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#Géographie du vide
max-the-french · 9 months
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Only Lucky
Je m'appelle Lucie Clover je suis âge de 7 ans, on m'a passé se carnet car on pense que je suis en post trauma et que je suis très timide.
Physique on m'a souvent dit que je mangé bien a la continue, j'ai des cheveux roux ondulé jusqu'au épaule avec un peau très pâle et de gros yeux verts pâle apparemment vide d'après les adultes.
J'ai un grand frère il est taré il a voulu me tué plusieurs fois ! Mais ils m'ont dit qu'ils laissé pas les frères et sœurs séparé. Un jour il arrivera à me tué.
Aujourd'hui après l'école on m'a récupéré et emmener dans une nouvelle maison il appelle ça un foyer. Mathieu et moi nous sommes dans une chambre avec un autre enfant bizarre. (Il dis ses phrases bizarre)
Point positif: je suis plus avec papa
Point négatif: je suis avec mon grand frère et un taré.
Sela faire une semaine que je suis au foyer. Le garçon bizarre s'appelle nikola il est allemand et c'est une vraie chialeuse. Il pleure tout le temps pour tout est important quoi. Les éducateurs le supporte pas mais moi ils m'apprécie beaucoup du au fait que je suis très calme et silencieux comme papa ma dit d'être les filles m'aime pas et les garçons sont bizarre. Mathieu lui est toujours aussi bizarre il fait comme si j'existe plus temps mieux mais il attaque d'autres petits.
J'en ai mare des 2 idiot qui dort avec moi ! Nikola s'énerve tout le temps avec Mathieu. D'après les médecins mon frère est différent fou. J'ai découvert que Nikola est autiste si qui peut expliquer son comportement des fois mais ça explique pas pourquoi il passe sa vie a pleuré. Sinon demain je reprends l'école ! J'espère avoir de la chance.
J'ai la poisse je le jure... J'ai découvert que mon papa m'a pas appris les bonne information, je suis ridiculiser devant tout le monde car je ne sais pas calculer, je connais pas l'histoire la géographie. Je sais juste écrire et lire car pour mon papa c'est les seuls choses qu'une princesse a besoin de savoir. Je suis beaucoup trop énervé. Les filles m'ont répété sur heureusement je suis mignonne je ne sais pas si c'est un compliment. Il y a que en français, anglais et sport où j'arrive à être pas trop mal. En parlent de français Nikola s'améliorer mais n'arrive pas a dire mon prénom il le prononce Lucky a la place de Lucie, Mathieu pour lui c'est Nath. C'est drôle mais aujourd'hui il est rentré dans la chambre couvert de bleu il a du se bagarré. Cette nuit il va sûrement la passer a pleurer. J'essaierai de lui demander pourquoi et voir si je peux éviter les visites de papa, il vient la semaine prochaine.
Aujourd'hui a été une journée très compliqué plus que d'habitude. J'étais à l'école toute seule assise contre le grillage, j'ai aperçu Niko de l'autre côté il m'a fait signe de venir se que j'ai fait car j'en avais marre de l'école et en plus il y avait une porte cassée a côté du grillage, en m'approchant de lui il me prit le bras et part en courant, heureusement que je suis forte en sport. Il m'avait emmener a une maison abandonnée ou se trouvait 2 balançoire, il m'a expliqué que ça ressemble à son ancienne maison. On s'était assis sur les balançoires, je lui est posé quelques questions il m'a raconté qu'avant il vivait chez son papa et qu'il avait une petite sœur qui est morte il y a plusieurs années a la suite il fut envoyé en français puis dans le foyer, tout les soirs il pleurait pour ça sœur. Je lui est fait le plus gros des câlins. Bref grosse journée...
Je veux disparaître, partir, m'enfuir où peut importe t'en que je serai loin d'eux, loin de lui. Lui qui hantent mes cauchemars, les éducateurs m'ont dit qu'il nous reprendrons très bientôt. Entre retourner avec lui ou mourir la mort me semble plus doux...
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stephanedugast · 1 year
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📌[ÉCHO] La pédale joyeuse, l'inspiration féconde et le coeur tout réchauffé avec l'avis de La librairie des Halles : « Un hymne aux gens et à la proximité. Stéphane prend la route à la rencontre des habitantes et habitants qui vivent dans ces villages, dans ces territoires méconnus qui pourtant couvrent une grande partie de la métropole. Images de courses cyclistes en tête, carnet à la main, les espaces sauvages au cœur, le défi qu'il s'est lancé est simple : traverser l'hexagone en empruntant les routes et chemins de la diagonale du vide à califourchon sur « son Raymond », son vélo. Entre road trip et enquête, Stéphane Dugast livre un récit accessible qui nous entraîne dans les territoires ruraux qui font notre pays. Ce récit de voyage est tout à la fois une formidable aventure humaine et un documentaire sur nos campagnes, une rencontre avec les gens qui la vivent et une invitation à redécouvrir les plaisirs du voyage et de la découverte proche de chez soi ». « L’Échappée - La France en diagonale et à vélo », 224 pages, 19,00 €. Éditions du Trésor. Pour le commander 👉 https://urlz.fr/kTge #niort #niortmaville #bookstagram #coupdecoeur #vélo #récit #libraireindependant #lalibrairiedeshalles #pays #librairieindependante #stephanedugast #métropole #stephanedugast #roadtrip #editionsdutresor #livre #vélo #léchappée #échappée #histoire #géographie #aventure #nature #bikepacking #exploration #récit #éditionsdutrésor #dunkerque #hendaye #ladiagonaleduvide #france #lafranceréenchantée #couverture #jaune #lafranceendiagonale #vélotourisme #cyclotourisme  #vélo #bicyclette #librairie
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vidoggytv-blog · 1 year
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Comment organiser une petite fête de départ à la retraite ?
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Voici 7 idées de fêtes de départ à la retraite sur ce qu'il faut faire à la fête : - Discours. - Commémorez le retraité. - Créez un thème amusant pour une fête de retraite . - Impliquez la famille et les amis en dehors du travail. - Créez une liste de lecture amusante sur le thème de la retraite . - Jouez à des jeux de fête de retraite ou planifiez une célébration unique. - Rendez-le facile à garder en contact. De ce fait, comment planifier une fête de départ à la retraite ? Voici comment planifier et organiser une fête de retraite mémorable : - Définir un thème de fête de retraite. - Établissez un budget pour les fêtes de retraite. - Rassemblez les décorations. - Sélectionnez des jeux et des activités de fête de retraite. - Offrez un cadeau de retraite attentionné. À côté de ci-dessus, combien de temps devrait durer une fête de retraite ? Dans un lieu, au moins 4 heures selon la fête et si la danse est incluse. Combien de temps après la retraite de la personne devrions -nous organiser la fête de la retraite ? La plupart du temps, ce n'est pas plus tard que 2 semaines après leur retraite. Personnellement, je le ferais en soirée après leur dernière journée de travail ! À ce sujet, que faites-vous lors des fêtes de départ à la retraite ? Voici quelques idées de fêtes de départ à la retraite pour vous aider à y parvenir. - Allez local. - Insistez sur les discours. - Soyez créatif avec votre fête de retraite. - Avoir un "rôti de célébrité" - Organisez une fête costumée. - Construisez votre fête autour des loisirs préférés de votre invité d'honneur. - Sortez et faites-en un pique-nique. - Faites-en une fête "Géographie".   Comment planifier une fête de retraite pour ma mère? Lors de la planification d'une fête de retraite, gardez quelques conseils à l'esprit. - C'est son jour alors assurez-vous qu'elle est la reine ce jour-là. Ne lui demandez pas de vous aider. - Portez une attention particulière aux décorations de la fête. N'en faites pas trop; gardez-les simples mais élégants. - Ne vous perdez pas dans la foule.   Quel est le meilleur cadeau pour une fête de retraite ?   Les meilleurs cadeaux de retraite ? Quelque chose pour un passe-temps nouveau ou existant - Un nouvel ensemble de clubs de golf. - Une canne à pêche spécialisée. - Cours de cuisine, de tennis ou autres. - Un appareil de lecture Kindle ou un chèque-cadeau de librairie. - Un chèque-cadeau dans un magasin d'artisanat.   Qu'est-ce qu'une bonne chanson de retraite ?   La meilleure chanson sur la retraite - Nous devons sortir de cet endroit - Les animaux. - Trop de temps sur mes mains - Styx. Je ne peux pas me retenir - Survivant. - Né pour être sauvage - Steppenwolf. Trop tard pour faire demi-tour maintenant - Cornelius Brothers & Sister Rose. - Le travail est un mot de quatre lettres – The Smiths. - C'est un beau matin - Les nouveaux coquins. - Chain Gang – Sam Cooke.   Quel genre de nourriture servez-vous lors d'une fête de départ à la retraite ?   Débarrassez-vous des plats préférés du chef à l'heure du déjeuner avec l'une de ces idées culinaires incontournables pour les fêtes de retraite. - Salades fraîches. - Salades de pâtes. - Couscous. - Sandwichs aux doigts. - Mini pâtés chinois. - Quiche. - Mini pâtés au poulet. - Fromage et craquelins.   Comment dire au revoir à quelqu'un qui prend sa retraite ?   Joyeux voeux de retraite ! Je vous souhaite le meilleur dans votre nouvelle vie de retraité . Tout le meilleur pour une retraite incroyable ! Profitez de votre nouveau chapitre de vie, où vous devenez votre propre patron.   Apporter un cadeau à une fête de départ à la retraite ?   Il vaut mieux ne pas aller les mains vides à une fête de départ à la retraite . C'est un beau geste d' apporter un cadeau à moins qu'il ne soit mentionné sur l'invitation. Ensuite, une carte avec les meilleurs voeux est suffisante. Lorsque vous ne connaissez pas bien le retraité ou que vous devez payer la nourriture et les boissons, vous n'avez pas besoin d' apporter de cadeau .   