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nuit-pourpre · 3 years

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Lohorie Valendrin [ep.09]

[Fantasy]

J’ai plus d’une vingtaine d’hivers, dont cinq passés avec les patrouilleurs Impériaux. Je suis assez cultivée, pour une fille née dans un lupanar. Je m’appelle Lohorie Valendrin.

J’écume l’Archipel du Cyan depuis presque un an. J’étais jusqu’à récemment au service d’un Commandeur. Je l’ai perdu en mer après un abordage et une tempête. J’ai survécu à deux embuscades, un naufrage, une hypothermie au fond d’un tonneau de bière, une sieste dans une fosse commune et une rixe de taverne, le tout avec une fracture au bras. Et j’ai survécu au feu des arcanes.

La fracture de mon bras couve encore sous une attelle robuste. J’ai des réminiscences. Le grincement de la charrue. Moi, ballottée sur une épaule jusqu’à un talus.

Une spatule en bois, un cataplasme. Une haleine de soupe aux champignons. Mon dos embrasse tendrement l’aspérité d’une pierre.

Le sol est dur et sauvage. Aucune paillasse. Une anfractuosité. Mes yeux plissent en regardant le jour blanc qui s’y engouffre.

Il fait tiède. Je suis seule là-dedans. Les braises froides répandent leur cendre humide jusqu’à mon nez. Je crois qu’il pleut dehors. Et la plaie maléfique, sur mes hanches, n’est plus qu’une tache imprécise, comme une impressionnante mais ancienne, très ancienne cicatrice. J’ai la sensation d’avoir été piétinée par un troupeau de centaures. Étrangement il y a là quelque chose d’agréable… Je suis reposée.

Mais je ne suis pas sereine. Je crois que l’idée me frappe pour la première fois de ma vie. Quelque chose pulse, à l’intérieur. Dans ma poitrine et dans ma tête. Quelque chose qui m’a maintenue en vie, et qui me réclame désormais sa dette. Quelque chose qui m’a toujours accompagnée et qui veut maintenant que je la reconnaisse et l’accepte.

Face aux coups et aux insultes, face à la peur permanente, j’ai toujours pensé qu’il y avait cette barrière de glace. J’étais à l’abri derrière elle. Inaccessible. Grâce à elle, je pouvais errer, en ne suivant que ma curiosité. Mais je n’errais pas : je fuyais. Je n’étais pas seule non plus. Ma colère m’accompagnait. Elle m’accompagne toujours.

Elle se faisait humble et discrète, ma colère. À quoi aurait-elle servi ? On ne pouvait me blesser, ni par les mots, ni par l’épée, ni par l’amour. C’est toujours le cas.

Mais ça n’a pas suffi. Et la colère est là. Elle attend à mon seuil. C’est une vieille amie gênante que je voudrais oublier. Qui me rappelle des choses. Les cauchemars, nuit après nuit, qu’elle m’a aidée à chasser. La terreur qu’elle m’a mise devant les yeux pour que je puisse l’affronter. Elle me rappelle aussi le déni, le rejet, l’abandon, l’ostracisme. Les trahisons, les violations et la haine pure. La façon dont les hommes me traitaient. La colère me rappelle que je ne pourrais jamais équilibrer les comptes. Il faut continuer. Survivre, se taire un peu, renoncer beaucoup, et choisir ses combats parmi les centaines qui devraient être menés.

Mais la colère réclame son dû. J’ai tenté de m’y soustraire. J’ai suivi le métier de mercenaire et embrassé les projets les plus inutilement périlleux pour ne pas avoir à y penser. Je n’y arriverai plus.

Le triangle poli, plus beau que jamais, sombre comme le vide et vide comme le Temps avant le Commencement… Il est à mes côtés. On l’a délicatement posé à côté des flammes, autour de sa ficelle. Je l’emporte, résolue, autour de mon cou.

Je glisse hors de la tanière. Mon corps est plus détendu que jamais, et mon esprit troublé. Plus que jamais, lui aussi. Ma vie a joint ses deux extrêmes. Toucher le fond tout en atteignant l’apogée, pour revenir à son vrai soi. Les philosophes de Cocybée avaient un mot pour cela : anaptôsis. Je l’ai accomplie. Je suis revenue à moi. Mais je ne crois pas que ce soit une bonne nouvelle.

La forêt de Sansonaïth est encore plus belle que dans les récits. D’une beauté effrayante.

Les épicéas craquent dans la brise, enracinés entre les failles et les éboulis du relief. Leur écorce a la douceur brune du silex, comme si on l’avait lustrée, ou que le temps avait fossilisé les troncs. Ils sont si hauts que les gouttelettes de bruine ne mouillent jamais le sol.

Les aiguilles font un bruit de cristaux de glace sous mes bottes. Un cri d’aigle retentit.

Je regarde autour de moi à la recherche d’une piste. La cavité est coiffée d’un buisson d’épines où poussent des baies rouge vif.

J’ai déjà vu ce buisson.

La fatigue crée souvent ces impressions. Une fantaisie de l’esprit épuisé, qui prend des sensations banales pour des souvenirs marquants. Je n’ai jamais cru aux explications prophétiques de ce phénomènes. La mémoire humaine est une artiste, pas une chroniqueuse. Comment je le sais ? Quand je pense à mon passé, l’agréable et le douloureux s’invertissent. Les narrations me semblent toujours tellement prisonnières de mon présent… Souvent je chéris les pires réminiscences, et je regrette les meilleures.

Je n’ai jamais vu ce buisson auparavant. Même si toutes les fibres de mon âme me le hurlent comme un pasteur fiévreux devant un parterre de bigotes.

Je me retourne. Une branche a cassé. Il y a quelqu’un, ou quelque chose, non loin de moi. Entre les arbres, je déambule. L’air vibre du son de quelques mouches. Il flotte une vague odeur de lisier, comme dans la fange d’une laie.

La pluie cesse après quelques instants. Un rais de soleil s’engouffre entre des rameaux d’épines. Dans une clairière détrempée, je hume l’odeur du sous-bois, devenue fruitée, estivale, presque.

Et un ruisseau fredonne à mes oreilles comme une harmonie de petites clochettes.

Une autre impression de déjà-vu. Cette fois j’y associe une autre idée fausse, plus précise : ça me rappelle la Mélusine. C’est la Mélusine. À l’été 139 ou 140, par une douce nuit.

Mais mes os sont gelés, et le zénith décline à peine. Je suis si différente d’alors que si je me rencontrais à l’époque, j’aurais besoin de longues discussions pour me reconnaître.

Des feuilles remuent, comme si un cerf ou un sanglier les avait arrachées sur sa route. Je fais volte-face, le poing serré. Je n’ai aucune arme.

Je ramasse une pierre saillante.

Je m’avance jusqu’au talus. Le bruit venait de derrière.

Le spectacle au-delà est à couper le souffle. Je trouve une combe, nichée dans un dévers perdu au fond de la forêt. Une énorme ruine s’y dresse. Elle est bouffée par les orties, et constituée de trois vieux bâtiments à colonnades, qui forment un hémicycle autour d’une cour déserte. Premier Empire. Presque deux millénaires.

Depuis combien de temps est-ce abandonné ? L’est-ce vraiment ? La végétation, au fil du temps, a donné aux restes de colonnes l’aspect de jeunes arbustes. Une dalle de pierre s’étend, vaguement surélevée entre les ailes du temple effondré.

On a entretenu cette dalle. C’est une mosaïque. Les siècles ont terni les couleurs. Il n’y a rien aux alentours. Mais je suis convaincue qu’on me suit.

Je ne reconnais pas le style du motif. Les tessons forment une toile indistincte et multicolore, qui oscille entre laideur et étrangeté. Mais un glyphe perce le centre. Argenté. Plus net que le reste. Symétrique, presque rond. Une sorte de carapace de tortue, en plusieurs parties. Un contour en hexagone, avec une sorte de rosace à trois pétales qui fleurit au milieu.

Je lève la tête. Je pense à inspirer. Et j’annonce dans la clairière :

C’est vous, qui m’avez sauvé la vie ? Montrez-vous, de grâce ! Je n’aime pas être suivie.

Les brindilles bruissent sous une botte, ou plutôt un pied nu. Une silhouette dans une robe carmin apparaît au détour d’un mur. Âgée. Glabre. Une petite casserole refroidit d’un mélange fumant d’herbes des bois au-dessus des braises, derrière elle. À côté du maigre feu de camp, des couvertures et un bardas sont affalés, traversés par le licol qui attache une mule placide à l’écorce d’un pin.

Son crâne nu est tacheté d’éruptions brunes, comme un vieux parchemin. Une bouche duveteuse pend, sous le champ de bataille pourpre de ses yeux. Elle ressemble à une vieille courtisane de Syphoride. À ma mère. Si elle était toujours en vie. Mais son visage n’est pas le sien. Et sa voix non plus. Elle est rauque et fatiguée. Elle n’a pas cette énergie désespérée que ma mère avait au plus funeste de son agonie. Elle est sereine.

Tu n’aimes pas être suivie ? C’est moi, pourtant, qui me sens traquée !

Ma langue maternelle. Ici, maintenant, ça sonne comme un dialecte lointain. Pourquoi diable…

Je vois à ton air que tu ne me reconnais pas, conclut mon hôte.

C’est que je ne m’attendais pas à ce que quelqu’un parle autre chose qu’un agrégat de jurons insulaires, dans le coin.

La silhouette rit.

Tu as développé un accent dans ta propre langue ! Tu dois être sur les routes depuis longtemps.

Pas seulement sur les routes…

Ton corps est marqué. Mais je me félicite néanmoins du résultat. Mon art a fait de toi la plus belle femme du monde !

Je… c’est gentil de m’avoir ramenée d’entre les morts, mais…

Lohorie, bon sang ! Je n’ai fait que rafistoler ce que j’avais modelé. Tu as changé depuis notre dernière rencontre. En bien. Tu es moins jolie. Plus bourrue. Plus athlétique. Plus déterminée.

Mon regard s’illumine en croisant le sien. Désemparée, je lâche ma pierre et sens le monde s’effondrer sur lui-même. Mes mots tremblent, mais parviennent à sortir.

C’est… vous ? Vous étiez au Pic des Saintes Ténèbres. L’enchanteresse !

À dire vrai, quand le charretier m’a amené ta dépouille mourante, j’étais au moins aussi décontenancée. Et puis j’ai remercié les Destins d’avoir tenu compte de notre pacte. Tu vas pouvoir régler ta dette, Lohorie.

Le fil me revient. Comme si sept années étaient devenues sept heures. Elle m’avait demandé de la rejoindre sur la demoiselle coiffée. Tout en haut de ce piton rocheux dont le bulbe dominait la plaine. Le vent mordant. Sa face burinée, une pagaille noir de jais qui chevauchait son crâne. Elle avait des boucles d’oreille scintillantes. De la pyrite. Je me revois essoufflée, au terme de l’ascension. Je la ressens me toucher l’épaule, relever mon menton et d’un bref coup d'œil, me détailler de bas en haut. Tu souffriras, m’avait-elle dit. Mais je te rendrai à toi-même. À celle que tu aurais dû être.

Je me réentends, lui demander, de ma voix sourde et caverneuse, combien son rituel me coûterait. Elle n’a pas répondu, ce soir-là.

