaud contribuent à cette allure d’été. Peut-être que le yacht au loin entrave cette platitude.
Quoiqu’il en soit, Maxime déambule dans la ville. Il arrive proche du chantier, son lieu de rendez-vous. Il parle avec les ouvriers, dont l’accent ronronnant ne laisse pas douter de leur origine portugaise. Il discute avec le directeur qui lui donne des indications sur l’avancement. Par ailleurs, il est difficile de ne pas remarquer les poches violettes qui sont creusées sous leurs yeux. Maxime compatit alors que le directeur communique une information capitale : les travaux se font essentiellement de nuit. Le journaliste voit alors les tribunes qui commencent à être montées, une ébauche encore imparfaite du décor prometteur du Grand Prix mythique. Il prend une photo avec son IPad, ce qui lui servira d’accroche visuelle pour son article.
Il met bien une heure à récolter toutes les informations nécessaires. Le journaliste interroge les passants, le sport automobile semblant plus ancré dans la culture monégasque qu’ailleurs en France. Pardon, Monaco est un État à part entier. Il ne devrait pas fâcher les locaux. Plus tard, Maxime se décide à prendre la route vers le Starbucks qu’il a croisé lors de sa traversée. Il commande un caramel macchiato ainsi qu’un bagel, remercie le barista et s’installe sur une des tables. Le décor brun, sobre, de l’enseigne le motive au travail. Alors, il sort son ordinateur et son bloc-notes et fignole la rédaction de sa pige. Cela lui prend une heure de son temps, sans compter les petites pauses durant lesquelles il s’abreuve de caféine et se sustente de lipides. Une dernière vérification, dernière relecture, il finit par envoyer sa pige au Monde : il est midi moins quart. Son rendez-vous est dans quinze minutes.
Il se presse, range ses affaires, vite, termine les restes à la hâte, passe la bonne journée aux baristas avant de courir dans les rues méditerranéennes. Il s’excuse auprès des passants qu’il bouscule, manque de se ramasser à plusieurs reprises, et c’est dégoulinant de sueur, résultat de l’effort sous le soleil sudiste au zénith, qu’il se trouve devant la terrasse du Marcello. Il lâche un souffle de soulagement, il n’est pas en retard : Maxime est le premier arrivé. Il entre dans le restaurant, salue les serveurs d’un bref mouvement de tête. L’une d’eux s’occupe de lui :
« Vous avez réservé ?
- Oui, sous le nom de… »
C’est quoi son nom de famille déjà ? Il lui a déjà demandé ? Peut-être qu’il peut le retrouver dans ses discussions. Laquelle ? Snapchat ? Pas possible, ce n’est que pour le sexe. Instagram ? Bonne chance pour retrouver le message dans cette marée de haine. WhatsApp, ça doit être ça ? Merde, la serveuse est en train de s’impatienter.
« Le nom de ? articule-t-elle
- Il s’appelle Pedro… ? »
Super, il a l’air ridicule. Son incertitude risible a le mérite de faire sourire la serveuse.
« On va regarder ça ensemble, d’accord ? »
Maxime hoche de la tête et suit la dame. Il se penche vers l’accueil et, dans l’espoir de recouvrir la mémoire, passe en revue les divers noms de famille. Mais rien ne lui parait familier.
Rien.
Il est dans une impasse.
Mort de honte, il s’apprête à envoyer un message. Mais par miracle, une sonnette retentit. Ses yeux remontent vers l’entrée où, dans l’embrasure, Pedro rayonne. Ce dernier lui lance un sourire ravageur et le chanceux remercie sa bonne étoile. Maxime lève sa main, le salue, et, une fois arrivé devant lui, Pedro l’emmène dans une embrassade. Il l’accepte, l’odeur de parfum mélangé à la cigarette le ramenant à leur seule rencontre. Pedro déclare sa réservation sous le nom de « Borleti ». Maxime le note dans sa tête, dans le cas où il se retrouverait dans la même situation. La serveuse les conduit à la table réservée. Pedro la remercie et les deux jeunes hommes prennent place l’un face à l’autre.
« Si tu crois que je t’ai pas vu galérer avec la serveuse, tu t’trompes » amorce Pedro.
Maxime se passe la main sur son visage, dépité.
« M’en parle pas, par pitié… »
Pedro, léger, simple, rit. Quand la serveuse revient avec les cartes, la discussion se poursuit. Ils parlent de leur quotidien, Maxime de sa journée, Pedro d’affaires. Le brun remarque sa tenue : il est vêtu d’une chemise blanche couverte par un blazer à rayure noir. Ses boucles blondes, d’habitude décoiffés, sont dressés par un nuage de gel, visible grâce aux lumières chaleureuses du lieu. Un duvet de poil est coupé net sur sa mâchoire carrée, le menton arrondissant l’angle. Ses iris azur, plongés dans la carte, défilent les diverses propositions. Maxime, à son tour, s’attarde sur les propositions, mais les prix le refroidissent d’un coup. Son maigre pécule ne peut pas assumer un tel coût !
« C’est moi qui paie, t’en fais pas » rassure son comparse.
Maxime remonte le regard, l’air surpris.
« Mais -
- T’es étudiant, je suis chef d’entreprise, y’a pas de « mais » qui tienne. »
Il l’a dit avec une telle autorité, une telle assurance qu’il ne peut que sourire et se taire.
Il le lui revaudra.
La discussion avance au rythme de leurs bouchées. Elles entrecoupent leur bavardage qui se résume en des débats sur la vie de tous les jours. Des commentaires sur la nourriture, la décoration, les employés animent la conversation. Maxime profite de son risotto, le mélange de fruit de mer et de bolognaise titille ses papilles. Il se délecte de ce repas et boit les paroles de son hôte. Pedro, avec adresse, joue avec son fond de vin.
Alors qu’il ne reste plus que des miettes dans leur assiette, le blond s’absente pour payer l’addition. Dans le creux du ventre de l’invité, un sentiment de culpabilité se niche. Mais il est rassuré, voire ravi, que Pedro s’enquière de sa fortune sans le juger pour autant. La maladresse d’un premier rendez-vous a vite été balayée par la légèreté. Il est satisfait. Quand bien même Lise reste son seul point de comparaison, il sait que ç’a été un bon rendez-vous. Des tweets d’anecdotes de rencontres catastrophiques lui sont venus durant toute l’attente, et, quand Pedro revient, tout sourire, l’intimant d’un geste de la tête de le suivre, il sait qu’il n’a plus rien dont il doit se soucier.