Combien coûte une fête de départ à la retraite ?   Selon l'endroit et tout ce que vous voulez avoir lors d'une fête de retraite , le coût pour y assister pourrait être de 100,00 $ par personne. En moyenne , j'ai vu que le coût se situait entre 65,00 $ et 75,00 $. Maintenant, cela inclut la nourriture, le bar ouvert et un cadeau pour la personne qui prend sa retraite . De cette façon, vous n'avez pas à vous soucier d'apporter un cadeau.   Quelles couleurs sont bonnes pour une fête de retraite?   Schémas de couleurs classiques Restez simple avec un jeu de couleurs noir et blanc ; ajoutez un peu de distinction en optant pour des assiettes en papier noires et des banderoles blanches, au lieu de la combinaison plus attendue d'assiettes blanches et de banderoles noires. Ajoutez un peu d'éclat à une fête de départ à la retraite avec une palette de couleurs argent et or .   Que doit dire une invitation à la retraite ?   Libellé pour les invitations formelles Adressez les invités par leurs titres et noms de famille. Commencez l' invitation par une salutation telle que "Veuillez vous joindre à nous pour un dîner de retraite en l' honneur de John Smith". Utilisez une formulation polie et claire dans vos invitations et une signature formelle comme « Sincèrement » à la fin. Assurez-vous ensuite de signer votre nom.   Qu'offrez-vous à un collègue pour la retraite ?   Idées cadeaux de départ à la retraite pour un collègue - Décorations de fête d'adieu. - Une tasse personnalisée. - Cartes de visite de retraite. - Livre de coloriage de retraite. - Bouteilles de vin avec étiquettes personnalisées. - Ceinture de retraite. - Tasse à café personnalisée. - Environ personnalisé.   Qu'est-ce qu'un bon cadeau de retraite pour un homme ?   Les 15 meilleurs cadeaux de retraite pour hommes - Kit de bûche aux champignons shiitake. uncommongoods.com. - Couteau de poche pour outils de golfeur. amazon.com. - Aberlour A'bunadh Single Malt. reservebar.com. - Tasse intelligente Ember. amazon.com. - Kindle Paperwhite. amazon.com. - Baskets de tennis Cole Haan GrandPro. nordstrom.com. - Peignoir Coyuchi Cloud Loom. - Montre de plongée Seiko 5.   Qu'est-ce qui définit la retraite?   La retraite , selon le dictionnaire, consiste à « se retirer de son poste ou de son occupation ou de la vie active ». Vous pouvez atteindre la retraite lorsque vous avez des sources de revenus qui ne doivent pas nécessairement être gagnées en travaillant. La retraite et le terme « indépendance financière » sont souvent utilisés de manière interchangeable.   Comment les enseignants organisent-ils les fêtes de départ à la retraite ?   Donc, vous voulez bien faire les choses. - Considérez les émotions de l'enseignant qui prend sa retraite. - Les images mettent en lumière la vie d'un enseignant. - Donnez un clin d'œil à la mode de l'enseignant qui prend sa retraite. - Inclure les invités spéciaux d'un enseignant. - Crowdsourcez une liste de choses à faire pour l'enseignant qui prend sa retraite. - Les poèmes rendent une fête de retraite des enseignants encore plus significative.   Comment fêter sa retraite au travail ?   Voici nos dix meilleures idées pour honorer votre retraite. - Planifiez une fête de retraite. Il existe de nombreuses façons de célébrer la fin de votre carrière en milieu de travail. - Aller en voyage. - Prenez le temps de vous détendre. - Lire la suite. - Prenez un stylo. - Créez une routine d'exercices. - Apprenez de nouveaux passe-temps. - Profitez de plus de temps avec vos petits-enfants.   Qui invitez-vous à une fête de départ à la retraite ?   Mais globalement, la règle est d'inclure toutes les personnes importantes dans la vie du retraité. Il s'agit d'une liste de membres de la famille, d'amis et de collègues proches qui sont devenus des amis du retraité. Lorsque vous êtes celui qui prend sa retraite et organise la fête , c'est à vous de décider qui vous voulez inviter .   Combien d'argent devriez-vous donner comme cadeau de retraite?   En moyenne, les gens dépensent entre 10 $ et 50 $ pour un cadeau de retraite selon la relation qu'ils entretiennent avec le retraité. Le montant d' argent que vous devriez dépenser pour le cadeau de retraite dépend de vos revenus et de la relation que vous entretenez avec le retraité.   Qu'est-ce qu'un bon cadeau de retraite pour une femme ?   31 cadeaux de retraite formidables pour les femmes - Journal de voyage à gratter. Voyager est l'une des meilleures parties de la retraite et avec ce journal de voyage, elle pourra planifier le voyage parfait. - Expérience de spa de luxe Hydro. - Vous n'êtes vieux qu'une fois ! - J'ai terminé les fourches de retraite. - 50 états, 5 000 idées. - Marque-page personnalisé. - Tasse drôle de retraite. - Cadeau signature de retraite.   Comment fêtez-vous la retraite de vos parents ?   Vos parents partent bientôt à la retraite et vous aimeriez célébrer cette occasion spéciale. Façons de célébrer la retraite de vos parents : - planifier une fête de retraite. - donner un cadeau. - donner une expérience à vivre ensemble. - les envoyer en vacances. - tenir un discours. - prévoir un rôti. - créer une vidéo. - créer un album (photo). Read the full article
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marketresearch23 · 2 years
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Le rapport se concentre sur la taille du marché Capteurs de pression, la taille du segment (couvrant principalement le type de produit, lapplication et la géographie), le paysage des concurrents, le statut récent et les tendances de développement. En outre, le rapport fournit une analyse détaillée des coûts, de la chaîne dapprovisionnement. Linnovation et les progrès technologiques optimiseront davantage les performances du produit, le rendant plus largement utilisé dans les applications en aval. De plus, lanalyse du comportement des consommateurs et la dynamique du marché (moteurs, contraintes, opportunités) fournissent des informations cruciales pour connaître le marché Capteurs de pression.
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edgarmoser · 3 years
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hubert-félix thiéfaine - géographie du vide
nouvel album 2021
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lesmotsmamuse · 3 years
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Collage en cours et dans le lecteur CD... Géographie du vide.
https://youtu.be/rdNyRP8rw-s
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thebusylilbee · 3 years
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Oeuvre du philosophe congolais Valentin Mudimbe, «l'Invention de l'Afrique» est un grand livre. Proc��dant à une déconstruction systématique des discours produits sur l'Afrique depuis la fin du xixe, il montre à quel point ce continent est un objet fabriqué par les Européens -explorateurs, missionnaires, anthropologues-, et qui a fini par conditionner la manière dont les Africains parlent d'eux-mêmes. Alors qu'il est paru en 1988 aux Etats-Unis, il a fallu attendre trente-trois ans pour qu'il soit traduit en français, par Laurent Vannini, chez Présence africaine. « L'Obs » a demandé à la philosophe française Yala Kisukidi, maîtresse de conférences à Paris-VIII et lectrice assidue de Mudimbe, d'expliquer la nécessité de ce livre et l'importance de son auteur, aujourd'hui âgé de 79 ans.
Que représente ce livre pour vous ?
Quand j'étais au lycée, on nous enseignait exclusivement des traditions de pensée européennes, centrées sur des figures intellectuelles masculines. Je me souviens, à cette époque, de discussions avec mon père, lui demandant s'il existait des philosophes africains. La découverte, quelques années plus tard, de « l'Invention de l'Afrique» a été importante à plusieurs égards. D'abord, cette oeuvre, même si ce n'est pas la seule, faisait éclater les traditions canoniques auxquelles j'avais toujours été confrontée, en France, dans l'enseignement secondaire et supérieur. Ensuite, ce livre - je dirais même toute l'oeuvre de Mudimbe - procède à un démontage systématique des préjugés véhiculés sur l'Afrique, en fustigeant non pas seulement les sciences coloniales européennes mais aussi certains grands discours tenus par les Africains eux-mêmes sur le continent. Enfin, il m'a ouverte à d'autres bibliothèques, dans sa manière très singulière de se rapporter aussi bien à des auteurs dits « classiques » qu'à des auteurs moins connus au regard du canon philosophique.
Vous diriez que le travail mené par Mudimbe dans ce livre est principalement un travail de déconstruction ?
Non, ce serait aller trop vite en besogne. Un peu à l'image de ce qu'a fait Edward Saïd dans « l'Orientalisme », Mudimbe opère un démontage critique des savoirs dits « africanistes » pour voir comment a été produit, entre la fin du xixe siècle et le début du xxe, un objet appelé « Afrique ». Un objet sans sujet, car dans ces discours il est fait très peu de cas de la subjectivité africaine. Mais il montre aussi comment ces constructions discursives circulent encore aujourd'hui, à la fois dans les images archaïques que l'Europe continue de construire sur l'Afrique, et dans certaines paroles que les Africains produisent sur eux-mêmes. Le projet de Mudimbe est à la fois critique et positif : comment se défaire de « l'odeur du père » - le père étant cet Occident colonial qui construisit cet objet-Afrique pour le maîtriser, le domestiquer ? Et comment produire un ordre africain des savoirs ? On ne pense et on n'écrit jamais à partir d'une page blanche. Les discours sur l'Afrique sont saturés de clichés, d'images qui possèdent une longue histoire. Les démonter, c'est ouvrir la voie à la possibilité d'autres discours.