Ce soir-là, elle m’a seulement conduite dans le boyau secret de la montagne, d’où je voyais la voûte par une faille rocheuse. Fixant une constellation dont je revois la forme de faucille, aujourd’hui encore. Je la fixais pour ne pas penser à ce qui m’arrivait. Je me souviens. Je suis nue. Rivée par une pesanteur terrible dans une flaque argileuse. L’odeur des herbes qui brûlent ma gorge, mon sang qui vibre et chatouille mes muscles. Frappée par la foudre alors que le temps est immobilisé. Une sensation entre l’orgasme et la mort. Un gouffre blanc qui m’aspire, qui gèle mes doigts. La sensation que mon foie éclate. Que mes poumons se décomposent. Que mes pores suent un liquide toxique. Et la peur suprême. Sans possibilité de fuir. Un esprit lucide coincé dans un corps en fièvre délirante.

Plusieurs cycles de jour et de nuit passèrent. Je ne me souviens ensuite que du grand vide qui les remplit. Ma mémoire est une page vierge, laissée en politesse entre deux chapitres du récit, comme si l’Ecclésia avait mis cette partie à l’index. On ne chronique pas de telles horreurs.

Je me frotte les yeux. J’inspire. Je reviens à la présence du sous-bois de Sansonaïth. Ma voix vacille jusqu’à l’enchanteresse qui m’a rendu la vie une seconde fois.

Vous m’avez relâchée. J’étais libre. Pourquoi ne pas m’avoir annoncé votre prix à la fin ?

Elle éclate de rire.

Pour qui me prends-tu ! Une rétameuse ? Je savais que si le sort le voulait, tu reviendrais à moi.

Par accident, pour le coup…

Et que ce jour-là, tu aurais enfin les moyens de t’en acquitter. J’ai un travail pour toi, Lohorie Valendrin.

Je rends toujours un service pour en rétribuer un autre, fis-je en soupirant. Mais je n’ai aucun moyen de quitter cette île de toute manière.

Tu en trouveras un. Grâce au trésor que tu portes en pendentif.

Je tâte le fragment, comme si je voulais m’assurer qu’elle ne l’avait pas escamoté. Elle se fend d’un rictus.

Ainsi tu connais sa valeur !

Marchande, oui.

Il n’en a aucune. Pour le moment.

Vous en savez quelque chose ? On m’a payé très cher pour le retrouver.

Et ton employeur est mort en mer, oui… Tu m’as déjà raconté toute l’histoire, quand tu étais fiévreuse et délirante. Je te parlerai peut-être de cette relique, quand nous nous reverrons.

Que dois-je faire ?

Oh ! Seulement assassiner un Archimage pour moi.

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santiagotrip · 5 years

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Étape 32 : Courcelles

Mercredi 22 mai

L’étape d’aujourd’hui est un peu longue, je pars donc de bonne heure de Villefollet. À 7h, je salue tout le monde et je m’en vais. Ils n’ont pas de tampon, alors c’est Hilda qui dessine une très jolie coquille Saint Jacques sur ma Crédentiale (je crois que c’est « une crédentiale », et pas « un crédential ». En tout cas, c’est plus joli au féminin).

En fait, j’aurai fait au total 33,2 kms.

Je m’arrête à Aulnay pour faire les courses. Chez l’épicière, j’achète des radis (j’ai découvert les radis sur le chemin, c’est une très bonne idée d’entrée), des sardines à l’huile et une banane. Elle est très gentille (l’épicière, pas la banane), on fait un peu la causette, elle aimerait bien partir aussi, mais le boulot, les charges, etc, etc. Quand je m’en vais, j’ai droit à un grand sourire. Le cœur guilleret, je vais chez la boulangère, et j’achète une baguette. Autre ambiance. D’un air sec, elle me demande « Compostelle ? » « oui. », je réponds avec un sourire. Et elle me dit : « C’est le troisième que je vois passer depuis ce matin ! ». Après avoir vérifié que « C’ » est bien moi, et avec l’humour qui me caractérise, je lui réponds : « Ben oui, en ce moment, ça grouille, les pélerins. Comme les rats ! » Et elle répond d’un air pincé : « Exactement ! ». Je crois que j’aurais continué en parlant de solution finale, elle aurait acquiescé de bon cœur. J’ai préféré m’en aller en la saluant poliment.

Et en y repensant sur le chemin, je me faisais les réflexions suivantes :

- Les cons, ça n’a pas de race, pas de sexe, pas d’âge, pas de catégorie socio-professionnelle définie, ça se contente d’être con. Mais ce qui est sûr, c’est que c’est jamais gentil. Con et gentil, c’est antinomique (mais je l’ai déjà dit, je crois ...)

- Ce qu’on fait, marcher pendant 2000 kms, est tellement fou, tellement inhabituel, tellement en décalage avec la vie normale, qu’on a parfois la tentation de se prendre pour des seigneurs. On a donc besoin de blaireaux de ce type pour nous remettre les pieds sur terre, et nous rappeler que le véritable courage, ce n’est pas de crapahuter dans la nature pendant des bornes et des bornes, mais de se lever le matin, s’occuper des enfants, mettre la maison en ordre, courir au boulot. Et le soir idem, dans le sens inverse. Et ça presque tous les jours de la semaine, toutes les semaines de l’année ou presque. Alors s’il vous plaît, juste un peu d’humilité, et croyez bien que je parle - aussi - pour moi.

C’était la minute philosophique.

Maintenant, quelques photos du chemin. Il a fait un temps superbe tout le long, et malgré la crème solaire, j’ai chopé un très joli coup de soleil.

À quoi ça sert de se décarcasser, le petit Jésus il fait les bouquets tout seul !

L’église d’Aulnay. Sur la droite, ils ont aménagé un petit local à l’usage des pélerins : Une table, des bancs, un toit et une poubelle, enfin, tout ce dont on a besoin pour déjeuner confortablement. J’ai laissé un mot de remerciements

Le quotidien du chemin, mais vous commencez à connaître ...

Et enfin, 33 kms et des poussières après mon départ de Villefollet :

Ca, c’est un lavoir qui m’a drôlement bien plu, juste à l’entrée dans Courcelles

Et j’arrive chez Marie-Jeanne. Marie-Jeanne, c’est une dame de 70 - 75 ans environ (c’est fou le nombre de septuagénaires que je croise sur le chemin. Et comme dans l’ensemble, ils sont plutôt cool, ça me rassure sur l’avenir). Ambiance un peu écolo, longs cheveux blancs, tunique au crochet, godasses Crocs ... et Suisse. Mais Suisse énergique (ben oui, ça existe !). Elle a sa maison, et la maison d’à côté est le gîte pélerin. C’est elle qui a tout fait dedans. Il est très bien agencé. Ambiance bois (OSB), deux chambres à l’étage, une salle commune au rez-de-chaussée. Je prends mes quartiers et sacrifie au rituel journalier. Je laisse sécher l’Aloe vera sur mes pieds. Deux bonnes heures. Je me réveille, il est l’heure de retrouver Marie-Jeanne (18h45).

Elle commence par m’emmener à l’église, qu’elle connaît par cœur.

Quand on arrive, on a l’impression d’être dans « le bon, la brute et le truand », et on s’attend à voir débouler Clint Eastwood de derrière la façade.

Elle estdédiée à Saint Nicolas. Toute l’architecture est très travaillée, sculptée de fond en comble. Il y’a des trucs à voir partout. En particulier, il n’y a aucune symétrie. Un motif sur un chapiteau, un autre motif sur l’autre chapiteau. L’autel majeur (celui de dans le temps, quand le prêtre célébrait dos au peuple) est sculpté dans tous les coins. Mais là aussi, aucune symétrie. Il y a par exemple 4 colonnades, les motifs sont différents sur chacune. Il y a un vitrail où l’on voit Notre Dame de la Salette qui porte un marteau et une paire de tenailles. Sur le chapiteau du pilier Sud, on retrouve la marteau et la paire de tenailles ... On pourrait en parler des heures.

Et puis on rentre chez Marie-Jeanne, pour le repas. Marie-Jeanne, elle dit le Bénédicité. Mais c’est un bénédicité à elle. Un bénédicité où on rigole.

Apéro, potage (trop bon, le potage, comme on dit de nos jours !). Puis entrée. Je n’ai pas résisté au besoin de faire la photo, juste pour vous faire saliver.

Puis plat de résistance. Re-photo.

Puis plateau de fromages (de chèvre, évidemment). Puis dessert. J’avais l’impression d’être dans un grand restaurant.

Pour tout ça, elle demande dix balles !!! Je vous ai déjà parlé du malaise que je ressens concernant le donativo, je vais pas vous re-bassiner avec ça. Marie-Jeanne, elle est pas très à l’aise avec ça, elle demande donc 10€ pour le repas, et donativo pour l’hébergement. De toute façon, Marie-Jeanne, elle est pas très à l’aise avec les sous.

On a parlé. Marie-Jeanne, elle vivait en Suisse avec son mari, Roland. Il en a eu marre, et il a eu envie de revenir au pays de son enfance. Marie-Jeanne, par amour, a suivi. Elle s’est complètement déracinée. Mais bon, elle est pas du genre à rester prostrée dans son coin à se lamenter sur son sort, elle s’est prise en main. Elle a fait Compostelle. En entier. Ca l’a complètement éclatée. Déjà elle était croyante, elle est revenue confortée. Quand la maison d’à côté a été mise en vente (dans l’état « ruine »), ils l’ont achetée. Sans trop savoir pourquoi. Puis Roland est décédé. Au lieu de repartir en Suisse, où se trouvent sa famille, ses enfants, ses sœurs, elle a décidé de rester à Courcelles et de créer un gîte pélerin. Elle a retroussé ses manches, mais alors jusqu’aux épaules, et elle a réhabilité la ruine.

Maintenant, c’est son bonheur, les pélerins. Elle aime ces moments de partage, elle aime leur redonner la niaque quand ils en manquent, elle aime refaire Compostelle à travers eux ...

Elle est un peu portée sur l’ésotérisme, Marie-Jeanne. Elle m’a parlé d’énergies, de forces telluriques, d’ondes ... Elle a un diplôme de « « réflexologie » accroché dans le couloir du gîte. Moi, vous savez à quel point tout ça me fait marrer, alors je l’ai chambrée un peu. Doucement au début, je sais que les adeptes des médecines douces sont chatouilleux et n’aiment pas qu’on rigole de ça, Marie-Jeanne non. Elle en rigole de bon cœur, et garde un vrai recul vis-à-vis de tout ça. Mon Dieu que c’est reposant !!!

L’hiver, elle va en Suisse, visiter sa famille. Elle aime bien. Surtout que la vie culturelle à Courcelles d’octobre à mars, c’est un peu moyen. Mais elle part pas trop longtemps quand même, avec les poules, les lapins, le potager ... Un mois maxi. Bon, elle a quand même plein de copains dans le village ... Elle s’ennuie pas, Marie-Jeanne.

Dix heures du soir, je dois rédiger les billets en retard. On se quitte et on se donne rendez-vous à 6h30 le lendemain pour le petit déjeuner.

