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jpbjazz · 5 months

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LÉGENDES DU JAZZ

CHARLIE CHRISTIAN, PIONNIER DE LA GUITARE ÉLECTRIQUE

Né le 29 juillet 1916 à Bonham, au Texas, Charlie Christian était le fils de Clarence Henry Christian. Charlie avait deux frères, Edward (né en 1906), et Clarence (né en 1911), qui avaient aussi appris la musique avec leur père.

La famille Christian s’était établie à Oklahoma City en 1918. Leur père étant devenu aveugle, les trois frères étaient devenus musiciens de rue afin de nourrir leur famille. Lorsque Christian avait été suffisamment âgé pour subvenir à ses propres besoins, il avait commencé à jouer avec des orchestres de danse. Charlie avait douze ans au moment de la mort de son père qui lui avait légué ses instruments au moment de son décès. C’est alors que Christian avait appris à jouer de la guitare. Une autre source prétend que Christian aurait construit sa première guitare en se servant d’une boîte de cigare comme base.

JEUNESSE ET ÉDUCATION

Charlie Christian a étudié à la Douglass School d’Oklahloma City où son institutrice Zelia N. Breaux avait encouragé ses dons pour la musique. À l’origine, Charlie désirait jouer du saxophone ténor avec le groupe de l’école, mais son institutrice avait insisté pour qu’il apprenne plutôt la trompette. Mais croyant que le fait de jouer de la trompette aurait pour résultat de déformer ses lèvres, Charlie avait décidé d’abandonner la musique au profit du baseball, où il avait excellé.

Dans une entrevue accordée en 1978 au biographe de Charlie, Craig McKinney, un des frères de Charlie, Clarence, avait déclaré qu’au cours des années 1920 et 1930, son frère Edward était le pianiste d’un groupe à Oklahoma City, mais qu’il entretenait de mauvaises relations avec son trompettiste James Simpson. Vers 1931, Clarence avait embauché ‘’Bigfoot’’ Ralph Hamilton comme guitariste. Hamilton avait secrètement appris à Charlie à jouer les solos sur trois pièces : ‘’Rose Room’’, ‘’Tea for Two’’ et ‘’Sweet Georgia Brown.’’ Lorsque Hamilton avait jugé Charlie suffisamment prêt, il l’avait invité à participer à une ‘’jam session’’ au club ‘’Deep Deuce’’, dans le Nord-est de la ville. Lorsque Hamilton avait invité Edward à laisser jouer Charlie, celui-ci avait simplement rétorqué : ‘’"Ah, nobody wants to hear them old blues." À force d’insister, Edward avait finalement accepté de laisser jouer son frère. "What do you want to play?", avait-il demandé à Charlie. Même si les trois pièces que Charlie avaient pratiquées étaient de grands succès au début des années 1930, Edward était surpris que son jeune frère les connaisse aussi bien. Lorsque Charlie avait exécuté les trois pièces, le public était en extase. Comme il était tard, Charlie s’était éclipsé en douce afin de rentrer chez lui, mais lorsqu’il était arrivé à la maison, sa performance avait fait tellement de bruit que sa mère était déjà au courant...

DÉBUTS PROFESSIONNELS

À la suite de ce premier succès, Christian avait commencé à se produire localement et sur la route à travers le MidWest, se rendant aussi loin qu’au Dakota du Nord et au Minnesota. Devenu une véritable attraction régionale, Charlie avait commencé à jouer de la guitare électrique et avait collaboré avec des sommités du jazz de l’époque comme Teddy Willson et Art Tatum. La pianiste Mary Lou Williams, qui jouait à l’époque avec l’orchestre d’Andy Kirk, avait entendu jouer Charlie et en avait parlé au producteur John Hammond. Séduit par la façon révolutionnaire dont Christian jouait de la guitare, Hammond lui avait fait passer une audition avant de le présenter au clarinettiste et chef d’orchestre Benny Goodman qui avait finalement décidé de l’engager.

Goodman était le quatrième chef d’orchestre blanc à embaucher un musicien de couleur dans sa formation, après Jimmy Durante, Arthur Hand et Ben Bernie. Avant d’engager Christian, Goodman avait aussi donné du travail au pianiste Teddy Wilson et au vibraphoniste Lionel Hampton dans les années 1930. Goodman avait engagé Christian pour jouer dans son nouveau sextet en septembre 1939.