Ils poursuivent leur rendez-vous, poursuivent leur discussion, leurs débats, pendant qu’ils déambulent dans la ville. Monte-Carlo offre ses merveilles, mais aux yeux de Maxime, seul Pedro resplendit. Il ne devrait pas tomber, se laisser charmer aussi vite quand leur relation n’a pas de label. Pourtant, il se laisse avoir dans ces jeux de miroirs qui reflètent une tendresse et un doux rêve.
Une réalité à en devenir.
Quand le jeu de l’amour et du hasard les mène au palier d’un immeuble, celui de Pedro, quand ils se toisent, une forêt émeraude perdue dans un paysage céruléen, quand leurs corps se rapprochent, comme aimantés l’un à l’autre, l’un vers l’autre, ils se laissent tenter à la folie de l’excitation. Ils s’embrassent, Pedro le poussant à l’intérieur de l’immeuble. Dans un mouvement alangui, Maxime approfondit le baiser. Leurs mains rencontrent à nouveau leur corps, si étranger et si familier à la fois. Un mois sépare leurs premiers ébats, mais c’est comme s’ils remontaient une décennie en arrière à cet instant précis.
Le temps fuit, passe, leurs caresses se calment alors qu’ils arrivent enfin chez l’hôte. Mais cette accalmie n’est que de courte durée, puisque, une fois la clé insérée dans la serrure, Maxime ne tarde pas à prendre d’assaut les lèvres de son Monégasque. Pas de temps à perdre quand il s’agit de plaisir. Le brun reconquiert ces terres qu’il prenait pour acquises. Ses mains baladeuses s’aventurent sous sa chemise alors que ses doigts rencontrent la peau dure de ses tétons.
Ils se perdent, se laissent aller au contact de l’autre, aux plaisirs qu’il prodigue, se prodiguent. Ils se chuchotent des mots doux, rassurants, clairsemés de candeur, témoins d’une relation sobre. Et dans une apothéose exquise, Maxime se laisse porter au gré des râles de Pedro.
.*.*.
« On est quoi au juste ? »
Maxime vient de demander cela. Encore nus sous les draps, les deux tourtereaux baignent dans la lumière violette émise par les lampes de la chambre. Le journaliste a posé cette question alors que sa tête repose sur le torse de Pedro, la légère couche de poil chatouillant sa joue. Pedro se redresse contre le dossier du lit, ses doigts arrêtent leur tracée sur la peau délicate, pourtant suintante, du brun. Maxime remonte le regard, un reflet de regret dans ses pupilles vertes. Peut-être que c’était trop tôt pour poser ce genre de question ? Il doit se faire souffrance pour ne pas se mordre la lèvre. Pour ne pas montrer son anxiété grandissante. Il a gâché un moment de tendresse post-coïte, ce moment si précieux et si difficile à amorcer. Et il a fallu qu’il parle, qu’il pose cette stupide question.
« J’en sais rien, ciccio » finit Pedro.
Leurs regards se rencontrent, se confondent. Un léger sourire prend possession du visage du monégasque, ce qui balaye l’inquiétude du Niçois. Il se laisse prendre au jeu, sourit à son tour et, imitant la position de son amant, il prend son visage dans le creux de sa main. Son pouce caresse sa joue, le contact pileux, agréable, accélère son rythme cardiaque. Il ne pourra jamais s’habituer à cette sensation, à ce renouveau. Il ne pourra jamais s’habituer à ces baisers, tendre, langoureux, puis plus sauvage. Il ne pourra jamais s’habituer à cette relation, à cet homme qui a accepté de le laisser entrer dans sa vie. À ce moment, il se pense chanceux, il se croit heureux, il s’imagine en couple. Pedro lui miroite une tendresse exclusive, une promesse d’amour ; c’est ce qu’il se dit. Il se dit aussi que ce n’est qu’une question de temps, de semaines, de mois, avant d’enfin poser un label sur leur relation.
Tout cela, un doux rêve éveillé, où l’ignorance et la candeur habitent le journaliste, ne durera pas bien longtemps.
.*.*.
Et ils se sont pris au jeu, se sont perdus dans leur partie, comme d’habitude. Le temps passe, et Maxime fredonne la mélodie de Claude François. Les jours passent, et rien ne se passe. Ils continuent de s’échanger des messages la journée, de se dévêtir sur Snapchat la nuit, comme d’habitude. Les semaines passent, et les obligations les rattrapent. Avec le Grand Prix de Monaco qui s’approche, Maxime ressent de plus en plus la pression de son boulot de pigiste. Les articles se pressent, les délais se raccourcissent, et les fautes d’orthographe se perdent dans le flux. Il prend plus de temps à répondre aux messages de Pedro, se couche plus tôt qu’à l’accoutumer, fatigué par sa journée de travail, comme d’habitude.
Pour sûr, ils couchent ensemble. Le désagrément de son travail, les aller-retours entre Nice et Monaco dans sa vieille Kia, sont adoucis par ses visites post-labeur chez Pedro. Ils baisent, ils font leur affaire, la délicatesse des débuts remplacés par la sauvagerie du sexe cru. Maxime prend du plaisir, bien sûr. Mais il a l’habitude de se faire prendre, de se faire guider par les gestes habiles de son amant, et il a soif de nouveauté. Il a des désirs, des envies, mais Pedro semble toujours fermé à la discussion, oreiller de paresse que sont ses désirs et habitudes. Maxime a été mis au courant dès le départ, il ne peut que s’en prendre à lui-même. Et ça ne le dérange pas plus que ça, ça le frustre tout au plus.