Par quoi est caractérisé cet objet-Afrique que déconstruit Mudimbe ?
La négativité. L'Afrique a été conçue comme une altérité absolue - le négatif de l'Europe, sa différence radicale. Mais cette négativité n'est pas strictement descriptive, elle s'accompagne d'une théologie du salut : comment sauver l'Afrique de sa propre différence ? Comment la sauver d'elle-même ? Comment faire en sorte qu'elle devienne le « même », c'est-à-dire qu'elle échappe à sa différence pour rejoindre le modèle européen ? Tel est le coeur du projet de mission civilisatrice ou des rhétoriques, au xxe siècle, sur le développement. Un aparté, personnel cette fois : encore aujourd'hui, il est rare d'entendre, dans notre hémisphère, un discours sur l'Afrique qui ne s'accompagne pas de la prétention de la sauver.
Il y a des passages très frappants dans le livre. Par exemple celui où Mudimbe explique qu'on a mis très longtemps à accorder aux Africains le droit d'avoir des connaissances scientifiques qui n'auraient pas été importées par les Européens. Mudimbe se montre alors très cruel envers la prétention des Occidentaux - qui vont jusqu'à inventer de toutes pièces des voyages de savants pour appuyer leurs théories - mais il garde une distance presque amusée...
L'écriture de Mudimbe n'est pas une écriture de l'indignation ou du combat. On peut déceler, parfois, dans ses écrits, une ironie qui n'est pas étrangère au ton de certains textes de la tradition philosophique classique. Mudimbe interroge constamment les promesses de vérité du savoir et de la philosophie. Ont-elles été tenues en ce qui concerne la constitution de l'Afrique comme objet de savoir dans les sciences coloniales ? Comment s'articule, pour reprendre les termes fameux de Foucault, savoir et pouvoir dans cet entremêlement de voix et de discours sur l'Afrique ? L'ironie est une lucidité ; elle accompagne l'entreprise de démontage critique qu'entreprend Mudimbe dans « l'Invention de l'Afrique » mais aussi dans d'autres grands livres comme «The Idea of Africa» (1994) - à ce jour non traduit en français.
Quelle place occupe aujourd'hui ce livre dans les études postcoloniales et décoloniales ?
A ma connaissance, Mudimbe n'a jamais utilisé l'un ou l'autre de ces termes pour parler de son propre travail. Il serait ainsi fâcheux de lui accoler, trop spontanément, l'un de ces deux mots, comme on fixerait des labels. Néanmoins, c'est le développement des études postcoloniales et des approches décoloniales en France qui a fait que certains auteurs sont devenus visibles, lisibles, et qu'un plus grand nombre de personnes, travaillant hors de ces champs, peuvent prendre la mesure de l'importance de leurs travaux. C'est un paradoxe: études postcoloniales et décoloniales sont vivement attaquées aujourd'hui, dans certains cercles politiques et médiatiques, mais elles contribuent depuis vingt ans à ouvrir le monde intellectuel français à d'autres géographies de l'intelligence et de la pensée.
Comment vous expliquez-vous que ce livre ne soit traduit en français que trente-trois ans après sa publication en anglais ?
Il y a sans doute des raisons très empiriques (droit, traduction, etc.), des raisons plus idéologiques, aussi, certainement. Mais il me semble plus intéressant de noter que ce livre est traduit à un moment où il peut être reçu correctement et par le plus grand nombre. Il n'est pas rare d'entendre, encore, même dans des lieux savants, que l'Afrique apparaît comme un vide textuel. Ou de constater que des expressions, vieillies, qui ont façonné l'objet-Afrique («Afrique noire», etc.) restent ancrées dans la parole. Or, malgré certaines formes de rétrécissement de l'esprit qui tentent, en vain, de s'imposer aujourd'hui, le discours qui décrit l'Afrique, dans sa totalité, comme terra nullius de la pensée n'est plus tenable. De grandes voix intellectuelles, qu'elles viennent d'Afrique, d'Amérique latine, de la Caraïbe, d'Asie ou d'ailleurs, tracent leur sillage dans notre paysage intellectuel. Ce fut long, et la possibilité de cheminer désormais avec elles est plus que salutaire.
Vous avez rencontré Valentin Mudimbe il y a quelques années lors d'un colloque à l'Ecole normale supérieure à Paris. Quel genre de personne est-il ?
J'avais coorganisé ces rencontres autour de Mudimbe avec le philosophe Salim Abdelmadjid. Je me rappelle la précision de son maniement des textes, son érudition qui pouvait donner le vertige ! Sa circulation entre les langues, mortes ou vivantes. C'est sans doute le fruit d'une trajectoire singulière. Né dans l'ancien Congo belge, il s'engage dans la voie ecclésiastique, avec laquelle il rompt dans les années 1960. Il quitte le Congo, devenu Zaïre sous le régime du dictateur Mobutu Sese Seko, et enseigne, ensuite, aux Etats-Unis. Dans son autobiographie intellectuelle, « les Corps glorieux des mots et des êtres », il décrit comment la règle bénédictine « ora et labora », « prie et travaille », a marqué sa manière de se rapporter au monde, à l'écriture et aux livres. Lors de ces rencontres, à Paris, se manifestait aussi une inquiétude quant au devenir de la République démocratique du Congo, du Rwanda, à la condition des femmes dans cette partie de l'Afrique centrale. Une certaine attention aux mondes du silence ne le quittait pas.
- « L'Invention de l'Afrique », par Valentin Mudimbe (Présence africaine, 516 pages, 20 euros).
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wildoute · 4 years
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MAP B / Danny Steve. 
Planispheres 2020
blue back paper 120gms A0, data print 80 cm x 120 cm, 50 euros
All maps are wrong. Danny Steve’s map projections are peelings of the earth, far from the rectangular Mercator reference model which deforms continents at the expense of equatorial regions (Greenland appears as large as Africa actually 14 times larger). If geography (continents, capital cities, reliefs, rivers, biomes) is unchanged, paths are new. No definite orientation or outrageous distortion in these representations, but great cracks. Blank space enters the map. It creates pieces of nowhere in our mental exploration with no legend to spoil our drift. According to his investigations or his dreams one can add any information on these great mysterious planispheres. All maps are stories. Andy Lhong
Toutes les cartes sont fausses. Loin du modèle référentiel rectangulaire de Mercator qui déforme les continents au détriment des régions équatoriales (le Groenland y figure aussi grand que l’Afrique pourtant 14 fois plus vaste), les projections cartographiques de Danny Steve sont des épluchures de la peau de la Terre. Si la géographie (continents, cités capitales, reliefs, fleuves, biomes) est inchangée, les chemins sont nouveaux. Nulle orientation définie ou distorsion outrageuse dans ces représentations mais de grandes déchirures. L’espace vide pénètre la carte. Il ouvre des failles dans notre exploration mentale sans qu’aucune légende ne perturbe notre égarement. Suivant ses enquêtes ou ses rêves, chacun peut ajouter des indications sur ces grands planisphères mystérieux. Toutes les cartes sont des histoires. A.L.
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La géographie humaine est la forme de l’Histoire. En quarante ans le paysage se refaçonna pour que passent les voitures. Elles devaient assurer le mouvement perpétuel entre les zones pavillonnaires et les parking de supermarchés. Le pays se piqueta de ronds-points. Désormais les hommes passeraient des heures dans leurs voitures. Les géographe parlaient du mitage du territoire : un tissu mou, étrange, n’appartenant ni à la ville ni à la pastorale, une matrice pleine de trous entre lesquels on circulait. Internet paracheva cette mue en fermant les dernières écoutilles. Après les Trente Glorieuses, on aurait pu donner aux premières décennies du XXIe siècle le nom des Vingt Cliqueuses. Les autels de la première période pointillaient la campagne : château d’eau, péages et pylônes. La seconde époque avait laissé moins de traces, se contentant de creuser le vide. Le monde se projetait sur un écran, on pouvait rester à la maison, entouré de « voisins vigilants », comme le proclamaient les dispositifs de sécurité municipale. Parfois, un foyer rural organisait une « tarte aux pommes avec partie de belote » le dimanche, pour ramener un ersatz d’énergie dans les villages dévitalisés.
Sylvain Tesson, Les chemins noirs
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p--a--s--s--i--o--n · 4 years
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~ La simplicité de l'amour ~
... Être sensible - savez-vous ce que cela signifie? Bien sûr, cela veut dire éprouver de la tendresse envers les choses : intervenir quand on voit un animal souffrir, ôter une pierre du chemin parce qu'il est foulé par tant de pieds nus, ramasser un clou sur la route pour éviter une crevaison à un automobiliste. Être sensible, c'est être ému par les gens, les oiseaux, les fleurs, les arbres - pas parce qu'ils vous appartiennent, mais juste parce que vous êtes conscients de l'extraordinaire beauté des choses. Comment susciter cette sensibilité?
Dès l'instant où l'on est profondément sensible, on cesse tout naturellement de cueillir les fleurs, on a un désir spontané de ne rien détruire, de ne faire de mal à personne, autrement dit, d'éprouver réellement du respect, de l'amour. Aimer est la chose qui compte le plus au monde. Mais qu'entendons-nous par « amour »? Quand vous aimez quelqu'un parce que cette personne vous aime en retour, ce n'est assurément pas de l'amour. Aimer, c'est avoir cet extraordinaire sentiment d'affection sans rien demander en retour. Vous avez beau être très doués, réussir tous vos examens, avoir un doctorat et décrocher une belle situation, si vous n'avez pas cette sensibilité, ce sentiment de simple amour, votre cœur restera vide et vous serez malheureux pour le restant de votre vie.
