Tumgik
#et aussi la différence d'état d'esprit / expériences perso entre les deux moments...
lilias42 · 1 year
Text
Nouveaux chapitres pour CF ! L'introduction et les deux premiers chapitres !
Coucou tout le monde ! Petit retour dans CF avec les trois premiers morceaux de l'histoire !
J'avoue qu'en ce moment, je fais pas mal de trucs dans le désordre alors, j'avance pas beaucoup sur CF, c'est une petite pause on va dire avant de repartir de plus belle. Cependant, j'ai relu l'intro de cette histoire y a peu le temps pour la corriger et ça fait un moment que je voulais la mettre ici, histoire de mettre le début de cette histoire (et il faudra que je réfléchisse à un résumé de quatrième de couverture aussi)
Donc, pas de note de début cette fois, on commence in medias res sous la coupe ! Bonne lecture !
Ah si ! Erratum, j'ai une note à faire ! La prière que chante Rodrigue dans le chapitre 1 est inspirée de la traduction française officielle de la prière chrétienne "Pater Noster", mais adaptée à Fodlan.
(voilà ce que je t'avais dit @ladyniniane ! J'espère que ça te plaira !)
Introduction
« La Déesse fit les plan… plantes et les bêtes… peuplant la… la terre et les cieux ; Elle cré… créa aussi les hommes.
– Bien Rodrigue, à vous Alix.
Le petit garçon releva le nez de son missel pour regarder son frère, se mettant à lire à son tour comme il pouvait.
– Les hommes dé… désiraient le pou… pouvoir et la Déesse ré…pon…dit à leur demande… Pourquoi les hommes voulaient le pouvoir Rosemonde ?
– C’est expliqué après, vous le savez, continuez.
– Je sais… c’est « Elle acc… accor…da les biens faits…
– Non, pas comme ça, répétez. « Bienfaits », en un seul mot.
– Bien… bienfaits des cieux, les bienfaits de la terre et les bienfaits de la magie… » Oui mais, pourquoi elle ne leur a pas donné avant ?
– Et pourquoi les animaux et les plantes n’ont pas demandé le pouvoir comme les hommes ? Ils n’en ont pas besoin ? Ajouta Rodrigue.
– C’est simplement que les animaux ont des griffes et des crocs pour se protéger et chasser, des choses que nous, les humains, n’avons pas. C’est pour cela que nous devons cultiver la terre pour nous nourrir et que nous pouvons utiliser la magie pour nous défendre contre le danger. Mais ce n’ait pas le sujet de la leçon, nous verrons ça plus tard. Vous avez déjà posé beaucoup de questions et j’aimerais que nous finissions cette leçon de lecture. Alors, continuez.
– Y a des trous dans l’histoire… marmonna Alix en posant sa joue sur son poing. Papa et maman, ils disent que c’est bien de poser des questions.
– Papa taquine même souvent la prêtresse en lui en posant quand il va à l’église, ajouta Rodrigue avant de se rappeler. Mais maman a dit que les trous, c’est parce que les textes sont très, très, très vieux alors, on en a perdu.
– Dommage, j’aurais bien aimé savoir pourquoi ils ont pas demandé des trucs les’animaux…
– Un peu de concentration tous les deux, il faut qu’on reprenne la leçon et que vous appreniez à lire. Rodrigue, reprenez et Alix, tenez-vous correctement.
– Oui Rosemonde, obéit-il en reprenant son livre pour continuer, même s’il s’arrêta assez vite. « Les hommes u… u…
– Il est compliqué celui-là, « usèrent ».
– uzère… de l'art de la magie et acc… accrurent leur pouvoir ; mais les zom…
– Pas de liaisons ici, il y a un « h » qui la coupe.
– D’accord… « …les… » il fit une grosse coupure pour être sûr de ne pas faire une faute. « …hommes ne virent pas que le pouvoir attirait le mal. »… Pourquoi le pouvoir de la Déesse attire le mal ? La questionna-t-il encore, curieux. La Déesse, elle est gentille alors, elle peut pas faire des choses méchantes ?
– La Déesse ne fait jamais de mauvaises choses quand elle utilise ses pouvoirs, parce qu’elle n’oublie jamais le bien et le mal. Même ses actes durs sont toujours justes. Par contre, quand c’est les hommes qui l’utilisent, il est tellement grand qu’ils peuvent oublier le bien et le mal car, ce pouvoir est assez puissant pour tout faire.
– Alors, pourquoi elle l’a donné comme ça ? Elle ne pouvait pas en donner moins pour qu’on fasse pas de bêtise ? Demanda à son tour Alix, tout aussi curieux que son frère.
– Hum… je ne connais pas assez les Écritures pour répondre à toutes vos questions. Vous pourrez demander à la prêtresse quand vous la croiserez ou au prochain office.
– Oh non… ça endort l’office…
– Alix, ne parlez pas comme ça. Vous n’allez tout de même pas faire comme votre père et avoir aussi peu de considération pour la Déesse ?
– Bah c’est pas grave, intervient Rodrigue pour soutenir son frère. J’en aurais pour nous deux vu qu’Alix aime pas !
– C’est vrai ! On est pareil donc, ce que fait Rod, c’est comme si c’était moi qui le faisais !
– Non, ça ne marche pas comme ça…
– Tout se passe bien ?
Les deux frères se retournèrent et virent leur maman entrer dans la pièce, accompagné de leur tonton Nicola. Ce n’était pas vraiment leur tonton mais, c’était leur compère et le meilleur copain de leur papa donc, c’était pareil, même s’il avait une tresse marron comme le poil d’un ours et les yeux de la même couleur, pas des cheveux noirs comme la nuit comme leur papa ou jaune, orange miel comme leur maman. Ils sautèrent de leur chaise pour aller faire un câlin à leur maman. Alix commença à lui parler de la leçon, vite suivit par Rodrigue qui complétait ses phrases.
– On s’entraine à lire…
– …Donc on lit les Écritures…
– …mais y a plein de trous…
– …tu peux nous expliquer ?
– D’accord, cela doit être dur parfois. Vous vous en sortez bien pour lire ? Et qu’est-ce que vous ne comprenez pas ? Les questionna-t-elle.
– Oui, ils lisent de mieux en mieux, même si cela manque encore de fluidité, intervient Rosemonde. Par contre, ils n’arrêtent pas de poser des questions sur plusieurs points…
– Tant mieux alors, c’est sain de poser des questions et de remettre en question les choses, assura Aliénor, son regard tout vert allant vers Rosemonde.
– Tout de même Dame Aliénor, il s’agit de la Parole de la Déesse…
– Non, il faut aussi savoir La remettre en question, cela leur permettra de construire leur propre moral quand ils seront grands, lui jura leur maman. Guillaume partage mon point de vue sur le sujet, même si notre foi est très différente. Je préfère que nos louveteaux commencent par se poser des questions plutôt que de croire tout ce qu’on leur raconte, même s’ils critiquent jusqu’aux Écritures. Ils réfléchissent quand quelque chose leur semble étrange au moins. Guillaume en est très fier.
– Ah ça… pour être les fils du Loup, ils le sont… ce ne sont pas vos enfants pour rien… marmonna Rosemonde, même si un petit sourire fier ornait sa bouche fine.
– Nous sommes bien d’accord, répondit Aliénor. Bon, il faut qu’on retourne tous au travail, je reviendrai plus tard pour voir comment ça se passe…
« Eh ! Regardez ! S’écria un domestique qui devait se trouver dans une pièce d’à côté. C’est pas le convoi royal ? Là-bas ! Aux portes !
– Oui ! On dirait bien ! Je vois l’étendard du roi ! »
Rodrigue eut un grand sourire en regardant son frère qui s’exclamait, tout identique tous les deux, entendant à peine leur maman dire qu’ils rentraient bien plus tôt que prévu.
« Tu as entendu ?!
– Oui ! Oncle Ludovic arrive ! Alors…
Ils s’écrièrent ensemble en sautant hors de la pièce.
– Papa est de retour !
– Rodrigue ! Alix ! Ne courrez pas dans les couloirs ! Et attention dans les escaliers ! Les reprit leur nounou.
– Oui Rosemonde ! Répondirent-ils en se précipitant quand même hors de la pièce pour retrouver leur papa. Le revoir plus vite valait bien de se faire gronder après.
Ils bousculèrent un peu un serviteur qui venait leur annoncer ce qu’ils avaient déjà entendu, l’homme riant un peu en les voyant aussi pressés.
– Doucement les louveteaux ! Le seigneur Guillaume ne va pas se renvoler tout de suite !
Rodrigue l’écouta à peine, courant plutôt à toute vitesse avec son frère à travers les couloirs de leur maison. Papa était rentré ! Il avait dit qu’il reviendrait quand les capucines fleuriraient mais, il était déjà de retour !
« Papa est le meilleur ! Il a déjà fini tous ses devoirs ! S’exclama Alix avec joie à l’idée de le retrouver.
– Oui ! Et il est rentré plus vite ! » Sourit Rodrigue à son frère en arrivant aux escaliers qui les forcèrent à ralentir le rythme. Les marches étaient encore trop hautes pour eux, ils ne pouvaient pas encore les dégringoler sans tomber. Ils ne pourraient le faire que quand ils seraient aussi grand que leur maman ou leur papa. « Par contre, on ne va pas pouvoir faire notre plan…
– Oui, c’est vrai… on n’a qu’à remplacer les capucines par des ancolies, c’est pareil ! Sourit le deuxième-né en ayant la bonne idée. Et ce sera joli dans sa tresse aussi !
– C’est vrai ! Se rappela Rodrigue. En plus, Bruno dit qu’elles restent pas longtemps, faut les lui mettre dans sa natte avant qu’elles repartent chez elles !
– Et cette fois, on ne se fera pas prendre quand on les mettra ! On fait comme on l’a dit ! Tu lui demandes comment bien écrire avec ta main gauche…
– Et toi, tu les mets dedans !
– On est d’accord alors !
– Et cette fois, ça va marcher !
– Oh oui ! Cette fois, papa ne le verra même pas ! Ça sera joli ! Rit Alix, les deux frères se tapant dans la main pour se mettre d’accord, alors qu’il arrivait sur la dernière marche. Prêt ?
– Oui ! Répondit Rodrigue en se mettant aussi en position.
– Et… hop !
Ils sautèrent en même temps au sol, faisant le concours de celui qui irait le plus loin mais, comme à chaque fois, ils firent la même distance au pouce près. C’était normal après tout, ils étaient jumeaux alors, ils faisaient presque tout pareil. Ils étaient même nés identiques, c’était normal.
– Faites attention dans les escaliers, les prévient leur maman, les suivant de près dans le colimaçon.
– Oui maman !
– On a sauté que de la dernière marche… la rassura Rodrigue.
– …et on est encore à égalité ! Continua Alix avant de dire à nouveau à son frère. Car on est vrais jumeaux !
– Pour toujours ! Compléta-t-il.
Ils repartirent à toute vitesse dans les couloirs sans l’attendre, trop impatients de revoir leur papa. Ils s’excuseraient plus tard pour ça.
