Tumgik
desmachins · 3 years
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L’alchimiste
Je t’ai vu passer. T’étais en t-shirt. J’ai trouvé ça audacieux, un 17 décembre. Le choc a été d’autant plus fort que moi, j’ai rien trouvé de mieux que de m’emmitoufler sous une superposition de couches, débardeur, chemise, pull, veste, écharpe excessivement épaisse, tout ça rapport à la maladie que je me paye depuis quelques jours, sale gastro couplée à des maux de têtes façon clocher de campagne, courbatures à chacune de mes articulations, la maladie comme impératrice de mon corps. C’est drôle, je voulais écrire empereur, mais un fond féministe m’a guidé vers ce changement de dernière minute. Maintenant, j’ai l’impression que ma maladie est une grande courtisane, puissante, goulue. Si j’avais gardé la forme masculine du mot, l’image mentale aurait été toute autre. Un genre de noblesse, une condescendance du bien-né face à mon petit corps de prolétaire faiblarde même pas capable d’affronter ses attaques. 
Bref, Mère Gastro et moi, de sortie dans la ville. J’avoue, ça faisait un bail. Je sais plus trop les arpenter, ces rues, depuis notre dernier échange. L’inquiétude monte avant même qu’un seul de mes orteils ne se pose sur le trottoir, au pas de ma porte. L’angoisse se répand, qui depuis quelques années semble avoir trouvé un refuge solide au creux de mon ventre. Depuis un mois et demi, je l’écoute et tais mes envies. Je sors plus dans les endroits où l’on pourrait se croiser. Fini le centre-ville. Terminé tous les bars où on laissait nos carcasses profiter des rayons gras d’un soleil toujours chaud, même l’hiver, une bière sur la table, ton paquet de clope à disposition de nous deux, partage équitable des addictions “quitte à s’abandonner aux petites dépravations, autant le faire à deux, hein, ma chérie?”. Je bois un peu plus que toi, mais j’atteins pas ton endurance côté cigarettes. C’est le bel équilibre malheureux qu’on a su trouver, sourire aux lèvres, sur dents de moins en moins blanches, mais vraiment pas encore dégueu, ça, je pouvais le constater à chaque fois que tu prenais le temps de sourire à nous. Et c’était vraiment pas rare. On s’en sortait pas mal, hein? 
Un mois et demie que je t’ai pas vu.
Le premier mois, ça m’allait bien. J’étais comme en overdose de toute la violence sourde de notre histoire. Tout ce que j’avais pas su dire pendant des mois et que je laissais remuer en moi, autant de vers solitaires, esseulés, qui, à défaut de se nourrir d’une terre neuve, fraîche, lourde de vie, devaient se contenter d’un corps meurtri, de plus en plus blessé. A force, ils ont commencé à se gaver de leurs propres déchets, urées et autres excréments. Bref, au bord de la septicémie, j’étais. Instinct de survie, appel du ciel, ou juste, bordel de merde, juste comme ça, j’ai tout vomi. Là, d’un coup, quand tu t’y attendais le moins, mais quand c’était plus possible pour moi de garder tout ça, de ronger mon frein, tout est sorti.
Je t’ai trompé. Je t’ai quitté. Je ne t’ai plus donné de nouvelles. 
Un mois et demie que je t’ai pas vu. C’est y a quinze jours que ça s’est remis à piquer pour de bon. Les émotions sont remontées, en flashs imprévisibles qui prenaient la forme de souvenirs bordéliques, très vivants. La journée où tu m’as envoyé des “je t’aime” toutes les heures, en image, comme si le temps avait calé son rythme sur celui de l’expression de tes  sentiments. Un gong régulier qui frappait à ma porte, enfin, au creux de ma poche, surtout, puisqu’un océan nous séparait encore. Si ça se trouve, huit mille kilomètres de distance, c’est le lubrifiant parfait pour pimper une relation amoureuse. Ça, et le premier réveil chez toi, y a maintenant quatre ans. Je suis sur le côté droit du lit. Je me réveille, je vois ton profil. Je me dis t’es beau. Puis je pense je suis bien. Faut que je sorte du lit mais j’ai pas envie. Alors je glisse le plus discrètement possible jusqu’à toi, embrasse ton cou, ta joue, ton oreille. Tu grognes, souris. Tu gardes les yeux fermés quand tu me parles, on dirait qu’il y a baston entre ton besoin de sommeil et ton désir d’être là, avec moi. Le désir gagne. C’est beau, la force du mental. Et la visite au musée, et le thé après ça, tous les rendez-vous ratés, le dessin animé sous ta couette, en un instant, l’hiver devient ma saison préférée, juste pour ce moment où rien n’existe que nos mains emmitouflées sous l’énorme édredon, ton odeur qui flotte partout autour de moi, merci aux vêtements super conforts que tu m’as prêtés et là, je le sens, merde, si je suis aussi émue pour ces presque riens, c’est que ce mec me fait me sentir à la maison. 
