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cha-rdassaut-blog · 6 years

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Cher moi d'il y a dix ans,

D'il y a dix ans? Attends, laisse moi réfléchir... tu as huit ans. Huit ans et quatre mois. Tu es toute petite... J'ai l'impression que tu remontes à un siècle.

Je suis désolée, j'ai mauvaise mine aujourd'hui. Ça fait deux ans que j'ai mauvaise mine.

Tu as l'air tellement forte... Je ne me rappelais pas de toi aussi déterminée. Mais maintenant que tu le dis... Si. Si, tu as toujours été forte.

Oui, je suis passée te voir. Pourquoi? Je ne sais pas trop. Comme ça. Peut-être parce que je ne peux plus nier ton existence. Pas faute d'avoir essayer. Hé, me regarde pas comme ça, c'est la vérité. Mais aujourd'hui je suis là non? C'est ça qui compte hein?

Je voulais juste voir si tu allais bien. Et puis, je voulais te dire un ou deux trucs. Peut-être même plusieurs trucs.

Je voulais te dire de ne pas faire les mêmes erreurs que moi. Je voulais te dire ne marche pas dans mes empreintes. Elles te conduisent droit vers les sables mouvants.

Ne te tais pas. Parle. Ouvre ta gueule. Crache tes mots. Hurle ce qui ne va pas. Ne fais pas comme moi.

Ne doute pas. Jamais. Sois forte. Accroche toi. Serre les dents. Ne baisse pas les bras, tant pis si ça fait mal.

Fais voir? Lève la tête.

Non, tout va bien, tu les a encore. Ne les perds jamais. Ne perds jamais tes yeux d'enfants. Ne laisse pas tes espoirs se faire descendre en plein vol.

Ne fais pas cette tête, je suis sérieuse. Écoute moi.

Ne fais jamais rien qui puisse te faire du mal. Tu es ton bien le plus précieux. Ne touche pas à un seul de tes cheveux. Ne laisse à personne l'occasion de te blesser.

Quoi? Tu me crois pas? Tu me crois pas, c'est ça? Tu te crois invincible c'est ça?

Mais moi je sais comment ça se termine. Moi je sais ce qui se passe. Moi je sais que tes airs déterminés, c'est du bluff. Tu n'es qu'une feuille morte, le moindre coup de vent et tu disparais.

Regarde moi. Mes cernes, tu les crois pas? Ma maigreur, tu la crois pas non plus? Les médocs, tu les crois pas c'est ça? Les crises de panique aussi? Les vomissements, tu ne les crois pas? Les insomnies, pareil? La horde de médecins, tu ne la crois pas, c'est ça? C'est ça hein?

Pardon, pardon, pardon. Je ne voulais pas te faire pleurer. Je suis "psychologiquement instable ", faut pas m'écouter, faut pas m'écouter, faut pas m'écouter.

Mais laisse moi parler encore peu tu veux bien? Tu veux bien? Faut que j'ouvre les vannes, faut que je parle avant de m'étouffer dans mes mots ravalés.

Je voulais surtout te dire que je suis fière de toi. Tu es quelqu'un de bien. Tu vas souffrir, je te le cache pas, on va pas se mentir toutes les deux, hein? Tu vas souffrir mais t'es forte. Tu vas t'en sortir. Je suis fière de tout ce que tu vas accomplir.

Pleure pas, pleure pas, pleure pas. Ça ira, je vais essayer de recoller les morceaux, de m'en sortir.

Alors pleure pas. Parce que ça va aller.

Je voulais aussi te dire... Je t'aime.

Oui, je t'aime même si tu es... Non. Rien. Oublie. Tu es parfaite. Je t'aime.

Allez, c'est moi qui chiale maintenant. Non, j'ai pas besoin d'un mouchoir. Mais merci, t'es mignonne.

Bon.

Je vais y aller je pense. Tu devrais rentrer, il va pleuvoir.

Prends soin de toi.

Ouais... Moi aussi.

Moi aussi.

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cha-rdassaut-blog · 6 years

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Cher corps

Cher corps,

Je ne pourrais pas réellement te l'expliquer, mais, aujourd'hui, je ressens le besoin viscéral de t'écrire. Peut-être parce que tu es la seule personne à qui j'ai encore des comptes à rendre. Peut-être parce que tu me manques un peu plus que je ne veux l'avouer.

Toujours est-il que cette lettre est pour toi.

Je ne rejette pas la faute sur toi. C'est moi qui ai fait de toi ce que tu es aujourd'hui. Je voulais que tu ressembles à ce que je suis. Échorchée, blessée, brisée, transparente, mise à nu, lacérée. J'ai fait de toi un tombeau à ciel ouvert. J'assume l'entière responsabilité de notre vie. Et je m'en excuse.

Je m'excuse d'avoir été incapable de t'aimer. Je m'excuse de ne pas m'être bien occupée de toi. Je m'excuse de t'avoir offert un drame à la Roméo et Juliette ou à la Jules et Jim. Je m'excuse pour tous ses regards aiguisés qu'ils (je?) ont fait peser sur toi. Je m'excuse pour ces longs moments de douleur. Je m'excuse pour les reproches violents, les crises de vomissements. Je m'excuse d'avoir fait de toi l'instrument de ma révolte silencieuse.

Tu es le compagnon que j'ai le plus abusé et le plus trahi. Et aujourd'hui, je me surprends à t'aimer.

Oui, tu es le compagnon que j'ai déchiré à mains nues. Mais tu es aussi le seul corps que j'aurai jamais.

Alors je vais essayer de prendre soin de toi.

Je comprendrais que tu n'acceptes pas cette aide. Je comprendrais que tu décides de me planter là. Je comprendrais que le seuil de ce que tu pouvais atteindre ait été dépassé. Je comprendrais.

Mais je voudrais que tu saches que je t'aime.

Pas malgré moi, pas par obligation, pas par nécessité. Réellement.

Je t'aime

Charlie

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