Après encore quelques grandes foulées dans les couloirs, ils arrivèrent dans la cour où se trouvait le carrosse d’Oncle Ludovic. C’était bizarre… c’était pas le même que d’habitude… l’autre devait être cassé, ça devait casser comme leurs petits chevaux de bois, les jumeaux avaient brisé la patte d’un l’autre jour en jouant aux chevaliers, même si Bruno avait dit qu’il pourrait le réparer cette fois.
Leur oncle était déjà descendu alors, leur papa ne devait pas être loin. Il y avait même Lambert ! Il était avec Gustave ! Bon, Rufus aussi mais, ça voulait surement dire qu’ils allaient rester longtemps vu que leur travail s’était fini plus vite ! Il y avait quelqu’un de penché à l’intérieur du carrosse, leur papa devait l’aider à descendre quelque chose de la voiture !
– Papa ! Tu es là !
Cependant, ce ne fut pas leur papa qui sortit du carrosse mais, un autre homme, qui aidait le premier à porter une grande boite en bois sombre, aussi grande que Nicola. Oncle Ludovic se tourna vers eux en les attendant appeler leur papa. Il était tout blanc et semblait très triste. C’était bizarre, papa l’aidait souvent pourtant, et leur oncle n’était jamais triste quand il venait ici au printemps d’habitude. Très occupé et c’était dur de savoir s’il était en colère ou pas mais, pas triste.
– Rodrigue… Alix…
– Oncle Ludovic… où est papa ? Demanda le premier-né.
– Il va bientôt arrivé ? Continua le second jumeau. Il nous a manqué !
– Papa a encore du travail chez toi ?
– Pourquoi tu n’es pas avec lui alors ?
Oncle Ludovic devient encore plus pale, mal à l’aise. Il devait être malade s’il était blanc comme ça. Il jeta un œil à la boite en bois, avant de bégayer après s’être rapproché d’eux et s’être baissé à leur hauteur, comme leur papa et leur maman quand ils leur expliquaient quelque chose de dur. Les deux frères ne l’avaient jamais vu comme ça, aussi hésitant et triste. Il avait les yeux tout rouge… il devait être fatigué… il avait vraiment besoin de l’aide de leur papa pour travailler.
– Gui… Guillaume est… est dans… il regarda encore la boite en se taisant, les frères comprenant que leur papa était dedans, alors que leur oncle continuait avec peu de voix. Je… Je suis désolé… c… c’était pour me protéger… Guillaume… votre père… votre père est…
Oncle Ludovic les serra tous les deux contre sa poitrine en retenant ses larmes, posant la tête des jumeaux contre ses épaules alors qu’il leur annonçait quelque chose en rapport avec leur papa mais, sans qu’ils comprennent vraiment. Rodrigue en tout cas ne comprenait pas, et en jetant un regard à Alix, il sut que lui non plus.
En six ans d’existence, c’était la première fois qu’il était confronté à ça d’aussi près, quand les gens allaient dormir dans une boite. Alix et lui ne connaissaient pas leurs grands-parents, ils étaient morts peu de temps après la naissance de leur papa à la guerre. Quand ils avaient demandé à leur nounou pourquoi ils n’avaient pas de grand-maman comme à Lambert, elle leur avait dit qu’elle était partie très loin pour le bien du Royaume et qu’elle ne reviendrait pas, tout comme son mari. Leur papa, il leur avait dit qu’elle et leur papi étaient partis très loin, avec la Déesse dans l’astre céruléen et qu’ils veillaient sur eux de là-bas avant de naitre à nouveau.
C’était un des rares moments où il ne leur souriait pas.
Leur papa semblait toujours gentil avec eux, sauf quand ils faisaient une bêtise où il était sévère, ou quand il n’était pas un peu énervé contre leur oncle Ludovic et les vassaux. Il chantait aussi tout le temps à tue-tête, comme si le silence le gênait, reprit en chœur par ses jumeaux au grand dam de leur nounou. D’après Rosemonde, « les chansons des sous-lards de l’armée ne convenaient pas à deux jeunes ducs » et elles étaient trop grossières pour eux. Eux, ça les faisait rire de chanter avec Guillaume.
C’était surement pour ça qu’ils ne comprenaient pas.
– Ne pleure pas Oncle Ludovic… papa va se réveiller et tout arranger, comme toujours ! S’exclama Alix.
– C’est vrai, papa ne dors jamais très longtemps, comme maman. Il se couche toujours après nous, il est toujours debout quand on se réveille la nuit et il est toujours levé avant nous. Il va vite se réveiller, assura Rodrigue en tendant sa main pour essuyer ses larmes.
– Rod a raison ! Il va vite se réveiller ! Il ne faut pas pleurer parce qu’il dort plus que d’habitude ! Ça lui fera du bien ! Par contre… il s’éloigna un peu de l’adulte pour pouvoir échanger un regard et des mots silencieux avec son frère.
– Moi aussi, répondit-il à la suite qu’il avait devinée sans souci.
Les deux petits visages complètement identiques se tournèrent alors vers leur oncle, plantant leurs yeux étonnés dans les siens en demandant d’une même voix.
– Pourquoi papa dort dans une boite ?
Ludovic eut un regard triste, puis souffla en posant une de ses mains sur leur épaule, sans arriver à trouver ses mots.
– Rodrigue, Alix… votre père ne se réveillera plus. Il est avec vos grands-parents à présent. Il… il est mort à ma place… il ne se réveillera plus…
– Quoi ? Deux hoquets lui répondirent en même temps, alors qu’Alix s’exclama, se différenciant du calme apparent de son frère.
– Pourquoi il ne se réveillera plus ?! Il nous avait promis qu’il allait vite revenir pour jouer ! Papa n’est pas un menteur ! Aussi sûr que Rodrigue est moi et que je suis Rodrigue !
– Papa ne ment pas, c’est un adulte. Sa chanson avant de partir, c’était même pour nous jurer que quand il reviendra, il serait bien et qu’on ne se séparera plus. Un adulte, ça ment pas non ? Pourquoi tu dis qu’il ne reviendra pas alors ? C’est si bien d’être mort ?
– Il préfère être avec papi et mamie qu’avec nous ?
– On a fait quelque chose de mal ?
– C’est peut-être parce qu’on arrête pas d’échanger nos places pour pas faire ce qu’on aime pas ? Proposa Alix en regardant son frère.
– C’est vrai que Rosemonde a dit qu’elle allait écrire à papa pour lui en parler car, ça ne gêne pas trop maman qu’on le fasse, même si elle nous fait la morale après pour nous dire pourquoi c’est pas bien… il est en colère à cause de ça ?
– On peut arrêter si c’est ce qui le met en colère. C’était juste pour pas m’entrainer à la lance alors que j’aime pas ça et que Rodrigue préfère la manier plutôt que l’épée…
– Oui, ça nous fait juste rire que personne n’arrive à nous différencier à part papa et maman. Si c’est ça, on arrête…
– Mes enfants… les coupa doucement Ludovic. Votre père ne serait jamais assez en colère contre vous deux pour partir loin de vous. Ça le faisait plutôt rire de vous voir inventer des stratégies pour échanger vos places sans que les adultes le voient, ou pour mettre des fleurs dans sa natte. Les adultes peuvent mentir mais pour ça, il ne mentait pas. Vous étiez ses deux petits louveteaux. Il aurait eu le choix, il serait avec vous à cet instant, avec votre mère.
– Alors pourquoi il n’est pas là ? » Demandèrent-ils ensemble, le fixant avec leurs grands yeux de chats bleu comme l’eau du lac, exactement les mêmes que ceux de Guillaume… comme leurs cheveux, leur teint, leur petite silhouette…
« Déesse… ce que vous ressemblez à votre père… ce que vous vous ressemblez les uns les autres… » songea le roi en cherchant ses mots, ne sachant pas comment expliquer qu’un humain pouvait vouloir en assassiner un autre, tout ça pour empêcher une paix et en criant que c’était au nom de la Déesse. Surtout pour ces deux-là… il… il n’aurait jamais cru devoir leur annoncer la mort de leur père… Guillaume était si fort… l’était encore plus depuis que la Déesse les avait bénis Aliénor et lui de deux petits louveteaux…
Ludovic ne pouvait pas oublier le jour où ils étaient nés, comment Guillaume tournait en rond en attendant qu’Aliénor accouche, n’ayant pas le droit de rentrer étant donné que le travail était compliqué. Le bébé s’était présenté dans le mauvais sens, les pieds les premiers. Ce n’était pas un bon signe, surtout après toutes les fausses couches d’Aliénor… Une aide finit par enfin l’autoriser à entrer dans la pièce, le nouveau-né était pratiquement sorti à part un bras, quand la sage-femme ne s’écria.
« Attendez ! Attendez ! Ne le laissez pas encore rentrer ! Il y a un deuxième bébé ! Il tient la main de son frère ! »
Guillaume était pratiquement tombé par terre d’étonnement, de joie et d’inquiétude en entendant la nouvelle. Après tout ce temps et faux espoirs, son Aliénor et lui avaient des jumeaux pour leur premier enfantement qui arrivait à terme, se tenant même pas la main pour ne pas être séparés. Des jumeaux…
Il se souvenait du sourire de Guillaume, de sa joie à l’idée d’avoir des jumeaux, rassurant le premier-né qu’on lui avait confié. Le petit appelait son frère de tous ses petits poumons alors, le nouveau père lui assurait qu’il arriverait bientôt, qu’ils ne seraient pas séparés longtemps, tout en priant pour qu’Aliénor ressorte vivante de cette épreuve, même s’il croyait peu… Guillaume n’avait jamais été aussi doux avec quelqu’un d’autre de sa vie, cajolant le bébé pour le rassurer alors qu’il était loin de son frère, les notes toutes douces qui calmèrent un peu les pleurs…
« Il doit être terrifié loin de son jumeau dans un endroit aussi nouveau… ne t’en fais pas mon bébé, ça va aller… tu vas vite le retrouver et tu es en sécurité ici, tout comme ton frère ou ta sœur… vous êtes en sécurité, je vous protégerai tous les deux jusqu’à mon dernier souffle, je vous le promets… »
Les larmes de joie de Guillaume avaient coulé sans s’arrêter quand il prit ses deux fils pour la première fois contre lui aux côtés d’Aliénor, le premier-né s’arrêtant de pleurer en retrouvant son double, tout identique à lui. Les nouveaux parents leur donnèrent le nom des parents de Guillaume, Rodrigue et Alix, morts à la guerre quand il avait à peine trois ans. Il arriva à rire en disant qu’il avait de la chance que le nom de sa mère soit unisexe, leur jurant de toujours les aimer. Que Guillaume avait aimé ses fils de tout son cœur et de toutes ses tripes dès le premier jour de leur existence. Il arrivait même à les différencier instinctivement, même quand ils faisaient tout pour rester identiques. Un vrai « loup » avec ses petits, ses crocs d’habitude tout le temps sortis pour le bien de son fief et du Royaume se cachant sous ses rares sourires, qu’il ne montrait vraiment qu’à sa famille…
« Il aurait tant voulu rester en vie avec vous… il ne voulait pas mourir… il voulait revenir vers vous… vous revoir… puissiez-vous me pardonner un jour pour avoir provoqué la mort de votre père… cela arrive bien trop souvent… votre père avait déjà perdu ses parents avant de pouvoir le connaitre… ils ont également donné leur vie pour le Royaume… votre famille a versé trop de sang et de larmes pour la mienne… puissiez-vous nous pardonner… »
Ludovic tenta donc, même s’il n’était pas sûr de lui, ne trouvant pas de meilleure tournure.