Il est donc essentiel d'avoir le cœur empli de ce sentiment d'affection, car alors vous ne détruirez pas, vous ne serez pas sans pitié, et il n'y aura plus de guerres. Alors vous serez des êtres humains heureux ; et parce que vous serez heureux, vous ne prierez pas, vous ne chercherez pas Dieu, car ce bonheur même est Dieu.
Mais comment cet amour va-t-il naître? L'amour doit, bien sûr, venir d'abord de l'éducateur, de l'enseignant. Si, en plus des informations qu'il vous dispense sur les mathématiques, la géographie ou l'histoire, le professeur a en lui ce sentiment d'amour et qu'il en parle, s'il retire spontanément le caillou du chemin et ne laisse pas le domestique faire toutes les sales corvées, si dans sa conversation, dans son travail, dans ses jeux, ou quand il mange, quand il est avec vous ou quand il est seul, il ressent cette chose étrange, et vous la fait remarquer à de multiples reprises, alors vous aussi saurez ce qu'aimer veut dire.
On a beau avoir la peau claire, un beau visage, porter un joli sari ou être un grand athlète - sans amour dans le cœur on est un être humain abominable, dont la laideur dépasse toute mesure. Mais quand on aime, que le visage soit beau ou ordinaire, il rayonne de splendeur. Aimer est ce qu'il y a de plus grand dans la vie ; et il est très important de parler de l'amour, de l'éprouver, de le nourrir, de le chérir, sinon il a tôt fait de se dissiper, car le monde est tellement cruel.
Si vous n'éprouvez pas d'amour tandis que vous êtes jeunes, si vous ne regardez pas avec amour les gens, les animaux, les fleurs, en grandissant vous constaterez que votre vie est vide ; vous serez très seuls, et l'ombre noire de la peur vous suivra toujours. Mais dès que vous aurez dans votre cœur cette chose extraordinaire qu'on appelle l'amour, et que vous en goûterez la profondeur, les délices, l'extase, vous découvrirez que pour vous le monde est transformé. – Jiddu Krishnamurti
Chapitre 22 - La simplicité de l'amour - Le sens du bonheur (1966) - Jiddu Krishnamurti (1895 -1986)
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mourirvieuxavectoi · 3 years
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12 septembre 1939
Ma nuit est comme un grand coeur qui bat. Il est trois heures trente du matin. Ma nuit est sans lune. Ma nuit a de grands yeux qui regardent fixement une lumière grise filtrer par les fenêtres. Ma nuit pleure et l'oreiller devient humide et froid. Ma nuit est longue et longue et longue et semble toujours s'étirer vers une fin incertaine. Ma nuit me précipite dans ton absence. Je te cherche, je cherche ton corps immense à côté de moi, ton souffle, ton odeur. Ma nuit me répond : vide ; ma nuit me donne froid et solitude. Je cherche un point de contact : ta peau. Où es-tu ? Où es-tu ? Je me tourne dans tous les sens, l'oreiller humide, ma joue s'y colle, mes cheveux mouillés contre mes tempes. Ce n'est pas possible que tu ne sois pas là. Ma tête erre, mes pensées vont, viennent et s'écrasent, mon corps ne peut pas comprendre. Mon corps te voudrait. Mon corps, cet aléa mutilé, voudrait un moment s'oublier dans ta chaleur, mon corps appelle quelques heures de sérénité. Ma nuit est un coeur en serpillière. Ma nuit sait que j'aimerais te regarder, chaque courbe de ton corps, reconnaître ton visage et le caresser. Ma nuit m'étouffe du manque de toi. Ma nuit palpite d'amour, celui que j'essaie d'endiguer mais qui palpite dans la pénombre, dans chacune de mes fibres. Ma nuit voudrait bien t'appeler mais elle n'a pas de voix. Elle voudrait t'appeler pourtant et te trouver et se serrer contre toi un moment et oublier ce temps qui massacre. Mon corps ne peut pas comprendre. Il a autant besoin de toi que moi, peut-être qu'après tout lui et moi ne formons qu'un. Mon corps a besoin de toi, souvent tu m'as presque guérie. Ma nuit se creuse jusqu'à ne plus sentir la chair et le sentiment devient plus fort, plus aigu, dénué de la substance matérielle. Ma nuit me brûle d'amour. Il est quatre heures du matin. Ma nuit m'épuise. Elle sait bien que tu me manques et toute son obscurité ne suffit pas pour cacher cette évidence. Cette évidence brille comme une lame dans le noir. Ma nuit voudrait avoir des ailes qui voleraient jusqu'à toi, t'envelopperaient dans ton sommeil et te ramèneraient à moi. Dans ton sommeil, tu me sentirais près de toi et tes bras m'enlaceraient sans que tu te réveilles. Ma nuit ne porte pas conseil. Ma nuit pense à toi, rêve éveillé. Ma nuit s'attriste et s'égare. Ma nuit accentue ma solitude, toutes mes solitudes. Son silence n'entend que mes voix intérieures. Ma nuit est longue et longue et longue. Ma nuit aurait peur que le jour n'apparaisse jamais plus mais à la fois ma nuit craint son apparition, parce que le jour est un jour artificiel où chaque heure compte double et sans toi n'est plus vraiment vécue. Ma nuit se demande si mon jour ne ressemble pas à ma nuit. Ce qui expliquerait pourquoi je redoute le jour aussi. Ma nuit a envie de m'habiller et de me pousser dehors pour aller cherche mon homme. Mais ma nuit sait que ce que l'on nomme folie, de tout ordre, sème désordre, est interdit. Ma nuit se demande ce qui n'est pas interdit. Il n'est pas interdit de faire corps avec elle, ça, elle le sait. Mais elle s'offusque de voir une chair faire corps avec elle au fil de la désespérance. Une chair n'est pas faite pour épouser le néant. Ma nuit t'aime de toute sa profondeur, et de ma profondeur elle résonne aussi. Ma nuit se nourrit d'échos imaginaires. Elle, elle le peut. Moi. j'échoue. Ma nuit m'observe. Son regard est lisse et se coule dans chaque chose. Ma nuit voudrait que tu sois là pour se couler en toi aussi avec tendresse. Ma nuit t'espère. Mon corps t'attend. Ma nuit voudrait que tu reposes au creux de mon épaule et que je me repose au creux de la tienne. Ma nuit voudrait être voyeur de ta jouissance et de la mienne, te voir et me voir trembler de plaisir. Ma nuit voudrait voir nos regards et avoir nos regards chargés de désir. Ma nuit voudrait tenir entre ses mains chaque spasme. Ma nuit se ferait douce. Ma nuit gémit en silence sa solitude au souvenir de toi. Ma nuit est linge et longue et longue. Elle perd la tête mais ne peut éloigner ton image de moi, ne peut engloutir mon désir. Elle se meurt de ne pas te savoir là et me tue. Ma nuit te cherche sans cesse. Mon corps ne parvient pas à concevoir que quelques rues ou une quelconque géographie nous séparent. Mon corps devient flou de douleur de ne pouvoir reconnaître au milieu de ma nuit ta silhouette ou ton ombre. Mon corps voudrait t'embrasser dans ton sommeil. Mon corps voudrait en pleine nuit dormir et dans ces ténèbres être réveillé parce que tu l'embrasserais. Ma nuit ne connaît pas de rêve pus beau que celui-là. Ma nuit hurle et déchire ses voiles, ma nuit se cogne à son propre silence, mais ton corps reste introuvable. Tu me manques tant. Et tes mots. Et ta couleur. Le jour va bientôt se lever.
- Lettre de Frida Kahlo.
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mrlafont · 4 years
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Ces journées chaudes de septembre, quand j’étais enfant, les ai-je vécues vraiment ou imaginées ? Quoi qu’il en soit je pense maintenant à ces journées dont j’ai le sentiment si particulier. Ces journées si particulières, si poétiques comme il pouvait en avoir dans mon enfance, avant l’hyper-communication, journées chaudes et langoureusement ensoileillées de mon esprit, qui me procuraient le sentiment de l’éternité, où le temps passait calmement, sans appréhension, sans lendemain. Journée lumineuse dont la chaleur n’était pas épuisante, imposée, mais venait caresser tout objet, rendait tout tendre, voluptueux, calme. Le soleil de fin de journée éblouissant les cuisines des grands-mères, les maisons de campagnes, les vraies, où ça sent les vieux torchons abrutis de soleil, les fleurs des champs, la terre, le vieux, pas ces nouvelles maisons de campagnes rénovées au goût du jour, hyper-modernisées, comme des appartements des villes. Oui, ces vieilles journées d’avant qui sentaient le vieux, journées d’avant l’envahissement de l’électronique, de l’Internet. Les campagnes mortes, le dimanche après-midi, n’étaient jamais vraiment mortes, la vie était toujours là peut-être même le plus intensément, prête à reprendre, parce que tout ce qu’elle recelait cette vieille campagne était là dans sa finalité et fonction. Nous ne vivons désormais plus avec notre géographie, la campagne n’est plus qu’une ville secondaire, plus silencieuse. Nous ne vivons plus avec la campagne mais simplement à la campagne. La vie moderne est un cancer qui a atteint presque toutes les géographies. La technologie moderne est la mort de la tradition, d’un certain art de vivre, d’une proximité vitalisante avec l’environnement direct. Vivre entassés n’est pas vivre à côté, cent dans un immeuble nous demeurons à des kilomètres les uns des autres. Tout nous sépare, nous ne nous connaîtrons jamais et nos histoires ne seront jamais liées qu’à cela même que nous aurions été si proches et à la fois si éloignés les uns des autres. Chaque vie devient dangereusement unique, bientôt nous n’aurions plus rien en commun. Nous ne vivons plus ensemble. L’individualisme a poussé les êtres vrais dans une affreuse solitude. Ceux qui se côtoient encore dans le monde moderne vivent à peine ensemble, ils se disent bonjour, rigolent un peu, roulent des mécaniques et s’en vont. Nous ne souffrons plus ensembles. À part les miséreux d’aujourd’hui, ceux qui, par destin, par automatisme, sont les parias, demi-parias car un pied dans la connerie moderne, de la société. Quand les clochards d’une civilisation n’ont plus de charme, c’est que les ressources spirituelles de celle-ci sont épuisées, nulles, vides.