Bonsoir à tous

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americaisdead · 4 years

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española, new mexico. april 2019

#tag christof #el fogón #lowrider #monte carlo #colonnade coupe #hood ornament

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oldmotors · 6 years

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When the Pontiac Grand Prix was redesigned for 1973, it got a little closer to its stablemates in GM's lineup of mid-size personal luxury coupes. The outgoing 1969 to 1972 had begun as a fairly unique item for #Pontiac and a huge hit, but it only got built because it could share components with a Chevy version - the Monte Carlo. - 1973’s “Colonnade” redesigns meant even more shared components with other GM mid-sizes - particularly the Monte - but that didn’t seem to matter to consumers - it sold like no other GP before or since. Sales stumbled a bit in the wake of the fuel crisis, but a moderate restyle for '76, Pontiac's 50th anniversary, saw sales almost triple, to 228,000 cars for the year. - In 1973, the #GP had also had an internal rival at Pontiac - the new Grand Am - but that car had been passed over by the marketplace and gone away entirely after 1975 - probably to the advantage of the GP. Sales grew stronger still for 1977, with 288,000 sold. These numbers were light years away from the earlier cars, and remained a high water mark for the #GrandPrix. ’77 was the last year for this design, but Pontiac didn’t skimp on updating it, showing off new front-end styling. - The neoclassic styling, featuring many retro references to cars of the 1930s, was inherited from the previous GP, including the "SJ" badges, a shout out to the mighty Duesenberg model J of yore. “Retro” in the 70s meant nostalgia for the 20s and 30s. The upright, formal look sat well on the long, low GP, and it was the perfect car for a market that ate up coupes as readily as it would SUVs in the 90s. - By this time compression ratios had fallen for unleaded fuel and catalytic converters so none of these cars were particularly fast, but all were torquey cruisers with V8s in 301, 350, and 400cid. The SJ, seen here, had the 180-hp 400 standard. These cars almost uniformly came with half-vinyl tops, but this SJ is curiously is unadorned and wears base model hub caps. All good things come to an end, sadly, and for 1978 the GP lost much of its identity (a situation slightly corrected in 1981) when it was downsized into the new A/G platform it would ride until 1987. #PontiacGrandPrix #disco https://www.instagram.com/p/BoPFp3XloAM/?utm_source=ig_tumblr_share&igshid=19ehqq52zoz69

#pontiac #gp #grandprix #pontiacgrandprix #disco

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architectnews · 3 years

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2021 Neave Brown Award for Housing Shortlist

2021 Neave Brown Award for Housing Shortlist, RIBA Architecture Winners, British Architect

2021 Neave Brown Award for Housing

14 September 2021

We will be announcing the 2021 Stirling Prize shortlist on Thursday this week, but today we’re sharing the shortlists for the Neave Brown Award for Housing and Stephen Lawrence Prize – the winners of which will also be revealed on 14 October:

News from Royal Institute of British Architects Award, England, UK

RIBA announces shortlist for 2021 Neave Brown Award for Housing

95 Peckham Road by Peter Barber Architects

photo © Morley von Sternberg

Blackfriars Circus by Maccreanor Lavington

photo © David Grandorge

McGrath Road, London, by Peter Barber Architects

photo © Morley von Sternberg

Key Worker Housing, Eddington, Cambridge by Stanton Williams

photo © Jack Hobhouse

Housing in Eddington

The Royal Institute of British Architects (RIBA) has today (Tuesday 14 September) announced the shortlist for the 2021 Neave Brown Award for Housing, named in honour of modernist architect Neave Brown (1929 – 2018), who designed the Alexandra Road housing estate in Camden amongst other projects.

The shortlist for the 2021 Neave Brown Award for Housing is drawn from the winners of the 2021 Regional Awards, that are projects of ten or more homes completed and occupied between 1 November 2017 and 1 February 2020, and at least one third of the housing needs to be affordable.

The four housing developments shortlisted for the 2021 Neave Brown Award for Housing are:

95 Peckham Road, London, by Peter Barber Architects

A vibrant development made up of 33 homes, embracing dramatic design and playful features, and a peaceful courtyard behind the building. The block is a lively new addition to the Peckham street.

Blackfriars Circus, London, by Maccreanor Lavington

A sustainable new neighbourhood, revived from a semi-derelict brownfield site, which comprises several separate blocks with stunning roof gardens and a 28-storey tower. It generates 336 new homes and includes two public areas and a yard surrounded by units for small enterprises.

Key Worker Housing, Eddington, Cambridge, by Stanton Williams

A communal residential scheme, designed for the University of Cambridge, with interconnected courtyards and harmonious shared spaces throughout the development, welcoming both residents and the public. It incorporates sustainable water features and bike storage units wrapped in timber.

McGrath Road, London, by Peter Barber Architects

A series of 26 unique townhouses, designed for the London Borough of Newham. The houses challenge convention with their creative layouts and the combination of a traditional London terrace and European courtyard, which brings the residents together.

RIBA President Simon Allford said:

“These exceptional housing developments are exemplars of sustainable, innovative design; they foster a strong sense of community, and encompass the values of social housing pioneer, Neave Brown. Each scheme provides an intelligent and creative solution that addresses the UK’s affordable housing challenge. They also offer delightful places to live that consider the health and wellbeing of current and future residents. Congratulations to all of the projects shortlisted for our second Neave Brown Award for Housing.”

The shortlist was selected from the 2021 RIBA Regional Awards winners by an expert panel of judges: Winner of 2019 Neave Brown Award for Housing David Mikhail (Chair), Co-founder and CEO of Public Practice Pooja Agrawal and Neave Brown family representative Mark Swenarton.

The winner of the 2021 Neave Brown Award for Housing will be announced at the RIBA Stirling Prize ceremony on Thursday 14 October at Coventry Cathedral.

Neave Brown

Neave Brown (1929 – 2018) was a modernist housing architect, best known for a series of housing estates in and around Camden in North London. In 2018 he was awarded the UK’s highest honour for architecture, the Royal Gold Medal for Architecture, which is approved personally by Her Majesty The Queen. Recognition for Neave Brown came late in life.

His work in the 1960s and 70s was rejected for eschewing the high-rise norms of the time and instead – most notably in the case of Alexandra Road (1978) – focussing on a street-based alternative that placed an emphasis on communal spaces and shared facilities, whilst working within the constraints of local authority budgets and planning requirements and a dense and constrained urban context. His plans made clever use of space, creating capacious and generous rooms for occupants.

RIBA Awards

The RIBA Awards have been running continuously since 1966, apart from 2020, when due to the COVID-19 pandemic they were postponed. The 2021 RIBA UK Awards (including Regional, National and the RIBA Stirling Prize) have been selected from the shortlist for the 2020 RIBA Regional, RIAS, RSUA, and RSAW Awards.

No matter the shape, size, budget or location, RIBA Award winning schemes set the standard for great architecture all across the country. RIBA Awards are for buildings in the UK by RIBA Chartered Architects and RIBA International Fellows. Entries are to be submitted to the region or nation in which the building is situated. Winners are considered for the RIBA Stirling Prize.

95 Peckham Road

photo © Morley von Sternberg

RIBA region: London Architect practice: Peter Barber Architects Date of completion: June 2019 Client company name: Kuropatwa Ltd Project city/town: London Contract value: Confidential Internal area: 2,846.00 m² Cost per m²: Confidential Contractor company name: Kuropatwa Ltd

Consultants:

Structural Engineers: Hall Davis Environmental / M&E Engineers: Mendick Waring Quantity Surveyor / Cost Consultant: Kuropatwa Ltd

Awards:

• RIBA Regional Award • RIBA National Award

photo © Morley von Sternberg

Jury Report

95 Peckham Road is a re-interpretation of the mansion block typology, livening up an otherwise relatively nondescript road in Peckham.

The development creates 33 low-cost apartments, with a courtyard behind. There is direct access from the street and courtyard to the lower apartments. There are two additional access cores for the flats at higher level, each core serving three apartments at each level.

photo © Morley von Sternberg

It is not possible to pass the new block without smiling. The building is the work of an architect who knows how to make housing design a success, but with a sense of humour thrown into the mix. The design is dramatic, with a façade made of different planes, windows not necessarily following any order, and long cantilevered balconies to the rear clad on their sides and undersides with brick. Even if these features are perhaps exaggerated, it is hard not to be inspired by their overall theatricality.

Paved with cobbles and interspersed with soft landscaping in the form of trees in large containers, the courtyard is a coup. It somehow contrives to be peaceful, a place you want to spend time in and be with friends and neighbours, and will no doubt be developed further as residents customize their front entrances with potted plants.

photo © Peter Barber Architects

The north wing, is partly made of residential units, and it includes a sort of folly pretending to be a residential unit, yet another playful design feature that makes one first intrigued, then happy.

The interiors are well designed; they feel like home. Even the single-aspect units are successful because their balconies create the illusion of being double-aspect.

With interest in every corner of the plot, the new block is vibrant and alive, making a very positive contribution to the urban realm.

Blackfriars Circus

photo © David Grandorge

RIBA region: London Architect practice: Maccreanor Lavington Limited Date of completion: October 2018 Client company name: Barratt london Project city/town: London Contract value: £105,000,000.00 Internal area: 39,467.00 m² Cost per m²: £2,500.00 / m² Contractor company name: Barratt London

Consultants:

Structural Engineers: Aecom Quantity Surveyor / Cost Consultant: Barratt London Project Management: Barratt London Environmental / M&E Engineers: Whitecode Associates Acoustic Engineers: RBA Acoustics Access Consultant: David Bonnett Associates Landscape Architects: OuterSpace Sustainability Consultant: Bespoke Builder Services (BBS) Fire Consultant: H+H Fire

Awards:

• RIBA Regional Award • RIBA National Award

photo © Tim Crocker

Jury Report

The architect responded to the brief to rejuvenate a semi-derelict brownfield site by creating a sustainable new neighbourhood. Comprising several separate blocks with a number of attractive roof gardens and a 28-storey tower, the scheme restores the urban grain, creating new public realm and welcome breathing space. It thus successfully repairs a large portion of the street, revitalising the area around St George’s Circus.

In total, the mixed-use scheme creates 336 new homes, including 56 social rent homes for Southwark Council. It also incorporates two new public spaces within the block and a yard surrounded by units aimed at small enterprises, with a café on the adjacent square.

photo © Tim Crocker

All the blocks respectfully reference the past. The detailing of the window surrounds is robust, while horizontal bands define the floor levels. Elsewhere, a lot of intricate work has gone into the design of the facades, including interesting metal railings and attractive, subtly multi-coloured brickwork in intriguing patterns using glazed bricks of different shapes and sizes. The tower is ingeniously located just off the circus. Despite its scale and height, it fits well within the overall streetscape.

The double-height ground floors lead to the commercial spaces. Perhaps the most interesting of these is the atrium off the circus which, with its translucent roof, provides colonnaded access to the flats and feels timeless.

photo © Tim Crocker

Given the size of the project and its many constraints, the overall result is a great achievement. It reactivates the area with many new residential and commercial units, all supported by pockets of new public realm. The visit took place during the lockdown when the streets were still fairly quiet. Once life starts to be normal again, it is anticipated that this new addition to Southwark will become vibrant and lively quarter.