Mais ça n’est plus la même chose, ces tracas quotidiens métamorphosés quand, lors d’une douche – qu’ils ne prennent plus ensemble – Maxime entend les vibrations d’un téléphone qui n’est pas le sien. Couché dans le lit, les lumières bordeaux trompant l’obscurité, le brun se penche vers la table basse. Les lettres virtuelles forment le prénom « Charles » sur l’écran de l’iPhone. Même s’il est tenté, il ne répond pas. S’il veut des réponses, ces dernières sortiront de la bouche de Pedro. Celui-ci vient d’entrer dans la chambre, un linge entourant sa taille. Des gouttes tombent de ses cheveux mouillés, sa blondeur perdue au détriment d’un châtain clair temporaire. Quand bien même il désire ce corps, bien sculpté et beau, qui s’approche de lui, Maxime se contrôle.
« C’est qui Charles ? » demande-t-il d’un ton sobre, calme, distant.
L’homme qui lui fait face hausse un sourcil. Maxime lève les bras en signe de défense.
« Il vient de t’appeler » il désigne le téléphone d’un geste vague « J’me pose juste des questions. »
Pedro soupire, vient s’asseoir sur le lit et passe une main dans ses cheveux. Il jette un regard à Maxime, glacial.
« C’est un ami d’enfance » répond-t-il simplement.
Maxime hoche de la tête. Une moue se fend sur ses lèvres, il se mord l’intérieur de la joue avant de poursuivre.
« Un ami genre un ami, ou un ami… ami ? » sa voix est suggestive sur la fin de phrase.
Pedro tourne à peine la tête, juste assez pour présenter son visage. Ses traits se durcissent, suivant le froncement de ses sourcils. Un souffle s’échappe de ses narines.
« Je l’ai déjà baisé une fois si c’est ça ta question » lâche-t-il, sec.
Maxime aurait pu se contenter de cette réponse, aurait pu lâcher l’affaire. Il aurait pu feindre l’ignorance, aurait pu poursuivre ce qu’ils ont, quoiqu’il s’agisse. Mais il ne le fait pas. Peut-être sa curiosité, héritage de sa formation de journaliste, le perdra.
« Une fois ou… des fois ? »
            Un son passe la barrière de ses lèvres, signe d’agacement.
            « Plus de fois que tu peux l’imaginer. »
            Maxime sent son cœur battre, accélérer. Sous les draps, il serre son poing. Mais au fond, il le sait. Pedro a de l’expérience dans les relations, dans sa sexualité. Il s’en est vanté au début de leur fréquentation. Rien ne sert à lui en vouloir, à lui reprocher quoi que ce soit, Maxime a été prévenu dès le départ. Mais son fantasme d’un couple l’a berné, et il est tombé dans des fabulations.
            Ils ne sont pas en couple, ils ne l’ont jamais été.
            La jalousie n’a pas sa place dans ce qu’ils ont.
            Pourtant, il ne peut s’empêcher. Il ne peut s’empêcher d’y croire. De croire dans ce mirage où seul lui profiterait de ce corps parfait. Il ne peut s’empêcher de faire sien les lèvres du blond et de penser qu’il lui appartienne qu’à lui et à lui seul. Il ne peut s’empêcher de désordonner ses cheveux dans des caresses tardives, un geste dont seul lui et lui seul prodiguerait la douceur. Il ne peut s’empêcher de penser qu’il lui appartient.
            Il ne peut s’empêcher de tomber amoureux de Pedro.
            Peut-on le lui reprocher d’être humain ?
.*.*.
            Après cette nouvelle, plus rien n’est pareil. Pedro lui envoie des messages, comme avant, mais Maxime tarde à y répondre. Le stress du Grand Prix ? Une excuse. Le stress de la fin de sa formation ? Une excuse de plus. À dire vrai, c’est sa jalousie qui parle quand il n’ouvre pas un Snap, quand il refuse une rencontre, quand il met des heures à y répondre. Et durant ce laps de temps, l’image de Charles, une ombre inconnue, le hante. Il la voit faire des actions que Pedro lui refuse, un privilège dû à des années de relations et d’expérience. Et quand il s’imagine cela, Maxime ne peut s’empêcher de cogiter.
            Il rumine, encore une fois. Ce vieux canapé ne peut rivaliser avec l’inconfort de ses pensées, leur effet se traduisant dans sa jambe qui tressaute contre le parquet en linoléum. Une main délicate se pose contre le tissu de son chino. La jambe s’arrête, il tourne la tête et un sourire vient rasséréner son stress ponctuel.
            À côté de lui, sa colocataire est assise. Ses cheveux, d’une rousseur éclatante, s’arrêtent à hauteur de ses épaules. Ses yeux vert-de-gris sont fixés sur lui, une douceur rassurante le calmant. Et sa peau claire est illuminée par les lueurs versatiles de la télévision. Celle-ci diffuse une série banale, juste de quoi tuer le temps qu’ils ont. Maxime s’est joint à Sasha dans sa session visionnage après une remarque de cette dernière sur le peu de temps de répit qu’il s’offre. Elle a le don de le calmer, de le rassurer. Ce n’est pas l’humour ni les piques dont Leah fait preuve, plutôt des mots posés et une oreille attentive. Un comble quand on sait qu’elle a fait des lazzis son métier. D’ailleurs, elle est vêtue d’un ensemble classique, un col roulé noir resserrant son cou, pareil au jean noir pour ses jambes.
            « Max, qu’est-ce qu’il se passe ? » demande-t-elle d’une voix inquiète.
            Le journaliste ne lui a jamais parlé de Pedro. Bien sûr, elle était présente quand il s’était plaint de sa relation avec Lise – il se demande ce qu’elle devient – et quand le stress de l’école l’empêchait de trouver le sommeil. Quand Leah voyage pour ses tournages, Sasha prend la relève, endossant le rôle de confidente dans la vie en chenille de Maxime. Et à cet instant, elle a vêtu son déguisement.
            « J’fréquente un gars depuis quelques temps. » démarre le brun, un air posé trompant sa voix tremblante.
            Sasha hoche de la tête, l’intime de continuer.