Voilà. Deux semaines que je pense à nous, au meilleur de nous. Aux moments cristal et lumière. Ceux qui ont tellement donné envie d’en vivre plus, d’en voir plus, de tout tenter, plus.
Deux semaines que j’oublie tout ce qui nous a fait souffrir. Affreusement souffrir, salement souffrir. Et voilà que rien d’autre ne se fige sous ma rétine que les bons souvenirs. Oubliés, les abandons. Mises au ban, les tensions profondes. Niées, les trahisons. Faut que je vérifie la marque des lunettes que je porte, à croire qu’elles viennent avec un supplément “paillettes”. Tout est beaucoup plus brillant, ces jours derniers, quel que soit l’endroit où se pose mon regard. Je nous fige dans un éternité romantique, le seul endroit où j’ai encore une espèce de pouvoir. Je me dis, on a été beaux façon image d’Epinal à un moment, c’est déjà ça. 
Puis, aujourd’hui, je te croise. Parce que bon, faut bien que la vie continue, à ce qu’ils disent, alors me voilà à nouveau dehors. J’ai pensé, éloigne-toi de tes propres microbes, tu dépéris, l’air frais, c’est encore la meilleure solution face à celui, vicié, de ton lit. Aère, ta maison, ton esprit, dégourdis les jambes. Mon cerveau, bien sûr, a entendu le warning qui criait “il se peut que tu tombes sur lui!” mais la raison a pris le dessus, en compagnie de ses amis du jour, la bien nommée "nécessité physique” et l'ambitieux "dépassement de soi”. Je sors, marche à la vitesse d’un escargot un jour où il n’a pas plu, mon sac sur le dos, je veux en profiter pour travailler pour la classe, je veux le faire dans le petit café cosy, là, dans la rue perpendiculaire à la tienne, je pense je parle trop souvent de la notion de liberté pour m’interdire un endroit dans la ville, sous quelque circonstance que ce soit, je me répète j’ai le droit, je me le dois à moi-même, faut que j’y aille.. Là, à dix mètres de l’arrivée, en train de me persuader que j’étais tout à fait prête à t’affronter -parce que ça aurait clairement été un combat entre moi et moi en te voyant- mais en réalité tellement soulagée qu’on ne se soit pas croisés, là, en expirant un peu plus fort l’air contenu trop longtemps dans mes poumons, je t’ai vu. 
Enfin, je crois que je t’ai vu. J’ai surtout observé une silhouette de loin. J’ai cru te reconnaître à cause des cheveux, et aussi cette façon que t’as de balancer tes bras, on dirait que ce sont eux qui mettent en branle tout le mouvement de marche, les jambes vaguement arquées, j’imagine tes pieds dans les baskets, les orteils qui se posent l’un après l’autre, comme quand tu marches en tongs, l’été, tranquille, sûr d’eux. A chaque fois, ça m’irrite en même temps que ça me plait ce geste qui se décompose, chaque orteil indépendant l’un de l’autre. Aujourd’hui, presque, ça me manque. Puis la tenue, aussi, m’a faite tiquer: t-shirt noir et jean brut. Un peu ta tenue de prédilection, le “sans débordement”, le “discret”. 
Si je t’ai vu, si c’était toi, ça a duré moins de trois secondes.
Je t’ai croisé peut-être, et mon cerveau, roue libre, n’a plus rien su faire d’autre que m’envoyer des images de nous, sublimes et datées.