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vincekris · 4 years
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12 septembre 1939
Ma nuit est comme un grand cœur qui bat.
Il est trois heures trente du matin.
Ma nuit est sans lune.
Ma nuit a de grands yeux qui regardent fixement une lumière grise filtrer par les fenêtres.
Ma nuit pleure et l’oreiller devient humide et froid.
Ma nuit est longue et longue et longue et semble toujours s’étirer vers une fin incertaine.
Ma nuit me précipite dans ton absence.
Je te cherche, je cherche ton corps immense à côté de moi, ton souffle, ton odeur.
Ma nuit me répond : vide ; ma nuit me donne froid et solitude.
Je cherche un point de contact : ta peau. Où es-tu ? Où es-tu ?
Je me tourne dans tous les sens, l’oreiller humide, ma joue s’y colle, mes cheveux mouillés contre mes tempes.
Ce n’est pas possible que tu ne sois pas là.
Ma tête erre, mes pensées vont, viennent et s’écrasent, mon corps ne peut pas comprendre.
Mon corps te voudrait.
Mon corps, cet aléa mutilé, voudrait un moment s’oublier dans ta chaleur, mon corps appelle quelques heures de sérénité.
Ma nuit est un cœur en serpillière.
Ma nuit sait que j’aimerais te regarder, chaque courbe de ton corps, reconnaître ton visage et le caresser.
Ma nuit m’étouffe du manque de toi.
Ma nuit palpite d’amour, celui que j’essaie d’endiguer mais qui palpite dans la pénombre, dans chacune de mes fibres.
Ma nuit voudrait bien t’appeler mais elle n’a pas de voix.
Elle voudrait t’appeler pourtant et te trouver et se serrer contre toi un moment et oublier ce temps qui massacre.
Mon corps ne peut pas comprendre.
Il a autant besoin de toi que moi, peut-être qu’après tout lui et moi ne formons qu’un.
Mon corps a besoin de toi, souvent tu m’as presque guérie.
Ma nuit se creuse jusqu’à ne plus sentir la chair et le sentiment devient plus fort, plus aigu, dénué de la substance matérielle.
Ma nuit me brûle d’amour.
Il est quatre heures du matin.
Ma nuit m’épuise.
Elle sait bien que tu me manques et toute son obscurité ne suffit pas pour cacher cette évidence.
Cette évidence brille comme une lame dans le noir.
Ma nuit voudrait avoir des ailes qui voleraient jusqu’à toi, t’envelopperaient dans ton sommeil et te ramèneraient à moi.
Dans ton sommeil, tu me sentirais près de toi et tes bras m’enlaceraient sans que tu te réveilles.
Ma nuit ne porte pas conseil.
Ma nuit pense à toi, rêve éveillé.
Ma nuit s’attriste et s’égare.
Ma nuit accentue ma solitude, toutes mes solitudes.
Son silence n’entend que mes voix intérieures.
Ma nuit est longue et longue et longue.
Ma nuit aurait peur que le jour n’apparaisse jamais plus mais à la fois ma nuit craint son apparition, parce que le jour est un jour artificiel où chaque heure compte double et sans toi n’est plus vraiment vécue.
Ma nuit se demande si mon jour ne ressemble pas à ma nuit. Ce qui expliquerait pourquoi je redoute le jour aussi.
Ma nuit a envie de m’habiller et de me pousser dehors pour aller cherche mon homme.
Mais ma nuit sait que ce que l’on nomme folie, de tout ordre, sème-désordre, est interdit.
Ma nuit se demande ce qui n’est pas interdit.
Il n’est pas interdit de faire corps avec elle, ça, elle le sait. Mais elle s’offusque de voir une chair faire corps avec elle au fil de la désespérance. Une chair n’est pas faite pour épouser le néant.
Ma nuit t’aime de toute sa profondeur, et de ma profondeur elle résonne aussi.
Ma nuit se nourrit d’échos imaginaires. Elle, elle le peut. Moi. j’échoue.
Ma nuit m’observe. Son regard est lisse et se coule dans chaque chose.
Ma nuit voudrait que tu sois là pour se couler en toi aussi avec tendresse.
Ma nuit t’espère. Mon corps t’attend.
Ma nuit voudrait que tu reposes au creux de mon épaule et que je me repose au creux de la tienne.
Ma nuit voudrait être voyeur de ta jouissance et de la mienne, te voir et me voir trembler de plaisir.
Ma nuit voudrait voir nos regards et avoir nos regards chargés de désir.
Ma nuit voudrait tenir entre ses mains chaque spasme.
Ma nuit se ferait douce.
Ma nuit gémit en silence sa solitude au souvenir de toi.
Ma nuit est linge et longue et longue.
Elle perd la tête mais ne peut éloigner ton image de moi, ne peut engloutir mon désir.
Elle se meurt de ne pas te savoir là et me tue.
Ma nuit te cherche sans cesse.
Mon corps ne parvient pas à concevoir que quelques rues ou une quelconque géographie nous séparent.
Mon corps devient flou de douleur de ne pouvoir reconnaître au milieu de ma nuit ta silhouette ou ton ombre.
Mon corps voudrait t’embrasser dans ton sommeil.
Mon corps voudrait en pleine nuit dormir et dans ces ténèbres être réveillé parce que tu l’embrasserais.
Ma nuit ne connaît pas de rêve pus beau que celui-là.
Ma nuit hurle et déchire ses voiles, ma nuit se cogne à son propre silence, mais ton corps reste introuvable. Tu me manques tant. Et tes mots. Et ta couleur.
Le jour va bientôt se lever.
(Lettre nocturne qu’elle ne lui a jamais envoyée) Ma nuit accentue ma solitude, toutes mes solitudes.
Frida Kahlo
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manieresdedire · 4 years
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ROMAN-FEUILLETON : S’aimer n’est pas une petite entreprise
PREMIER ÉPISODE
Première partie
- I - Adrien
Le soleil d'été inondait la vaste cuisine aux murs et aux meubles blancs, jaunes paille et bleus pastel. Assis face à la fenêtre, songeur et détendu, Adrien buvait un café et s’apprêtait à savourer le beurre cru de baratte et la confiture d'abricots qu'il avait généreusement étalés sur des tranches découpées dans une grosse miche de pain frais.
La cloche de l'église du village venait de sonner une huitième et dernière fois. Le programme de sa journée n'était pas encore fixé. Sa nuit avait été douce et tranquille. Il se sentait de grandes possibilités.
Sa maison réclamait un peu de rangement. Du linge propre empilé patientait sur un guéridon. Des chemises, des polos, des sous-vêtements et des chaussettes, le tout déjà porté, jonchait le sol, le canapé et même un meuble ou deux. Des livres ouverts retournés ou fermés, qui auraient été davantage à leur place sur un chevet, une étagère ou le bras d'un fauteuil, étaient abandonnés n'importe où, au pied du lit, sur le parquet d'une chambre, les tomettes du séjour, le tapis du salon, le rebord de la baignoire. Des verres étaient posés ici et là, exactement aux endroits où ils s'étaient retrouvés définitivement vides. Des bouteilles de vin de Madiran, de Pacherenc et de Fronton, blancs et rouges, se dressaient honteuses et vides dans la cuisine, le salon, et même dans la salle de bain.
Il régnait dans la grande chambre un joyeux et coloré capharnaüm : draps froissés oranges, oreillers aplatis jaunes et bruns, traversin ocre tordu, tapis aux dessins kandiskyniens, coins rabattus, tout semblait sens dessus dessous, dans un fouillis presque esthétique.
Avant le grand ménage, Adrien pensait marcher à vive allure, deux ou trois heures, sur les sentiers des environs, à travers la prairie et les bois, le long de la rivière proche. Il déjeunera d'un casse-croûte qu'il composera dans les instants suivant sa toilette. Après quoi, en fin d'après midi, il se rendra à Marciac dans le Gers, chez Vincent, son ami de toujours, où tous les deux boiraient un peu de vin et iraient ensuite flâner dans la cohue du village des restaurants provisoires, traîner autour des manifestations “off”, puis assister aux deux grands concerts d’ouverture du festival de Jazz.
La semaine avait été inféconde du point de vue de son activité journalistique, mais riche de relations sociales. Sept jours durant, il avait reçu voisins, voisines et amis de fraîches dates, petits producteurs fermiers pour converser, approfondir sa connaissance des victuailles de la région : confits de canard, fois gras d'oie et fromages de brebis, légumes, charcuteries…
Il n'avait pu faire affaire sans goûter ni boire. Jamais seul. Un essai, un vin, une fricassée, une poêlée avaient succédé à d'autres et la petite maison de village qu'Adrien louait depuis un an était vite devenue, après quelques jours à ce régime, un foutoir sans pareil.
Une femme généreuse et accorte l’avait accompagné jusqu’au petit matin et lui avait laissé, avant de se retirer, vraisemblablement sur la pointe des pieds, ce petit mot charmant : "Tout fut à mon goût, particulièrement toi".
Le désordre n'était pas au nombre de ses tendances, mais depuis sa dernière liaison qui n'avait pas duré trois ans, il avait changé. Ses pratiques domestiques, ses habitudes de vie se modifiaient. Ses notions d'ordre et de désordre se confondaient sur un étroit nuancier.