            « Et ce gars-là… j’sais pas ce qu’il veut, et c’est frustrant. »
            Et il part dans les détails, de la rencontre en boîte de nuit, aux premiers rendez-vous dignes d’une romance, suivant son espoir d’exclusivité, brisé par la découverte d’un ami avec bénéfice. Sasha l’écoute avec attention, ses traits suivent l’émotion, la joie et la déception qu’évoque Maxime dans son récit. Parfois, des gestes inconscients accompagnent son attention, comme une main qui dresse une mèche rousse derrière son oreille, celle-ci se posant juste après sur l’épaule du jeune homme. Ce dernier ne peut cacher son ressentiment, sa jalousie envenime son ton. Il envie ce Charles d’avoir partagé une histoire plus longue, plus intense, de l’enfance à la vie d’adulte. Il aurait aimé échanger les places, vivre un partage plus long, loin des échanges et rencontres sporadiques que vit Maxime. Il aurait aimé être quelqu’un, abandonner ce titre de plan cul régulier et entamer une relation plus sérieuse.
            C’est l’amour qui parle.
            Et putain, qu’est-ce qu’il l’aime.
            Le brun sert le poing, chasse une larme qui menace de tomber. Sasha l’emmène dans une étreinte, une barrière sécurisée où il peut se laisser aller. Alors il pleure, témoigne d’une rage, un rechignement d’un amour. Il se flagelle, maudit sa naïveté et sa jalousie qui n’a pas lieu d’être. Parce qu’il savait. Il savait que ce n’était que pour s’amuser. Leah l’a averti, l’a conseillé et poussé à la nouveauté. Mais Icare, à force de prendre de la hauteur, a fini par se brûler les ailes et s’est noyé dans la mer, porteuse de son nom désormais.
            Puis, une sonnerie interrompt leur moment. Les deux colocataires se regardent dans les yeux, la surprise et l’incompréhension se partagent entre eux : ils n’attendent personne.
            « J’vais y aller. » déclare la rousse.
            Maxime opine du chef. Quand le canapé est allégé du poids de Sasha, le jeune journaliste s’enfonce dans le tissu, la chaleur humaine remplacé par celle matérielle. Il se permet même de prendre le plaid et de s’y emmitoufler. Par malheur, la voix de Sasha le tire de son confort.
            « C’est pour toi ! » crie-t-elle au travers de l’appartement.
            Maxime soupire alors qu’il abandonne son plaid, son canapé, et, pas à pas, lent, las, fatigué, il arrive enfin à la porte. Mais toute cette fatigue est vite balayée quand il découvre que Pedro se tient là, dans l’encadrement de la porte. La lassitude est troquée par de la surprise, ses yeux écarquillés traduisant son état. Très vite, il se rend compte que son amant n’est pas là pour s’amuser, le sérieux tirant ses traits dans une moue qui ne lui est pas habituelle. L’atmosphère s’est tendue d’un coup, le cœur de Maxime battant contre sa poitrine, signe d’un étrange mélange d’animosité et d’incompréhension.
            « Bon, bah je crois que j’vais vous laisser, j’ai un spectacle à assurer. » déclare Sasha alors qu’elle sort de l’appartement.
Pedro reste là, debout, les bras ballants, le souffle fort. Un silence. À cet instant, ils sont étrangers, ne se reconnaissent pas. La colère, l’incompréhension, Maxime n’arrive pas à lire ce que les yeux de l’autre lui communiquent. Il ne sait pas, ne sait plus. Alors, il prend la parole.
            « Comment t’as trouvé mon appart’ ? »
            Un sourire se dessine sur les lèvres du Monégasque, espiègle.
            « Tu t’en rends p’t’être pas compte » commence-t-il « Mais tu parles beaucoup. Et crois-le ou non, mais je t’écoute »
            Maxime penche la tête, sidéré.
            « Beaucoup plus que ce que tu penses » poursuit Pedro alors qu’il soutient le regard.
            Pendant un bref instant, une once d’on-ne-sait-quoi se reflète dans ses pupilles. Nostalgie ? Culpabilité ? Mélancolie ? Maxime l’ignore. Il a perdu la pierre de Rosette pour comprendre Pedro.
            « Qu’est-ce que tu veux ? lâche Maxime.
            - Savoir ce qui va pas. »
            Le brun ne peut s’empêcher de rouspéter, bruit de bouche amer.
            « J’ai fait quelque chose de mal ? » demande Pedro.
            Oui. Mais il ne peut pas le dire. Il se moquerait de lui, de son fantasme idyllique. Tout ça, c’est nouveau pour lui. L’amour sans sentiment, les ébats disparates, les rendez-vous sans promesses. On ne peut pas lui en vouloir d’être tombé dans le piège. Maxime fuit du regard, ses yeux fixés sur le couloir, par-dessus l’épaule de Pedro.
            « J’ai fait quelque chose de mal ? » répète-t-il.
            Oui, il lui a brisé le cœur. Et quand Maxime dévie son regard, plonge le sien dans celui de son amant, Pedro semble comprendre. Ses yeux s’écarquillent. Sa main couvre sa bouche, glisse sur son menton, frotte sa jeune barbe.
            « Bordel, Max, j’croyais qu’on était clair…
            - Et tu vois, c’est ça le problème ! se plaint ledit Max. »
            Enfin, Maxime défie Pedro. Enfin, il ose s’affirmer.
            « Pour toi ça, l’était peut-être, mais pas pour moi. »
            Il hausse la voix, s’approche de son interlocuteur dans une démarche agressive.
            « J’voulais pas m’attacher, crois-moi. »
            Dieu sait qu’il ne le voulait pas.
            « J’voulais pas m’encombrer d’une relation sérieuse, j’ai assez donné avec mon ex, poursuit Maxime.
            - Mais t’as quand même développé un truc pour moi…
            - C’est difficile de ne rien développer pour toi. J’veux dire, regarde-toi. »
            Il ne peut pas garder ses compliments pour lui. Il ne peut pas.
Pas quand il s’agit de Pedro.
            « Écoute, commence Pedro, c’est vraiment pas contre toi, mais j’ai pas envie de ça dans ma vie.