On a prétendu par la suite que Goodman n’était pas intéressé au départ à embaucher Christian parce que la guitare électrique était à l’époque un instrument relativement nouveau. En réalité, Goodman avait déjà été mis en contact avec la guitare électrique par l’entremise des musiciens Floyd Smith et Leonard Ware, même si ceux-ci étaient loin d’avoir le talent de Christian. Une autre source affirme que Goodman avait tenté sans succès d’acheter le contrat de Floyd Smith avec Andy Kirk, mais qu’il avait été si enthousiasmé par le jeu de Christian qu’il avait décidé de l’engager à la place de Smith.

Il existe plusieurs versions de la première rencontre entre Christian et Goodman le 16 août 1939. Selon la première version, l’audition ne s’était pas très bien déroulée. Dans un article publié dans le magazine Metronome en 1940, Christian avait affirmé : "I guess neither one of us liked what I played", mais Hammond avait quand même décidé de faire un autre essai sans consulter Goodman. Selon Christian, Hammond l’aurait invité au spectacle qui devait avoir lieu le même soir.

Le concert devait avoir lieu au restaurant Victor Hugo de Los Angeles. Sans prévenir Goodman, Hammond avait installé Christian sur scènes. Goodman, qui n’appréciait pas les mauvais surpises, avait espéré prendre Christian de court en annonçant ‘’Rose Room’’. Contre toute attente, Christian avait ébahi Goodman en exécutant une version époustouflante de ‘’Rose Room’’ qui avait duré quarante minutes. Il n’en avait pas fallu davantage pour que Christian fasse partie du groupe aux côtés de Lionel Hampton, Fletcher Henderson, Artie Bernstein et Nick Fatool. Initialement payé 2,50$ par soir, le traitement de Christian avait rapidement atteint la somme de 150$ par semaine.

De fait, Christian était si populaire qu’il avait bientôt dominé les sondages qui couronnaient les meilleurs musiciens de jazz de l’époque. Il fut aussi élu sur les Métronome All Stars. Lorsqu’au printemps 1940, Goodman avait décidé de réorganiser sa formation de fond en comble, Christian avait été un des rares membres du groupe à échapper aux coupures. Le nouveau sextet de Goodman était formé de Christian à la guitare, de Count Basie au piano, de l’ancien trompettiste de Duke Ellington, Cootie Williams, de l’ancien saxophoniste d’Artie Shaw, Georgie Auld, et du batteur Dave Tough. La formation toute étoile de Goodman avait dominé les sondages des principaux magazines de jazz en 1941. Quant à Christian, il s’était mérité une nouvelle nomination au sein des Metronome All Stars. Johnny Gunarnieri, qui avait remplacé Fletcher Henderson dans le premier sextet de Goodman, assurait la relève de Basie lorsque celui-ci devait s’absenter.

STYLE ET INFLUENCE

Même s’il était guitariste, Christian avait d’abord été influencé par des saxophonistes comme Lester Young et Herschel Evans, puis par des guitaristes comme Eddie Lang et Lonnie Johnson, qui avaient tout deux contribué à sortir la guitare de son rôle essentiellement rythmique pour en faire un instrument soliste à part entière. Christian affirmait d’ailleurs lui-même qu’il voulait que sa guitare sonne comme un saxophone ténor. Même si le guitariste gitan Django Reinhardt avait eu peu d’influence sur son jeu, Christian était familier avec certains de ses enregistrements. La guitariste Mary Osborne se rappelle avoir entendu Christian jouer le solo de Django sur ‘’St. Louis Blues’’ note par note, avant de suivre ses propres idées.

En 1939, il existait déjà d’excellents solistes à la guitare électrique comme Leonard Ware, George Barnes, Eddie Durham, Floyd Smith et Eldon Shamblin, mais c’est surtout Christian qui avait ouvert la voie à la façon moderne de jouer de la guitare électrique. La méthode de Christian avait plus tard été adoptée par d’autres pionniers comme T-Bone Walker, Eddie Cochran, Cliff Gallup, Scotty Moore, Franny Beecher, B.B. King, Chuck Berry, Carlos Santana et Jimi Hendrix. C’est ce statut de pionnier qui avait permis à Christian d’être intronisé au Rock and Roll Hall of Fame en 1990.

Malgré la brièveté de sa carrière, l’influence de Christian avait été loin de se limiter aux guitaristes, car il avait également inspiré des musiciens bop comme Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Thelonious Monk et Don Byas. Le batteur Kenny Clarke affirmait même que les compositions de Monk ‘’Epistrophy’’ et ‘’Rhythm-a-Ning’’ étaient en fait inspirées de certains des phrasés de Christian.