Je t’ai trompé. Avec une femme. Ça a au moins le mérite d’être exotique. Puis je t’ai quitté. Parce que je respirais plus. Parce que je savais plus nous regarder, nous voir, nous aimer, croire en l’avenir de nous. Je t’ai quitté parce que je ne t’aimais plus absolument. T’as valeur d’unique. Avant toi, je m’autorisais même pas à imaginer que ça pouvait exister, cette arrogance d’amour. Retourner auprès de toi, c’était me rappeler à quel point je ne savais plus, je ne pouvais plus, je n’étais plus capable d’aimer absolu, d’aimer tout, d’aimer toujours. Retourner auprès de toi c’était comme aller chaque jour à l’enterrement d’un sentiment que j’avais vu mourir sous mes yeux, impuissante, inutile, fragile, neuf mois plus tôt. Je t’ai aimé comme je n’ai aimé personne d’autre. Je t’ai aimé comme je n’aimerai personne d’autre. Mais je n’aime plus comme ça. Maintenant je le sais et je le pleure encore un peu.
Je suis en colère, contre qui je crois que tu as été, contre qui je crois que tu ne seras jamais, avec moi. Je suis en colère contre mes espoirs stupides et mes désirs insatiables. Je hais l’impuissance de mes mots, qui ne racontent jamais assez les beautés, les peines, les douleurs, les sublimes de nous. Je hais que tu sois autre, que tu restes autre à jamais, que j’ai pu t’aimer si intime, si loin, si fort, me sentir si près de toi et toi pareil, et que ça n’ait pas suffi. Je suis en colère d’avoir été touchée, embrassée, contenue par un amour si intense pour finalement le perdre, comme tout peut se perdre, au point de devoir en faire rien qu’une histoire d’amour comme les autres. Si je l’avais laissée sublime, immense, inaltérable, notre histoire, alors j’aurais dû en mourir. L’instinct de survie a joué sa partie. J’ai appris à repenser le monde joyeusement sans toi. Je suis en colère parce qu’il m’a fallu renoncer au merveilleux de nous pour accepter notre fin. Je t’en veux de n’être qu’un homme, faillible et imparfait. Et je déteste t’avoir renvoyé la même chose chez moi.
Bon, mais voilà. Hier j’ai mangé un poulet au curry, chez les meufs, au quai d’Alger.  Y avait de la cardamome, dans le plat. Deux graines, dans mon assiette. J’ai pensé à toi, quand tu en croques une, quand ça se répand dans ta bouche, ce goût puissant qui s’étale partout, langue, palais, dents. J’ai pensé au plaisir que tu décris à chaque fois: la surprise, la puissance, l’intensité. Je les ai mises de côté pendant que je finissais mon assiette. Je voulais les garder parce que d’abord j’aime pas trop leur goût, moi, une fois éclatées, puis de toute façon je voulais pas me séparer du souvenir qu’elles m’offraient, une surprise d’une autre forme. J’ai souri. 
Alors voilà. Je t’ai trompé, oui. Je t’ai quitté. Je ne t’ai plus jamais donné de nouvelles. Je vois pas comment je ferais sans nous blesser encore plus fort, et, faut le reconnaitre, chacun de nous a reçu une belle dose de douleur, déjà. 
Pourtant t’existes. Et même quand t’es pas dans ma vie, t’es sublime, t’es vivant, t’es drôle. Et la vie, c’est mieux avec l’idée de toi en train de te recoiffer à la vitre d’une voiture, la vague de ta chevelure comme la plus parfaite imperfection. Ne me reste donc qu’à faire la paix avec les beaux souvenirs de nous. Trouver ça encore un peu dingue, et le sublime, et le dramatique de tout ça. Laisser venir à moi le beau, le sensible, abandonner la culpabilité de l’échec, j’ai fait de mon mieux, je crois, vraiment. Toi pareil. Et ça n’a pas été assez. Ou c’était trop. Pas facile de savoir. 
Peut-être, un jour, on sera suffisamment forts, sages, inconscients ou extraordinaires pour se regarder en tendresse et se saisir et se porter et s’aimer à nouveau, quelle que soit la forme.
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desmachins · 4 years
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Ni brûlot ni politique
Blanche. 
J’exècre le fait de faire partie d’une société de classe qui acquiesce à l’idée de “bien-nés” et l’oppose à celle de “défavorisés”. Chanceux-malchanceux. Comme une loterie génétique.
Trente-trois ans. Je m’égare dans les rues de l'Albaicin, dédales de rues médiévales, plein centre de Grenade, au sud de l’Espagne. Je me réjouis des perles de sueur au creux de la poitrine quand mes mains restent froides, le contraste saisissant vibre à tous les endroits de mon corps.