– Un… un homme très méchant a tenté de me faire du mal. Votre père l’a arrêté mais, c’est à lui qu’il a fait beaucoup de mal et il ne s’est pas relevé. Il…
Les mots se bloquèrent dans sa gorge mais, le regard perdu des petits les poussèrent à sortir, alors que l’adulte priait pour que cela adoucisse un peu le sort de leur père, même si ce dernier allait surement revenir de la réincarnation pour le chercher en enfer, afin de lui tirer les oreilles de désaccord. Déesse, ce qu’il serait furieux contre lui… mais il ne voyait rien d’autre pour adoucir la situation aux enfants et leur expliquer, c’était la seule image de la mort qu’ils connaissaient en lien avec celle de leur père.
– Guillaume est mort comme un vrai chevalier…
Cette fois, les deux petits comprirent, s’attrapant la main instinctivement pour ne pas se lâcher. Ça avait toujours été normal de se tenir ainsi, depuis qu'il était né même…
– Il ne se réveillera pas ?
– Non. Il va rester dans son cercueil…
– Il ne chantera plus ?
– Non. Il ne pourra plus chanter à présent…
– Même les chansons de l’armée qui mettent Rosemonde en colère ?
– Même elles…
– Il ne nous racontera plus d’histoire ?
– Non, il ne pourra plus… même les histoires de chevaliers et de gentils voleurs…
– Il ne jouera plus avec nous ?
– Non… il ne pourra plus…
– Il ne rira plus avec maman sans qu’on comprenne vraiment.
– Non plus… même s’il adorait votre mère…
– On ne pourra plus lui mettre des fleurs dans les cheveux sans qu’il le voie et se faire toujours prendre…
– Non… hum… un petit éclat de rire triste arriva à sortir de sa gorge. Vous le faisiez toujours rire quand vous tentiez de le faire…
– Il ne te dira plus « c’est mon boulot de t’empêcher de faire des conneries » ?
– Non… c’est vrai qu’il me le disait trop souvent…
– Il restera avec papi et mamie maintenant ? Et il va se réincarner aussi ?
– Oui… je suis vraiment désolé… Guillaume aurait préféré rester avec vous deux plus longtemps aux côtés de votre mère… mais quitte à mourir, je crois que c’est ce qu’il aurait voulu… pour protéger la paix afin que vous grandissiez bien sans vous inquiétez de la guerre… tenta-t-il avant de répéter. Il est mort comme un vrai chevalier… comme un vrai chevalier… même s’il voulait rester avec vous… Guillaume voulait tellement rester avec vous…
– – Non, non… tu mens… refusèrent-ils en donnant un petit coup de poing faible sur sa poitrine, comprenant qu’Oncle Ludovic leur disait que leur papa ne reviendrait plus jamais, ajoutant d’autres petits coups impuissants à chaque phrase. T’es un vilain menteur Oncle Ludovic… c’est pas vrai… papa va se réveiller… il va revenir… il a promis… papa va revenir, sourire et chanter… c’est toi qui mens… papa est pas avec papi et mamie… on va le dire à papa et maman… t’as pas le droit de mentir… papa va te gronder… papa va… papa… notre papa… on veut papa !
Les deux jumeaux s’effondrèrent contre l’épaule de l’homme, pleurant à chaudes larmes en réclamant leur père, voulant plus que tout le revoir et qu’il se réveille avec son grand sourire. Aliénor essayait de rester à peu près entière derrière eux malgré sa peine, soutenant ses enfants avec Ludovic, même s’ils étaient inconsolables… Ce dernier ne lâcha pas les louveteaux jusqu’à ce qu’ils s’épuisent à force de pleurer et d’appeler leur père. Ils se tenaient toujours tous les deux. Après avoir confié Lambert et Rufus à Gustave, il les prit alors dans ses bras pour les porter dans leur lit, suivit d’Aliénor qui n’avait plus assez de force pour les porter, même si elle resta toujours à la hauteur de ses enfants.
« Je n’ai pas le temps d’être triste », déclara-t-elle quand il lui demanda comment elle allait, « ni même pour te tirer les oreilles pour avoir comparé Guillaume à un chevalier. Ça a tué ses parents je te rappelle et on n’avait pas le temps pour se prendre la tête avec ça. On a toujours visé au plus efficace pour notre fief et notre famille… même si c’était surement pour le mieux… il n’aurait surement pas compris sinon, surtout qu’ils aiment beaucoup les histoires de chevalerie, marmonna-t-elle en priant pour que ses fils ne l’entendent pas dans leur sommeil. Je dois m’occuper d’eux et du duché… Gui ne me le pardonnerait jamais si quelque chose leur arrivait… je dois être forte pour eux… »
On enterra Guillaume dans sa boite le lendemain, au bord du lac comme il l’avait toujours voulu d’après leur maman. Il aurait deux tombes, une au bord de l’eau et une autre dans le caveau familial, sur la seule ile de Lac Egua, celui du Brave Fraldarius toujours pur.
Habillés de la même façon en noir et blanc, les jumeaux se tenaient toujours par la main, ne se lâchant pas, même pour poser le dernier repas de leur papa sur un petit bateau de bois puis, le pousser sur la surface. Ils avaient trop peur pour se lâcher, trop peur que l’autre s’en aille aussi pour toujours pour seulement y penser.
Délaissant ses bleus habituels, Aliénor s’était drapée de noir et de blanc, ses cheveux blonds-roux couvert d’une mantille noire, tout comme Nicola à ses côtés. La seule chose de couleur qu’elle portait était une broche d’argent, frappée avec leur emblème, un cadeau de Guillaume. Elle s’était baissée afin d’être à leur hauteur, la main sur leurs épaules. Lambert était à côté d’eux, Rufus aussi, Ludovic juste derrière la famille Fraldarius. L’homme immense avait tenté de poser une cape sur leurs épaules mais, ils l’avaient repoussé. C’était le geste de leur papa. Leur papa se mettait toujours derrière eux et les enveloppait avec les pans de ses très longues capes très chaudes, autant pour les garder à proximité que pour les protéger du froid. Rodrigue disait souvent que quand il serait grand, il aurait la même cape immense que lui. Ça faisait rire leur papa… il ne l’entendrait plus maintenant. Ni rire, ni sourire, ni lire, ni chanter… plus rien… il ne l’entendrait plus jamais à part son silence…
Pendant la cérémonie, le prêtre répéta les mots de Ludovic.
« Sa Grâce le Duc Guillaume Ulysse Fraldarius, le septième du nom, dit le Loup, en protégeant sa Majesté le roi Ludovic le IIIème, a agi comme le devrait tout homme de Faerghus. Dans sa mort triste, nous devons trouver de la joie en voyant le roi sain et sauf ainsi qu’un exemple à suivre. Même s’il a laissé derrière lui une veuve et deux enfants encore trop jeunes, il a sacrifié jusqu’à sa vie pour son roi. Par cet acte instinctif d’abnégation pure, il a eu la mort la plus honorable. Pour Faerghus et pour le roi, Sa Grâce Guillaume le Loup est mort comme un vrai chevalier… »
« Lui aussi dit ça… pensa Rodrigue en serrant la main d’Alix dans la sienne, pleurant à nouveau quand on mit de la terre sur la boite où était son papa. Comme Ludovic… comme nounou… cela doit être vrai… »
                                                                          Chapitre 1                   
« Il manque un tranchoir et un tailloir. Et une chaise.
– Comment ça seigneur Alix ?
– Il manque ceux de papa… répondit Rodrigue à la place de son frère. Et « seigneur », c’est papa, pas nous…
Il sauta de sa chaise avec son propre tranchoir et le tailloir de son frère dans les mains, puis alla les poser à la place où devait être Guillaume. Ça faisait trois semaines qu’on avait enterré leur papa dans la terre du lac dans la boite, trois semaines que tout était en noir et blanc, que tout était silencieux. C’était pas comme leur papa… Guillaume, il souriait toujours avec eux, n’aimait pas les couleurs aussi sombres, et détestait encore plus le silence. Il n’aimerait pas une forteresse comme ça… c’était comme s’il n’avait jamais été là… et pourtant, même si on leur parlait tout le temps de leur « père », ça sonnait toujours faux, comme des mensonges. Ni l’un ni l’autre des jumeaux ne comprenaient tout, à part que ce n’était pas comme leur papa… c’était pas comme lui… et on ne les appelait plus par leur nom maintenant… c’était juste « seigneur Rodrigue » et « seigneur Alix », ou « Vôtre Grâce » les rares fois où ils étaient séparés, ou « Vos Grâces », plus Rodrigue et Alix, sauf leur maman et Nicola qui les appelaient toujours par leur prénom, ou « les louveteaux » quand ils leur parlaient à tous les deux en même temps, comme le faisait leur papa.
Le cuisinier eut un air triste et répondit.
– Excusez-moi pour cet oubli. Je vous apporte un autre tranchoir et tailloir. Par contre, maintenant que… maintenant, on doit tous vous appelez ainsi.
– Maman ne le fait pas, rétorqua Alix. Nicola aussi.
– Dame Aliénor est votre mère, c’est normal, et le Sieur Terrail est un ami d’enfance de votre père, ils ont beaucoup fait ensemble tous les trois. C’est pour ça qu’il se permet d’être plus familier avec vous. C’est parce que vous êtes tous les deux quasiment ducs maintenant.
– C’est papa le duc, c’est son travail, rétorquèrent-ils d’une même voix.
Le cuisinier ne répondit pas, l’air encore plus triste, comme figé par leur regard identique. Tout en noir et blanc, ils se ressemblaient encore plus… et sur les lèvres de l’homme, Rodrigue pouvait encore lire les mêmes mots : « ce qu’ils ressemblaient à leur père »… mais ils lui ressemblaient depuis toujours non ? Et pourquoi ils disaient tous « père » ? Avant qu’il soit dans la boite, tout le monde leur disait « papa », pas « père »… pourquoi tout changeait d’un coup ? Papa, c’était papa, pas père.
– Que se passe-t-il ?
– Ah ! Dame Aliénor !
Les jumeaux se tournèrent vers leur maman qui venait d’entrer, elle aussi tout habillée de noir. Même ses cheveux blonds-roux devenaient noirs sous sa grande mantille… c’était la seule qui n’avait pas trop changé avec Nicola. Elle était toute triste car, Guillaume était dans la boite, et souvent fatiguée mais, elle continuait à agir comme leur maman. C’était rassurant…
– Il a oublié de faire la place de papa alors, on lui a donné une partie de nos affaires, lui expliqua l’ainé en montrant là où devrait être la chaise de Guillaume.