Key Worker Housing, Eddington, Cambridge

Buildings in Eddington, North West Cambridge

photo © Jack Hobhouse

RIBA region: East Architect practice: Stanton Williams Date of completion: December 2019 Client company name: University of Cambridge, North West Cambridge Development Project city/town: Cambridge Contract value: confidential Internal area: 22,316.00 m² Cost per m²: confidential Contractor company name: Wates Construction

Consultants:

Planning and Masterplanning: Aecom Landscape Architects: J & L Gibbons Project Management: Turner & Townsend Quantity Surveyor / Cost Consultant: Gardiner and Theobald Fire Engineers: IFC Structural Engineers (Post Design Stages): MLM Sustainability, Environmental and Acoustic Engineer (Post Design Stages): Stroma (formerly HRS Services) Access Consultant: Centre for Accessible Environments Clerk of Works: calfordseaden Building Control: Cambridge City Council Code for Sustainable Homes and BREEAM Assessor: NHBC Structural Engineers (Design Stages): Aecom (formerly URS) M&E Engineers (Design Stages): Aecom (formerly URS) Building Physics Consultant (Design Stages): Aecom (formerly URS) Principal Designer: Faithful+Gould M&E Engineers (Post Design Stages): Hoare Lea

Awards:

• RIBA Regional Award • RIBA National Award

photo © Jack Hobhouse

Jury Report

The urban approach of ‘loose’ interconnected courtyards is very successful and creates a delightful series of spaces. The walk from Market Square through four interwoven courts to reach Landscape Court is a pleasure, and easily accessible by all. The landscaping, both hard and soft, is particularly successful in integrating the buildings within a holistic and rigorous external environment.

The scheme manages to feel as though it is part Cambridge college and part new piece of city. As such there is a slight ambiguity of what is truly public and what is private communal space for the residents, yet publicly accessible. This is deliberately employed in order to foster a communal sense within the development and an encouragement to use the space accordingly. With almost no private amenity space in the form of balconies, most external space is communal, either at roof level or ground level, so a resident wanting to enjoy a sunny afternoon is more than likely to bump into a neighbour.

photo © Jack Hobhouse

A calm, well considered palette of materials has been used throughout. The ground floor plinth is formed of mottled buff Cambridge brick, which extends vertically at level changes or to celebrate corner conditions. The upper light brick forms a gridded panel system, with rebates and sometimes interlacing with the plinth brick. Precast reconstituted stone is used for copings and cill ledges that run horizontally around at each floor level. Cycle stores and entrances are picked out in vertical black timber, which is then supplemented with oak reveals and entrance doors. Internally the staircases are celebrated with strong colours to emphasise the communal experience.

The enclosed cycle courts wrapped in timber, with planters within, are a delightful treatment of what is often considered to be a banal storage requirement. Here cycling is celebrated and the cycle stores help to articulate the edges of the courtyard and the arrival sequences.

photo © David Valinsky

The landscape incorporates water features and manages the water run-off and storage as an integral part of the landscape and journey from the hard surfaces of the Market Square to the heavily planted Landscape Court. The utilisation of CHP, rainwater harvesting and sustainable drainage was integrated into the design at the concept stage and has been successfully delivered. The buildings are designed to meet Code for Sustainable Homes Level 5 and non-residential spaces to BREEAM Excellent, which is to be commended.

Overall the sequence of buildings and spaces between them is a delightful example of how a rigorous approach to form, materials and details can create a harmonious environment and make a great place. Eddington is emerging as a fascinating example of place creation and urban planning and this Key Worker Housing scheme has helped to establish a high benchmark for forthcoming phases.

Stanton Williams Architects

McGrath Road Housing

photo © Morley von Sternberg

RIBA region: London Architect practice: Peter Barber Architects Date of completion: February 2019 Client company name: London Borough of Newham Project city/town: London Contract value: Confidential Internal area: 2,524.00 m² Cost per m²: Confidential Contractor company name: Mulalley Construction

Consultants:

Structural Engineers: Cook Associates Environmental / M&E Engineers: Whitecode Quantity Surveyor / Cost Consultant: John Rowan and Partners Brick Manufacturer: Modular Clay Solutions Employers Agent: John Rowan and Partners

Awards:

• RIBA Regional Award

photo © Morley von Sternberg

Jury Report

McGrath Road inventively combines a traditional European courtyard typology with a traditional London terrace, setting a new creative benchmark for the future of London’s affordable housing. Twenty-six individual three- and four-storey dual-aspect townhouses, each with its own front door, surround a tree-lined courtyard, giving the development an enhanced sense of community and openness. The scheme’s programmatic rigour is matched by its craftsmanship, which is commendable for design-build procurement route.

The jury recognises the significant challenges of delivering affordable housing and so it was refreshing to see that the architects had abandoned the typology of a large residential block linked by shared common corridors. Instead, the development’s courtyard configuration allows each house to have its own sense of identity. The entrances are set under parabolic arches, creating arcaded frontages to the street and the courtyard that help to tie the development together, setting the scene for a vibrant and enjoyable resident community.

photo © Morley von Sternberg

The use of London stock brick and the understanding of both traditional Victorian window proportions and more intentional arched entrances and secondary folded windows is distinctive and idiosyncratic.

Inside, the houses upturn convention by placing the living room on the top floor to take advantage of the best views. The intermediate floors contain bedrooms, while the dining room and kitchen are at the ground level. Each property benefits from a terrace and a balcony for access to private outdoor space.

photo © Morley von Sternberg

The project’s density achieves good form factor. The roof accommodates photovoltaic panels which directly benefit the tenants of the block. It meets the Lifetime Homes standard and is BREEAM certified.

McGrath Road reinterprets well-known housing typologies to generate a novel solution to affordable housing. Not only should the project be commended, we hope it will be used as a useful precedent that will be adopted in London and, indeed, throughout the United Kingdom.

2021 Neave Brown Award for Housing Shortlist information received from RIBA 140921

Previously on e-architect:

29 Sep 2017

Neave Brown wins RIBA Architecture Award

Neave Brown wins Royal Gold Medal for architecture

photo © Gareth Gardner

RIBA Gold Medal for Architecture

Neave Brown 1929-2018, British Architect

RIBA Gold Medal for Architecture 2018 Winner

Alexandra Road Estate, Camden, London building by Neave Brown:

Alexandra Road Estate, Camden, London building:

2021 Neave Brown Award for Housing Shortlist images / information from RIBA 140921

Location: UK

Architectural Awards

RIBA Awards

RIBA Stirling Prize

Housing

England

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iscsfrenchis · 6 years

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EPI- Nouvelle mathématique

Charlotte Pinsard , Adélaïde Antunes, Adèle Ottenwaelter

Chapitre 1

La puanteur des cachots l'attaquait constamment. Ses poignets et ses chevilles le faisaient souffrir, la peau frottée par le lourd métal des chaînes. L'eau souillée versée dans une petite coupelle ne fit qu'augmenter son mal-être. La tête lui tournait, et son estomac se soulevait à chaque fois qu'il pensait au fait que, lorsque le Soleil se coucherait, il serait mort. Par une maigre fente dans les murs de pierre de sa cellule, quelques rares rayons de lumière passaient, et réchauffaient un peu son visage pâle. Ses cheveux lui retombaient sur le visage en mèches éparses.

Il entendait les plaintes rauques des autres prisonniers. Il entendait le couinement des rats qui grouillaient dans les cachots. Il entendait le grincement des lances des gardes sur les murs. Mais tous ces sons lui parvenaient brouillés, comme étouffés par le bourdonnement dans sa tête. Ce bourdonnement incessant l'empêchant de réfléchir. Mais y avait-il réellement à réfléchir ? Il était arrivé à ce point où on ne peut plus se préoccuper de l'avenir, puisqu'il est déjà tracé. Il allait mourir. Pendu. Mais plus que ça, humilié. Le roi allait faire de son exécution, comme pour toutes les autres, un spectacle public. Mais au fond, ne le méritait-il pas ? C'était lui qui avait, en toute conscience et volontairement, pris des vies.

Pourtant, il ne pouvait empêcher une bataille de faire rage dans son esprit. Les remords, la satisfaction, la colère, la lassitude, la résignation, l'insoumission, tout se mélangeait. Il ne savait plus ce qu'il pensait, ce qu'il ressentait.

Puis, à force de tourner et retourner ces pensées, sans qu'il ne l'ait senti, ses paupières se fermèrent.

Mais reprenons depuis le début …

Chapitre 2

-"Mademoiselle Diane de Flamois, votre Majesté.", annonça Alexandre Bontemps, le premier Valet de chambre de Louis XIV.

Le roi fit un petit geste de la main, et une jeune femme s’avan��a. Elle s’inclina profondément , puis se redressa. De belles boucles brunes tombaient en cascade sur ses épaules, et ses grands yeux couleur chocolat se posèrent sur le souverain, interrogateurs.

-"Sire, puis-je vous demander pourquoi vous m'avez fait appeler ?"

Le roi soupira.

-"Mlle de Flamois, vous avez sans doute entendu parler des meurtres répétés qui ont lieu depuis quelques mois...

-En effet, on raconte que déjà quatre jeunes filles seraient mortes. Mais quel rapport avec moi ?"

Le roi pianota nerveusement sur son accoudoir.

-"Et bien, j'avais envoyé ma police pour s'en occuper, mais malheureusement, elle s'est révélée, disons ... inapte à résoudre ce ... ce genre d'enquêtes.

-La police est donc incapable de trouver le coupable d'un meurtre ?"

Dans sa voix qui se voulait interrogative, une pointe de sarcasme involontaire s'était glissée.

Cela n'échappa pas au roi. Mais il avait besoin de l'aide de cette jeune fille, et se contenta donc de soupirer de nouveau.

-"Elle est trop reconnaissable pour pouvoir enquêter en toute liberté. Alors, j'ai décidé de faire appel à une personne plus, disons, discrète.

-Mais pourquoi m'avoir choisi moi ?

-Vous n'avez jamais été vue à la Cour, et votre père était un homme en qui j'avais confiance et d'une grande perspicacité, un talent dont j'espère vous avez hérité."

Diane n'ajouta rien, mais savait pertinemment que le roi avait passé sous silence une des raisons que l'avait poussé à lui demander son aide à elle plutôt qu'à un autre. Une femme. Elle était une femme. Dans une société où une femme ne valait rien, n'était rien, qui la soupçonnerait d'enquêter pour le roi ?

Mais elle ne laissa rien transparaître de ce qui traversait son esprit, et se contenta de demander ce que le roi voulait qu'elle fasse. Elle ne savait pas s'il voulait simplement qu'elle aide la police, ou qu'elle tente de résoudre toute cette histoire seule.

-"Il faut que vous trouviez qui entache mon règne en tuant des innocentes, lui expliqua Louis XIV."

Elle aurait voulu répliquer qu'avec la récente affaire des Poisons, son règne ne pouvait pas d'entacher plus qu'il ne l'était déjà, mais elle n'en fit rien.

Elle acquiesça, puis fit la révérence.

-"Bien, Majesté."

Au moment où elle allait passer le pas de la porte, le souverain ajouta :

-"N'oubliez pas, Mademoiselle. Pour votre sécurité, la plus grande discrétion est de mise."

Elle sortit, sa longue et volumineuse robe rouge rubis frôlant le sol de marbre, et se dirigea vers les appartements de la comtesse d'Alland.

Chapitre 3

Deux coups secs retentirent à la porte des appartements de Marie d'Alland, et une de ses dames de chambre alla ouvrir.