Rouges. Je suis mortifiée quand je regarde un documentaire mené par un journaliste qui suivra pendant dix ans sept ados bientôt adultes nés dans “de bonnes conditions”. Je comprends qu’ils sont les premiers ignorants de la caste qu’ils représentent, patrimoines culturel et économique qu’il va leur falloir perpétuer et, bien entendu, qu’ils devront asseoir toujours plus. Je me demande, quand devient-on responsable, coupable?
Verts. Je suis outrée de n’avoir découvert qu’à vingt-huit ans que moi aussi, je suis un animal politique, que la façon dont le monde s’organise et se pense impacte directement mon quotidien. 
Dans les jardins silencieux de l’Alhambra, les roses rouges, jaunes, explosent sur un parterre de tous les verts possibles, du tendre au profond. Je marche dans le patio du Canal, dressé sur “la colline du Soleil. Le patio servait de lieu de récréation pour les sultans arabes puis les rois catholiques qui leur ont succédés. Le guide précise: “Au XIII ème siècle, le choix des fleurs et plantes qui recouvraient les parterres se faisait selon deux critères jugés fondamentaux: la composition visuelle, assemblage de formes et de couleurs, la composition olfactive: les effluves devaient s’accorder entre elles pour permettre une expérience physique idéale.” Je sens sans l’avoir vécu.
Noire. Je me sens stupide d’avoir attendu encore quelques années de plus pour saisir que le “monstre social” qui régit nos vies est constitué d’autant de ficelles que d’individus, sauf qu’un nombre minuscule est au courant qu’il en tient une dans sa main, de ficelle, et dans ce nombre, une part négligeable, si négligeable par rapport à la masse, prend le temps de s’en servir pour ses propres profits et bénéfices. 
Orange. Vif. Je me sens coupable de ne pas l’utiliser assez, la mienne, de corde. Faire contre-point. Contrepoids. En m’intimant l’ordre de savoir pourquoi je n’en fais rien, de ce fil tendu qui fait avancer la marionnette sociale, je réalise que la réponse est là, bleue sur peau, tatouage qui coule dans mes veines: “c’est pas ma place”, j’ai toujours pensé.
Pas ma place d’avoir un avis sur une organisation globale de la vie en communauté. Je saurais pas faire. Le bleu vire au noir: “c’est pour ça qu’on élit des gens, non? Pour qu’ils prennent en charge ce dont nous, esprits pragmatiques, petites mains, corps sans tête, ne sommes pas capables de nous préoccuper.”
Violet dégoulinant. Je me gargarise de ce propos, me fais lâche, je me soumets - c’est moins coûteux, que je crois - à la supériorité d’une élite: ils ont fait de grandes études, eux. Sont nés pour régner, l’idée du pouvoir a été mélangée au lait, dans leur biberon, tous petits.
Blanche. Alors je leur laisse tout: le groupe, la vision collective, la fastidieuse tâche d’administrer la “vie ensemble”. Je fixe mon attention sur mes petites questions de petit être humain: le travail, le loyer, la bouffe, les tâches ménagères, les quelques activités soupapes qui me font ne pas éclater, pas trop, pas trop vite. Je fais pas le lien direct entre les décisions gouvernementales et le prix du bus, du train, celui de la place de cinéma, l’emplacement des quartiers dits sensibles, excentrés-laissés pour compte.
Je ne les vois qu’à la télévision, ne les entends qu’à la radio, ces gens qui me parlent du “vivre ensemble”. Je me rends même pas compte de l’ironie de l’entre-soi qu’ils exposent, sans vergogne, là, dans la lucarne opioïde du petit peuple.
Rouge.Comme tout le monde, je m’énerve régulièrement en employant un “ils” dénonciateur qui ne recouvre personne en particulier mais qui me permet de sortir un fiel qui devient aigre, si trop accumulé. Ou je crie au travail. Ou en famille, auprès de ceux que j’aime, qui comptent. Ou je bois. Ou je fume. Je sais pas à quel moment la bière du vendredi, la sacro sainte bière du vendredi est devenue la récompense que je m’offre après cinq jours de travail subi-accepté. Le samedi matin, la tête en forme de cloche de campagne, - il n’y en a jamais une seule, de bière - je réalise que le vendredi soir me sert de sas de décompression pour me débarrasser de cette poussière d'aliénation dont le monstre social rouleau compresseur me recouvre.