            - C’est quoi « ça » ? »
            Pedro se gratte l’arrière du crâne alors que ses traits se contractent en une moue indicible. Du dégoût ? De la peur ? Encore une fois, Maxime l’ignore. Ce qu’il sait, en revanche, c’est que le blond n’est pas du genre à s’engager, n’est pas un grand sentimental. Et il doit se faire une raison : leur rencontre, fruit du hasard, ne donnera naissance à rien. Ils ont consommé leur amour, pris soin du jeune pousse de leur relation, mais l’arbre a été coupé par Pedro, forçant l’arrêt de sa croissance. Maxime n’est plus qu’un jardinier solitaire, trop affecté par la trahison de son compère pour reprendre le labeur.
            Il soupire.
            « T’as peur de quoi, Pedro ? »
            Le concerné ne répond pas, toujours figé dans sa grimace. Le brun s’approche encore, l’espace entre eux se réduit davantage. Maxime pose sa main sur le bras ballant de Pedro. Le contact provoque un choc électrique dans tout son corps : le premier depuis un long moment.
            « J’vois bien que t’es pas prêt de t’engager, que tu préfères profiter de la vie. »
            Un triste sourire se fend sur les lèvres du brun.
            « Mais moi, j’ai besoin d’un truc stable. C’était drôle, insouciant et j’ai aimé les moments qu’on a passé ensemble. »
            Maxime ne veut pas prononcer ses mots, ceux-là même qui mettraient un terme à leur liaison. Mais c’était le jeu, non ? Il s’est égaré dans ses sentiments, il a perdu. L’autre n’est pas prêt à faire des concessions, alors il doit renoncer et enterrer ce qu’ils avaient.
            « Alors » finit le brun « J’te propose qu’on arrête. On efface nos numéros, on se bloque, et on se revoit plus. »
            Cette phrase dite, Maxime abandonne le bras de son ex-ami. Il doit se faire douleur, se mordre l’intérieur de la joue, pour garder sa contenance. Ne pas pleurer, ne pas faire plus pitié qu’il ne l’est déjà.
            « J’peux plus continuer ça, pas quand je t’aime autant. »
            Pedro, d’un mouvement lent, le visage neutre, du moins en apparence, hoche de la tête. Il le salue d’une main, tourne les talons, et disparait dans la lumière blafarde du couloir. Maxime ferme la porte, glisse contre le bois de celle-ci et explose. Dos à la porte, la tête contre celle-ci, les premières larmes s’échappent enfin de ses yeux. Et il pleure, pleure alors que des sanglots incontrôlés s’emparent de lui, pleure alors que les souvenirs de cette relation lui reviennent, pleure alors qu’il se maudit d’être aussi sensible.
            D’en faire trop.
            De croire qu’il mérite plus.
            D’être un romantique.
.*.*.
            Maxime commence à détester Monaco. Le luxe, le faste, les casinos, tout ça ne fait pas partie de son monde. Par chance, son travail en ces lieux s’achève bientôt. Le Grand Prix de la principauté a lieu ce week-end. Lorsque le drapeau à damier s’agitera, que le podium sera défini, que la mousse du champagne hors de prix sortira de sa prison de verre pour atterrir sur les corps transpirants des pilotes, il pourra enfin arrêter de fréquenter la ville dense. Il aura accompli sa tâche et s’affairera enfin à un autre projet.
            Il vient de se réveiller d’une nuit courte. Six heures du matin, plus tôt que d’habitude. C’est un dimanche de semaine de course, il doit se dépêcher s’il veut éviter les embouteillages sur la M6098. À contre-cœur, il se refuse au pommeau de douche, à la machine à café. Il se vêtit d’une chemise, d’un jean et se chausse d’une vieille paire de baskets. Enfin habillé, il se munit de ses clés de voiture, de son sac à dos, et quitte l’appartement.
            Quand bien même les premiers signes de l’été se manifestent, le froid matinal fouette le visage du jeunot. Très vite, il entre dans sa Kia, embraye le moteur après s’être installé, et s’engage sur la route. Malgré sa prévoyance, Maxime est confronté à des bouchons. Sa conduite, d’habitude rapide et sans encombre, se trouve ralentit par la quantité de voitures qui profitent de la promiscuité entre Nice et Monaco. Alors, plutôt que d’écouter la radio agaçante, il connecte son téléphone à sa voiture et fait tourner sa playlist. La variété française dont il est accoutumé a été troquée pour la mélancolie vieillissante des années septante.
Comme ils disent du regretté Aznavour se joue dans les enceintes du véhicule. Le journaliste se perd sur la mélodie, l’ensemble orchestral jouant une mélodie mineure. Il assimile les paroles de l’interprète, cherche des similitudes à sa vie. Vingt-trois ans et les réflexions doucereuses de l’artiste résonnent en lui. Deux semaines sont passées, il n’a pas revu Pedro. Il lui manque, son absence terrorisant ses insomnies de travail. Dans ses images tardives, il le voit en train de coucher avec un autre, et cela serre son cœur à tel point qu’il est obligé d’arrêter son écriture, sa recherche. Il ne peut s’en empêcher, car il sait. Il sait, comme Aznavour dit, que son ex-amant passe le plus clair de son temps aux lits des hommes.
Au lit de Charles.
Il y a des moments où Maxime se dit que, si cet inconnu n’avait pas passé cet appel, que s’il avait laissé sa curiosité insatisfaite, alors il aurait pu poursuivre son idylle factice avec lui. Il se serait laissé séduire par les apparences, aurait entretenu une relation mensongère. Mais il se serait forcé à y croire, y croire encore et encore, parce que l’espoir l’aurait poussé à se mentir à soi-même, à faire semblant.
Il aurait été heureux.
Il aurait cru être heureux.
C’est un amour impossible. Il rêvait d’un amour exclusif, profond, loin des carcans de Lise, la nouveauté de Pedro le libérant de ses chaînes. Alors que c’est au tour de Francis Cabrel de s’exprimer, qu’il décrit une aventure impossible à l’encre des yeux d’une amante, Maxime traverse la frontière monégasque. Il entre dans l’endroit qui l’empêche d’oublier sa relation.
Il ne pourra jamais l’oublier.