La comtesse, qui se trouvait juste derrière, vit entrer une jeune femme, qui s'inclina légèrement en arrivant à sa hauteur.

La jeune brune prit la parole :

-"Madame la comtesse, j'ai à vous parler d'un sujet qui pourrez peut-être se révéler sensible, et j'en suis déjà désolée. Mais c'est très important."

Elle allait lui parler de sa fille, elle le savait. C'est donc avec un soupir qu'elle lui demanda :

-"Que voulez-vous savoir sur Joséphine ?"

Diane lui répondit prudemment, comme on se comporte avec un animal farouche, doucement, pour ne pas le brusquer :

-"J'aurais besoin que vous me la décriviez, que vous me parliez d'elle."

La comtesse se leva du fauteuil dans lequel elle était assise, et conduisit Diane dans un petit cabinet adjacent au salon. Elle lui désigna un grand cadre accroché au mur en face de la porte.

-"C'est un portrait de ma fille fait il y a deux mois. J'espère que cela vous sera utile."

La lassitude dans sa voix remplit Diane de compassion pour cette mère trop tôt en deuil. Elle esquissa donc un sourire en hochant la tête.

Alors que Madame d'Alland quittait la pièce, elle observa le portrait. Joséphine était une femme plutôt menue, avec de beaux et longs cheveux blonds. Ses yeux d'émeraude contrastaient avec la rougeur de ses lèvres fines.

Diane resta ainsi plusieurs minutes, cherchant quelque chose, n'importe quoi qui aurait pu l'aider. Puis, après qu'elle eut détaillé le portrait pendant une bonne dizaine de minutes, elle prit congé de la comtesse.

Quatre jeunes filles étaient mortes. Elle devait donc se renseigner sur les trois restantes. Elle se dirigea vers les appartements de leurs familles, et procéda avec la même démarche que chez la comtesse.

Environ une heure plus tard, c'est donc ayant une image de chacune de victimes en tête qu'elle rentra dans ses appartements.

Chapitre 4

Le lendemain

Diane faisait les cents pas de sa chambre. Elle s'assit à son bureau, excédée. Elle retira les quelques mèches qui étaient tombées devant ses yeux, puis se releva et se dirigea vers la fenêtre. Elle inspira un grand coup pour se calmer. Son cerveau avait beau tourner à une vitesse folle, elle n'arrivait pas à voir le moindre lien entre les meurtres. Pourtant, il devait en avoir un. Qui tuerait 4 jeunes filles qui n'avait aucune ressemblance ?

Elle décida donc de reprendre depuis le début. Tout d'abord, les victimes étaient toutes des femmes, et nobles. Diane se refit ensuite un portrait mental de chacune : Joséphine était blonde aux yeux verts, et menue, Louise avait gardé les rondeurs de l'enfance, mais sa beauté n'en était pas éclipsée, grâce à ses grands yeux verts d'eau et son sourire éclatant. Noémie était une grande brune aux yeux d'émeraude perçants, et Jeanne était une petite rousse qui avait des yeux verts pétillants. Quels étaient leurs points communs ? Ce n'était pas la couleur des cheveux, ni l'âge, puisque, si Joséphine, Louise et Noémie allaient vers leurs 18 ans, Jeanne, elle s'approchait de la trentaine. Il ne tuait pas non plus que des femmes qui n'étaient pas mariées, puisque la plus âgée l'était déjà depuis quasiment 2 ans.

Alors que son mal de tête refaisait surface, la réponse lui sauta aux yeux. Comment ne l'avait-elle pas remarqué plus tôt ? Elles avaient toutes les quatre les yeux verts ! Le meurtrier ne s'en prenait donc qu'aux femmes aux yeux émeraude.

Même si ce maigre indice ne lui permettait pas de découvrir le coupable, elle pourrait tout au moins sauver des victimes potentielles.

Elle se leva donc précipitamment, et se dirigea vers le cabinet du roi.

Chapitre 5

En sortant du bureau de Louis XIV, Diane se dirigea vers les jardins. Elle venait d'expliquer au souverain ce qu'elle avait découvert, et il l'avait remercié en lui disant qu'il prendrait les mesures nécessaires pour que les courtisanes en potentiel danger soient mises à l'abri.

Elle traversait désormais la Galerie des Glaces, sa robe blanc crème effleurant le sol. Le soleil coulait à flot dans le long couloir, se reflétant dans les nombreux miroirs, et illuminait la salle toute entière. Elle ne savait plus où chercher, et se dit donc qu'un peu d'air frais ne pourrait pas lui faire de mal et qu'elle pourrait ensuite se reconcentrer pleinement sur son enquête. De plus, lorsqu'elle avait à réfléchir, la nature et les grands espaces ouverts l'avaient toujours aidé.

Lorsqu'elle sortit, la très légère brise lui caressa la peau et fit voleter sur ses épaules sa chevelure brune. Elle prit la direction du Bosquet de la Colonnade.

Lorsqu'elle arriva, la jeune femme resta émerveillée. Elle ne comptait plus les amies qui lui vantaient la beauté du Bosquet, et enfin, elle pouvait le voir de ses propres yeux. C'était une construction circulaire composée de 32 piliers en marbre alternativement blanc et rose, qui supportaient des arcades sculptées. Entre chaque colonnade se trouvait une petite fontaine, et au centre, une statue représentant l'enlèvement de Prospérine par Pluton s'élevait. À ciel ouvert, il permettait au soleil d'éclairer l'édifice, tout en laissant les arcades offrir un peu d'ombre.

Alors qu'elle marchait près des colonnes, au frais, sans regarder devant elle, toute absorbée qu'elle était par sa contemplation, elle bouscula malencontreusement quelqu'un. En relevant la tête, elle s'aperçut qu'il s'agissait d'un homme d'environ 30 ans, peut-être plus, les traits fins, les cheveux blonds cendrés, et des yeux noirs qui la fixaient.

-"Oh, pardonnez-moi, je ne vous avais pas vu, dit-elle en reculant, gênée.

-Ce n'est rien, Mademoiselle. Vous sembliez émerveillée par le Bosquet. Ne l'aviez-vous donc jamais vu ?"

Jean-Baptiste savait qu'il aurait dû passer son chemin sans même lui adresser la parole, mais cela faisait déjà presque deux semaines qu'il se terrait dans ses appartements, et à la Cour, si on ne faisait pas ne serait-ce qu'une apparition ou deux en public, les courtisans se posaient des questions.

-"Non, Monsieur. Pour être tout à fait honnête, je viens à peine d'arriver à la Cour."

Sitôt que les mots eurent franchi ses lèvres, Diane se maudit. Mais pourquoi diable racontait-elle cela à un parfait inconnu ?

Elle avait beau enquêter désormais pour le roi, elle n'en restait pas moins une "enfant de la campagne". Elle avait à peine 17 ans, et élevée loin de la Cour, elle ignorait tout du fait que se confier, c'était se perdre. Tout ce qui était dit était retenu, et utilisé.

-"Vraiment ? Et que vous amène à la Cour du plus grand roi d'Europe ?"

Un mensonge, vite, il lui fallait trouver une excuse. Elle ne pouvait décemment pas lui annoncer qu'elle enquêtait sur un meurtre pour le roi dans le plus grand secret.

-"Je suis venue rendre visite à, hum, ma … ma cousine !

-Et de qui s'agit-il ? Je la connais peut-être."

Elle n'avait pas de cousine à Versailles ! Elle répondit donc le premier nom qui lui vint à l'esprit.

-"Joséphine d'Alland."

Diane se maudit, encore une fois. Mais, elle remarqua le changement d'expression sur le visage de l'homme en face d'elle. Une sorte de mélange d'inquiétude, de peur, d'étonnement, et … de la culpabilité ?

-"Non, je ne la connais pas."

Pourtant, sa voix semblait hésitante. Cet homme l'intriguait, elle décida donc de le questionner un peu plus en avant.

-"Excusez-moi, je ne vous ai même pas demandé, quel est votre nom ?

-Vicomte Jean-Baptiste François de la Croix, Mademoiselle. Pour vous servir.

-Monsieur de la Croix, je dois me confier, dit-elle en lui attrapant la main entre ses deux paumes. J'ai peur.

-Mais de quoi auriez-vous donc peur, ma chère ?

Diane avait bien compris que plus un homme se sentait important, plus il se laissait aller. Le ton de son interlocuteur qui était jusque là plutôt distant, s'était fait d'u coup beaucoup plus concerné.

Elle baissa la voix, et jeta un rapide coup d'œil autour d'elle :

-"J'ai entendu parler des jeunes filles qui disparaissaient. Et s'il s'en prenait à moi ?

-Il ne vous arrivera rien, croyez-moi."

Sa voix était devenue calme et assurée.

-"Comment le savez-vous ?

-Il ne s'attaque qu'aux femmes aux yeux verts."

Cette fois, ce fut au tour de Jean-Baptiste de se maudire. Même si les grands yeux innocents qu'elle levait vers lui ne lui donnaient pas l'impression qu'il devait s'en méfier, qui sait ce que ce masque de jeune fille apeurée cachait en réalité ?

La jeune femme en face de lui poussa un soupir de soulagement.

-"Je suis rassurée, merci."

Il enleva sa main des siennes. Comme il la fixa quelques secondes, la jeune enquêtrice rajouta :

-"Oh, vous vous attendiez peut-être à ce que je vous demande pourquoi il ne s'en prenait qu'à certaines femmes ?"

Le vicomte resta quelque peu décontenancé par la perspicacité de la jeune brune.

Alors qu'il ouvrait la bouche pour répondre quelque chose, elle le coupa :

-"Tant que je sais que je suis en sécurité, je me moque bien de comprendre le pourquoi du comment, répondit-elle avec un sourire."

En réalité, Diane avait toujours été très curieuse à propos de tout ce qui l'entourait, mais elle savait que c'était ce que n'importe quelle noble aurait répondu. Pourtant, elle ne put s'empêcher de marmonner dans sa barbe :

-"Et de toute façon, je suis trop idiote pour comprendre, n'est-ce pas ?"

Elle l'avait dit dans un murmure, de façon à ce qu'il ne puisse pas l'entendre.

-"Excusez-moi, auriez-vous dit quelque chose ?"

Elle retrouva son grand sourire enfantin.

-"Je me demandais juste d'où venait cette vilaine brûlure."

Le vicomte de la Croix cacha avec un peu trop d'empressement au goût de Diane sa main blessée dans son dos.

-"Oh, ce n'est rien."

Elle se doutait que ce n'était pas rien, mais, comprenant que son ton fermé mettait fin à la conversation, elle se contenta de s'incliner légèrement, et après l'avoir salué, elle repartit en direction du château.

Chapitre 6

Les petits talons des chaussures de Diane claquaient sur le sol pavé de noir et blanc de la Cour de Marbre. Elle marchait vite, pressée de rejoindre ses appartements pour pouvoir être au calme, et mettre au clair les derniers évènements. Dans son empressement, plus d'une fois elle faillit de prendre les pieds dans sa robe trop longue, et pesta devant les nombreuses volées de marches qu'elle gravit à un rythme effréné.

Arrivée devant la porte de ses appartements, elle était essoufflée mais ne s'arrêta pas, et sitôt entrée, elle se précipita vers son bureau et tira la chaise qui se trouvait devant d'un geste brusque.