– Je vois. Ça arrive ce genre d’oubli.
– Oui mais, depuis que papa est dans la boite et mort comme un vrai chevalier, tout le monde oublie de le faire.
– Les choses sont un peu compliquées en ce moment, souffla-t-elle simplement en s’approchant. Tout le monde est triste car, papa est mort en faisant son travail.
Elle passa sa main sur les cheveux des louveteaux puis, les rassit sur leur chaise, avant qu’ils ne fassent tous ensemble une prière de remerciement à la Déesse pour leur permettre de bien manger. Ces mains étaient toutes chaudes contrairement à la forteresse, c’était bien… ils mangèrent ensemble en parlant de ce qu’ils avaient fait ce matin, Aliénor les écoutant patiemment, toujours attentive. C’était la meilleure des mamans… normal, elle était toujours avec le meilleur des papas… elle était très, très occupée en ce moment, comme papa avant mais, elle faisait tout pour arriver à manger et passer le soir avec eux, leur lisant des contes et des légendes pendant la veillée au coin du feu. Ils lui réclamaient toujours la légende du Brave Fraldarius ou celle de Kyphon et de Loog, c’était leur préférée. Les aventures de leur ancêtre avec le Roi Lion tout en s’occupant de sa fille Clothilde… ça leur faisait penser à Guillaume quand il n’était pas encore dans une boite.
Après le repas, Aliénor dut retourner travailler, et les jumeaux filèrent dans le jardin, le seul endroit où le silence n’était pas total, toujours occupé par les bruits de la nature, du lac et du travail des jardiniers pour le garder aussi beau. C’était le début du printemps en plus. Ça sentait toujours bon par-dessus l’odeur de fumier en ce moment. S’ils trouvaient Bruno après avoir joué, ils lui demanderaient s’ils pouvaient l’aider à s’occuper des fleurs de potentilles, c’était les préférées de leur papa… il ne les verrait pas fleurir cette année dans sa boite dans la terre…
Les deux petits jouaient avec des petits animaux de bois sur le sol, quand le jardinier les trouva assis par terre.
« Ah ! Rodrigue ! Alix ! Vous êtes là les louveteaux ! Votre gouvernante vous cherchait ! Il ne fait pas un peu frais par terre ? Vous ne jouez pas dans la grande salle ?
– Bonjour Bruno ! Répondirent-ils en souriant. Lui, il les appelait toujours par leur prénom.
– Non, ça va, on est bien là ! Et on est mieux dans le jardin ! S’exclama Alix, tout content d’entendre quelqu’un continuer à leur parler normalement.
– C’est bien vrai ! Si seulement cette vieille rigide de Rosemonde voulait bien l’entendre…
– En plus, y a le portrait qui fait peur dans la grande salle. C’est papa mais, c’est pas papa… ajouta l’ainé en s’accrochant à son frère. On est mieux près du lac.
– Ah oui… il est horrible ce portrait de Gui’. Même lui le détestait mais, il avait dû être sérieux tout le long et bon, notre Gui’ quand il était sérieux… mouais, il pouvait faire assez peur. Surtout qu’il souriait tout le temps avec vous, ça fait une sacrée différence.
– Papa fait pas peur… qu’est-ce que tu dis Bruno ?
– Oh, trois fois rien, ce n’est pas important, je m’égare. L’important, c’est que votre papa, il vous adorait et aimait sourire avec vous, leur assura-t-il avant d’ajouter. Au fait, les lilas viennent de fleurir, ils sont magnifiques ! Vous voulez le voir ?
– Oh oui ! Et on pourra t’aider à t’occuper des potentilles ?
– Bien sûr les p’tits loups… leur sourit-il plus doucement.
Les deux enfants rangèrent leurs jouets à leur place, pendant que Bruno prévenait une domestique qu’il les avait retrouvés puis, ils suivirent le jardinier jusqu’aux arbustes de lilas et effectivement, ils étaient tous en fleur ! On aurait dit que des boules de laine blanches, violettes, mauves et bleutés étaient accrochées aux branches ! C’était si joli !
– C’est super beau ! Ils doivent être super vieux pour avoir autant de fleur !
– Ah ! Ah ! Non, ce n’est pas comme les coccinelles ! Certains sont un peu vieux oui, mais les blancs doivent avoir une petite dizaine d’année ! C’est pas si vieux pour un arbre. C’est encore des louveteaux, comme vous deux !
– Vraiment ? Et on grandira autant qu’eux ?
– J’en suis sûr.
– Mais on sera encore pareil ? Demanda Rodrigue. J’ai pas envie qu’on ne soit plus pareil avec Alix, même si tout le monde à part maman et papa se trompe quand on est habillé de la même manière.
– Moi aussi, je veux pas me différencier de Rod ! En plus, on est déjà bien assez différents comme ça !
– Ah ça, l’avenir nous le dira. Et même si vous devenez très différents l’un de l’autre, vous resterez toujours des jumeaux, rien ne pourra vous enlever ça.
L’image de la boite passa dans la tête de Rodrigue, tout ce qu’elle enfermait et avait mis dans la terre froide : leur papa, son sourire, ses chansons, sa chaleur, son énergie, la joie de leur maison… est-ce que les boites pouvaient tout enlever quand on les mettait dans la terre ? Et est-ce que… est-ce que ça pouvait même enterrer ça ? Est-ce que vraiment rien pouvait leur enlever le fait qu’ils étaient des jumeaux ? Même…
– Même la mort ? Même si elle a réussi à prendre papa ?
– Ah non ! Ne parle pas de ça Rod ! S’exclama Alix d’un coup, horrifié en attrapant ses mains, comme toujours. Je ne veux même pas penser à être sans toi ! Ce serait mon pire cauchemar si tu n’étais plus là ! On ne sera jamais séparés ! Même par la mort ! On sera toujours ensemble !
– Alix… oui, tu as raison, arriva-t-il à sourire en resserrant les mains de son frère. On sera toujours ensemble ! Tu seras toujours moi…
– …Et tu seras toujours moi aussi ! Je suis toi et tu es moi ! Pour toujours !
Bruno n’intervient pas, se contentant de passer doucement sa main sur leur tête, silencieux. Ils se mirent à s’occuper des lilas avec lui, fredonnant une chanson de Guillaume. Ça leur faisait du bien de chanter un peu… c’était comme s’il était avec eux d’une certaine manière… ils en récupéreraient quelques gerbes pour aller lui donner sur sa tombe…
« Un jour notre papa m’a dit,
Vous êtes mes azalées mes fils,
Quand il nous a vu tout surpris,
Il a alors ri dans sa grande pelisse.
Je n’ai pas compris pourquoi papa ri,
Mais j’ai quand même aussi ri fort avec lui,
Car il est toujours bon et bien de rire,
Alors on rit toujours ensemble dans la nuit
Un jour, mon papa a dit à ma maman,
Mon amour, nos enfants sont de lierre,
Maman a alors répondu tout en riant,
De lierre et de nigelle mon tendre cher,
Quand ils nous ont vu tout surpris,
Ils ont encore ri dans leur pelisse.
Je n’ai pas compris pourquoi ils ont ri tous deux,
Mais j’ai quand même aussi ri très fort avec eux,
Car il est toujours bon et bien de rire tous ensemble,
Alors on rit toujours jusqu’à ce que la terre tremble,
Un jour, papa nous a dit,
Vous êtes comme le myosotis,
Quand il nous a vu surpris,
Il a expliqué dans un sourire.
La joie d’un amour sincère dans la belle azalée,
Par la nigelle et le lierre pour à jamais nous lier,
Le myosotis conserve votre souvenir dans l’éternité,
Telle est la couronne qui dans mon cœur est tressée.
Ce fut à notre tour de bien rire,
Alors papa, il doit alors y fleurir,
Un grand drap de potentilles,
Pour toute notre petite famille. »
Ils aidèrent Bruno jusqu’à ce qu’ils entendent Rosemonde les appeler, ça voulait surement dire qu’ils devaient retourner étudier. Le jardinier leur passa de l’eau sur les mains de son arrosoir, puis les laissa se les sécher avec un torchon pour nettoyer le plus gros de la saleté, même s’ils devraient changer de chausses et taper leurs chaussures pour ne pas mettre de la terre partout à l’intérieur. Il les raccompagna jusqu’à la gouvernante pour lui expliquer mais, dès qu’elle les vit, Rosemonde devient toute blanche en s’écriant, furieuse.
« Au nom de la Déesse, qu’est-ce qui s’est passé ? Vous êtes dans un état déplorable !
– Mais… mais on a rien fait de mal ! On a juste voulu aider Bruno… bafouilla Rodrigue sans comprendre.
– C’est vrai ! C’est tout ! C’est pas la première fois qu’on le fait !
– Ne vous en faites pas Rosemonde, ils m’ont juste donné un petit coup de main. Ils jouaient dans la cour alors, j’en ai profité pour leur montrer les lilas en fleur et ils ont voulu m’aider. Ça leur a un peu changé les idées. Dame Aliénor ne me l’a jamais interdit, tout comme le Sieur Guillaume.
– Je comprends Plantet mais, ils ne peuvent plus s’abaisser à gratter la terre comme deux fils de paysans. C’était déjà bien peu digne de fils de Fraldarius de se mêler ainsi des tâches des domestiques mais, à présent, ils sont les ducs. Ils doivent tenir leur rang en toute circonstance, ce qui n’est guère le cas quand ils mettent les mains dans la terre de cette façon ! Je sais que le sieur Guillaume le tolérait mais, cela reste indigne d’un homme de si haute naissance !
Alix et Rodrigue échangèrent un regard sans comprendre. C’était vraiment mal ce qu’ils venaient de faire ? Ils le faisaient tout le temps pourtant, et leurs parents ne leur disaient rien… bon, d’accord, Rosemonde n’aimait pas trop mais, papa et maman lui disaient de les laisser faire. C’était si mal que ça d’aider Bruno à s’occuper des lilas ? Pourquoi elle disait qu’ils ne devaient pas le faire car, ils étaient fils de Fraldarius ou de duc ? Ils savaient qu’ils auraient beaucoup de travail et qu’ils devraient protéger les roturiers quand ils seraient grands mais, pourquoi c’était mal d’aider Bruno ? Et pourquoi elle l’appelait Plantet et pas Bruno comme d’habitude ? Ils avaient fait une si grosse bêtise que ça ? Les jumeaux ne comprenaient plus rien…
– Enfin Rosemonde, ne parlez pas comme une adrestienne à autant séparer les choses, le roi Loog en personne faisait son pain et son ménage lui-même. Je veux bien que maintenant, ils sont plus ducs qu’avant mais, ce sont aussi des enfants et les enfants ont besoin de souffler un peu. J’ai jamais vu la forteresse ducale aussi silencieuse de ma vie, et je connaissais Gui’ depuis qu’il était en langes. Un tel silence l’aurait rendu fou. Un décalage pareil entre ce qui se passe d’habitude et maintenant doit rendre le tout encore plus violent pour eux. Non, croyez-moi, un bon moment dehors sans penser à tout ça et en chantant un peu comme avec Gui’ ne peut leur faire que du bien.
