#poésieafricaine

[sistatree]

J’avais pris mes précautions. Un verre d’eau tiède comme l’aurait fait Maa mba au réveil. Mais l’expérience m’avait montrée que cela ne suffisait parfois pas, alors j’ai ajouté un demi verre de jus de pomme dans lequel je fis dissoudre de la poudre de bouye. L’idée était de le boire après la première offensive. Et parce que je n’étais pas toujours sûre d’avoir ce qu’il faut pour ma petite fille avec mon régime végétarien , je me suis dit qu’il serait peut-être bon que je prenne un complément alimentaire. Ce que je m’étais gardée de faire depuis plus de 3 jours. Une fois mon petit déjeuner prêt, le ventre rempli d’eau tiède je me suis dirigée vers les WC. J’avais envie de déféquer mais je n’avais pas encore de véritable attente. Cela pouvait me demander de nombreux tours et des supplications au Christ et aux anges avant qu’enfin mes entrailles ne se déchargent. Mais j’avais tout de même envie de mettre toutes les chances de mon côté. Alors je me suis arrêtée devant la petite bibliothèque rouge pour y prendre un livre pour m’aider à lâcher prise. Les livres des nombreux poètes africains qui étaient déjà sur la petite étagère dans les toilettes, ne m’avaient jusqu’ici jamais vraiment aidée, je ne comptais donc pas sur eux. Je demandais au mien de poète africain où était le roman de « la coréenne, la métisse ». Il était pris dans son rôle de comptable et commençait gentiment à s’impatienter que je l’interrompe, ça n’était pas la première fois depuis que j’étais sortie de la chambre . Il tourna la tête dans ma direction pour me dire d’une voix à peine audible qu’il ne savait pas où il l’avait rangé. La pointe d’exaspération ne m’offensa pas. Je pris le temps de scruter la bibliothèque encore une fois. Ma main s’allongea pour tirer un livre de Toni Morrison, Beloved. Moi qui aspire à devenir une guerrière de l’amour, ce titre de « bien-aimée » parlait à mon âme. Il était maintenant temps d’aller m’installer sur le trône. Ma fille dormait et j’espérais qu’elle reste dans cet état encore un moment. J’allais me poser pour ma commission quand mon griot moqueur me gratifia d’un petit « atalaku » négatif: « Voici une femme noire, 38 ans sur la terre, elle n’a jamais lu Toni Morrison ». Je n’avais pas son temps. Et puis il ne rajouta rien, de toute façon j’avais autre chose à faire que de me prendre la tête.

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[pierredeperouges]

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