Après avoir repris son souffle, elle se repassa la conversation qu'elle avait eu il y a moins d'une heure avec le vicomte Jean-Baptiste de la Croix. Tout chez lui semblait étrange.

Tout d'abord, il y avait eu l'expression de l'homme lorsqu'elle avait prononcé le nom de la dernière victime, et le fait qu'il lui ait menti en lui affirmant ne pas la connaitre, trahi par le manque de certitude dans sa voix. Il y avait aussi eu la brûlure. Il lui avait dit que ce n'était rien, mais lorsque quasiment toute la paume de la main en est noircie, cela devait être important. Mais surtout, le vicomte savait que le meurtrier visait uniquement les femmes aux yeux verts. Il ne faisait pas partie de la police, et, l'enquête étant placée secrète, il ne pouvait, ne devait pas être au courant de ce genre d'indice.

Il en savait donc un peu trop pour ne pas être une piste qui pourrait lui être utile. Mais la réelle question était : Comment en savait-il autant ? Connaissait-il les jeunes femmes tuées ? Avait-il mené une enquête de son côté, dans la plus grande discrétion ? Ou … Était-il le coupable ?

Tant de questions sans réponse... Intriguée au plus haut point par l'homme, elle décida de se renseigner sur lui. Mais elle ne pouvait tout de même pas déambuler dans le château, demandant à tout vent si quelqu'un connaissait le vicomte de la Croix. C'est alors qu'elle se souvint que sa mère avait une amie qui logeait au château. Une certaine Marguerite de Montmancy. Diane l'avait vue quelques fois, lorsque la baronne venait rendre visite à sa mère. C'était une femme dans la fleur de l'âge, avec des longs cheveux cuivre, des yeux tirant sur le noir, mais surtout, elle raffolait des commérages.

Elle décida donc d'aller la trouver. Elle trouva ses appartements sans trop de difficultés, grâce à sa mère qui lui avait dit où ils se trouvaient avant qu'elle ne parte, au cas où elle aurait besoin d'une quelconque aide. Elle toqua à la porte, et la baronne la fit entrer. Son visage se fendit d'un sourire lorsqu'elle reconnut la fille de son amie Angélique de Flamois. Elle l'entraina à sa suite dans le salon. Elles s'assirent.

-"Qu'est-ce qui vous amène, ma chère enfant ?

-Et bien, cela pourrait sans doute vous paraitre étrange, mais j'ai besoin de renseignements sur le vicomte de la Croix."

La baronne haussa un sourcil interrogateur, mais ne posa aucune question.

-"Bon nombre de rumeurs entourent cette famille, sachez-le.

-Et quelles sont-elles ? demanda Diane avec empressement.

-Elles tournent toutes autour de la mort prématurée de la vicomtesse Aligata de la Croix. Certains pensent qu'elle s'est suicidée, d'autres, que c'est son mari que l'a battu à mort. Mais dans un cas comme dans l'autre, son fils ne s'en ait jamais complètement remis. Peu de temps après, le veuf et l'enfant ont quitté la Cour, et n'ont pas fait d'autre scandale. Ils n'ont plus jamais mis les pieds ici, jusque il y a environ 6 mois, lorsque le fils est revenu.

-D'accord, et que raconte-on sur lui ?

-Il ne quitte presque pas ses appartements, lorsqu'il le fait, ce ne sont que pour de très brèves sorties, et il évite de se mêler au reste des courtisans. Malgré tout, ici, lui est attribué le rôle d'un personnage, disons... Je ne saurai vous l'expliquer... Disons simplement que plus d'une fois, il a été vu quittant des réceptions au bras de jeunes filles, jamais les mêmes deux fois."

La jeune enquêtrice ne répondit rien. Jean-Baptiste François de la Croix l'intriguait au plus haut point. Un homme marginal qui aimait la compagnie des femmes, profondément blessé par la mort d'un parent et probablement maltraité par l'autre.

Elle s'était déjà levée et s'apprêtait à saluer la baronne lorsqu'une idée lui traversa d'un coup l'esprit. Si c'était vrai, elle aurait enfin trouvé une vraie piste, digne d'être creusée.

-"Sauriez-vous avec qui a été vue la fille de la comtesse d'Alland, Joséphine, pour la dernière fois ?

-"Laissez-moi réfléchir un instant. Si ma mémoire est exacte, c'était lors de la réception de printemps du roi. Une fête grandiose. Des musiciens répartis dans toute l'Orangerie jouaient des airs de Lully, et... Pardonnez-moi, je m'égare. Elle a été vu quittant la fête vers minuit, je crois, avec..."

La baronne fronça les sourcils.

-"Avec le vicomte de la Croix."

Au plus profond d'elle-même, Diane exultait. Enfin, elle avait une piste. Elle ne devait pas perdre de temps.

Elle salua tout de même Madame de Montmancy. Elle s'inclina, et la remercia.

Puis elle sortit au pas de course.

Chapitre 7

Diane était désormais dans le couloir, ne sachant où aller. Devait-elle aller voir le roi, et lui faire part de ses soupçons ? Oui, c'était sans doute ce qu'il y avait à faire de plus raisonnable.

Mais, alors qu'elle se dirigeait aussi vite que lui permettait sa robe vers le cabinet du souverain, elle entendit une porte s'ouvrir quelques mètres devant elle. Elle s'arrêta donc brusquement, et recula de quelques pas. Quel ne fut pas son étonnement de découvrir qu'il s'agissait du vicomte de la Croix. Sans l'avoir remarquée, il s'éloigna à grands pas de ses appartements.

Lorsqu'il fut hors du vue, l'enquêtrice s'approcha doucement de la porte qui ne s'était pas encore totalement fermée. Elle attrapa le battant avant qu'il ne soit clos. Elle hésita. Entrer par effraction n'était sûrement pas la chose à faire, mais, et si elle avait raison ? La fin ne justifiait-elle pas les moyens ? Elle saurait enfin si cet homme était réellement le meurtrier.

Mais si elle avait tort ? Si elle violait la propriété d'une personne qui n'avait rien à se reprocher ? Quelles en serait les conséquences ?

Pourtant, son instinct lui criait que Jean-Baptiste François de la Croix cachait quelque chose. Elle n'était juste pas sûre de ce dont il s'agissait. C'est pourquoi elle tut ses réflexions, et entra.

Le logement ne comportait qu'une pièce. Elle sentait le renfermé, et de lourds rideaux empêchaient le soleil d'éclairer l'espace. Des affaires étaient éparpillées un peu partout, des papiers froissés jonchaient le bureau et des vêtements sales étaient jetés sur le lit. En s'approchant du mur le plus éloigné de la porte, Diane remarqua une petite porte cachée par une tapisserie. Elle la souleva et poussa la porte. Elle se retrouva dans une petite pièce, meublée par un bureau et des étagères. Plusieurs liasses de feuilles recouvraient la table, des nombres et des formules dont elle ne comprit pas la signification griffonnés dessus. Mais ce ne fut pas le désordre qui la frappa, ce furent les étagères. Des bocaux étaient alignés dessus, et leur contenu la laissa perplexe, pour ne pas dire effrayée. S'y trouvait des cailloux, des roches, des plantes, et...

Diane retint un haut-le-cœur. Dans un des bocal, elle avait aperçu des bouts de viande, certains pourris, certains calcinés, et d'autres, découpés en morceaux.

Mais ce fut le contenu du plus éloigné d'elle qui l'intrigua. À l'intérieur se trouvait des grosses fleurs roses, ainsi que des feuilles. Elle ne comprenait pas à quoi le laurier-rose pouvait bien servir. Se trouvant majoritairement sur les rives de la Méditerranée, cette plante était très peu répandue près de Paris. Mais sa mère, passionnée de botanique, s'était souvent plainte que c'était une des seules plantes qu'elle ne possédait pas. Elle s'en approcha donc, et ouvrit le bocal. Une odeur douceâtre s'en éleva. Prise de nausées, elle le referma aussitôt. Puis elle fut prise d'un doute, et courue près du bureau. Elle fouilla dans les papiers, et trouva ce qu'elle cherchait. Sur une des feuilles, le dessin d'un arbuste de laurier-rose, avec des annotations. Elle la parcourut en diagonal, et ses yeux rencontrèrent les mots "feuilles", "fleur", "toxiques", et "mortelles" -entre autres choses macabres. Elle comprit alors qu'il s'agissait de poison.

Le vicomte était donc bien coupable, de ces meurtres-là ou d'autres. Elle prit donc une branche de laurier-rose dans le bocal, la glissa entre les différentes épaisseurs de sa robe, et sortit rapidement. Elle remit la tenture en place, et se dirigea vers la porte. Mais sur la petite table de chevet, un cadre attira son attention. Le petit portrait représentait une femme qui ne devait pas avoir plus de 25 ans. En y prêtant attention, on pouvait remarquer ses traits fins et la douceur de son sourire, mais tout cela était éclipsé par le fait que le haut du tableau, où étaient ses yeux, était barré d'une longue coupure, qui ne laissait pas voir leur couleur.

Revenant à la réalité et se rappelant d'où elle était, Diane s'avança vers la porte. Mais à ce moment-là, elle entendit des pas dans le couloir qui semblaient se diriger vers là où elle se trouvait. Elle recula avec précipitation vers les rideaux, et se cacha derrière juste au moment où la porte s'ouvrait.

Chapitre 8

Diane tremblait de peur derrière le rideau. S'il la découvrait ici, Dieu seul sait ce qu'il lui ferait. Sans doute lui réserverait-il le même sort qu'aux jeunes filles tuées, dont les corps n'avaient jamais été retrouvés. Elle était persuadée que c'était lui le coupable de cette affaire-là, puisque son retour à la Cour coïncidait avec le début des meurtres, qu'il gardait du poison dans ses appartements, et que c'est avec lui qu'avait été vu pour la dernière fois la victime la plus récente. Tout lui disait que c'était lui.

Après plusieurs minutes durant lesquelles elle osa à peine respirer, n'entendant plus rien, elle risqua un œil à l'extérieur. Le vicomte ne se trouvait pas dans la chambre, mais elle entendit du bruit dans le petit bureau secret.

Elle ne pouvait tout de même pas rester cachée là pendant des heures, elle devait sortir. L'entendant s'affairer dans l'autre pièce, elle prit son courage à deux mains et déplaça sans bruit le rideau. Elle se dirigea vers la sortie à pas de loup, du plus silencieusement qu'elle put, mais arrivée à mi-chemin, une latte du plancher grinça. N'entendant brusquement plus aucun bruit de l'autre côté, elle ramassa ses jupes et courut aussi vite que possible, ce qui, disons-le, n'était pas très rapide.

Elle savait qu'elle n'avait qu'à atteindre la porte, puisqu'une fois dans le couloir, elle serait avalée par la foule des courtisans qui se dirigeaient vers les appartements du roi pour la cérémonie du coucher. Elle se jeta presque sur la poignée, et sortit au moment où elle entendit le vicomte revenir dans la pièce.

Se mêlant à la foule, elle monta doucement les escaliers, reprenant son souffle. Elle porta la main à sa poitrine et posa la main sur son cœur, duquel elle écouta les battements effrénés. Elle respira plusieurs fois, et sentit un filet de sueur le long de son dos. Elle n'avait probablement jamais eu aussi peur de toute sa vie.