Je culpabilise, pour le sport que je fais pas, la vie que je mène pas, les enfants que j’éduque mal, les comportements addictifs qui me servent de béquille, trop épuisée pour marcher seule debout.
Dans les années 1830, une communauté gitane s’est installée dans les palaces de l’Alhambra, abandonnés depuis 200 ans. Ils ont fait revivre un royaume que des princes, des sultans, avaient construit dans la perspective d’en faire un éden sur terre. Ils ont joui de l’eau, des montagnes, du ciel. Bleus. Verts. Oranges. Rouges. Ils ont dansé.
Jaune. L’a fallu qu’il m’arrive un truc très bête, très simple. Il m’a fallu avoir 28 ans et tomber amoureuse. J’ai rencontré ce type. Il m’a donné envie de plonger la tête la première dans un bain de mièvrerie et de candeur. 
Mon corps, très vite, a fait scission avec ma tête: ça s’alignait pas, entre mes tripes et ma raison. Qu’est-ce qui légitimait que je ne vive pas une expérience aussi puissante week-end ET semaine compris? Comment le travail avait la priorité sur une émotion qui me traversait, tête, pieds, ongles, cheveux? J’ai vérifié, “la maladie d’amour”, ça justifie pas un arrêt de travail. J'ai compté: 2 jours par semaine, 5 semaines par an, c’était pas suffisant. C’était rien. Ma liberté fondamentale, celle de mon corps, j’ai compris que je l’avais donnée aux quelques-uns qui, eux, tirent sur leur ficelle.
L’a fallu que je tombe assez amoureuse pour penser sociologie, modes de vie alternatifs, prise de pouvoir, souveraineté individuelle et collective. 
J’ai 33 ans. Je fixe la Sierra Nevada, cime blanche, me rassemble dans le vertige de tout ce qui a été avant moi: royaume perdu, éden disloqué, images stéréotypées sultans, rois catholiques, voiles mouvements des robes gitanes; tout ce qui est avec moi: lumière bleue, odeurs violettes; ce qui sera, aussi. Rouges, jaunes, oranges, verts. 
Je prends la mesure du point minuscule que je suis, si petit qu’on pourrait dire invisible, à l’intérieur de cette ligne verticale infinie d’éternité. 
J’ouvre mes ailes roses, m’agrippe à la ficelle. En m’envolant, je tire.
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desmachins · 5 years
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1 - Courses (Avenir)
Bon, papier, stylo, y a quoi, déjà, cette semaine? Les gamins passent mardi soir, je crois qu’elle vient avec son copain, ça fait un moment qu’ils se fréquentent, me semble, ça commence à prendre des airs sérieux, cette histoire, je sais pas si son frère se résoudra un jour à me présenter quelqu’un, celui-là, à croire que je lui fais honte, bref, Lulu me rejoint vendredi pour passer deux nuits, ça fait quatre repas ensemble, j’avais promis le chou farci aux gamins, merde, il est où, mon briquet, je sais pas comment j’arrive à l’égarer si souvent, quatre repas, mais il commencera à faire chaud, je vais faire léger pour Lulu et moi, un gratin de pomme de terres, tiens, ça fait longtemps, puis ça se réchauffe facile, ça, avec un rôti, ah, il était sous le torchon, comme d’habitude, y a plus qu’à chercher le paquet de tabac, maintenant, c’est comme si la quête s’arrêtait jamais, un jour, faudra bien que je profite du vide-poche de l’entrée, quand même, ça a l’air pratique pour les égarés de mon genre, puis ça ferait plaisir à la petite de voir que je l’utilise un peu, après tout, c’était attentionné, son geste, puis moi j’en fais rien, ça me permettrait de pas être en train de chercher un stylo qui marche en plus de mes autres petits machins du quotidien, ah, ben, tiens, j’avais oublié le paquet dans le salon, le truc c’est que j’y peux rien, me répandre, c’est viscéral un peu, ça a quelque chose de tentaculaire, j’suis sûr qu’il y a bien un livre tendance vaguement psycho qui parle de “l’invasion des bordéliques” ou un truc du genre, si ça se trouve, j’suis conquérante, là, sans même le savoir, dans mon trois-pièces de cinquante mètres carrés.