Maxime trouve une place de parking, enfile son sac, et sort de la voiture. Le confort et la solitude de son véhicule sont balayés d’un coup quand il s’engage dans les ruelles chics, le bruit de la ville active le plongeant dans une atmosphère festive. La ville n’a jamais été aussi remplie qu’à cet instant. Le journaliste a eu un avant-goût de l’ambiance du Grand Prix durant la semaine, mais jamais il n’aurait pu prévoir un tel monde. L’euphorie se mêle au luxe, l’été contribuant à la fête. Au loin, sur l’horizon doré, des yachts sont mêlés aux bateaux plus modestes, pendant qu’une marée de gens flâne autour du circuit. Avec sa carte de presse, Maxime entre dans les paddocks et se confond parmi la foule journalistique.
En entrant, il laisse ses problèmes derrière-lui, prend un air sérieux alors qu’il sort son stylo et son carnet de notes. Il se confond dans la masse de journalistes, son micro français perdus dans le flot cosmopolite. Sky Sports, Canal +, Moviestar+, RTS, tant de bonnets de micro que Maxime reconnait. Et il représente le Monde du haut de son travail de pigiste. Une fierté le gagne alors qu’il pose des questions aux différentes écuries. Il a même la chance d’aborder Charles Leclerc, la célébrité mise à l’honneur dans ce Grand Prix grâce à ses origines monégasques. Maxime le traite comme un pilote parmi tant d’autres, gardant son amertume pour lui alors que le public scande le prénom du pilote de la Scuderia.
La matinée passe. Depuis huit heures qu’il travaille et pourtant Maxime ne s’accorde pas une seule pause. Quand bien même il tient à peine debout, son pas trainant sur le béton des paddocks, il s’adonne à sa tâche, enchaînant les interviews. Dans la zone pour les médias, alors qu’il rapporte les informations récoltées sur son iPad, il reçoit un commentaire d’une journaliste espagnole.
« You seem tired, here’s for you! » remarque-t-elle alors qu’elle tend un gobelet en papier.
La douce odeur de café arrive à ses narines, ce qui lui donne un coup de fouet. Il accepte la boisson et remercie sa collègue avant de porter le gobelet à ses lèvres et de boire d’un coup son contenu. L’amertume le réveille et une force herculéenne s’empare de son corps. Plutôt que de s’affairer à sa tâche, il utilise ce regain d’énergie pour discuter avec sa collègue. Son anglais lui permet d’entamer un dialogue, une conversation sur le travail et le sport automobile. Des allusions se glissent dans les remarques de la dame, auxquelles il ne prête pas attention. Évidemment, il n’est pas aveugle. Il connait ses intentions, mais le travail passe avant tout.
« Do you mind if I stay with you during the race? » demande-t-elle avec une voix dragueuse.
Maxime hésite un instant. Puis, les mots de Leah lui reviennent, son conseil de s’amuser. Mais l’expérience avec Pedro lui a donné une mauvaise impression des relations en coup de vent. Enfin, il se raisonne, se laisse tenter. Il ne doit pas bloquer pour une mauvaise expérience. Il est encore jeune, autant profiter.
« No, of course not! » répond-t-il avec entrain.
Elle lui sourit, ses doigts manucurés passant une mèche derrière son oreille. Treize heures résonne alors qu’ils partent de la zone des médias. Après qu’elle a indiqué l’endroit où se retrouver, la journaliste salue son collègue et part vers le paddock de l’écurie McLaren. De son côté, Maxime flâne. Il suit sa liste de personnes à interviewer, et c’est ce qui anime son début d’après-midi. Il croise le chemin de Lance Stroll, lui pose ses questions, s’en va. Même processus pour Christian Horner, pour Pierre Gasly, et ainsi de suite jusqu’à arriver à l’aube de la course.
Il retrouve sa collègue ibère qui lui parle de ce qu’elle a fait, de sa passion pour le sport automobile, des répliques auxquelles Maxime tente de s’intéresser, lui étant tombé dans le monde de la Formule 1 via le hasard de son travail. Les courses regardées lors de son enfance, les sacres des divers pilotes, le départ et l’arrivée de circuits dans le calendrier, Maxime n’y a porté aucun intérêt. Le parcours de l’Espagnole diffère du sien. Il ne se rend pas compte de la chance qu’il a. Il a dû s’expertiser sur le sujet, se familiariser avec le vocabulaire propre au milieu, se renseigner sur l’état de forme des écuries, sur l’histoire du sport automobile.
Elle est passionnée, il est travailleur.
Durant la course, elle lui fait des commentaires, ses yeux fixés sur la piste et les écrans disposés çà et là. La passion s’entend dans son ton, son fanatisme de tifosi se voit à chaque virage pris par Leclerc ou Sainz, la joie d’exercer ce métier se lit dans son sourire. Elle rayonne, ses boucles brunes dorées par le soleil méditerranéen. Le décor urbain ne peut endiguer ses iris pétillants d’un bleu outremer. Sa tenue, une veste en jean accompagné d’une jupe flottante, magnifie ses formes. Maxime devrait apprécier le moindre de leur échange, profiter de la chance et du temps qu’elle lui accorde. Le désir devrait habiter son corps alors qu’une main timide se pose sur son genou.
Tant de conditionnels, si peu de certitudes.
Alors il essaie, se force à répondre à ses avances. La course avance, les voitures passent encore et encore, leur moteur vrombissant résonne dans toute la ville. Il essaie. Quand une ouverture s’offre à lui, ses lèvres timorées, chétives, se posent sur celle de l’hispanique. Il essaie, lorsque l’occasion se présente, d’intensifier l’échange, ses doigts caressant le visage sensible de sa collègue. Il essaie, lors de leur baiser, d’ouvrir son cœur, de ressentir la passion, la folie de l’instant. Il essaie, vraiment, il essaie. Mais il ne ressent rien.
Rien qui ne vaille le coup.
Il oublie, s’oublie. Pendant l’espace d’un instant, il fait semblant. Il prétend être un cœur libre, une âme patiente qui cherche sa moitié dans ce monde. Un sourire malhonnête se place sur ses lèvres alors qu’il se détache de la femme. Elle resplendit. Il s’écœure. Pendant ce moment, alors qu’ils se regardent, s’admirent, Maxime se demande comment Pedro arrive à ne pas s’attacher. Comment il arrive à en avoir cure des sentiments, à s’intéresser qu’au physique pour satisfaire un désir primaire.