– Là n’est pas la question. Ce n’est pas très respectueux envers son âme du Sieur Guillaume d’agir comme s’il était encore là. Le chant était sa grande passion et son don, on ne peut nier qu’il avait une des plus belles voix de tout Fodlan mais, nous ne pouvons pas singer son chant, et nous devons respecter les morts en observant le silence afin de ne pas gêner le recueillement de chacun. De plus, même si je comprends votre raisonnement, nous ne pouvons pas nier ce qu’ils sont à présent : les ducs en titre. Ils ne règnent pas, ils sont trop petits et notre Dame assure la régence jusqu’à leur majorité mais, ils restent ducs et ils doivent montrer l’exemple. J’en suis la première désolée mais, pour eux, le temps de l’enfance et de l’insouciance est terminée et ils doivent agir selon leur…
– Mais papa ne voudrait jamais ça ! Il ne voudrait pas ! Il détestait trop le silence ! Et ils ne nous disaient pas ça ! C’est pas papa… ou… ou… Ouuuuuiiiinnnn !!!!
Rosemonde s’arrêta de parler en entendant Rodrigue fondre en larmes. Il n’en pouvait plus, il n’en pouvait juste plus d’entendre tout ça. Ce n’était pas leur papa, pas leur vrai papa ! Leur papa ne voudrait jamais un tel silence de… de… un silence de mort ! Il détestait le silence ! Il ne voudrait jamais ça ! Et pourquoi tout changeait d’un coup ?! Leur papa n’était plus là mais, il jouait souvent avec eux et ils riaient tous ensemble ! Pourquoi ils ne pouvaient pas continuer à le faire ? Leur papa ne voulait pas qu’ils jouent sans lui ? Ils ne comprenaient plus rien !
– Rodrigue… Ne pleure pas… Alix lui prit à nouveau la main, tout aussi secoué que lui par les mots de Rosemonde. On n’est pas les ducs ! On ne le sera jamais ! C’est papa ! »
Le cadet entraina son frère en le tirant vers la forteresse pour les éloigner de leur gouvernante, courant dans les couloirs en passant entre les jambes des serviteurs, avant de pousser la porte de la pièce où travaillait leur maman. Elle sursauta sur sa chaise quand ses petits entrèrent en trombe et s’accrochèrent aux pans de sa robe, tous les deux en larmes maintenant. Elle lâcha son travail pour se glisser vers eux, passant sa main sur leur dos avec douceur, comme toujours avec eux. Quand ils commencèrent à se calmer, Aliénor les redressa un peu pour leur demander.
« Vous voulez en parler ? Qu’est-ce qui s’est passé ? »
Les deux petits lui expliquèrent ce qui venaient de se passer avec Rosemonde, répétant encore.
« C’est pas nous les ducs… c’est papa…
– C’est vrai que vous êtes encore petits pour l’être. Vous le serez quand vous serez aussi grand que papa. Pour l’instant, vous avez le droit d’être des enfants. Et vous avez le droit de chanter. Guillaume ne se taisait jamais, il ne voudrait pas vous priver du chant, surtout si ça vous fait du bien. J’en parlerai avec Rosemonde. Elle n’a pas à vous priver des choses qui vont font du bien, surtout en justifiant ses actes avec Guillaume… »
Les mots d’Aliénor les rassurèrent un peu, même s’ils ne la lâchèrent pas de la journée, faisant leur sieste dans son bureau pour rester avec elle.
Quand le soleil se coucha, elle les emmena à la chapelle ducale pour prier pour l’âme de Guillaume. Il risquait de passer un peu de temps avec la Déesse avant de se réincarner… d’habitude, Alix ne suivait pas autant son frère et sa maman à l’église. Il était comme Guillaume sur ce point, il ne croyait pas beaucoup. Mais là, les deux jumeaux se collaient encore plus que d’habitude. Si l’un d’eux partait ou s’ils se sépareraient, ils étaient sûrs de le retrouver dans une boite. Leur maman aussi… il ne fallait surtout pas se séparer…
Rodrigue récita ses prières sur le bout des doigts, fredonnant doucement le Mater Nostra que lui avait appris sa maman. Il faisait rouler à chaque mot un chapelet dans ses doigts que son papa lui avait offert, avec des perles de roseaux et les emblèmes des Braves et des Saints en breloque. Toutes étaient là, afin de prier la personne qui pouvait le plus les aider, comme Cichol et Cethleann aujourd’hui car, ils étaient liés à la famille. Il avait aussi son propre emblème dans les mains et celle de Sothis pour qu’ils protègent son papa. Guillaume ne croyait pas vraiment en la Déesse mais, il ne l’avait jamais empêché de prier autant qu’Aliénor, disant que cela ne lui faisait rien de mal.
« Toi Notre Mère, toi qui es aux cieux,
Que ton nom si respecté soit sanctifié,
Que ta bienveillance reste en ces lieux,
Que ta volonté soit faite pour l’éternité,
Accorde-nous du pain et de l’eau pour aujourd’hui,
Pardonne-nous pour nos offenses si grandes et si graves,
Nous serons sages pour que tu reviennes cette nuit,
Nous ne laisserons plus tenter par le pouvoir qui déprave,
Veilles sur nous, veilles sur les défunts,
Veilles sur nous et délivre-nous du mal,
Que ta Volonté soit faite.
Amen. »
Cela lui avait toujours fait du bien de prier. C’était comme pouvoir confier les choses qui lui faisait le plus mal au cœur, tout en sachant qu’il ne ferait pas mal à la personne en face. Le petit garçon pouvait tout dire à Alix, son papa et à sa maman mais, cela les inquiéterait alors qu’avec la Déesse, ça ne lui ferait pas aussi mal et elle pourrait surement intervenir. C’était peut-être pour ça qu’il se mettait à lui demander des choses que personne d’autre qu’elle pouvait faire.
« S’il te plait Déesse… supplia-t-il avant de réciter la formule que sa maman lui avait appris, celle à dire avant un vœu. Déesse de justice et de paix, envoie ton esprit sur les peuples en conflit, pour que le pardon et la réconciliation construisent une paix durable dans les cœurs et entre les hommes… ne mets pas Alix et maman dans une boite… s’il te plait… »
Rodrigue alluma une petite bougie sur l’autel, ainsi que sur celui de Saint Cichol et de Fraldarius pour qu’il protège sa famille, croisant la prêtresse au passage qui manipula les chandelles à sa place, il n’avait pas le droit de toucher au feu. Il en profita pour attraper le pan de son aube et il lui demanda. Elle devait savoir.
« Dites Ma Sœur, où est papa ?
Une prêtresse, c’était forcément très proche de la Déesse non ? Elle devait bien savoir. La femme âgée eut un sourire triste puis, se baissa à sa hauteur en lui assurant.
– Maintenant, Votre père est auprès de la Déesse. Elle l’a rappelé à Elle quand il est mort, comme tous les chevaliers qui ont été dignes de leur titre.
– Et pourquoi il n’est pas avec nous ? On a fait des bêtises ?
– Bien sûr que non. C’est juste que quand on… on part, il faut un peu de temps pour se reposer avant de revenir dans ce monde, surtout quand on part comme un vrai chevalier… votre père est seulement très fatigué.
– Alors, il reviendra quand il se sera reposé ?
– D’une certaine manière mon enfant… d’une certaine manière… souffla-t-elle d’un ton énigmatique. Il viendra surement vous voir…
Rodrigue ne comprit pas vraiment pourquoi elle hésitait autant à lui répondre… « Il viendrait surement vous voir »… ça voulait surement dire que les légendes sur les revenants étaient vraies ! Il en parla avec Alix et sa maman en sortant de la chapelle. Son frère retrouva d’un coup son énergie folle en se rappelant les légendes, avant de s’écrier.
« Il faut qu’on lui fasse comprendre qu’il peut rester ! Vient Rod !
– Eh ! Attends-moi Alix ! »
Ils filèrent dans les cuisines pour demander s’ils pouvaient faire un ragout de poisson que leur papa adorait. Leur papa adorait le poisson, surtout ceux du lac. Ça lui fera plaisir d’en trouver prêt pour lui quand il reviendra une fois bien reposer ! Les cuisiniers les laissèrent faire, et les jumeaux préparèrent aussi bien que possible une truite pour leur papa avec leur aide puis, ils posèrent le ragout sur la table de la salle où ils mangeaient. Ils allèrent aussi décrocher le portrait qui faisait peur pour le remplacer maladroitement par celui d’une de leur chambre, où c’était vraiment leur papa, avec un grand sourire. La Déesse était d’accord pour qu’il le fasse de toute façon, leur emblème les avaient aidé à enlever la planche de bois très lourde barbouillée de peinture, pour éviter qu’ils ne tombent à cause de son poids.
En courant dans tous les coins, ils entendirent des gens que n’aimait pas beaucoup leur papa discuter à voix basse. Ils chuchotaient entre eux qu’avec son sale caractère, Guillaume s’était fait beaucoup d’ennemis alors, si ce n’était pas en protégeant le roi, il allait sans doute se faire tuer à un moment ou un autre. Les jumeaux ne les écoutèrent pas. Leur papa était très gentil avec eux, il était juste sévère. C’était normal d’être sévère avec les personnes qui faisaient des bêtises. Ces gens étaient juste des méchants. Personne ne pouvait dire que c’était bien mérité de mourir comme ça.
Leur papa ne l’avait pas « bien mérité », il était juste mort comme un vrai chevalier, comme leur mamie et leur papi. C’était tout.
Le soir, quand leur maman les mit au lit, ils allèrent tous les deux dans celui d’Alix. Depuis que leur papa était mort comme un vrai chevalier, ils le faisaient plus souvent qu’avant, ayant peur de ne pas retrouver l’autre à son réveil. Quand ils le faisaient, leur maman les laissaient faire en ce moment, même si avant, elle était comme Rosemonde et ne voulait pas qu’ils prennent l’habitude de ne pas dormir chacun dans leur lit, sauf parfois, comme quand Guillaume était chez leur oncle Ludovic… avant de partir chez lui, leurs parents les laissaient même parfois dormir avec eux.
« En plus, si on reste tous les deux, papa… hum… ! Je suis coincé ! Râla Alix alors qu’il s’était perdu dans sa chemise pour la nuit, avant qu’Aliénor n’aide sa tête à trouver le bon chemin vers le trou pour elle. Merci maman ! En plus, papa pourra venir nous voir tous les deux si on est ensemble !
– C’est vrai ! Ajouta Rodrigue en posant son oreiller sur le lit de son frère.
– Hum… Rodrigue… Alix… les reprit doucement leur maman, essayant de ne pas être trop brusque avec eux. Même si Guillaume venait vous voir, il ne pourrait rester. Les revenants sont comme… comme les fantômes… même s’ils peuvent venir vous voir, ils ne peuvent pas rester, ni faire les mêmes choses que nous… Guillaume veille sur vous d’une certaine manière mais, il ne reviendra jamais vraiment non plus…
– Oui mais, on pourra le voir non ? Demanda son premier-né. On veut le revoir encore une fois… s’il revient, on pourra le voir alors, même s’il reste pas… il reviendra non ?
