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#angoisse de castration
albad · 2 years
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Nous vivons dans un monde plutôt désagréable, où non seulement les gens, mais les pouvoirs établis ont intérêt à nous communiquer des affects tristes. La tristesse, les affects tristes sont tous ceux qui diminuent notre puissance d’agir. Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, les preneurs d’âmes, ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser, ou, comme dit Virilio, d’administrer et d’organiser nos petites terreurs intimes. La longue plainte universelle qu’est la vie … On a beau dire « dansons », on est pas bien gai. On a beau dire « quel malheur la mort », il aurait fallu vivre pour avoir quelque chose à perdre. Les malades, de l’âme autant que du corps, ne nous lâcheront pas, vampires, tant qu’ils ne nous auront pas communiqué leur névrose et leur angoisse, leur castration bien-aimée, le ressentiment contre la vie, l’immonde contagion. Tout est affaire de sang. Ce n’est pas facile d’être un homme libre : fuir la peste, organiser les rencontres, augmenter la puissance d’agir, s’affecter de joie, multiplier les affects qui expriment un maximum d’affirmation. Faire du corps une puissance qui ne se réduit pas à l’organisme, faire de la pensée une puissance qui ne se réduit pas à la conscience.
Gilles Deleuze
Dialogues avec Claire Parnet
Paris, éditions Flammarion, 1977
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merwin · 1 year
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"Nous vivons dans un monde plutôt désagréable, où non seulement les gens, mais les pouvoirs établis ont intérêt à nous communiquer des affects tristes. La tristesse, les affects tristes sont tous ceux qui diminuent notre puissance d’agir. Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, les preneurs d’âmes, ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser, ou, comme dit Virilio, d’administrer et d’organiser nos petites terreurs intimes. La longue plainte universelle qu’est la vie … On a beau dire « dansons », on est pas bien gai. On a beau dire « quel malheur la mort », il aurait fallu vivre pour avoir quelque chose à perdre. Les malades, de l’âme autant que du corps, ne nous lâcheront pas, vampires, tant qu’ils ne nous auront pas communiqué leur névrose et leur angoisse, leur castration bien-aimée, le ressentiment contre la vie, l’immonde contagion. Tout est affaire de sang. Ce n’est pas facile d’être un homme libre : fuir la peste, organiser les rencontres, augmenter la puissance d’agir, s’affecter de joie, multiplier les affects qui expriment un maximum d’affirmation. Faire du corps une puissance qui ne se réduit pas à l’organisme, faire de la pensée une puissance qui ne se réduit pas à la conscience." 
Gilles Deleuze - Dialogues avec Claire Parnet
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Nous vivons dans un monde plutôt désagréable, où non seulement les gens, mais les pouvoirs établis ont intérêt à nous communiquer des affects tristes. La tristesse, les affects tristes sont tous ceux qui diminuent notre puissance d’agir. Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, les preneurs d’âmes, ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser, ou, comme dit Virilio, d’administrer et d’organiser nos petites terreurs intimes. La longue plainte universelle qu’est la vie …On a beau dire « dansons », on est pas bien gai. On a beau dire « quel malheur la mort », il aurait fallu vivre pour avoir quelque chose à perdre. Les malades, de l’âme autant que du corps, ne nous lâcheront pas, vampires, tant qu’ils ne nous auront pas communiqué leur névrose et leur angoisse, leur castration bien-aimée, le ressentiment contre la vie, l’immonde contagion. Tout est affaire de sang. Ce n’est pas facile d’être un homme libre : fuir la peste, organiser les rencontres, augmenter la puissance d’agir, s’affecter de joie, multiplier les affects qui expriment un maximum d’affirmation. Faire du corps une puissance qui ne se réduit pas à l’organisme, faire de la pensée une puissance qui ne se réduit pas à la conscience.
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Dialogues de Gilles Deleuze et Claire Parnet.
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xjoyce66 · 4 years
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Nous vivons dans un monde plutôt désagréable, où non seulement les gens, mais les pouvoirs établis ont intérêt à nous communiquer des affects tristes. La tristesse, les affects tristes sont tous ceux qui diminuent notre puissance d’agir.
Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, les preneurs d’âmes, ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser, ou, comme dit Virilio, d’administrer et d’organiser nos petites terreurs intimes.
La longue plainte universelle qu’est la vie … On a beau dire « dansons », on est pas bien gai. On a beau dire « quel malheur la mort », il aurait fallu vivre pour avoir quelque chose à perdre. Les malades, de l’âme autant que du corps, ne nous lâcheront pas, vampires, tant qu’ils ne nous auront pas communiqué leur névrose et leur angoisse, leur castration bien-aimée, le ressentiment contre la vie, l’immonde contagion. Tout est affaire de sang.
Ce n’est pas facile d’être un homme libre : fuir la peste, organiser les rencontres, augmenter la puissance d’agir, s’affecter de joie, multiplier les affects qui expriment un maximum d’affirmation.
Faire du corps une puissance qui ne se réduit pas à l’organisme, faire de la pensée une puissance qui ne se réduit pas à la conscience.
—    Gilles Deleuze
Dialogues avec Claire Parnet
Paris, éditions Flammarion, 1977
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justeunpeudefreud · 7 years
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Les progrès du développement du Moi contribuent à dévaloriser la situation de danger précédente et à la mettre à l’écart, si bien que l’on peut dire qu’à un âge de développement déterminé est attribuée adéquatement en quelque sorte une certaine condition d’angoisse. Le danger du désaide psychique [hilflosigkeit] correspond dans la vie à l’époque de l’immaturité du Moi [nourrisson] [angoisse de mort], comme le danger de la perte d’objet à l’absence d’autonomie des premières années d’enfance [angoisse de perte d’objet catastrophique], le danger de castration à la phase phallique [angoisse de perte-punition, non catastrophique], l’angoisse de Surmoi [angoisse de perte d’amour] à la période de latence.
S. Freud, Inhibition, Symptôme et Angoisse, 1925 (Œuvres complètes, PUF 1992, p. 257)
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Pensées sur la Chaise
1- Le prix à payer par les humains pour le défi gravitationnel d'être erectus est la fatigue. Seul le siège peut le soulager. Baisser le centre gravitationnel du corps est un moyen de récupérer de l'énergie. C'est l'acte de s'asseoir. L'être humain est aussi le seul à créer des objets destinés à s’asseoir au-dessus du sol. Le contact avec le sol renvoie à une animalité lointaine qu’il est de bon ton d’oublier. Le mot chaise vient du mot anglais chaere du début du XIIIe siècle, du vieux français chaiere (qui signifie chaise, siège, trône), du latin cathedra (siège). D'ailleurs, la cathédrale est nommée ainsi car elle représente le siège des évêques.
2- Chaque siège est capable de dater la période historique de son temps. La manière de s'asseoir représente la nature d'une ère.
3- Chaque siège est à l'attente d'un corps et, de manière indirecte, peint le portrait de celui qui s'y est assis. C'est un contremoule d'une anatomie. Chaque chaise est avant tout un costume, qu'un meuble.
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Chaise ‘’Her and His’’, Fabio Novembre pour Casamania (2008).
4- Le siège était initialement occupé par des empereurs, rois et papes. Le détenteur de ce siège était le plus puissant, le seul à être en position de repos face à ses assesseurs. Plus un individu est classé haut, plus la chaise sur laquelle il est assis est grande et somptueuse, et plus l'honneur est grand. La justice est rendue depuis la chaise de la salle du trône, présente au sein de différentes cultures sans qu’il y ait lieu de symbiose interculturelle.
Autre que le trône, le pupitre, le fauteuil des parents, et le balcon du discours expriment des positions de pouvoir.
5- Le siège des avions est de plus en plus étroit et rétréci. L'espace autour des chaises est une entreprise de plusieurs millions de dollars. Dans les théâtres, dans les bus, dans les salles de concert, c'est presque palpable. Vous payez pour une chaise et non pas pour le spectacle. Le spectacle est gratuit. Vous ne payez même plus pour le confort mais pour le statut: la position de la chaise dans l'espace marque le statut social.