Pour lundi, des boulettes de viande en sauce tomate avec des pâtes, tiens, j’en ferai suffisamment pour en avoir le lendemain midi, j’aime pas manger deux repas d’affilée la même chose, on dirait qu’on stagne, comme si le jour avançait pas, y a redite, puis, le soir je vais faire léger, un gaspacho, ce sera bien, merde, je l’ai roulée à l’envers, reparti pour un tour, après trente ans de tabagisme, c’est dingue de se gourer encore, faut croire qu’y a des habitudes que le cerveau veut pas prendre, c’est peut-être pas plus mal, d’ailleurs, j’en étais où, déjà? Mardi soir c’est calé, mercredi, pause, à midi, je mange dehors, si je me force pas un peu, mon royaume, j’en sors jamais, mais maintenant que je sais que je règne, je comprends mieux pourquoi j’ai du mal à les abandonner, ces cinquante petits mètres carrés, enfin, petits pour les autres surtout, quand c’est les tiens, c’est pas pareil, mercredi soir j’ferai une tarte aux poireaux, ils m’en restent de la semaine dernière, ça et deux oignons, ce sera bien, j’en garderai un peu pour la salade du jeudi, s’il faut, je tirerai même jusqu’au vendredi avec, mais j’prévois un p’tit fromage avec du pain, au cas où, j’aime pas manquer, puis après, y a Lulu, c’est pas que ça me fasse pas plaisir de le voir, ça fait un moment en plus, c’est que, un royaume, après dix ans de célibat, je sais plus trop comment ça se partage, ça demande une délicatesse que j’ai plus pratiquée depuis un peu trop longtemps, des biscottes peut-être, pour le matin, est-ce que c’est ce qu’il mange au petit-déjeuner? J’vais quand même pas l’appeler pour vérifier, non, du beurre et de la confiture, ça ira très bien.
Voilà. 
Tiens, marrant ça, dix minutes et deux clopes que je programme l’avenir. C’est ça, le présent?
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desmachins · 5 years
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Amour (de soi)
En regardant une vidéo. En lisant un livre. Dans une conversation riche et intense qui bouge un peu les tréfonds de l’esprit. Et de l’âme. Ou du coeur. Puis, au cours d’un échange léger et oisif. Bref, n’importe quand. Au bar, ou dans l’intimité de l’appartement, en me promenant, avant de prendre une photo, après avoir roulé une clope, à l’instant qui suit la première gorgée de bière.
Exactement à chaque fois que l’oeil tombe sur le petit indice visuel: un arc de cercle blanc, au bout de l’un des dix coupables potentiels, un arc encore timide mais qui m’annonce son retour avec une discrétion arrogante, qui exprime que rien n’y fera, il reviendra toujours, jamais maîtrisé, inaltérablement renouvelé. Tant que le corps sera, lui, ne cessera de pousser, de repousser, de produire, inlassablement, sans discontinuer.
Exactement à chaque fois que l’oeil tombe dessus, la mécanique des gestes, si bien huilée, intégrée par l’esprit depuis tellement longtemps que tête et corps sont maintenant unis pour en faire une réponse automatisée, le doigt coupable est porté aux lèvres. Les dents, rongeurs ivoires, professionnelles et méthodiques, mordent, croquent, tirent, arrachent, jusqu’à la goutte rouge, drapeau sang qui met fin au combat. Marrant comment chaque victoire a l’arrière-goût de la défaite. L’ongle, enfin, est nettoyé de sa blancheur. Aujourd’hui, encore, il n’ira pas plus loin, restera contenu dans les limites que je lui choisis. Se suffira au triste minimum auquel je suis moi-même contraint.