Une notification l’extirpe de ce moment. Il a dû oublier de mettre son téléphone en mode silencieux. Il s’excuse auprès de sa collègue, jette un œil à son cellulaire. Une multitude de notifications défile devant ses yeux. Mais il n’y prête pas attention. Parce que seul le nom de Pedro importe. Son téléphone était en silencieux, mais le contact du monégasque outrepasse cette règle. Maxime ne l’a pas enlevé de ses contacts importants, ni même bloqué. Peut-être qu’il regretterait. Peut-être qu’il rate sa chance avec une personne plus saine, plus calme, plus traditionnelle. Après Lise, après Pedro, peut-être que cette journaliste aurait pu être la bonne. Mais non. Trop récente, sa pseudo-rupture avec le Monégasque résonne dans sa tête. Il y a un air d’inachevé, son cœur lourd de maux toujours pas apaisé.
Si facile, trop facile de le déstabiliser quand on conquit son cœur d’artichaut.
Il suffit d’un message, même pas un long pavé, ni même d’une longue tirade explicative, juste d’une question brève, pour tromper son professionnalisme. Maxime s’en veut, mais il ne se laissera pas faire. Son envie de le voir plus faible que celle de s’expliquer, il se jure, qu’après cette fortuite rencontre, il passera à autre chose. Il répond à Pedro, imite sa breveté et reprend sa contemplation de la course. Le journaliste ignore la gêne entre lui et sa collègue, concentré sur la course.
Le suspens ne dure pas longtemps, la course finie pareille au moment de gêne. Ils sont rappelés par leur travail, alors ils se saluent, se quittant sur une étreinte maladroite. Après que l’hymne monégasque se joue, après la célébration au champagne, après les interviews, Maxime s’aventure dans les rues de Monaco. L’euphorie, l’excitation, l’adrénaline rythment et habitent le corps des résidents. Une foule célèbre une victoire, un triomphe, une malédiction brisée. À force de se documenter, Maxime est conscient du miracle qui s’est déroulé aujourd’hui. Mais cela l’importe peu. La joie n’appartient qu’aux Monégasques et aux tifosis. Lui, il doit régler des comptes.
L’habitude le guide jusqu’à l’immeuble de Pedro. Maxime compose le code qu’il connait par cœur, monte les quatre étages qui le séparent de l’appartement du Monégasque. Le cœur battant, la tête pleine de doutes, des scénarios s’enchainent dans son imagination. Il s’attend à tout. Que ce soit une longue discussion ou un silence embarrassant, la fin reste prévisible. Parce que l’Italien l’a habitué aux dénouements tragiques, l’espoir ne s’entend pas quand il toque à la porte. Durant les secondes, sa voix mentale liste les reproches qu’il a à lui faire. Tous ses défauts s’y retrouvent. Sa peur de l’engagement, la clarté qui lui fait défaut, son manque de romantisme, tout ce qui l’a mené à sa perte se résume dans ces trois injonctions. Il s’attend vraiment à tout, mais quand la porte s’ouvre, ses certitudes se font valser.
Les semaines ont passé, mais rien ne semble ternir l’image du Monégasque. Un blazer bleu recouvre sa chemise d’un blanc immaculé. Un papillon noir est noué autour de son cou. Une parcelle de sa peau claire s’échappe de son emprise, remontant sur sa barbe bien taillée. Son visage ne laisse la place à aucun défaut, les habituels boutons dissimulés sous ce qui semble être une couche de maquillage qui parfait ses fossettes qu’on croirait rouge. La lumière du crépuscule, celle qui émane derrière lui, colore ses yeux d’une clarté profonde, de même que sa blondeur, coiffée avec diligence, resplendit grâce à elle. Maxime ne l’a jamais vu comme ça, et son cœur loupe un battement à cette vision.
« J’t’en prie, entre » invite Pedro alors qu’il se décale de l’encadrement.
Le brun hoche de la tête, inconscient, alors qu’il avance d’un pas atterré. L’appartement est agencé d’une manière différente. Le hall traversé, il se trouve dans le salon qui ne ressemble plus à un espace de détente. Une table se trouve en son centre, alors que les lueurs orange de fin de soirée baignent l’endroit de sa tendre chaleur. La tablé nappé est décorée d’un chandelier dont le métal laisse deviner la fausseté de l’or. Les bougies allumées contribuent à l’ambiance chaleureuse, la danse des flammes rythmée par une mélodie silencieuse. Deux assiettes creuses se font face. Des services d’argents les accompagnent, une serviette violette les enfermant dans une forme cylindrique sobre.
Pedro le sort de sa contemplation, lui proposant de s’asseoir. Il l’obéit, toujours stupéfait. Et l’hôte s’éclipse, laissant l’inviter se perdre dans ses réflexions. Tant d’efforts ont été mis à l’œuvre, il le ressent dans les décorations. Rien n’est un détail futile, tout est calculé.
Classique Pedro.
Mais Maxime ne se laissera pas charmer. Il n’est pas venu pour un dîner. Même s’il sera traité comme un roi, le sceptre qu’on lui léguerait ne l’écartera pas de sa mission. Il veut des explications, et les artifices ne l’aveugleront pas. L’erreur a été commise une fois, pas deux. Quand Pedro arrive, une casserole pleine de pâtes entre les mains, Maxime garde sa contenance. Il ne pipe que peu de mots, juste le nécessaire quand on le lui oblige. Le claquement métallique des services, les bruits de mastication et le sifflement des lèvres lorsqu’ils boivent le champagne animent le dîner silencieux. Pedro semble mal à l’aise. Il ne l’a pas habitué à cette facette. Quand Maxime finit son assiette, ne se délectant même pas du goût de truffe, il commence :
« Tu crois vraiment qu’un dîner va te racheter ? » fustige le brun. « Tu crois vraiment que j’vais oublier la crasse que tu m’as fait vivre. »
Pedro ne se prononce pas. Il se contente de le regarder d’un regard perdu alors que Maxime, lui, se montre acerbe, se levant d’un mouvement brusque de sa chaise.
« Bordel Pedro, tu peux pas m’envoyer un message deux semaines après et m’offrir un dîner ! »
Le concerné baisse les yeux et opine du chef d’un geste calme, coupable. Cela n’apaise pas Maxime.