6- Comme les chats, les chaises ont quatre pieds. Le parallèle n'est pas libre et naît avec les premières chaises connues. Les appuis/jambes des chaises mésopotamiennes sont proches non seulement de la forme, mais aussi de la marche silencieuse d'un félin.
7- Une chaise est une maquette expérimentale d'un acte fondamental humain. Un architecte d'abord change son nom, puis crée une chaise, puis des bâtiments; toujours dans cet ordre là.
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Triclinium, salle de repos et de lecture, composée de lecturi tricliniares, une sorte de chaise longue. Pompéi, Empire Romain sous Néron.
8- La chaise longue apparaît d’abord en Mésopotamie pour guérir les combattants de guerre, mi-couchés, mi-assis. En Grèce antique, elle émerge d'une pratique aussi inconfortable qu'élégante de manger en position allongée. L’usage est d’abord réservé aux hommes puis finalement autorisé pour les femmes dans la culture romaine. Toujours, cette pratique agit comme un fort marqueur social : plus l’homme est riche, plus il peut prétendre à manger dans la position la plus inconfortable qui soit.
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9- Les premières traversées transatlantiques vont révolutionner la chaise longue et amorcer son heure de gloire grâce à la création pour ces paquebots énormes du « mobilier de pont » (de bateau), mobilier résistant aux intempéries et pliable pour être facilement stocké. Il s'agissait de rendre le voyage agréable aux passagers les plus aisés. Ainsi naquit le « transat », diminutif de « transatlantique », et démocratise la pratique des bains de soleil.
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Chaise "transat" (transatlantique) du Titanic. Collection du Musée Maritime de l'Atlantique Halifax, Canada.
10- Celle-ci est revisitée par les modernistes du XXème siècle, avant de finir comme machine à cures psychanalytiques chez Freud. Le rallongement du siège en divan permet de détourner le regard vers le plafond, et de créer un moment introspectif proche de celui du sommeil, dans des environnements inconscients, profonds et révélateurs. L’absence du regard libère le patient à être seul avec lui-même et ses souvenirs. Une psychanalyse suppose une régression spatio-temporelle : nous sommes invités à retrouver nos souvenirs d’enfance, nos fantasmes les plus anciens. Et Freud s’est très vite rendu compte que la position allongée nous renvoyait plus facilement au temps de l’enfance, pour infantiliser le patient et pouvoir parler à son enfant intérieur. Allongés, les Hommes sont renvoyés à leur angoisse de castration et de perdre leur virilité face au psy en position supérieure, et chez les Femmes, la position allongée leur permettrait de renouer avec leurs fantasmes ou leurs traumatismes d’intrusion, de vulnérabilité.
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Divan dans le cabinet de psychanalyse de Freud, recouvert de tapis nomades kachkaï, et rehaussé de coussins. Ce divan avait été offert à Freud par l'une de ses patientes, vers 1890.
11- Si le siège évoque une position de domination et de pouvoir, la chaise longue émet un désir d’individualité dans le repos. Dans la maison ou au bord de la piscine, elle évoque le plaisir de lâcher prise de son corps pour observer l’espace en contre plongée.
12- La LC4, de Charlotte Perriand pour le Corbusier, est conçue comme une véritable machine à repos, à réglage continu. Avant-gardiste par les matériaux employés, ergonomique avec son appui-tête cylindrique réglable et le siège qui épouse la forme du corps, élégante de par sa silhouette et l’emploi du cuir, la chaise longue à réglage continu est un must du design de l’époque. Sigfried Giedion dit dans La Mécanisation Prend le Dessus, que la façon dont vous vous asseyez représente la nature d' une période historique.
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Charlotte Perriand allongée dans son siège LC4, 1928-1930.
13- Le siège, quel qu’il soit, cristallise une certaine forme de pouvoir et symbolise la position sociale de celui qui l’occupe. À méditer… assis.