– Oui, c’est tout ce qu’on veut, le soutient son frère. On veut juste encore voir papa… il viendra bien non s’il n’est pas loin ?
Le visage de leur maman devient très triste, comme si elle avait une boule dans la gorge qui ne voulait pas la laisser parler. Elle leur embrassa le front en chuchotant, passant sa main dans leurs cheveux.
– C’est une histoire compliquée…
– Bah non, on veut juste voir papa, et papa aussi doit vouloir nous voir. Toi aussi, il doit vouloir te voir maman ! Il ne veut pas venir papa ?
– Bien sûr que non… votre père détestait s’éloigner de vous et rester loin de la maison… vous êtes nos petits louveteaux… enfin, elle les coucha en relevant l’édredon tout chaud, maintenant, c’est l’heure de dormir… vous avez tout ?
– Si Alix est là, oui !
– Et si Rodrigue est là, aussi ! S’exclamèrent les deux jumeaux l’un après l’autre. Et tu ne pars pas pendant la nuit ! J’aurais peur que tu ne reviennes pas si t’es pas là !
– Promis ! Et toi aussi, si tu vas faire pipi, tu me réveilles et on y va ensemble… je ne veux pas que tu ne reviennes pas…
Leur maman sembla éviter de dire quelque chose avant d’ajouter avec un sourire un peu triste, comment souvent depuis que papa était dans une boite.
– D’accord… Hum… et si je vous racontais comment le Brave Fraldarius a rencontré Blaiddyd et Dominic ?
– – Oh oui ! S’il te plait ! Racontes-là nous maman ! S’agitèrent-ils, tout contents d’entendre cette histoire.
– Une fois que vous serez de nouveau couché et sages.
Les deux jumeaux se recouchèrent tout de suite, l’un contre l’autre en attendant l’histoire. Une fois que le silence régna, Aliénor commença à raconter, faisant les voix alors qu’ils l’écoutaient religieusement.
– A l’aube des temps, alors que la Déesse n’était pas encore connue de tous, Fraldarius, votre ancêtre, serait né du lac même. Fils de l’eau, il fut élevé par son père adoptif au bord de sa Mère alors que les humains commençaient à peine à peupler Fodlan, ignorant encore le nom de la Déesse qui leur avait donné la vie. Dans le but d’aider son peuple et sa Mère, Fraldarius décida d’apprendre à maitriser l’eau pour rendre celle du lac buvable à tout instant, afin de préserver son peuple et son père des maladies.
– Fraldarius est très gentil, souffla Rodrigue, ses paupières commençant déjà à s’alourdir de sommeil.
– Cependant, un jour alors que son village encore fragile se réveillait, un grand vacarme résonna de toute part et ils furent attaquer par un des peuples voisins au leur ! Son père y mourut, et Fraldarius fut capturé par l’homme qui avait tué son père, l’emmenant au loin avec lui pour en faire son esclave.
– Oh non ! C’est la pire partie de l’histoire ! Il est méchant ! Il n’a pas le droit de faire du mal au papa ! S’écria Alix en remuant dans tous les sens.
– Alix, du calme, tu vas finir par frapper ton frère en t’agitant comme ça, le reprit Aliénor en posant sa main sur ses épaules pour le calmer. Je peux reprendre ?
– Oui maman ! Répondirent-ils tous les deux.
– Bien… pendant le voyage, il rencontra une autre prisonnière de guerre, Dominic, fille de la forêt…
– Ton ancêtre à toi maman… souligna Rodrigue.
– Oui… elle aussi avait été arraché à son village et à sa famille qui avait trouvé la mort dans l’attaque. Ils se rapprochèrent alors tous les deux, le même chagrin, la même peine, le même désir de rentrer chez eux et la même soif de vengeance les animant à présent, avec le don pour la magie et la musique mais, il ne rencontra pas qu’elle. Dans la maison de leur ravisseur, ils rencontrèrent un autre enfant de leur âge, fils de l’hiver, en secret tout aussi passionné qu’eux de magie, mais étant esclave depuis sa naissance, il n’avait pas de nom. Ils décidèrent alors de lui donner le nom de Blaiddyd, de l’endroit où il allait promener les bêtes, tous finissant berger, propriété du ravisseur et assassin des proches de Dominic et Fraldarius. Le temps passa, les été et les hivers se succédèrent au rythme des lunes. Petit à petit, les trois enfants se lièrent, amoureux de la magie et de la musique, devenant chaque jour de plus en plus puissant afin de pouvoir s’enfuir et retourner dans leur peuple un jour prochain…
Aliénor fit une pause pour regarder ses fils. Ils dormaient déjà l'un contre l'autre. Avec toutes les émotions de ses derniers jours, ils étaient épuisés, même s’ils avaient du mal à s'assoupir. Ils avaient peur que l’un ou l’autre disparaisse… tellement qu’ils n’arrivaient plus à dormir séparer, ils étaient tout le temps collé… ce n’était pas étonnant… ils avaient beaucoup de chemin à faire ensemble pour arriver à se remettre… ils étaient trop jeunes pour pleurer leur père…
La mère les recoucha correctement sous l’édredon d’Alix, ses jumeaux se serrant d’eux-mêmes, afin d’être au plus près l’un sur l’autre. L’un bougeait, l’autre se réveillerait… mais elle faisait tout de même gardé la porte de leur chambre par un garde chargé de veiller sur eux, c’était plus prudent. Elle embrassa leur petite frimousse avant de repartir vers son bureau. Elle avait encore des lettres à lire avant de dormir elle-même…
En retournant dans son étude pour finir son travail de la journée, Aliénor passa dans la salle où ils mangeaient tous ensemble, et vit le plat froid attendre quelqu’un qui ne reviendrait jamais à sa place, recouvert d’une assiette pour empêcher les chats de le manger. Épuisée, elle se laissa tomber sur son propre siège à ses côtés, fixant la chaise voisine comme s’il était là à l’écouter, même si c’était impossible.
« J’aimerais tellement que tu sois là… pour tenir le fief, je m’en sors, notre peuple nous soutient dans son immense majorité et pleure ta perte autant que nous, et on a bien fait le ménage en arrivant. La plupart de nos vassaux te respectait ou te craignait trop pour se révolter, quand ils ne nous doivent pas tout. Ceux qui sont passés entre les gouttes sont les plus difficiles à contrôler mais bon, eux aussi, quand ce n’est pas leurs voisins qui leur règlent leur compte pour trahison en pleine période de deuil, c’est leur propre population qui tente de les pendre pour oser s’en prendre à une veuve et des orphelins fraichement endeuillés, surtout que les roturiers te sont reconnaissant pour tes hôpitaux et tes écoles. Le vrai problème, ce sont les seigneurs extérieurs, et les ambitieux de tout bord… si tu m’avais dit que ma main pleine d’encre vaudrait aussi chère un jour, je ne t’aurais pas cru…
Elle fit une pause, regardant son alliance en la tournant autour de son doigt, libéra ses longs cheveux blonds de leur mantille noire et de leur chignon. Elle était encore à l’ancienne, apparaitre les cheveux détachés et sans chapeau devant quelqu’un d’autre que son mari la gênait un peu, même si de moins en moins d’hommes et de femmes se couvraient la tête en permanence en public. Là, elle était seule, et Guillaume aimait beaucoup ses mèches blondes, c’était presque leur petit secret à eux deux de se voir les cheveux détachés… elle passa ses doigts dedans, pensant au nombre de fois qu’elle avait peigné la longue chevelure de son mari, ses épaisses boucles noires toutes douces, enfermées à la va-vite dans une longue tresse tombant jusqu’à ses hanches… il ne prenait jamais le temps de les couper ou alors, il prenait sa dague et tranchait tout d’un coup… du Guillaume tout craché… même s’il avait arrêté quand leurs louveteaux avaient commencé à marcher, il aimait trop quand leurs petits essayaient de mettre des fleurs dans sa natte sans se faire repérer, même si c’était toujours un échec cuisant. Ils étaient bien trop adorables quand ils le faisaient… même s’ils se faisaient prendre à chaque fois, Rodrigue et Alix riaient toujours tellement quand Guillaume les attrapait… elle ne les avait plus entendus rire depuis trop longtemps, les rires étant remplacés par les pleurs, l’incompréhension et la peur…
– Il y en a un autre qui a tenté de m’enlever l’autre jour… rien de grave, je te rassure mais, c’est tout de même le troisième alors que ton corps a à peine eu le temps de refroidir… ils se jettent tous sur mon veuvage, comme les chiens errants qu’ils sont en croyant que convoler avec ta veuve leur donnera un quelconque droit sur tes louveteaux… s’ils croient qu’ils obtiendront quoi que ce soit de moi en me passant un bout de ferraille au doigt, ils se trompent lourdement. Je ne les laisserai jamais saccager tout notre travail », lui jura-t-elle, sortant les griffes en pensant à ces petits braquets jappant derrière sa famille, et qui pensaient que leurs petits jappements allaient réussir à faire trembler un loup féroce. « En plus, ils s’en prennent à moi pour le moment, je sais me défendre, et le premier à avoir essayé a fini sur une roue sur ordre de Ludovic, histoire que les autres ayant envie de se faire de l’argent avec mon veuvage réfléchissent à deux fois avant de tenter leur chance. Non, je ne m’inquiète vraiment pas pour moi… ce qui m’inquiète le plus, c’est s’ils décident de s’en prendre à nos petits…
Aliénor fit une pause, une boule de plus en plus grosse dans sa gorge, l’inquiétude lui serrant le cœur.