Journaliste indépendant, il vivait de piges, faisait dans la culture et la chronique tous sujets. Il était l'auteur de cinq romans policiers qui avaient su trouver des lecteurs. Il lui arrivait de faire des reportages.
Depuis qu'il avait quitté Élisa avec laquelle il n'avait pas su vivre, il était sonné et s'en voulait. Il avait fui les querelles à propos de rien mais qui gâchaient trop d'heures passées ensemble, invariablement suivies de mises au point et de réconciliations sans souffle. Le conflit s’était installé, la conviction d’un avenir commun éclipsée.
Il ne parvenait pas encore à se persuader qu'il avait eu raison de rompre.
Au cours de petites séquences, il s'efforçait de s'intéresser à son avenir, tentait de refaire de petits projets.
Il était fort du temps présent et prenait ce qui passait à portée de sa vie qui filait, comme une chance d'échapper à la solitude et à la tristesse.
Copains d'un soir, amies fugaces, brèves amours, il ne perdait aucune occasion de faire connaissance, de tisser des liens, légers et éphémères, de faire de petites fêtes. En veillant à ne pas entamer sévèrement sa santé ni gâcher sa bonne forme physique. Il avait peur non tant de vieillir mais que lui-même remarquât qu'il se dégradait.
Il restait hanté par Élisa et ne pouvait avoir une nouvelle relation sans comparer. Plus leurs corps présentaient des ressemblances avec celui d’Élisa, plus forte était sa nostalgie. Si les différences étaient bien marquées et que la belle fût moins bien faite, ses regrets retardaient son excitation puis son plaisir, quand ils ne les empêchaient pas. Il la cherchait chez toutes. Les visages se succédaient sans qu'il lui fût permis d'y retrouver Élisa. Elle restait unique. Il n'avait pas rencontré femme plus aimable et affriolante, plus intelligente et cultivée.
Il avait quitté Paris qu'il ne supportait plus - la pollution, les embouteillages et surtout Elle, qui y vivait encore - pour un village de Haute Garonne qu'il avait découvert avec des copains étudiants, dix ans plus tôt.
Il s'était installé à Fronton, au Nord de Toulouse et avait choisi cet endroit parce qu'il était résolument au sud de la France
Après avoir vécu longtemps en Rhénanie puis en région parisienne, passé ses plus belles vacances des étés de sa jeunesse dans le Var et l’Hérault, avec deux incursions espacées en Corse, "Sud" et "Méditerranée" étaient restés des mots magiques qui mettaient en marche sa fabrique de rêves.
Deux noms qui n’avaient rien perdu de leur pouvoir de raviver les vieux souvenirs :  longs trajets jusqu’à Fréjus ou Propriano, jeux de plages, d’eau et de ballons, familles en roue libre, boîtes de nuit. Aujourd’hui, ils évoquaient davantage un climat, des végétations, une lumière éclatante, les brûlures du soleil, les fragrances des maquis, les fleurs innombrables du printemps, la rocaille rouge de l’Estérel, des apéritifs pris en groupe, en terrasses à l’ombre des platanes au centre de villages, de l'amour sans lendemains, des corps dévêtus, une liberté éphémère et illusoire. Sur le tard, sa perception imaginaire et excentrique de la planisphère s’était "enrichie" d’un invraisemblable chaos personnel de géographie planétaire, d’histoires et de cultures. "Mare Nostrum" devenait le centre du monde qu’il habitait et la Corse, sa région capitale, ses rivages et ses ports, de Nice à Menton - en faisant le tour par Sète, Barcelone, Gibraltar-Cueta, Tanger, Alger, Tunis, Tripoli, Alexandrie, Haïfa, Beyrouth, Mersin, Athènes, Durrës, Dubrovnic, Split, Rijeka, Trieste, Naples -, passaient pour des "spots" prodigieux d’où des hommes et des femmes hardis, éclaireurs de leurs civilisations et candidats emballés à tous les brassages, s’étaient élancés et avaient essaimé, faisant particulièrement de Marseille, un absolu et lumineux melting-pot. Tandis que ceux qui restaient sur tous les quais à la ronde, se disposaient à les bien accueillir. Bien sûr, nulle part la vie n’avait pris durablement la couleur rose ni la douceur d'une friandise, elle alternait le pire et le meilleur. Et ce, sans interruption depuis au moins les conquêtes romaines. Et, il y aurait fort à parier, bien avant.
Fronton donc, moins à la mode que de nombreux villages du Languedoc et du Roussillon - parce que, aussi, la proximité d'une grande ville à taille humaine, Toulouse, était en mesure de lui procurer ce qu'il avait aimé à Paris : concerts, cinémas, restaurants, promenades urbaines dans les vieux quartiers. L'on y mangeait et buvait bien, pas moins que dans le Gers qu'il retrouvera dans quelques heures.
Toulouse dont le cœur est plus petit que Paris n’était pas comme elle, "la capitale", blanche et grise. Plus orange sanguine que rose, ville lumière par excellence, le soleil se mirait dans ses briques, y résidait et son peuple savait prendre son temps aux terrasses des troquets, tard la nuit et faire la fête. Il lui manquait le calme, le bruit et la fureur des flots mais les littoraux des mers du sud étaient à portée des automobiles et des trains. Et les montagnes, proches. Ses cours intérieures et ses palais, ses vieux immeubles, ses hôtels particuliers, ses couvents et cloîtres ne ressemblaient pas à leurs homologues parisiens, mais impressionnaient. Et toujours ces couleurs. Il y avait moins de ponts extraordinaires au-dessus de la Garonne qu’il y en avait enjambant la Seine, ce qui n’empêchait personne d’aller d’une rive à l’autre et de s’y balader. Rien, cependant, ne rivalisait avec le Louvre ni avec les jardins publics parisiens et le Pont des Arts, la grandeur de Paris était inégalable. Mais la ville s’était, hélas, installée au nord.
Dans sa vie personnelle et professionnelle, Adrien n'avait pas toujours craint ni fuit les explications parfois difficiles où il ne cédait rien sur ses principes. Il pouvait parfois ramener de la voilure quand il estimait qu'il avait pu se tromper ou qu’il s’y était mal pris pour convaincre. Il était homme ordinaire, peu passionné par la rhétorique, ni têtu, ni non plus très facile à affronter dans les joutes verbales qu'il n'aimait pas, où souvent, même modestement, celui qui voyait l'autre rejoindre ses positions, triomphait. Il avait su œuvrer, parfois, à des synthèses qui faisaient l’unanimité, non qu'il cherchât à tout prix le consensus mais, souvent, il estimait que tous avait un peu raison et tort et que les désaccords naissaient quand les observations se faisaient sous des angles différents, non de l'ignorance ou de l'inintelligence d'un fait, d'un processus, d'un concept.
Dans ses relations amoureuses il tentait le plus souvent de fuir les explications rudes et franches qu'il estimait vaines dès qu'il s'agissait de l'auscultation du couple. "Couple", ce mot qu'il n'aimait pas, dont l’utilisation signifiait souvent qu'il fallait "sauver" l'entité en péril désignée par ce terme, en revenir à une relation qui s'était délitée et qu'il aurait fallu restaurer, redynamiser. Ou qu’il était naturel de le vanter niaisement.
Il savait qu'un premier malentendu en entraînait un second puis un autre, jusqu'à la rupture ou la folie. Et préférait mettre fin, voire, qu'on le quittât et esquiver ces échanges où s'étaient ensablées les relations entre ses parents, faites de disputes infinies où la mauvaise foi prévalait comme la conviction de chacun que l'autre était un monstre d'égoïsme.
Le seul contre-feu qu'il connaissait quand la mésentente vache menaçait, c'était la rupture. Il y avait perdu d'agréables compagnes - il ne dépréciait pas tout - et  des heures précieuses de sommeil, du poids, mais, à la longue, gagné en sérénité. Il n'était pas blasé et gardait la faculté d'enchantement de l'enfance. Il restait sujet aux coups de foudre de l’adolescence et pensait encore que l'aventure l'attendait au détour de son chemin.
- II - Vincent
Sept ans plus tôt, Vincent s'était retiré à Marciac, son gros village natal. Il avait exercé, pendant vingt ans le dur métier de "lignard" chez "PTT-France-Télécom" à Paris, plus souvent dans les égouts qu'au sommet des poteaux de surface.
Après avoir, un jour, tout envoyé promener - rats, eaux usées, boues, gaz toxiques, pestilences, obscurité, petits chefs acariâtres, astreintes, blessures, épuisements et "HLM" de banlieue -, il avait ouvert un commerce de vente de produits alimentaires du pays.
Tandis qu'il était encore fonctionnaire, son réseau d'amis, de collègues, de connaissances, lui avait d'abord assuré, de petits débouchés lucratifs et illégaux pour des foies gras, des magrets, des grattons de porc et de volaille, de l’Armagnac, qu'il achetait en quantités réduites à des gens du pays qui n'en espéraient pas tant. Puis le bouche-à-oreille avait fonctionné, désormais son fichier "clients" comportait près d'un millier de noms de personnes et de raisons sociales répartis dans plusieurs régions et particulièrement en Île de France. Ses plus gros marchés étaient constitués de comités d'entreprise qui passaient toujours des commandes importantes et auxquels il consentait des remises en proportion des volumes achetés. Il avait su concilier affaires et liens de cœur avec la CGT. Les seconds garantissant le succès des premières. Il payait encore ses cotisations syndicales.