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redacmcloriquet · 8 years
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Auto-psy
Névrose, psychose Trauma, phobie Tu crois que tes amis ça suffit
[choeurs]Auto-psy Auto-psy ça dépend ça dépasse
Schyzophrénie Sociopathie Tu saoules ta mère et ta mamie
[choeurs]Auto-psy Auto-psy l'enfer c'est les autres
Complexe de castration refoulement, déni Tu crois que ça tombera dans l'oubli
[choeurs]Auto-psy Auto-psy je vous assure que je vais bien
Terreurs nocturnes TOC, mythomanie Ça passera, c'est la vie !
[choeurs]Auto-psy Auto-psy y'a quequ'chose qui cloche là dedans
Violence contenue Conformisme social Un jour tout ça finira mal
[choeurs]Auto-psy Auto-psy passage à l'acte
Consulte Exprime tes angoisses Arrête l'auto-psy
[choeurs]Auto-psy Auto-psy racontez moi votre enfance
Ecrit par Marie-Caroline Loriquet - Mars 2016
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alalumieredujour · 7 years
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Du pourquoi je suis incapable de chercher du travail
Disclaimer : ce texte aborde sans trigger warning les notions de burn-out, traumatisme, fin de vie & psychophobie
Je pense que je me souviendrai toute la vie de ma soutenance de fin d’études en psychologie. Une quarantaine de minutes pendant lesquelles l’étudiant.e doit soutenir son rapport de stage &, par extension, son stage lui-même, devant deux enseignantes de la faculté ainsi que la ou les psychologues qui l’ont encadré sur place.
De la soutenance en elle-même, je me souviens de peu. Je me souviens avoir déroulé à peu près dans l’ordre les idées qui m’étaient venues la veille au soir, pendant que je me préparais à l’examen ; je me souviens avoir voulu montré le recul pris d’avec ledit rapport de stage & par extension le stage en lui-même (ce n’est pas de mon fait, c’est ce qu’on demande de faire au cours de cet exercice) ; je me souviens avoir été déstabilisée par les questions du jury. Tantôt, parce que je ne m’y attendais pas & c’est bien normal de ne pas tout prévoir, mais tantôt aussi parce qu’elles semblaient à mille lieues de ce que j’avais exposé à l’écrit & que je continuais à dérouler à l’oral.
Je me souviens par exemple de mes enseignantes qui s’acharnaient sur des tournures de phrases symptomatiques d’un défaut que j’avais, mais que je pensais également avoir verbalisé au cours de l’exercice. Je me souviens aussi de l’une de mes référentes argumentant abondamment dans leur sens alors que ce défaut que j’avais n’avait été qu’accentué par son propre rapport à la théorie psychanalytique. Je ne me souviens pas davantage.
 Ce qui m’apparaît par contre de manière limpide aujourd’hui encore, c’est mon état psychique du jour suivant. Le jour suivant, j’avais un shooting à réaliser et une séance d’analyse à laquelle aller. Sur le divan, j’ai rapidement fait part de ma frustration par rapport au shooting : sans pouvoir me l’expliquer, j’avais été incapable de photographier le modèle avec qui je travaillais. Tout ce que j’avais pu capturer, c’était des bouts de son corps décousus : un gros plan sur ses mains, une partie de son visage reflété dans un miroir, son ventre transpercé par ma main grâce à un jeu d’optique. Tout ce que j’avais pu capturer, c’était le morcellement de son corps.
Dans les minutes qui ont suivi l’aveu de cet échec, ou peut-être dans celles d’avant, j’ai aussi parlé de ma soutenance, expliquant à quel point je m’étais sentie disséquée par mes enseignantes sans avoir eu l’impression d’être proprement recousue ensuite. Je ne l’entendais pas, alors mon analyste me l’a répété : « Décousue ? Recousue ? Vous vous êtes sentie disséquée hier et aujourd’hui vous ne pouvez photographier que des corps morcelés ? ». On y était.
Ma soutenance de stage m’avait plongée dans un état de morcellement de moi-même comme il m’en arrive parfois, mais comme il en avait rarement existé d’aussi persistant. D’habitude, une bonne nuit de sommeil suffit à remettre mes pendules à l’heure & mon corps en un morceau. Il s’agit d’une angoisse plutôt archaïque, j’admets, & elle est associée à des mécanismes plutôt archaïques eux aussi, mais s’il n’y avait que des psychologues aux prises avec la castration, la clinique serait plutôt terne. C’est ce que je pense, en tout cas, mais la fac n’a pas l’air d’accord. Elle, elle est plutôt du genre à prêcher l’importance de la subjectivité tant que cette dernière ne concerne pas celle des étudiant.es.