D’autres musiciens comme le trompettiste Miles Davis ont mentionné Christian parmi leurs premières influences. L’influence de Christian dépassait largement les limites du jazz. Le premier gérant du groupe rock Black Sabbath avait même déclaré que la première pièce enregistrée par la formation, intitulée ‘’A Song for Jim’’, avait été inspirée par Christian.

L’influence de Christian fut particulièrement évidente lors de la formation du bebop, même s’il était mort trop tôt pour le voir se développer. Certains des musiciens qui ont participé aux premières ‘’jam sessions’’ du Minton’s Playhouse ont mentionné Christian comme étant à l’origine du terme. Des enregistrements privés réalisés en septembre 1939 à Minneapolis au Minnesota par Jerry Newhouse, un des plus grands admirateurs de Goodman, permettent d’entendre Christian avec le saxophoniste Jerry Jerome et le contrebassiste Oscar Pettiford. Les nombreux solos effectués par Christian lors de cette performance, notamment dans le cadre de son interprétation des pièces ‘’Stardust’’, ‘’Tea for Two’’ et ‘’I’ve Got Rhythm’’, donnent à penser qu’il maîtrisait déjà les talents d’improvisateur qu’il démontrerait lors de ses enregistrements au Minton’s Playhouse en 1941. D’autres exemples du jeu de Christian peuvent être observés sur les enregistrements réalisés la même année à l’Hôtel Cecil de Harlem par Jerry Newman, un étudiant de l’Université Columbia. Christian était accompagné de Joe Guy à la trompette, de Kenny Kersey au piano et de Kenny Clarke à la batterie. Les enregistrements réunis par Newman comprennent également des pistes captées la même année à la Cark Monroe’s Uptown House, un autre club de jazz de Harlem. Même si Christian est mentionné seulement sur quelques pièces, il serait l’auteur de la majorité des pièces originales enregistrées par le sextet de Goodman.

DÉCÈS ET POSTÉRITÉ

Après avoir contractaé la tuberculose à la fin des années 1930, Christian avait été hospitalisé durant une brève période. À l’époque, les activités du sextet de Goodman avaient été mises sur pause en raison des problèmes de dos du clarinettiste. Goodman avait été hospitalisé à son tour à l’été 1940 après avoir fait un court séjour à l’île de Santa Catalina, en Californie, où le groupe faisait escale durant son passage sur la Côte ouest.

Après être rentré à Oklahoma City à la fin de juillet 1940 dans le cadre d’une brève convaslescence, Christian était retourné à New York en septembre. Au début de 1941, Christian avais reprit ses activités tant comme improvisateur à Harlem que comme membre de l’orchestre et du sextet de Goodman. Après avoir été admis en juin 1941 au Seaview, un sanatorium de Staten Island, Christian semblait être sur sur le point de se rétablir. Le magazine Downbeat avait même mentionné en février 1942 que Christian venait de former un groupe avec le trompettiste Cootie Williams.

Le santé de Christian avait soudainement décliné après que le danseur de claquettes et batteur Marion Joseph lui ait rendu visite au cours du même mois. Charlie Christian est mort le 2 mars 1942 à l’âge de seulement vingt-cinq ans. Il a été enterré dans une tombe anonyme dans sa ville natale de Bonham, au Texas. La Texas State Historical Commission a fait installer une plaque en son honneur au Gates Hill Cemetery en 1994.

Charlie Christian était le père d’une fille, Billie Jean Christian. Née le 23 décembre 1932, celle-ci était issue de son union avec Margretta Lorraine Downey d’Oklahoma City. Billie est décédée le 19 juillet 2004.

En 1966, vingt-quatre ans après sa mort, Charlie Christian a été intronisé au sein du Down Beat Jazz Hall of Fame. En 1989, le Oklahoma Jazz Hall of Fame avait intronisé ses sept premiers membres, dont Charlie Christian.

Les enregistrements de Charlie Christian avec l’orchestre de Benny Goodman ont été réunis en 1972 sous le titre de ‘’Solo Flight: The Genius of Charlie Christian.’’

SOURCES:

‘’Charlie Christian.’’ Wikipedia 2022.

VALENTINO, Maura. ‘’Charlie Christian : Biography & Guitar Method.’’ Internet 2022.

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