Je me ronge les ongles. Sans exactement le vouloir. Je les réduis, je les altère un peu. Je me ronge les ongles mais, en réalité, ce n’est pas eux que je veux maîtriser, simples dommages collatéraux d'une autre tension. Je me ronge les ongles, et, pour les ronger correctement, avec sérieux et dévotion, je dois le faire souvent, je dois le faire tous les jours. Lorsque mes dents s’occupent, ma bouche se tait. Je me ronge les ongles. Mains et tête ensemble, concentrées sur la même tâche. Et, pendant que je me coupe, que je m’arrache, que je me mords et me croque, c’est tous les mots que je ne sais pas sortir, que je ne peux pas prononcer, qui ne savent pas s’exprimer, c’est les émotions qui sont trop lourdes, c’est les idées violentes, tous les poids de tous les mondes qui traversent mon esprit, mes faiblesses, mes angoisses, c’est mes convictions et mes abysses que j'invoque au silence. Auprès de qui? Des autres, évidemment. De moi, par association. Je les conserve, pourtant, habitants malicieux, dissimulés un peu partout dans mes organes, fiel capable d’irriguer chaque partie de mon corps et susceptible de produire une septicémie à tout instant. Poison tranquille, en attente. Quand le corps est fragile, que le coeur est poreux, que les poumons s’essoufflent. Quand les muscles tirent et se tendent. Alors, le venin fait effet. Paralysie des membres, tête, corps, esprit, tout se fige, la peur, si puissante lorsqu’elle n’est pas nommée, règne.
Se nourrit de moi. Me tait. M'étrangle suffisamment pour presque m'immobiliser, laissant un filet d’air qui me maintient vaguement à la vie. Je ne marche plus, je rampe. Je bégaie mes idées, je vivote mes sensations.
Et si… et si au prochain ongle qui, arrogant de vie, ose montrer le blanc de son corps, et si… je l’ignorais? Et si je ne l'empêchais pas, ne l'empêchais plus? Avec lui, ma main libre, ma voix claire, mon sourire, mes dents blanches. Grâce à lui, les mots qui sortent. Les non dits qui s’animent, les sons qui se répandent, les terreurs qui s’échappent. Chaque fois, je vibre d’une onde nouvelle. La peur, plus douloureuse muette que bruyante, en passant par ma voix, semble me quitter un peu. Première surprise, elle écoute son propre chant, pas si puissant, finalement. Pas si sordide non plus. Un peu comme le flot tranquille des rivières estivales où le courant sait être doux, ma voix porte inquiétudes, fébrilités, promesses ambitieuses, rêves inespérés enfouis, autant de radeaux de plus ou moins bonne facture, pensées grouillantes qui depuis trois décennies s’amoncellent, se mêlent, se nourrissent et s’imbriquent, noués au coeur de mon ventre. Sans mes mains pour la stopper, la parole se déverse. Je l’écoute, surpris de l’étendue de liberté qu’elle convoque avec elle, soudain allégé par un poids que je ne savais même pas que je portais.
Dix petits doigts. Soldats têtus et obstinés, en première ligne dans mon combat entre moi et moi-même. Je les contemple, extrémités habiles que j’abîme sans ménagement. Et si j’en faisais mes alliés ?
S’aimer entier, limité, sublime et monstrueux. S’aimer humain, quoi.
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desmachins · 6 years
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Nettoyage
Se délester de l’image. Abandonner les codes. Retirer pantalon, T-shirt, sous-vêtement. Se défaire de l’habit encombrant de la journée, faire disparaître le reflet de soi sur le miroir social. Être seul. Nu. Être à soi. Puis réveiller la douche.
Savon. Gant. Pour accompagner le geste. Vérifier la température. Laisser couler l’eau d’abord tiède puis généreusement chaude sur les mains. Oser exposer le corps nu au jet. Laisser la peau perler, et les muscles se détendre, et la respiration s’apaiser. Accueillir la douceur du contact avec l’eau. Sa capacité à envelopper. Fermer les yeux. Saisir chaque ruissellement. Être reconnaissant. Savourer. Se laisser étreindre. S’oublier un peu. Se sentir un peu plus. Autoriser les larmes du corps à se mêler à celles de la douche. Sel aseptisant sur plaies grandes ouvertes. Laisser piquer un peu. Laver.
Savon. Gant. Main sur la main. Démarrer par les ongles. Remonter sur les doigts. Délicatement mais avec une pression sincère. Précisément. Ne rien oublier. Poignet. Avant-bras. Intérieur du coude (frotter plus fort). Remonter, doucement, en tendresse mais avec rigueur. Fournir un effort supplémentaire au creux de l’aisselle. Faire preuve de vigilance et d’attention. Se séparer des sueurs malodorantes. Atteindre l’épaule. Glisser vers le cou. Ne pas toucher le visage, c’est une caresse qui se prépare. Qui viendra, oui. Mais plus tard. Plaies fragiles sur peau sensible, il faudra les traiter avec soin. Pour éviter les cicatrices, nettoyer avec prudence.