 Je me souviens de mes années en tant qu’élue étudiante au conseil de la faculté. Le conseil est un organisme qui réunit à la fois des délégués enseignants, administratifs et étudiants. C’est l’endroit où l’on prend les décisions budgétaires et pédagogiques, en gros. La majorité du temps, c’est un lieu de désaccord.
Un jour, je me souviens avoir lutté contre la quasi-intégralité du conseil lorsqu’il a été proposé de sélectionner les étudiant.es de première année sur la base de l’orthographe et de la grammaire. Je me souviens avoir déroulé des arguments qui me semblaient trop évidents pour avoir besoin d’être cités, je me souviens avoir mentionné le mépris de classe et les situations de handicap de certain.es étudiant.es. Alors qu’on m’expliquait que des tiers-temps étaient aménagés pour ces dernier.es (le mépris de classe, lui, n’a pas été relevé), une des mes enseignantes m’a répondu sans honte : « de toute manière, il faut bien les éliminer à un moment, moi les dyslexiques par exemple je ne les prends pas en thèse, c’est un coup à devoir l’écrire à leur place, la thèse, c’est comme les trisomiques, c’est pas parce qu’ils sont incapables d’avoir le brevet qu’il faut le leur donner d’office ». L’état de sidération dans lequel m’a mis ces propos m’a empêché d’y répondre.
Je me souviens également d’un conseil ayant eu lieu l’avant-veille de ma rentrée en Master 2, alors que nous attendions encore confirmation d’y avoir été acceptées mes camarades & moi. Je me souviens ma potentielle future directrice de Master me dire à l’entrée de la salle : « bien sûr, vous êtes prises, il y a juste un petit souci que nous allons régler au cours de la réunion », puis je me souviens avoir lu comme dernier point à l’ordre du jour « ouverture du Master 2 recherche » suivi d’un point d’interrogation. Le fait ait que trop peu d’étudiantes s’était inscrites à cette formation pour que son ouverture soit automatique. J’ai passé l’intégralité du conseil aux prises avec l’angoisse, mes mains glacées et mes tripes retournées, parce que la direction de mon année serait jouée dans les cinq dernières minutes d’une réunion au programme déjà bien chargé. Je me souviens n’avoir rien suivi à l’ordre du jour jusqu’à ce dernier point précisément & puis j’ai rapidement pris la parole, avançant en substance que je ne savais comment me positionner, étant concernée par la question au premier degré, mais qu’avec toute l’objectivité dont j’étais alors capable il me paraissait injuste de débattre de cette question en ayant déjà dépassé la date de dépôt de dossier de candidature à la formation. Les étudiantes s’attendaient à savoir si elles étaient prises ou non, pas si le Master allait ouvrir. Je me souviens d’une de mes enseignantes se saisir de mon état plus que de mon propos pour arguer : « regardez ce que vous faites subir aux étudiants, ce n’est plus des chiffres que vous avez sous les yeux, c’est de la souffrance ! » et je me souviens d’une autre qui lui a rétorqué, sans broncher : « c’est un biais bien connu en psychologie sociale, on est davantage marqué par le détail que par la masse, mais il nous faut pour autant rester objectif ». L’argument m’a à tel point sonné que j’ai oublié le reste de la séance.
Des histoires comme ça, j’en ai des tas. Je me souviens d’un enseignant, au bout du rouleau, nous disant : « c’est comme ça, il faut qu’une génération d’étudiant.es soit sacrifiée pour que le gouvernement se rende compte de l’aberration des lois auquel il nous soumet ». Je me souviens lui avoir répondu que c’était injuste, que leur place à elleux enseignant.es n’était pas menacée, qu’iels ne pouvaient nous réduire à ça. Au cours de cette séance-là, le terme de chair à canons a souvent été évoqué.