Entiché de son bout d'Occitanie, et désireux de faire des émules, Vincent eut l'idée de composer un recueil de photographies commentées sur l'art alimentaire de sa "Province". Présentant semailles et plantations jusqu'à la vente de produit finis. Les champs, les élevages et les fermes puis les étals des marchés de plein air et les coquettes boutiques. Des agriculteurs, des éleveurs, déjeunant dehors ou évaluant la la croissance des végétaux, la récolte, l’état des bêtes. Un élevage de taureaux de combat, des fauves dans les collines de Saint-Mont. Des bottes de paille de blé disposées en ordre sur des champs récemment fauchés ou entassées sur des charrettes en partance vers les granges des éleveurs de bovins. Légumes dans les jardins et les vastes terres, fruits sur les arbres, oies et canards dans les basses-cours. Avec vues de villages de Midi-Pyrénées dans les cuisines desquels les plats traditionnels sont mitonnés, mis en scène pour séduire le promeneur, l'esthète du "bien manger", l'affamé, le gourmet, l'inquiet pour sa santé, le randonneur, les amoureux, les enfants et les anciens.
Il alternera gros plans et mise en exergue des environnements de proximité ou plus lointains, l'arbre qui porte le fruit, le champ qui accueille l'arbre, la plaine ou le coteau qui supporte la culture, le produit seul et ses partenaires possibles dans une belle cocotte émaillée, jusqu'à la façade d'un bâtiment du seizième siècle à l'ombre duquel le stand du fromager se tient les jeudis et samedis matins. Les gras pâturages, où paissent des animaux sains qui seront bientôt appelés à donner des laits crémeux ou des viandes persillées...
Ce sera aussi une manière de présenter une quinzaine de villages, qu'il aimait bien avec leur halle aux grains, aux vins, aux marchés multicentenaires, hebdomadaires, saisonniers, leur place grossièrement pavée au milieu de laquelle trône l'inévitable fontaine dont le bronze blanchit sous les dépôts de calcaire, les arcades abritant les trottoirs et encadrant l'espace rectangulaire ou carré, centre de vie administratif, avec sa mairie, son agence du Crédit agricole et son bureau de poste portant encore discrètement, en haut de sa façade, "Postes, Télégraphes et Téléphones" en lettres défraîchies, l'église se tenant en retrait de l'endroit où sont traitées les affaires strictement terrestres. Les rues, le long desquelles les éventaires des marchands débordent quand la place centrale est trop exiguë ou l'offre de produits sur-abondante.
Il fixera des gros plans de haricots de Tarbes dont les tiges s'enroulent en pointant vers le ciel et s'enchevêtrent autour des cannes de maïs leur servant de tuteurs, des pieds de tomates de Marmande d'un rouge écarlate, au moment où leur nombre fait ployer leur axe, des aubergines semblant vernies, des fèves, des poivrons, des piments doux ou assassins. L'aubépine mêlée aux mûriers qui bordent les champs d'orge à proximité desquels des paysans-rois se désaltèrent simplement. Des foies gras entiers protégés par un emballage qui ne cache rien de leur couleur. Des magrets fumés, des aiguillettes confites dans leur graisse jaune, du lard, des saucissons, des jambonneaux, du boudin noir et des andouillettes, des salades et des carottes. Des petits tas de champignons, de ceps, de bolets, de chanterelles, de rosés des prés et même de morilles en bien moins hautes pyramides. Des choux et des poireaux. Des légumes d'été et des légumes d'hiver, de printemps aussi. Des viandes à griller, à rôtir, à fondre dans une poêle, du gibier à préparer.
Vincent qui n'oubliait pas qu'il avait été ouvrier, se promettait de faire figurer dans son livre, des recettes anciennes, simples à réaliser, succulentes et à des prix abordables pour lecteurs à faible pouvoir d'achat. Un très gros bouquin. Sans doute, pour faire face à l'inflation des sujets, un premier tome suivi d'au moins deux autres. Il ne voulait pas d'un objet trop épais ni excessivement cher.
Adrien aura en charge l'élaboration d'un texte léger à connotations poétiques qui tiendra une place discrète en venant lier le tout, les couleurs - le blanc et les gris des pierres, le rouge orangé des briques, les bruns rougeoyants des colombages et des charpentes aperçues sous les avant-toits -, les lieux - plans zoom et vues distantes, étroites et grand-angle -, un village et un autre, une construction et une nature vierge... Lier, comme une sauce le ferait, des morceaux de viande d'un miroton cuit longuement à feux doux, sur un fourneau de grand-mère, dans une grosse marmite en fonte suspendue à une crémaillère dans l’âtre d'une cheminée. Ou un très riche cassoulet du pauvre. Adrien formulera des phrases courtes, avec des mots simples et éloquents qui feront passerelles entre les différentes photographies, comme on accompagne d'une main légère ceux que l'on souhaite amener dans une direction, sans les forcer, mais en les conduisant insensiblement au meilleur endroit pour voir, sentir, entendre. Les influençant sans rien leur imposer.
Quand Adrien vivait Paris, Vincent l'invitait chez lui tous les mois d'août, pour, bien sûr le revoir, mais aussi pour assister en sa compagnie au festival de jazz dont les affiches toujours aussi alléchantes drainaient un public nombreux qui venait là en voisin ou de très loin. Hors ces jours d’été, les deux hommes ne se téléphonaient ni ne s’écrivaient jamais. Alors, tous les ans, ils refaisaient invariablement le point sur leurs vies respectives. La répétition était leur rituel de reconnexion. Et puis, entre temps, des faits s’étaient produits qu’ils pouvaient se raconter.
Chaque année, il participait comme bénévole à l'organisation du festival d'été, à l'instar de la moitié des villageois. Il s'engageait pour une durée de quatre ou cinq  jours ; il était inenvisageable de faire une pause trop longue du fait son activité commerciale aussi, pendant cette "parenthèse", laissait-il la gestion de sa boutique à sa fille adorée.
- III - Jazz In Marciac
Ce deux août de l'année 2004,...
à suivre...
Yves Rebouillat
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lisartemis · 4 years
Text
Chagrin latin, ou comment se changer les idées
mardi 14 janvier 2020 : journal de bord #10
J’ai pleuré en cours de latin aujourd'hui. Je ne sais pas ce qui était le plus humiliant, le prof qui m’enfonçait ou le fait de craquer ? Pourtant, il ne nous a pas rendu de notes catastrophiques, on ne corrigeait qu’un simple exercice. J’ai l’impression d’être faible et stupide, que je dois avoir un sacré problème pour confondre l’imparfait et le futur. Je me suis juste retrouvée paralysée devant la classe, je savais que je devais réfléchir mais mon cerveau ne répondait plus. C’était un grand vide en moi, tandis que le prof répétait sa question agacé, comme si j’étais un animal particulièrement idiot. Comment expliquer à un prof qu’il nous est impossible de penser quand une vingtaine de regard sont braqués sur soi et qu’on nous harcèle de questions ? 
C’est dit, je déteste le latin. Je n’ai même plus envie de fournir le moindre effort dans cette matière ; je crois que je suis vexée comme un pou d’avoir échoué devant tout le monde. Pourtant je sais que ce n’est pas grave, que ça arrive à la majorité d’entre nous. Que c’est un peu de ma faute, parce que j’avais fait mes exercices la veille au soir par dessus la jambe. Que je n’ai même pas envie d’aller en khâgne Ulm (la deuxième année de prépa littéraire, plus axée sur une culture classique, où le latin y est toujours obligatoire ; à l’inverse de la khâgne Lyon, plus moderne, où le latin est remplacé par la géographie). Que je ne vois même pas le moindre intérêt à parler latin, puisque je n’ai aucune envie de finir prof de latin - ou pape. Que je ne minore même pas (pas encore du moins). Tant pis.
Alors j’essaye de me changer les idées. Peut-être pas la meilleure stratégie pour progresser, mais honnêtement, je m’en fiche. J’abandonne le latin en juin prochain, plus que six mois à tenir. En attendant j’écoute Arlo Parks et Fleetwood Mac, je vais au cinéma (j’ai été voir Little Women : j’ai pleuré il était merveilleux, merci Greta Gerwig ), ce soir je vais manger chez une amie que je n’ai pas vu depuis novembre, et pour patienter, je lis Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet (et je vous le recommande, ce bouquin est brillant).
J’ai 19 ans dans trois jours, et cet âge s’ouvrira sur quatre heures de DS de latin un samedi matin. On a connu mieux comme cadeau d’anniversaire. J’espère que ce n’est pas un trop mauvais présage. 
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lesjumeauxdelart · 4 years
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LES JUMEAUX, 2016/2019
SÉRIE LES JUMEAUX, 2016/2019 DE SAMUEL BUCKMAN 
PAR CORINNE SZABO
http://pointcontemporain.com/samuel-buckman-les-jumeaux/
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« C’est une image faite de nœuds, comme toute image dans laquelle nous vivons. De petits nœuds, attachés dans le tissu du temps. » 

Richard Powers, Le Temps où nous chantions (1)
Il s’agit d’une simple photographie en couleur sur laquelle apparaît un tronc d’arbre en gros plan avec deux rayures rouge et blanche. Comme l’indique le titre, Jumeau/Daniel Buren – 2016 GR 20 - Col de Bavella-Paliri – Corse, l’artiste a photographié ce motif lors d’une marche en Corse en 2016 car il lui évoquait l’outil visuel de Daniel Buren, soit des bandes de 8,7 cm alternativement blanches et colorées posées dans le paysage. Une autre photographie représentant un cercle dans une falaise intitulée  Jumeau/Gordon Matta-Clarck - 2016 - Col  de  Bavella - Corse  cite  les spectaculaires « cuttings » de Gordon Matta-Clark, dissections géométriques de bâtiments abandonnés voués à la démolition. Des croix noires sur le mur d’un monastère en Espagne renvoient au suprématisme de Malevitch, un cochon croisé en Normandie évoque les travaux de tatouage ou de naturalisation de Wim Delvoye, un caveau familial vide dans le cimetière marin de Bonifacio nous connecte aux installations modulaires de Sol Lewitt, une Vierge de Sanguësa rappelle une photographie de Lio en Madone prise par Pierre et Gilles dans les années 1980, une vitrine contenant les pages ouvertes de journaux locaux nous conduit à l’Album de Hans-Peter Feldmann…
La série Les Jumeaux de Samuel Buckman est basée sur la rencontre instantanée de l’objet au cours d’une déambulation et sur la remontée d’une mémoire artistique dont les restitutions photographiques permettent de faire émerger la connexion. Cette connaissance du monde basée sur la contemplation et la réanimation du souvenir est issue d’un vagabondage qui refuse toute préméditation et qui profite au contraire du choc visuel afin que la mémoire artistique se mette au travail.