– Rodrigue et Alix sont prudents mais, ils restent des enfants, même s’ils risquent de grandir beaucoup plus vite dans une situation pareille. Parfois, il faut que le duc ou le futur duc soit présent afin que quelque chose se fasse, comme quand l’assemblée d’Egua enregistre une décision, même si c’est symbolique… alors, je leur fais prendre un de tes portraits pour faire comme si tu étais encore là et duc… même si en réalité, c’est eux… Ils ne comprennent pas encore que c’est eux, voir même que tu ne reviendras jamais… pour le moment, c’est plus un coup de main qu’ils te donnent ou je leur présente ça comme un jeu, j’essaye d’éviter de leur dire qu’ils font leurs devoirs ducaux… ils sont si petits… ils ont à peine six ans… je sais à quel point c’était dur pour toi, et même s’ils sont dans une situation moins difficile que toi, je voudrais leur éviter autant que possible d’avoir à prendre des responsabilités d’adulte… je sais que tu ne voudrais pas qu’ils aient autant de responsabilité que toi à leur âge… au moins, pour le moment, il n’y a pas d’assassins qui attentent à leur vie comme pour toi, et Ludovic est un précieux allié. Il endigue une bonne partie des velléités de certains… même s’il va falloir qu’on le ramène à la réalité avec Catherine, il faut avouer que faire pendre tous les cerveaux derrière ta mort alors qu’ils étaient nobles, et jurer que toute personne ayant trempé dans ce complot subirait le même sort, a calmé pas mal de monde. Mais je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter pour Rodrigue et Alix. Ils sont tellement jeunes, et tu leur manques tant… on est jamais assez vieux pour affronter ce genre d’épreuve… jamais… ils aimeraient tellement te voir… … … j’aimerais tellement te voir… qu’il ait raison et que tu viennes manger ce qu’ils t’apportent… tu me manque déjà… … … j’aimerais tellement que tu sois là Guillaume…
Elle sentit des larmes roulées les unes après les autres sur ses joues… elle leur avait pourtant interdit de se montrer à nouveau depuis qu’elle s’était effondrée une fois seule avec Nicola et Ludovic, après avoir appris ce qui s’était passé et avoir vu le corps de Guillaume dans son cercueil… elle n’arrivait juste pas à croire qu’il se soit fait tuer sans voir son cadavre… pas lui… pas Guillaume… il avait résisté à pire qu’un coup de couteau, ça n’avait pas pu le tuer… pas son loup de mari… pas son mari… pas lui… tout mais pas Guillaume… pas déjà… il allait survivre plus longtemps que les autres, vivre autant que Kyphon et Clothilde… ne pas mourir pendant sa trentaine comme trop de ses ancêtres… que ses propres parents morts dans leur vingtaine…
Mais quand ils avaient soulevé le couvercle, elle n’avait pu que le reconnaitre, habillé dans la sarcelle ducale, les plis du tissu cachant à peine la blessure mortelle en plein ventre… sa peau encore plus pale à cause de la perte de sang, sa longue tresse reposant sur son épaule, ses beaux yeux de chat provenant du Brave Fraldarius lui-même fermés à jamais, cachant pour toujours le bleu d’eau si semblable à celui du lac… même inanimé, son visage conservait son aspect mordant, ferme face à ses ennemis mais, cachait tout l’amour et la douceur qui se peignaient dans ses traits quand il était avec elle et surtout quand Guillaume restait avec leurs fils… Déesse… ce que leurs jumeaux ressemblaient à leur père… c’était Guillaume au même âge… leurs louveteaux étaient bien les fils de leur père…
« Comment cela a-t-il pu arriver ? » fut sa première question, vite suivit par :
« Reste avec nous… » puis d’un :
« Je t’aime… »
Elle l’avait embrassé une dernière fois avant de refermer le couvercle du cercueil pour toujours. Rodrigue et Alix dormaient, ils étaient tombés d’épuisement à force de pleurer mais, elle refusait de prendre le risque qu’ils voient le corps de leur père. La simple vue du cercueil avait déjà été une épreuve terrible pour eux, elle refusait de les traumatiser encore plus s’ils voyaient le cadavre inanimé de Guillaume… ils étaient trop jeunes pour voir le corps de leur père… bien trop jeunes… tous… Guillaume était mort si jeune…
Elle s’était effondrée, incapable de retenir ses larmes et sa peine. C’était injuste ! Qui était les monstres qui avaient osé leur faire ça ?! Qui étaient les lâches assoiffés de sang qui avaient voulu empêcher une paix ?! Rationnellement, elle connaissait tous les arguments en bois mouillé que les coupables avanceraient mais là, sur le coup de l’émotion, elle voulait juste entendre ce qu’ils avaient à dire sur le meurtre d’un père de deux enfants, que ce soit Guillaume ou Ludovic si leur bras armé avait atteint leur objectif. Qu’ils disent la vérité qu’ils se fichaient des autres et de la mort, qu’ils voulaient juste gagné de l’argent et du prestige facilement avec la guerre et le butin, comme au temps de Clovis le Sanglant avant que Ludovic, Catherine, Guillaume, elle-même et bien d’autres ne le renversent… qu’ils aient le courage d’avouer leur soif de sang et d’or devant elle au lieu de se cacher derrière leur petit doigt…
Ludovic et Nicola aussi avaient beaucoup pleuré avec elle… Nicola avait perdu son ami de toujours avec qui il avait survécu à leur minorité, presque comme son frère, avec qui ils avaient affronté et survécu à bien pire des dizaines de fois… c’était comme perdre un membre de sa propre famille… Guillaume était autant un membre de sa famille que Nicola en était un de la leur…
Et pour Ludovic, c’était encore pire… Aliénor ne l’avait presque jamais vu aussi émotif… lui qui était toujours froid et presque sans émotion apparente… elles étaient toujours très subtiles et faciles à manquer, c’était rare de le voir les extérioriser ainsi… les deux seules fois qu’elle l’avait vu pleurer, c’était de rage en voyant Clovis commencer une autre guerre sanglante qui tuerait trop d’innocents, puis de soulagement quand ils l’avaient enfin renversé. Il aurait aussi pleuré Guillaume en le voyant mort dans ses bras… il avait toujours été aux côtés de Ludovic depuis qu’il était petit, que ce soit quand il fallait tirer le gamin des champs de batailles de son père, ou quand un gosse de quatorze ans commençait à comploter pour renverser le dit père, puis qu’il mettait son plan en application quatre ans plus tard… encore plus après quand il lui avait fallu régner, ainsi que le ramener dans le droit chemin par la peau du cou quand il faisait des conneries… « c’est mon boulot de t’empêcher de faire des conneries », l’éternelle maxime de Guillaume qui répétait souvent au roi quand il s’entêtait… sa mort revenait à perdre son principal soutien et son grand frère pour Ludovic…
« Je suis désolé… Guillaume ne voulait pas mourir… il voulait vous revoir… il voulait revenir auprès de vous tous… je suis désolé que ce soit passé ainsi… »
Aliénor l’avait fait taire, ce n’était pas la faute de Ludovic. Il avait déjà tout fait pour rendre cette rencontre la plus sûre possible mais, il y avait toujours une zone d’ombre inévitable… et elle avait suffi pour que…
« Aaaoooouuuhhhh… Aaaoouuhhh… oouuuhhh… aaaaooouuuhhh… »
La veuve releva la tête en entendant un loup hurler à la lune. Il y en avait vraiment beaucoup sur leurs terres mais, assez peu d’attaques, la Déesse soit louée. Après tout, un loup et son louveteau ornait leur blason depuis Kyphon et sa fille Clothilde, en référence à leur surnom de « Loup » eux aussi, capable même d’en monter un géant… peut-être que les vrais lupins de leurs terres sentaient qu’ils avaient à faire avec des loups humains, qui savait ? C’était ce que disait la légende en tout cas… Rodrigue et Alix aimaient beaucoup cette histoire…
Elle les écouta, leur chant s’envolant vers l’astre lunaire et à l’étoile céruléenne, brillant dans le ciel comme si de rien n’était en bas… les réponses de ses amis à sa plainte ne tardèrent pas, plus forte, venant de partout et de plus en plus énergique au fil des minutes. Les hurlements semblaient de tout âge : des vieux, des jeunes, des adultes, des pas encore en âge, d’autres trop…
Aliénor sourit en les entendant, percevant presque la voix derrière les cris lupins et entendant ses mots piquants mais toujours attentionnés avec elle.
– Tu as raison, ce n’est pas mon genre de me morfondre. On s’en sortira, je ferais tout pour les protéger de la moindre menace, et même si tu n’es plus là, je sais que tu en feras autant de ton côté. Ce ne serait pas la première fois que tu interviens quand on s’y attend le moins. Un autre coup de bluff, n’est-ce pas ? En tout cas, je sais que tu n’es plus là mais, tout en étant proche en quelque sorte… tu ne nous abandonneras pas… elle embrassa son alliance en souriant un peu. Montrons-leurs que le loup n’a pas encore poussé son dernier cri et n’a pas encore perdu tous ses crocs.
Elle se releva en saluant la meute de loups hurlant à la lune, sentant la présence de Guillaume à ses côtés alors qu’elle retournait travailler, plus déterminée qu’elle ne l’avait été depuis sa mort.
                                                                                    Chapitre 2         
Les jours passaient et rien ne changeait vraiment. Les petits faisaient tous les jours quelque chose pour leur papa, le posait sur la table et chaque matin, ils étaient tristes de voir qu’il n’était toujours pas assez reposé pour venir les voir. Leur maman leur avait expliqué que s’il revenait, il ne pourrait rien toucher et qu’il devrait vite repartir pour ensuite revivre mais, les jumeaux continuaient quand même. Ça faisait un lien avec leur papa…
Leur maman restait autant que possible avec eux, elle évitait même de quitter la maison pour rester avec eux. C’était bien, ils ne voulaient pas que leur maman rentre aussi dans une boite. Ils ne voulaient pas qu’elle soit aussi fatiguée que papa…
Cependant, environ un mois et demi après que la boite de Guillaume avait été mise dans le sol, un messager vient voir leur maman pour lui demander de venir dans une ville plus au nord, dans la forteresse de Crèvecœur. Ils ne comprirent pas vraiment la raison, à part que cela avait avoir avec le nord et surtout, que c’était à cinq jours au moins de chez eux, et ils qu’étaient trop petits pour la suivre.
« Non maman ! Ne pars pas ! »
Ils s’accrochèrent de toutes leurs maigres forces à la robe de leur maman. Elle allait partir, tomber sur quelqu’un de méchant et elle rentrerait dans une boite ! C’était sûr ! Ils ne voulaient pas la perdre ! Ils ne voulaient pas la perdre ! Ils voulaient garder leur maman ! C’était leur maman ! Elle n’avait pas à partir ! Elle devait rester avec eux ! Ils pleurèrent même pour qu’elle ne parte pas, refusant qu’elle meure comme un vrai chevalier aussi.
« Chut… chut… ça va aller… ça va aller… ne pleurez pas… je ne mourrai pas, c’est promis… je dois y aller, c’est mon devoir mais, je ne mourrai pas…
– Pourquoi c’est ton devoir ? Demanda Rodrigue. Nicola ne peut pas y aller tout seul ?
– Les adultes n’ont pas des devoirs comme ça à faire ! Restes ! S’exclama Alix.
– Tout le monde a des devoirs. Le mien en tant que duchesse et de régente, c’est de protéger le fief, comme Guillaume le faisait. C’est le devoir de tous les seigneurs de protéger leur fief et leur peuple, ainsi que tous ceux qui leur sont chers. Tout le monde n’a pas le temps d’apprendre à se défendre alors, nous qui avons ce temps, nous devons les défendre de toutes nos forces. Autant les personnes plus faibles que les plus jeunes, que les plus vieux et les personnes qui nous sont chers, comme les loups défendent leur meute. Votre père s’entrainait et travaillait beaucoup pour protéger son fief, mais aussi pour vous protéger tous les deux.
– Pour de vrai ?