Mais je me souviens aussi de mes nombreux silences contraints. C’est plutôt triste, ridiculement cliché, mais il planait au-dessus de la tête des élu.es étudiant.es la menace d’une entrée en Master compliquée si l’on s’élevait trop fort contre certaines décisions. Bien sûr, rien n’était verbalisé & c’était sûrement des bruits de couloirs que l’on se transmettait d’élu.e en élu.e, mais rien non plus dans le positionnement de nos enseignant.es n’est jamais allé contre cette rumeur. On en était là de notre liberté de paroles et de notre liberté de vote.
 Les études de psychologie, nous ont souvent, moi & mes camarades, placé.es entre le marteau l’enclume. L’enclume, c’était la fac qui érigeait des règles qui ne s’appliquaient qu’à elle et l’enclume c’était le terrain, les stages où l’on nous apprenait surtout que l’on ne savait rien.
Mon premier stage obligatoire s’est passé en hôpital de jour, une structure hospitalière où les patient.es passaient au cours de journée, faisaient leurs examens et rentraient chez elleux ensuite. A mon premier jour, après m’avoir brièvement expliqué le fonctionnement du service, on m’a enjointe à rejoindre la «��cafétéria » (une cuisine aménagée) où je devais exercer. Il était hors de question que je mène, voire assiste à des entretiens : mon travail consistait en le bon accueil psychique des patient.es avant leurs examens (je cherche encore aujourd’hui l’intérêt clinique de ce stage). A mon premier jour donc, on m’a enjoint à rejoindre mon lieu de « travail » et la psychologue qui m’encadrait a ensuite pris cinq semaines en vacances. Les autres membres de l’équipe, avec lesquels elle s’entendait plutôt mal, m’ont demandé de nettoyer les tables et de détartrer la bouilloire. Une de mes plus importantes responsabilités consistait à affaires les sacs des patient.es pendant leurs examens. Malgré tout, la faculté a validé mon stage & moi, difficilement, j’y ai fabriqué une pratique clinique.
Mon deuxième stage obligatoire m’a confrontée à un autre service hospitalier. La psychologue qui m’encadrait m’a fait visiter les lieux le premier matin, puis nous avons discuté théorie & elle m’a répété ce qu’elle avait déjà énoncé lors de mon entretien d’embauche : il était important que nous ayons les mêmes repères théoriques (repères théoriques dont l’appui m’a ensuite été reproché par la même personne lors de ma soutenance). L’après-midi, j’ai été lâchée dans un service que je connaissais à peine & qui n’appréciait pas particulièrement la psychologue (c’est quelque chose qui arrive assez souvent pour le voir dans deux stages de suite sans que cela soit surprenant). J’étais mal préparée, j’étais inquiète et ça s’est mal passé. Le lendemain, je me suis mise à pleurer sous ma douche & rien n’a pu m’arrêter alors j’ai appelé ma référente pour lui dire que j’étais désolée mais que j’arrêtais le stage. Elle m’a proposé d’y réfléchir, j’y ai réfléchi & je s’y suis revenue pour une seule raison : mes patient.es. J’ai passé six mois dans cette structure et, sans mentir, c’est six mois où mes jambes ont quotidiennement fait violence à ma tête pour m’amener jusqu’à l’hôpital.
  Aujourd’hui, je suis incapable de trouver du travail. L’idée même de reprendre une activité psy en institution me renvoie directement à tous ces fragments de souvenirs où je lutte contre moi-même pour ne pas m’enfuir, tellement l’univers dans lequel j’évolue est éloigné de ce que je suis & de la clinique que je souhaite mener. J’ai survécu à deux années de stages mal encadrés, j’y ai appris technique et intuition, j’y ai fait du silence comme de la parole des alliés, ma réflexion et mon positionnement sont devenu.es celleux d’une psychologue, mais pour autant je ne peux pas travailler.