La rencontre fortuite et la mémoire involontaire
Conformément à son étymologie latine, le « souvenir » (sub-venire) est ce qui survient, surgit, émerge, affleure, autrement dit ce qui vient du dessous, ce qui ce qui est là latent, « en dessous ». Pour comprendre de manière plus intuitive cette idée de remontée de la mémoire, nous faisons un détour par Proust, par la façon dont il conçoit la réminiscence, lui aussi, sur le modèle de la chute, du heurt ou de l’accroc et par la distinction qu’il opère entre mémoire involontaire et mémoire volontaire. Si le passé semble se tenir dans quelques objets (la madeleine, les pavés inégaux, la serviette, le son de la cuiller contre l’assiette), il ne se tient en réalité pas tout entier dans l’objet mais dans la rencontre (dans la butée pourrions-nous dire) de cet objet avec notre corps. C’est en effet l’idée que l’auteur reprend tout au long de la Recherche avec la madeleine qui trempée dans le thé évoque Combray et dans la série des réminiscences qui vient clore Le Temps retrouvé (2). C’est parce que le narrateur heurte du pied un pavé que Venise et la place Saint-Marc ressurgissent : le  fait de trébucher sur ce pavé déclenche ainsi un « accroc » dans l’ordre de la mémoire.
Samuel Buckman joue également sur cette rencontre non préméditée, non organisée où l’objet croisé pendant la pérégrination (un engin, un nid, deux chaises, un porte-cierge, des journaux, des projections lumineuses) permet cette mémoire involontaire proustienne qui nous propulse dans un autre temps et dans un autre espace qui ne sont pas ceux du quotidien et de la banalité mais ceux liés à la production artistique (une œuvre d’art, une démarche artistique, un nom d’artiste). Cette mémoire, qui se caractérise par une forme d’immédiateté, déclenche immédiatement et de manière impérieuse la réminiscence faisant ressurgir un pan entier de la connaissance visuelle et artistique de l’artiste. Et cette mémoire « vivante » qui se distingue de la mémoire externe (volontaire et programmée) passe précisément par la question de l’expérience et du corps.
La déambulation comme locus memoriae
C’est bien par le déplacement que le corps tout entier de Samuel Buckman est impliqué dans sa pratique. Longues marches solitaires dans des endroits isolés, visites de lieux sacrés, déambulations dans les villes ou les villages dont les noms indiquent la géographie de la rencontre, l’artiste se fait flâneur et récolte les bribes d’un quotidien que l’on ne voit pas. L’artiste est en effet, pour Walter Benjamin (3), un « flâneur » dont le rapport au paysage urbain ou naturel se déploie surtout avec son corps et avec les souvenirs qu’il transporte avec lui. Le déplacement permet alors de se reconnecter à des images mentales : ici, le souvenir des œuvres à travers notre culture visuelle.
Par cette pratique qui consiste à parcourir et reparcourir des territoires et à y collecter des traces, Samuel Buckman décrit une nouvelle modalité d’ « ars memoriae ». Inventés dès l’Antiquité et développé à la fin du Moyen-Age et à la Renaissance, « les arts de la mémoire » (4) désignent les dispositions mises en œuvre pour une remémoration, pour une anamnèse. Il s’agit de se fabriquer un itinéraire mental dans un système de lieux et d’images-souvenir puis de parcourir ces lieux afin de retrouver les images. L’art de mémoire est donc un dispositif, une organisation, un agencement de la mémoire personnelle dont le corps en marche construit ses propres « loci» susceptibles de délivrer une « imago agens », une image frappante. Marcher et se mesurer à un espace, c’est donc simultanément y trouver des images mémorielles enfouies mais susceptibles d’émergence dont le corps porte les traces et le souvenir inconscient. À chaque fois, le corps en mouvement apparaît donc comme un instrument du souvenir, un véhicule sensible et les arts de la mémoire qui consistent précisément à opérer ce passage d’une image à une idée sont souvent, pour cette raison, comparés à un jeu de piste ou à une partie de chasse. C’est donc bien au flâneur que revient la tâche ardue d’incarner à travers son art des émotions presque perdues, d’endosser le difficile devoir de conjuguer la mobilité de la vie avec la lenteur de notre esprit et de permettre la résurgence des lieux et des images.
Le montage et l’ouverture
Ces souvenirs artistiques ou ces images frappantes sont collectés et déplacés par Samuel Buckman dans un double espace mémoriel : celui de photographier l’objet qui a déclenché le souvenir et celui de nous montrer cet objet sous un nouveau point de vue grâce à un titre qui le déplace dans un domaine qui n’est pas le sien (une balançoire pour enfant photographiée dans un square nommée Jumeau/Pierre Ardouvin – 2016 - Crazannes, le bâtiment administratif du Guggenheim peint en bleu portant le titre Jumeau/Yves Klein – 2016 - Bilbao – Espagne). L’artiste devient alors le narrateur et l’interprète de cet objet. C’est dans cette discordance entre deux temporalités et deux espaces différents et dans l’agencement concret de lieux incompatibles et de temps anachroniques et hétérogènes, que Samuel Buckman joue sur le montage et sur une vision « stéréoscopique » : le jumeau, le double que l’on ne voit pas mais qui actionne notre mémoire visuelle repose sur une simultanéité de  type  synchronique ; l’association d’un objet photographié (l’image) à une référence artistique (le titre de la photographie). La photographie est avant tout un principe de simultanéité contradictoire : en mettant à l’arrêt le souvenir, elle permet de saisir d’étranges conjonctions, d’étranges télescopages entre les temps. Nous sommes ici au cœur de la problématique de l’image comme « anachronie » où l’erreur chronologique crée des disjonctions. Les photographies de Samuel Buckman sont avant tout des images saccadées où le passé (l’œuvre citée) et le présent (la rencontre avec l’objet) entrent en collision pour former une « correspondance ». Cette immobilité du temps est ainsi à comprendre au sens d’une « dialectique à l’arrêt » définie par Benjamin dans Le livre des passages : le devenir s’immobilise dans « une constellation » où se rencontrent, sur le mode d’un choc anachronique, l’Autrefois et le Maintenant. Ces montages de temporalités différentes rendant compte des symptômes déchirant « le cours normal des choses » engendrent un renouvellement des relations entre les images. Leur interaction permet alors une prise de conscience : celle de se reconnecter à notre culture visuelle, à notre savoir égaré mais aussi à l’hétérogénéité du monde, au flux ambiant, à une sorte d’ouverture spatio-temporelle qui permet la création et la réflexion.
Conçue comme un inventaire, la série des Jumeaux fait l’objet d’une collection dont la fécondité peut générer de la part du spectateur une « émancipation du regard » et une ouverture. Il faut ainsi, pour terminer, rappeler qu’en positionnant l’atlas de Aby Warburg comme modèle, le travail de Samuel Bukman consiste à réactiver, à travers la photographie, l’œuvre comme lieu de mémoire et de faire ainsi de la pratique hypomnésique (5) une pratique de mémoire. Les photographies deviennent un espace poétique où la vision de l’artiste est utilisée comme un signe qui redonne à voir le monde. Dans cette perspective, l’objectif premier du travail de Samuel Buckman est de réévaluer nos modes mêmes de connaissance et de nous engager dans cette expérience du « non-savoir qui nous éblouit chaque fois que nous posons notre regard sur une image de l’art. » (6).
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1. Richard Powers, Le Temps où nous chantions, roman de 2003, Editions du Cherche-midi 2. Marcel Proust, A la Recherche du Temps perdu, roman écrit entre 1906 et 1922 et publié entre 1913 et 1917, Gallimard 3. Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle. Le livre des passages, 1939, publié en français en 1989 4. Pour mémoriser les lieux d’un discours, les orateurs dans l’Antiquité recommandaient de parcourir mentalement, de manière répétée, les mêmes lieux, réels ou fictifs. La fréquentation répétée d’un même lieu permet de retrouver les idées qu’on y a déposées sous forme d’images. 5. Un tel processus d’assimilation et de sédimentation d’un matériau extérieur est décrit par Foucault sous le nom d’«hupomnêmata »  dans  la  partie  consacrée  à  L’écriture  de  soi   des   Dits   et   Écrits,   1976-1988.   Le   terme d’« hupomnêmata » désigne les citations, les pensées consignées par écrit et littéralement faites siennes. Ils constituent une mémoire matérielle des choses lues, entendues ou pensées et les offrent ainsi comme un trésor accumulé à la relecture et à la méditation ultérieures. 6. Georges Didi-Huberman, Devant l’image, Paris, Minuit, 1990
http://pointcontemporain.com/samuel-buckman-les-jumeaux/
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