Elle se dépêcha tout de même de rejoindre le cabinet du roi avant qu'il ne soit trop tard pour qu'elle puisse lui parler.

Elle toqua à la porte, et le Premier Valet de chambre la fit entrer juste comme le roi se retirait. Mais lorsqu'il la vit, debout devant lui, encore un peu essoufflée, il s'arrêta.

Il prit la parole d'une voix qui semblait réellement concernée :

-"Mademoiselle de Flamois, est-ce que tout va bien ?"

Diane se redressa, et lui répondit, sans pouvoir contrôler les tremblements dans sa voix :

-"Votre Majesté, je crois que... je crois que je sais qui... qui est le coupable."

Après l'avoir faite asseoir, il écouta la façon dont elle s'était introduite chez le vicomte –non sans la sermonner à ce sujet- et les preuves qu'elle avait. Elle lui montra la branche de laurier-rose, que le roi fit porter à des scientifiques pour qu'ils vérifient s'il s'agissait bien de poison, et lui expliqua qu'elle avait découvert que Joséphine d'Alland avait été vu avec lui juste avant de mourir.

Le roi envoya alors des gardes fouiller les appartements du vicomte.

Environ deux heures plus tard, il la fit appeler pour lui annoncer que Jean-Baptiste François de la Croix avait été arrêté pour meurtre et qu'il serait exécuté le lendemain à midi sur la place publique.

La jeune femme lui fit alors une requête qui laissa le souverain perplexe :

-"J'avoue ne pas comprendre pourquoi vous désirez tant lui parler avant qu'il ne meure.

-Il a avoué, ce que je trouve quelque peu étrange. De plus, j'ai aperçu sur sa table de travail des documents sur lesquels j'aimerais des détails."

Louis XIV acquiesça, et lui fit signe qu'elle pouvait se retirer en lui annonçant qu'elle pourrait rendre visite au condamné le lendemain matin.

Chapitre 9

Alors que les rayons du soleil éclairaient à peine les longs couloirs du château de Versailles, Diane était déjà devant la cellule du vicomte de la Croix. Elle avait eu du mal à trouver le sommeil, hantée par la peur qui lui avait nouée le ventre lorsqu'elle se trouvait chez le vicomte. De légères cernes se dessinaient sous ses yeux, malgré ses efforts pour les cacher.

Lorsqu'elle s'approcha de la porte de la cellule, le vicomte se réveilla. Il ouvrit difficilement les yeux, et lorsqu'il reconnut la personne qui se tenait en face de lui, il s'approcha de la grille qui les séparaient. Il la dévisagea des pieds à la tête, et lui posa une question qui la déstabilisa :

-"Pourquoi portez-vous du noir ? Ma mort devrait être un jour de fête, n'est-ce pas ?"

Son ton n'était pas en colère. Il semblait plutôt triste, las et résigné.

Diane s'était attendue à ce qu'il l'invective, pas à ce qu'il lui pose une question aussi futile que sur la couleur de son vêtement.

-"La mort d'une personne, quelle qu'elle soit, ne devrait jamais être une réjouissance."

Il la fixa quelques secondes.

-"Pourquoi êtes-vous venue me voir ? Voulez-vous me tourmentez encore avant ma mort ?

-Je veux simplement des réponses.

-Des réponses à quoi ?

-À pourquoi."

Elle marqua une pause.

-"À comment."

Il sembla réfléchir quelques instants, puis lui annonça qu'il répondrait à toutes ses questions, mais qu'il ne lui parlerait qu'à elle.

La jeune enquêtrice fit donc signe aux gardes de les laisser. Ils reculèrent, mais restèrent tout de même assez près pour pouvoir avoir le détenu dans leur champ de vision.

Elle se retourna vers le vicomte.

-"Tout d'abord, je veux savoir pourquoi vous avez tué quatre jeunes filles."

L'homme s'écria avec véhémence :

-"C'était mon devoir !"

Diane fut surprise par le soudain changement de ton de son interlocuteur, qui poursuivit :

-"Je me devais d'éradiquer le diable de la surface de la Terre.

-Mais de quoi parlez-vous ? Ces jeunes filles n'étaient ni démoniques, ni possédées !"

Le prisonnier eut un rire jaune :

-"Croyez-moi, elles l'étaient. Je n'ai fait que mon devoir de bon chrétien.

-Ah oui ?! Parce que vous pensez que tuer des innocentes est ce que doit faire un bon chrétien ?

-Dans le but de purifier la Terre, oui."

Il semblait tellement sérieux que cela mit Diane hors d'elle. Comment une personne sensée pouvait-elle seulement penser que tuer était un acte honorable, quelle que soit la raison qui ait poussé ce meurtre ? Il était facile de commettre les actions les plus horribles et de les excuser sous prétexte que c'était "son devoir". Mais prendre de sang froid une vie, ce n'est pas un devoir, c'est un choix, avec lequel on doit vivre. Elle se put qu'imaginer le dégoût qui la prendrait au ventre si elle devait se regarder tous les matins en se rappelant qu'elle avait fait couler du sang.

Sentant la colère monter progressivement en elle, la jeune fille respira profondément pour se calmer, et demanda :

-"Mais qu'est-ce qui vous faisiez croire qu'elles étaient une incarnation du diable ?"

L'homme soupira et son regard se perdit dans le vide.

-"Ma mère l'était, elle aussi, dit-il d'une voix presque inaudible, tremblante.

-Et comment savez-vous que votre mère était possédée ?

-Elle me l'a dit.

-Ah, je vois, votre mère vous a dit qu'elle était possédée par le diable et vous a demandé de la tuer, répliqua Diane, mi- moqueuse, mi- perplexe.

-Elle ne m'a pas demandé de la tuer, avec l'a fait toute seule."

La jeune femme serra les dents et lui demanda :

-"Pourriez-vous arrêter de parler fragment par fragment, et juste me raconter d'une traite l'histoire de votre mère ?!"

Elle commençait à se sentir vraiment en colère. Elle voulait juste des réponses, pas jouer aux devinettes !

Le vicomte lui lança un regard noir :

-"Très bien. Lorsque j'avais dix ans, ma mère est venue me voir un jour dans ma chambre et m'a pris dans ses bras. Alors qu'elle m'étreignait de toutes ses forces, elle m'avait murmuré qu'elle ne laisserait plus le diable se servir d'elle comme bon lui semblait, et que je ne devais pas le laisser faire de même avec qui que ce soit d'autre. Puis elle s'était tuée devant mes yeux.

-Mais quel rapport avec ces femmes que vous avez assassinées ?

-Si vous ne m'aviez pas interrompu, vous le sauriez déjà."

Puis il reprit :

-"Je ne me souviens plus de ma mère. Pas en détail, du moins. Mais je sais d'elle une chose. Elle avait des yeux verts."

Il se tut. Diane réfléchit. Puis un détail la frappa. Il pensait réellement que sa mère parlait du diable. C'est pourquoi elle lui demanda :

-"Que vous rappelez-vous de la relation entre votre père et votre mère ?"

Il parut troublé par la question. Il sembla réfléchir, et fronça les sourcils.

-"Je crois... je crois qu'ils ne s'entendaient pas.

-Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

-Dans mes souvenirs, elle ne parlait jamais lorsqu'ils étaient ensemble. Elle n'ouvrait pas la bouche, et restait en retrait, elle semblait toujours... sur ses gardes, comme effrayée. Mais quel rapport avec ce dont je vous parlais ?"

La jeune enquêtrice le regarda, pleine de compassion pour l'enfant qui n'avait jamais su la vérité.

-"Je pense que votre mère ne parlait pas du diable littéralement. Elle parlait de votre père."

Il leva vers elle des yeux replis d'incompréhension, qui fut vite balayée par la colère.

-"Ce ne sont que des sottises ! Pourquoi ma mère traiterait-elle mon père, son époux, de démon ?

-"Parce qu'il la battait, grand Dieu ! Lorsque votre mère a dit que le diable se servait d'elle, elle voulait dire qu'il la traitait mal ! Et lorsqu'elle vous a dit qu'elle ne voulait pas qu'il fasse de même avec d'autres, elle voulait que vous fassiez en sorte que sa nouvelle épouse ne subisse pas les mêmes traitements !"

Les épaules du vicomte s'affaissèrent.

-"Alors, vous voulez dire que...

-Oui. Vous avez tué des innocentes en vous basant sur l'interprétation erronée des dernières paroles d'une femme désespérée."

Elle aurait pu jurer qu'elle avait vu une larme couler le long de sa joue. Mais il essaya de cacher le sentiment de culpabilité qu'elle voyait dans ses yeux, et répondit :

-"Cela n'a plus d'importance, désormais. C'est trop tard, pour moi comme pour elles."

Il se retourna de façon à lui tourner le dos, et Diane lui laissa quelques instants de tranquillité, avant de poursuivre :

-"Excusez-moi, mais j'ai encore une question, puis je m'en irais."

Il tourna son visage vers elle, mais ne répondit rien. Elle continua tout de même :

-"Comment se fait-il que les corps n'aient jamais été retrouvés ?"

Il reprit sa place contre le mur, au pied duquel il s'assit.

-"La poussée d'Archimède, murmura-t-il.

Elle arqua un sourcil interrogateur.

-"Qu'est-ce ?"

-"Après le premier meurtre, j'ai tenté de jeter le cadavre dans un petit lac. Seulement, je me suis rendu compte que le corps flottait. Je l'ai donc brûlé.

-C'est de là que vient votre cicatrice à la main droite ?"

Le prisonnier acquiesça.

-"Je me suis alors plongé dans des recherches. Je voulais désespérément comprendre pourquoi le cadavre n'avait pas coulé.

-C'était donc cela, les formules sur le bureau dans la pièce secrète ?"

Jean-Baptiste François de la Croix se tourna brusquement vers elle.

-"Qu'avez-vous dit ? Vous êtes entrée dans mes appartements ? Ah, je comprends mieux pourquoi la police du roi est venue m'arrêter tout de suite après que j'ai entendu un bruit chez moi.

-Ne changez pas de sujet !

-Où en étais-je ? Oui, mes expériences. J'ai consacré des semaines entières à essayer de découvrir comment faire couler une masse inerte. Mais j'ai découvert une chose beaucoup plus intéressante, qui pourrait révolutionner la science."

En disant cela, il avait pris le ton d'un petit enfant émerveillé par le monde.

-"Et quelle est cette découverte ?

-Je vais vous le révéler, mais sachez bien que c'est uniquement car je refuse qu'une telle avancée tombe dans l'oubli, et même si vous arriviez à récupérer mes notes, vous n'y comprendriez pas un mot.

-Et pourquoi ça ? Parce que je suis une femme ? Pourtant, c'est bien moi qui ai fait en sorte que vous vous retrouviez derrière ces barreaux, je dois bien donc avoir un tant soit peu de bon sens, n'est-ce pas ?"

Chaque jour qui passait, Diane haïssait un peu plus cette société sexiste et rétrograde qui cantonnait les femmes au rôle de maîtresses de maison.