Alors voilà, peut-être que c’est parce que j’ai encore encore trop de choses à régler, ou peut-être que ce métier n’est pas pour moi. Mais peut-être aussi que ma formation a détruit quelque chose au lieu de le construire. Je me souviens d’une enseignante qui, dans la plus grande décontraction, expliquait qu’après le diplôme certain.es mettaient six heures à rechercher du travail, d’autres six mois et d’autres encore six ans, parce que l’on n’est pas tout.es prêt.es en même temps et qu’il est important de savoir s’écouter. Un an & demi après l’obtention de mon diplôme, je vis des aides sociales car ma formation résonne comme un traumatisme en moi. Il ne s’agit pas d’être prête car le désir, si ténu & malmené qu’il soit, le désir est là. Il s’agit de guérir de blessures qui n’existaient pas avant la formation. Je parle de tout ça et ce que je dis, c’est « je me souviens », mais ce n’est pas tout à fait vrai. Je ne me souviens pas, j’y suis encore en partie. Ces moments que je rappelle à ma conscience, ils sont assez vivaces pour que je puisse y revenir quand je le souhaite & parfois aussi quand je ne le souhaite pas. Ce ne sont pas des souvenirs. Ce sont des fragments de traumatismes.
Voilà où on en est aujourd’hui. Je suis quelqu’une de sensible et d’intuitif qui sait s’adapter rapidement au milieu dans lequel elle doit évoluer. Je suis aussi quelqu’un qui a ses angoisses et ses mécanismes de défense propres, comme tout à chacun. Là où je m’insurge, c’est qu’on aurait pu entendre ma différence pour me former de manière plus juste, au lieu de vouloir mouler des psychologues à la chaîne comme on fabrique des petits beurres. A bien y réfléchir, je pense que c’est là tout le cœur du trauma : ce que l’on nous faisait comprendre à mes camarades & moi, c’est qu’il n’y avait qu’une seule manière d’être un.e bon.ne psy & clairement, j’étais faite du mauvais bois. Bien sûr, j’ai eu d’autres expériences de stage qui m’ont permis de remettre en question cette certitude & c’est en me basant sur elles que je pourrais peut-être un jour embrasser cette profession. Mais c’était à la faculté de me former & à la place, de par ses fonctionnements viciés et son encadrement lacunaire, elle m’a cassée. La faculté de psychologie, c’est peut-être l’endroit où les cordonniers sont les plus mal chaussés. Comme dit plus haut, la subjectivité s’arrête là où commence l’enseignement.
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fontaine51 · 5 years
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#significationdesrêves Rêver d'amputation Rêver d'amputation Amputation - Rêver d'amputation C'est une angoisse de mutilation, de castration, bien évidemment. Cela peut représenter une peur de l'impuissance (pas forcément sexuelle, au demeurant) ; on se sent démuni, réduit à une humiliation.
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lucidus-somniare · 7 years
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journal intime de 17h48
En cours de psychanalyse on vu a qu'il existe 3 grandes structures psychiques: les personnalités névrotiques, psychotiques et limites, avec chacune leur type de conflit interne et la nature de leur angoisse (angoisse de castration pour la névrose, angoisse de morcellement/de mort pour les psychoses et angoisse de perte de l'objet/perte d'amour de l'objet pour les états limites). Et en fait on a tous un type de personnalité qui relève de ces structures, sans pour autant que ça soit pathologique, du coup depuis j'observe mon entourage et j'essaye de voir dans laquelle de ces structures ils iraient et c'est rigolo à faire
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jmdelacan · 10 years
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Philippe Grimbert sur la cigarette
Philippe Grimbert sur la cigarette
“Chez le garçon devenu adulte la cigarette est le substitut du phallus de la femme (la mère) auquel il a cru étant enfant et auquel il ne veut pas renoncer, puisque ce serait accepter l’imminence de la castration. La cigarette, exhibée comme un phallus et venant obturer le vide de l’orifice buccal associé au sexe féminin, demeure le signe d’un triomphe sur la menace de castration et une…
View On WordPress
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justeunpeudefreud · 7 years
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Par cette dernière remarque que le Moi a été préparé à la castration par des pertes d’objet régulièrement répétées [sein, selles, absences de la mère], nous avons acquis une nouvelle conception de l’angoisse. Si nous la considérons jusqu’à présent comme un signal-affect du danger, elle nous apparaît maintenant, étant donné qu’il s’agit si souvent du danger de castration, comme la réaction à une perte, à une séparation.  (…) La première expérience vécue d’angoisse, chez l’homme du moins, est la naissance et celle-ci signifie objectivement la séparation d’avec la mère. (…) Nous sommes enclins à voir dans l’état d’angoisse une reproduction du trauma de la naissance.