– Bien sûr… pourquoi vous mentirais-je ? Votre père vous adorait et voulait tout faire pour vous protéger… elle les attira contre elle et les embrassa tous les deux. Vous êtes nos louveteaux… Il voulait vous protéger plus que tout au monde… »
Ils se calmèrent un peu grâce aux mots de leur maman mais, ils restèrent inquiets… cela devient pire toute la journée, puis ils ne purent plus se tenir quand leur maman était sur le point de partir. Il y aurait Nicola avec eux et ils l’adoraient mais, ce n’était pas pareil, ce n’était pas maman…
Les jumeaux filèrent alors sur le bord du lac pour se calmer avant d’aller lui dire au revoir, même s’ils ne voulaient pas… peut-être que s’ils ne venaient pas lui dire au revoir, leur maman ne partirait pas et elle resterait… ils pourraient même dormir un peu sous les buissons pour se cacher encore plus et l’empêcher de partir… ils avaient sommeil…
Il y avait beaucoup de brume aujourd’hui au-dessus de l’eau et elle était sombre, on n’y voyait pas à trois pas. Se prenant la main pour ne pas se perdre, les jumeaux marchèrent un peu le long de l’eau, n’entendant rien d’autre que son clapotis. C’était un jour étrange aujourd’hui…
Rodrigue crut entendre quelque chose souffler dans son oreille, une voix peut-être. Il tourna la tête vers le lac et vit alors des petites lumières sur la surface de l’eau.
« Alix… regarde…
– Qu’est-ce que c’est ? Demanda-t-il, ses doigts se resserrant sur les siens. Tu crois que… tu crois que c’est papa ?
Leur papa les emmenait souvent sur le lac, leur parlant de tous les détails à savoir sur leur fief. C’était peut-être qu’il voulait rentrer par le lac ? Ils ne savaient pas… et ils ne voyaient pas assez bien dans le brouillard pour le dire. Mais ils voulaient le voir là, dans la brume, au-dessus de l’eau…
Ils se tournèrent vers l’onde en levant leur main libre, ne se lâchant pas.
– Papa…
Ils mirent les pieds dans l’eau sombre.
– Papa… c’est toi ? Papa… papa !
Ils s’avancèrent jusqu’à avoir de l’eau jusqu’à la poitrine, même si c’était très difficile de marcher dedans. Elle était méchante l’eau ! Elle les empêchait d’aller voir leur papa ! Puis ils entendirent la voix de leur maman à travers la brume.
– Rodrigue ?! Alix ?! Où êtes-vous ?! Ô Déesse ! Rodrigue ! Alix ! N’avancez plus !
Elle se précipita à toute vitesse dans l'eau et les tira en arrière alors qu’ils protestaient, la main toujours tendue vers les lumières.
– Non ! Non maman ! C’est papa ! Papa est là ! Regarde ! C’est papa !
– Rodrigue… Alix… ce n’est pas Guillaume… ce n’est pas lui… il n’est pas là… il ne vous mettrait jamais en danger… jamais… il ferait toujours tout pour vous protéger… toujours… il a toujours fait passer sa famille avant tout autre chose… ce n’est qu’une illusion… des feux follets… ce n’est pas Guillaume. Quel père digne de ce nom mettrait en danger ses enfants ?! Ô Déesse… Déesse… j’ai eu si peur… Déesse…
– Maman… ils sentirent les larmes d’Aliénor rouler sur ses joues, se tournant vers elle pour les essuyer avec leurs mains trempées. Maman… ne pleure pas…
– Ce n’est rien… ça va aller… ça va aller… j’ai juste… ô Déesse… j’ai eu tellement peur… ne me refaites jamais une peur pareille… j’ai bien cru que j’allais vous perdre tous les deux vous aussi…
– Maman… » répétèrent les jumeaux, ayant très mal dans leur poitrine de voir leur maman pleurer comme ça, ils n’avaient pas voulu lui faire autant de peine ! Ils voulaient juste qu’elle ne parte pas, c’était tout ! Ils ne pensaient pas… Ils devaient faire attention à ce qu’ils faisaient sinon, leur maman pleurerait encore et ils n’aimaient pas ça… « On ne te fera plus peur… c’est promis… ne pleure pas… »
Leur maman retarda un peu son départ pour Crèvecœur afin de rester un peu plus avec eux mais, quand elle partit, les jumeaux lui promirent de rester très sages avec Nicola et Rosemonde. Quand elle n'était pas là, ils travaillèrent bien, même si Rosemonde les grondait un peu parfois mais, elle leur laissait aussi du temps pour jouer tous les deux dans le jardin avec Bruno, mais aussi la fille de Nicola, Loréa, ils s’entendaient bien tous les trois.
Quand leur maman revient, elle ne les lâcha plus des yeux ou alors, il fallait que quelqu’un de confiance les surveille. Ce fut long avant qu’elle n’accepte de les lâcher un peu mais, c’était normal… il ne voulait plus l’inquiéter comme ce jour-là.
Avec le temps, les jumeaux acceptèrent petit à petit que les gens les appellent « seigneur » ou « Votre Grâce » sans se fâcher, les surnoms étant souvent changés en « petits seigneurs » ou « Petite Grâce », les vrais étaient pour leur papa. Ils ne voulaient pas donner encore plus de travail à leur maman en refusant quelque chose comme ça. Ils devaient être aussi forts que leur papa et leur maman. Ils savaient qu’ils ne pouvaient pas faire autant de chose qu’eux car, ils étaient trop petits mais, ils feraient tout pour être aussi forts qu’eux.
Ils avaient arrêté de compter le nombre de jour depuis que leur papa était dans une boite mais, un jour d’été, ils arrêtèrent de poser de la nourriture pour lui sur la table. Ils avaient compris que Guillaume ne reviendrait pas.
Ce jour-là, les jumeaux passèrent la journée à remplir un petit coffre plein de choses, plein de souvenirs. Ils la remplirent de tout ce qui était important pour eux et leur papa puis, après que leur maman ait aussi mis quelques objets à l’intérieur, ils l’enterrèrent sous les fleurs de potentilles que leur papa aimait tant.
Il y avait des objets et une lettre, pour leur papa, même s’il ne la lirait jamais. Peut-être que Rodrigue et Alix déterreraient la boite un jour, quand ils seront aussi grands que leur papa. Peut-être pas. Ils verraient bien… mais cette fois, ils comprenaient mieux ce qui se passait… ils allèrent ensuite au lac avec leur maman et un dernier repas pour leur papa qu’ils posèrent sur une petite barque. Les jumeaux avaient l’impression que quelqu’un était là, dans le lac tout autour d’eux, alors qu’ils s’avançaient plus facilement dans l’eau que ce jour-là… ils devinèrent qui c’était et lui dirent tous les deux, s’en voulant de ne pas avoir été gentil alors qu’Il les avait sauvés avec leur maman…
« Désolé d’avoir dit que tu étais méchant Fraldarius… on est désolé… merci de nous avoir aidé… »
Rodrigue et Alix sentirent une chatouille sur leurs chevilles dans l’eau, et ils surent que leur ancêtre leur pardonnait de s’être mal comportés. Ils poussèrent alors la petite embarcation en disant, comme ils s’étaient mis d’accord tous les deux.
« Au revoir papa… on se reverra mais, après avoir vu la Déesse… tu seras fier de nous et on sera aussi fort que toi, on te le promet…
Leur maman se baissa alors à leur hauteur, les embrassant tous les deux sur le front alors qu’elle leur promettait.
– Vous vous en sortez très bien. Votre père sera toujours fier de vous, louveteaux. »
****************************************************************
Vus que c'est un peu plus court que d'habitude (enfin, comparé à ce que je peux sortir en ce moment vu que c'est souvent des arcs entier que je pose dessus), petites anecdotes !
-A la base (soit au tout début début), Aliénor ne devait pas être aussi développée ou même existée. Les jumeaux étaient sensés être orphelins des deux parents et être élevés par Ludovic (Nicola n'existait pas encore à l'époque), et ils considéraient ce dernier comme leur père vu qu'ils ne se souvenaient déjà plus de Guillaume (on devait direct passé de l'intro [donc grosso modo l'intro à partir du moment où Ludovic commence à dire ce qui s'était passé avec Guillaume jusqu'à la fin de cette partie] à la partie à GM). C'est qu'après en écrivant l'histoire que j'ai eu plus d'idée autour de leur enfance et de leur mère qu'elle s'est ajouté au lot, notamment en écrivant l'UA "Bye !" où Guillaume et Aliénor sont encore en vie
-quand je me suis dit que leur mère allait s'appeler Aliénor, sa personnalité s'est écrite toute seule car bon, juste le nom la rend badass de base vu la personnalité de l'Aliénor historique
-Ludovic aussi était très différent, c'est même un des personnages qui a le plus changé entre son apparition dans ma tête et ce qu'il est à présent : à la base, cela devait être un jeune roi assez incertain qui s'accrochait beaucoup à Guillaume pour régner car, son père Clovis était incompétent sans être aussi dangereux mais, avait laissé le Royaume dans un sale état, et la mort de Guillaume le forçait à s'affirmer (il l'est encore un peu dans "Bye !" avec des circonstances différentes). Ce n'est qu'en écrivant le reste de l'histoire qu'il est devenu aussi froid et peu expansif, et que Clovis soit devenu un monstre assoiffé de sang que Ludovic met hors d'état de nuire d'un coup d'état, ce qui le rend plus intéressant à mon avis, surtout vis à vis de Lambert dont il est l'opposé.
-Dans la même veine, c'est quand Clovis est devenu un tyran que Ludovic a commencé à être aussi froid : c'est sa personnalité de base de ne pas être expansif sur ce qu'il ressent mais, c'était aussi un système de défense pour rester impénétrable pour Clovis (les deux se tiraient joyeusement des flèches dans les pattes)
-Mettez Ludovic et Byleth dans la même pièce et vous entendrez les mouches volées. J'ai tendance à penser à Byleth quand j'écris Ludovic, ils sont aussi inexpressif l'un que l'autre (au début pour Byleth)
-Lors de l'histoire d'Aliénor au chapitre 1, c'était à la base une histoire sur Kyphon et un loup avec qui il s'était lié d'amitié, qui l'avait suivi partout et dont les descendants continueraient de veiller sur la famille ducale. Cela racontait notamment comment cette louve l'avait protégé des hommes de son père (qui le reconnaissait que parce qu'il n'avait plus d'héritier, tout en le considérant comme une femme alors que c'est un homme trans) alors qu'il accouchait de sa fille et toute la relation entre "la Noiraude" et la petite famille de Kyphon jusqu'à sa mort, ainsi qu'une anecdote de jeunesse de Guillaume et Nicola qui, attaqués par des hommes de Clovis le Sanglant, ont été sauvé par un grand loup noir, et tout le monde est persuadé que c'était un petit de la Noiraude... sauf que ça faisait 9 pages et que ça n'allait pas être exploité plus tard, l'ancêtre le plus mise en avant dans cet histoire étant le Brave Fraldarius de première génération Pertinax. Donc, coupé au montage.
-faudrait que je voie si j'ai pas trop la flemme de le faire vu que c'est un micro-détail mais, je vais peut-être ajouté que Ludovic a les yeux vairons, comme son ancêtre Simplex qui a l'oeil gauche de Pertinax après qu'il ait été crevé. ça pourrait ressortir de temps en temps, et pour Ludovic, ça pourrait faire ressortir son lien avec les Fraldarius.
3 notes · View notes