-"Laissez-moi vous expliquer. J'ai découvert qu'un corps plongé entièrement ou en partie dans un fluide soumis à un champ de gravité, que ce soit un gaz ou un liquide, subit une force particulière. Imaginons que nous plongions un objet quelconque dans de l'eau. Cet objet va subir la force de pesanteur, qui va le tirer vers le bas. Mais il subira aussi une force qui va le pousser dans la direction opposée, donc vers le haut, que j'ai appelée la poussée d'Archimède. L'objet coulera si la poussée d'Archimède est inférieure à la force de pesanteur, mais flottera dans le cas contraire.

-Pourquoi l'avoir appelée "poussée d'Archimède ? Ce n'est même pas votre nom ! Et quel rapport avec vos meurtres ?

-Archimède était le nom de naissance de ma mère. Et pour répondre à votre seconde question, je me demandais qu'est-ce qui tirait un corps vers le haut. Il s'agit du gaz. Je me suis alors dit qu'en retirant le gaz, donc l'oxygène, du corps, il coulerait. Bien évidemment, j'ai réalisé un grand nombre de tests avant de le faire sur un corps humain. J'ai testé mon hypothèse sur de la viande, et j'ai compris qu'en le coupant à certains endroits spécifiques, l'air allait se retirer du corps, qui coulerait.

-Donc, tous les corps sont au fond d'un lac ?

-Oui."

Il marqua une pause, et lui demanda avec hésitation :

-"Pourriez-vous peut-être dire aux familles que je suis... désolé ?"

La culpabilité qui se lisait sur son visage lui fit avoir de la peine pour lui. Il n'avait jamais compris la vérité, et cette erreur allait lui coûter la vie. Pourtant, elle savait que ce qu'il avait fait était impardonnable. Mais elle ne put s'empêcher de lui dire :

-"Ne vous en faîtes pas, je m'en chargerais. Je ne peux vous assurer qu'elles vous pardonneront, mais je le ferais. Et je ferais en sorte que votre découverte soit reconnue de tous. Je vous le promets. Adieu, Monsieur de la Croix."

Elle le salua et partit, mais ne put s'empêcher de lui jeter un dernier regard avant de passer la porte.

Cette après-midi là, elle n'assista pas à l'exécution.

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canada-gus · 5 years

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Lundi 02 Octobre 2017 – Adieux gourmands & retour poignant.

Partie 01/02 : Edimbourg castle & Afternoon tea, point d’exclamation dans le patrimoine écossais.

Il fait toujours gris ce matin, et le fond de l’air est devenu beaucoup plus frais après la journée mouillée de la veille. C’est le temps idéal pour le petit déjeuner à base de crêpe que j’avais prévu et que je prépare dans la cuisine sombre et un peu lugubre de l’auberge, ou je m’affaire des 7 heures pour préparer mes galettes avec l’espoir de faire plaisir à mon amie.

C’est une Natalia requinquée qui me rejoint, et qui croque avec enthousiasme dans son petit dej malgré sa nuit perturbée par la présence d’un ronfleur puant l’alcool dans sa chambre de quatre. De mon côté, toujours rien de spécial à signaler, ma chambrée est étonnamment tranquille et disciplinée. Mes crêpes, elles, sont bien moins en place, avec leurs gueules tordues, probablement dû au fait qu’il soit quasi impossible de les cuire dans les poêles complètement défoncées de la cuisine. Je me rappelle avec Nostalgie ma poêle jaune, mon tout premier investissement en Australie, et certainement le meilleur. Je me demande où elle peut bien être depuis que mon breton de Nicolas en a hérité, et je me surprends une nouvelle fois à rêver de Cairns et de sa dolce vita. Natalia n’est vraiment pas impressionnée par mes créations (et franchement moi non plus), son avis ponctué d’un froid mais honnête « j’ai déjà connu beaucoup mieux ». Moi je me la régale quand même, et j’enfile les galettes sucre-citron ou nutella comme des cacahuètes, et j’en offre même à un escogriffe aux allures de clodo-rasta très fatigue, penché tristement sur son plat réchauffé au micro-onde à l’autre bout de la table en aluminium. Surpris, il nous remercie et continue de manger en silence, le dos voute par ce qui semble être une sacrée gueule de bois. Natalia me glissera discrètement qu’il s’agit de son compagnon de chambre alcoolise, responsable de sa nuit en pointillés.

Il est 11h30, et je dois quitter le centre-ville a 15h dernier carat pour ne pas rater mon vol de 17h30. J’attends ma camarade sur le banc du café de l’auberge, papotant avec Ruai dont les messages continuent de me divertir, puis nous voilà partis en direction du château, juste pour y voir s’il y a quelque chose d’intéressant. Le ciel se fait beaucoup plus dégage à mesure que nous gravissons les nombreux escaliers. Arrivés sur la place du château, nous goutons à une météo typiquement écossaise : la « dreich », cette pluie fine battue par un vent fort ; et pourtant, pas un nuage à l’horizon. Nous décidons rapidement de ne pas visiter le château, car une guide nous explique que le vent violent de la nuit a fait s’écrouler une partie de la toiture, rendant innascible un bon quart de la visite. Nous préférons profiter de la vue, encore une fois très spectaculaire depuis ce point élevé. Cette fois, on aperçoit au loin Calton Hill et ses monuments, avec en arrière-plan l’autre rive de l’estuaire, le tout baigné d’une superbe lumière d’après la pluie. Je ne me lasse pas de cette image. Puis on flâne tranquillement dans les alentours de la place pavée, faisant les couillons dans les cabines de téléphone rouges emblématiques du Royaume-Uni, avant de quitter l’enceinte du château. C’est le moment que choisi Natalia pour me prendre par le bras, alors que nous marchons côte à côte. Pas d’espace réduit sous le parapluie, ou d’excuse de la pétoche dans un endroit lugubre, cette fois l’acte est délibéré et j’ai bien du mal à savoir comment l’accepter et l’interpréter. Très mal côte à côte l’aise dans un premier temps, je laisse la chose faire, coincé dans mon corps maladroit qui a depuis trop longtemps perdu le sens du contact, aussi trivial soit-il qu’en bras tenu en se promenant.

Pour tuer les deux heures qu’il me reste, j’accompagne Natalia une dernière fois dans les rues de la vieille ville ou elle doit se rendre pour tenter de réserver un « afternoon tea » aux « Colonnades », une institution culinaire qui reçoit ses convives dans la bibliothèque privée « Siglet ». J’ai du mal à voir l’intérêt de réserver pour boire un thé, mais Natalia m’explique que c’est une institution britannique qui dépasse le simple fait du the en milieu d’après-midi. La tradition (très bourgeoise) veut que l’on s’apprête aussi bien que possible pour aller se poser avec ses amies (souvent entre groupes de dames) autour d’une table ou seront servis dans un service en argent des plateaux à étages charges de mignardises salées et sucrées, toutes plus fines les unes que les autres. Premier constat en entrant dans le bâtiment : je ne suis pas DU TOUT habillé pour l’occasion. Le majordome gominé, dans son costume tiré à quatre épingles, nous accueille avec une élégance et une politesse dignes de Buckingham Palace. Malheureusement pour Natalia, tous les services sont réservés, et on lui explique qu’il faut réserver longtemps à l’avance pour espérer avoir une place ici. Il prend quand même le numéro de téléphone d’une Natalia visiblement très déçue.

Sur le parvis de la bibliothèque, il ne faudra pas attendre plus longtemps que cinq minutes avant de recevoir un coup de téléphone du men in black : un couple vient de se désister à la dernière minute pour son « afternoon tea », pour un service qui s’ouvre dans 15 minutes. Natalia me regarde, je la regarde, on se regarde les yeux déjà plein de gourmandise, et en moins de 10 secondes me voici embarque dans une dernière aventure gastronomique comme point final de ma parenthèse écossaise.

Une serveuse en veston nous accompagne avec la manière jusqu’à notre table pour deux, entre deux étagères de vieux livres, devant une gigantesque fenêtre ou perle le soleil blanc de cette journée d’Octobre. L’endroit est magnifique, et sent la bourgeoisie à plein nez : des colonnes blanches (haaa, d’où le nom « les collonades ! ») soutiennent un plafond en voute orne de dorure ; une moquette épaisse posée sur un parquet reluisant, probablement d’époque ; les tables longuement drapées supportent tout un attirail de couvert en argent, chacune gardée par un jeu de chaises dorées, aux coussins de velours ; en guise de convives, il y a notamment un groupe de quatre mamies sapées comme pour la messe du dimanche, robes du dimanche et chapeau de circonstance. Natalia et moi-même jurons dans le paysage, mais on ne peut s’empêcher d’afficher un immense sourire de gamins en nous asseyant sur notre table isolée, nous débarrassant de nos sacs à dos et de nos vestes/pulls a capuches disgracieux.

Je laisse à mon amie le choix du thé, puis nous discutons a voix douce, comme pour préserver l’ambiance feutrée des lieux. Pour nous faire patienter, on nous sert une petite tasse de soupe, qui me rappelle immédiatement la soupe signature de la madre. Natalia se la régale, et moi j’ai en prime un avant-gout de mon retour au pays. Rapidement on nous apporte un premier lot de bricoles à manger, et Natalia et moi-même ouvrons des yeux ronds comme des billes quand on nous dépose devant le nez un plateau en argent à trois étages ou ont été empiles toutes sortes de merveilles pour les yeux. De haut en bas (qui est l’ordre conseille de consommation) : des mini-sandwiches (dont un fourré au risotto), un roulé aux anchois, une tourte à la viande, une boulette de veau en sauce, une quiche, une mousse de crustacés et un petit hamburger de poulet fris. Chaque miniature est remplie de gout et la profusion de denrées donne l’impression de ne plus savoir où donner des papilles.

Voilà pour le salé, puis vient le tour du plateau sucré, et là c’est la foire du slip : macaron, tarte fraise chocolat, gelée au citron, tarte pecan, crumble au praline, crème de cranberries meringuée. Incroyable. Au terme de cette incroyable surprise gastronomique, nous quittons presque avec regret ce temple de la gourmandise, ou nous aurions tous deux bien attendu un autre service. Pressant le pas, nous rallions rapidement l’auberge, ou je récupère mon sac laisse à l’accueil. Vient alors le difficile moment des aurevoirs, que dans notre cas nous savons être un adieu. Tous deux un grand sourire sincère bloqué sur le visage, nous nous remercions mutuellement pour ces chouettes quatre jours de vacances. L’un comme l’autre nous ne savons pas vraiment comment nous dire au revoir, et c’est finalement un bisou inattendu, sans raison d’être si ce n’est celle de ne pouvoir exister qu’a ce moment précis, qui soufflera au loin toute sensation de gène, nous offrant un point final parfait pour ces quelques jours sous le signe de la spontanéité et du plaisir détendu.

Et me voici, le cœur gonflé par cet inattendu mignon petit moment de spontanéité, en train de marcher/courir vers mon arrêt de bus, tout en envoyant des messages à Natalia pour plaisanter sur ce qui vient de se passer. Elle me répond par de manière taquine, me laissant comprendre qu’elle n’a pas été gênée par ce qui vient de se passer, ce qui me rassure.

Le reste de l’après-midi va passer à toute allure, que ce soit le trajet en bus jusqu’à l’aéroport, l’attente, l’embarquement dans la lumière descendante du soir. Le cul vissé dans l’avion, je sens progressivement mon corps se relâcher, et une torpeur douce me porter tout du long.

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