« J’t’ai demandé de plus me parler, de t’éloigner de moi parce que j’peux pas… »
Maxime bute, son sentiment se heurte à l’hostilité de son ton. Ne pas laisser ses émotions transparaitre.
« J’peux pas te partager. Ça fait deux semaines, et t’imagine pas le nombre de fois que je t’ai imaginé avec un autre… »
Pedro relève les yeux. Maxime n’arrive pas à lire ce qu’il s’y passe. Ça parait assuré, rassuré peut-être. Ne pas se déstabiliser. Il a encore une liste de reproches à lui faire. Mais on lui coupe l’herbe sous le pied d’une manière brutale.
« J’ai mis fin à ma relation avec Charles. »
Sonné. Abasourdi. Stupéfait. Raison de son mutisme.
« J’y ai mis fin pour toi » souffle Pedro.
Il refuse de le croire. Il ne réagit pas, ne bouge pas même d’un iota. C’est Pedro qui engage le premier. Il se lève de sa chaise, contourne la table et presque rien ne le sépare de Maxime. Le rapprochement suffit pour que Maxime remarque les imperfections de son maquillage. Lorsque Pedro pose sa main sur son avant-bras, le journaliste se recule d’un coup. Une grimace se dessine sur le visage de l’hôte. Maxime devine sa déception au travers de ses traits.
« Écoute » débute-t-il d’une voix posée, incertaine « J’sais pas comment m’y prendre Maxime. »
Il est sincère, Maxime le croit.
« C’est la première fois que j’fais ça » poursuit-il. « J’voulais pas m’engager dans une relation, je l’avoue. J’ai horreur de ça, j’ai jamais été en couple et j’voulais jamais l’être. »
Son regard se perd, dissimulé derrière une barrière d’émotions versatiles, tantôt dubitatif, tantôt nostalgique, mélancolique. Mais il révèle son assurance quand il plante ses yeux azur dans les siens émeraude. Rien n’est plus sûr qu’à cet instant.
« Mais t’es arrivé dans ma vie » finit-il. « J’t’ai traité comme un amant parmi tant d’autre, une relation basée sur le sexe et l’amitié. »
Un sourire irradie sur son visage tiraillé, sourire qui contamine les traits de l’invité qui lutte à peine. Le Monégasque tente alors, loin de son assurance habituelle, de lui prendre une main dans la sienne. Pendant un instant, Maxime pense à reculer, à se défaire de sa poigne. Mais, quand Pedro entrelace leurs doigts, cette réflexion meurt dans la tendresse soudaine. Loin des sauvageries, loin du sexe casuel, le Français découvre une nouvelle facette qu’il n’a qu’entrevue lors de leur liaison.
« Mais tu ne l’étais pas, poursuit Pedro, t’étais loin de l’être, parce que j’ai commencé à développer un truc pour toi. »
Une grimace outrepasse son visage. Cela ressemble à du dégoût.
« De l’attachement ? s’assure Maxime
- Un truc plus fort que ça. J’étais attaché à Charles, mais c’est pas pour autant que j’voulais passer un bout de ma vie avec lui. »
Pedro baisse son regard, remarque leur main liée. Puis, il relève la tête. La crainte se lit sur son visage. Maxime le rassure comme il peut, prend à son tour l’autre main.
« J’sais pas dans quoi j’m’embarque » déclare Pedro « Mais pour toi, j’veux bien essayer. D’être en couple j’veux dire. »
Maxime sent son cœur battre à la chamade, celui-ci résonnant dans tout son corps, la pulsation régulière, vive, sifflant dans ses oreilles. Mais il doit s’assurer d’une chose avant tout. Parce qu’il a été blessé une fois, il ne peut s’empêcher de douter. Lui confier son cœur quand il l’a déjà brisé ne semble pas être l’idée la plus raisonnée. C’est pourquoi il lui conjure :
« Promets-moi que tu ne me feras plus mal. »
Les rôles se sont échangés. Pedro, tout chétif, hoche de la tête, alors que Maxime prend les devants.
« J’pourrais jamais te refaire du mal. Je… »
Sa phrase se tait quand Maxime dépose un tendre et chaste baiser. Il se recule, regarde Pedro. Lorsqu’ils s’échangent un sourire mièvre, lorsqu’il parvient à lire la passion dans ses yeux, lorsque leur lien digital se renforce, il sait qu’il ne se trompe pas. Alors, il unit à nouveau leurs lèvres, ces derniers mouvants dans un rythme que seul eux connait. Au-dehors, une victoire se fête, l’éclat des feux d’artifice violets éclaire leur félicité. Intérieurement, Maxime célèbre ses retrouvailles avec un être qu’il ne peut qu’apprécier. L’objet de ses tourmentes se trouve livré à son touché délicat et un rire s’échappe de ses lèvres entre deux baisers maladroits, signe d’un nouveau départ.
Il ignore où il se dirige, où cette relation le mènera. Mais le futur incertain ne l’empêche pas de profiter de l’instant présent, en témoigne son entrain dans leur échange. Pedro lui lance des regards inquiets alors qu’ils tentent une nouvelle expérience. Une impression prend les tripes de Maxime, celle de s’occuper d’une personne si fragile. Alors, il le rassure, l’embrasse avec tendresse et lui susurre des doux mots. Et, quand il s’occupe de lui, les yeux mouillés et le geste tremblant, la béatitude l’habite.
            Ils ne font pas l’amour ce soir-là. Mais l’ambiance douce leur prodigue un bonheur incommensurable. À son tour, Pedro imite les paroles de Maxime.
            « Promets-moi que tout va bien se passer. »
            Pour toute réponse, Maxime dépose un baiser sur le haut de son crâne, ses lèvres chassant les mèches blondes de son amant. Ils s’enlacent jusqu’à pas d’heure, s’échangent des baisers, boivent dans leur flûte le fond de champagne, le tout dans un silence agréable, brisé par des rires doux. Et ils s’endorment ainsi, enlacés, heureux.
            Le lendemain leur réserve un nouveau départ : l’aube d’une nouvelle vie.
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juangabrielramg · 6 months
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