S. Freud, Inhibition, Symptôme et Angoisse, 1925 (Œuvres complètes, PUF 1992, pp. 246 et 248)
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justeunpeudefreud · 7 years
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Est-il établi que l’angoisse de castration est l’unique moteur du refoulement (ou de la défense) ? Si l’on pense aux névroses des femmes, il faut mettre cela en doute, car avec quelque certitude qu’on puisse constater chez elles le complexe de castration, on ne peut cependant pas parler d’une angoisse de castration au sens exact, dès lors qu’une castration est déjà effectuée.
S. Freud, Inhibition, Symptôme et Angoisse, 1925 (Œuvres complètes, PUF 1992, p. 240)
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justeunpeudefreud · 7 years
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[A propos du devenir du complexe d’Œdipe chez le garçon :] Les tendances libidinales appartenant au complexe d’Œdipe sont d’une part désexualisées et sublimées, ce qui advient vraisemblablement lors de toute transposition en identification, d’autre part inhibées quant au but et transformées en motions tendres. Tous ce processus a d’une part sauvé l’organe génital [en détournant] de lui le danger de la perte, et d’autre part il l’a paralysé, il a supprimé sa fonction. Avec lui débute la période de latence qui interrompt désormais le développement sexuel de l’enfant.
Freud, La disparition du complexe d’Œdipe, 1924 (PUF, Paris 1992, p. 30).
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justeunpeudefreud · 7 years
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Dans l’inconscient, il ne se trouve rien qui puisse donner un contenu à notre concept d’anéantissement de la vie. La castration devient pour ainsi dire représentable par l’expérience quotidienne de la séparation d’avec le contenu intestinal et de la part du sein maternel, vécue lors du sevrage ; mais quelque chose de semblable à la mort n’a jamais été vécu ou bien n’a laissé, comme l’évanouissement, aucune trace décelable. C’est pourquoi je m’en tiens fermement  à la supposition que L’ANGOISSE DE MORT DOIT ÊTRE CONÇUE COMME ANALOGON DE L’ANGOISSE DE CASTRATION, et que la situation à laquelle le Moi réagit est le fait d’être délaissé par le Surmoi protecteur – les puissances du destin – par quoi prend fin l’assurance contre tous les dangers. Il entre de plus en ligne de compte le fait que lors des expériences vécues qui conduisent à la névrose traumatique le pare-stimulus externe a subi une effraction et que des quantités d’excitation excessivement grandes abordent l’appareil animique, de telle sorte qu’ici nous sommes en présence de la seconde possibilité,  à savoir que l’angoisse n’est pas seulement signalée comme affect, mais qu’elle est aussi nouvellement engendrée à partir des conditions économiques de la situation.
S. Freud, Inhibition, Symptôme et Angoisse, 1925 (Œuvres complètes, PUF 1992, p. 246)
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justeunpeudefreud · 7 years
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[A propos du Petit Hans et de l’Homme aux Loups :] Dans les deux cas, le moteur du refoulement est l’angoisse de castration ; les contenus d’angoisse, être mordu par le cheval et être dévoré par le loup, sont un substitut par déformation du contenu : être castré par le père. A proprement parler, c’est ce contenu qui a subi sur lui-même le refoulement. Chez le Russe, il était l’expression d’un souhait qui ne pouvait subsister face à la révolte de la masculinité, chez Hans, l’expression d’une réaction qui muait l’agression en son contraire. (…) C’EST L’ANGOISSE QUI FAIT [provoque] LE REFOULEMENT ET NON PAS, COMME JE L’AI ESTIME JADIS, LE REFOULEMENT QUI FAIT L’ANGOISSE.
S. Freud, Inhibition, Symptôme et Angoisse, 1925 (Œuvres complètes, PUF 1992, p. 226)
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