Poitrine. Torse. Ventre. Continuer le chemin. Frotter la peau. Toute la peau. L’eau sur soi. Observer le savon glisser sur les jambes, quitter les membres. Se répandre au sol. Le regarder embarquer dans son sillon crasse, saleté, résidus déposés sur le corps. Sécrétés par le corps. Contempler la mousse blanche s’éloigner, formant montagnes instables et éphémères. Se satisfaire de sa disparition. Se figurer les bactéries qui s’éloignent. Les maladies empêchées. Les douleurs avortées. Peut-être.
Gant sur les jambes, ensuite. En plier une. Atteindre la cheville. Frotter le pied relevé dans un équilibre précaire et excitant. Sourire un peu de la réussite. Cette fois, encore, le corps a su se tenir. Prendre le risque de l’autre jambe. Saluer le succès. Puis faire le chemin retour, détourné et complet. Dos péniblement accessible. Rejoindre la nuque. Boucle bouclée. Finir le soin.
Pour ça, plus de gant. Plus besoin.
Savon. Les mains caressent le visage, repère tactile de tout ce que les yeux ne voient pas, rencontre aveugle entre le corps et le corps. Douceur du contact. Curiosité angoissée, la pulpe des doigts questionne: ici aussi, blessé? Être tendre avec soi. Mais être honnête. Oublier la cicatrisation à venir. Simplement nettoyer. Effectuer les gestes mécaniques d’une survie nécessaire.
Ne rien oublier. Laver le corps de toutes les impuretés. Rendre nue la peau. Éclairer les plaies. Fixer leurs tréfonds. Mesurer l’ampleur. Constater.
Et laisser l’eau couler encore un peu, paupières baissées, pour rien, ou juste pour le plaisir. Ne pas arrêter tout de suite. Se sentir vaguement débarrassé de tous les poids que le corps accueille, souvent contraint, parfois lucide, finalement rarement en conscience. Se sentir léger de ce qui ne lui appartient pas. Le croire capable de renoncer. Un peu. Pas longtemps. Mais quand même un peu.
Être propre, enfin. Oui. Dans une nudité esseulée. Être soi. Être à soi. Et, dans le drame intime d’une découverte insupportable, ne pas trouver ça suffisant.
Nettoyage. Retirer toutes les saletés. Se sentir propre. Se sentir faible?
Crasse carapace. Crasse protectrice. Saleté contenante. Une fois nu, entièrement nu, vulnérable et sincère, vulnérable et fragile, vulnérable mais vivant, accepter ses limites. Observer ses plaies. Accueillir la souffrance, la terreur et l’oubli. Puis regarder ailleurs.
Se souvenir que l'amoncellement de peau, de chair et d'os, n'est rien qu'un parmi des milliards. Et, dans la multitude de la foule anonyme, se satisfaire de la petite condition d’homme. Seuls, oui. Mais ensemble.
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desmachins · 6 years
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Nouveau monde
Mes poumons la respirent. Humide. Poisseuse. Étouffante. Je le sens quand les portes de l’aéroport se referment derrière moi et que l’air mouillé se dépose sur le rebord de mes lèvres, puis au fond de la gorge, là, dans toute ma solitude d’expatriée, ma grosse valise rouge, tout contre moi, visible, si visible, même quand je ne la regarde pas, les vingt-deux kilos de ma petite vie française collés au corps, doudous trop lourds mais tellement essentiels, la jupe que j’ai mise quand j’ai passé l’entretien d’embauche, le haut en tergal, fleurs seventies, que j’ai porté ce jour-là, qui m’a fait me sentir belle, prête, vaguement capable, puis les trois bijoux totems que je ne sais pas lâcher, extensions de mon corps, halo protecteur de l’amour que j’ai reçu autrefois, c’est pas facile de faire ta valise quand tu pars si longtemps, pour cet ailleurs qui t’a appelée un peu par hasard, l’envie est montée par mégarde, quand un vide devait être rempli, tu l’as laissée se répandre, l’as nourrie, c’est vrai, et voilà, six mois plus tard, après l’air sec et glacé d’une climatisation que l’aéroport ne sait apparemment pas réguler à la bonne température, c’est con, quand même, que mon seul pull soit impeccablement plié aux tréfonds de la lourde valise, là, occupée à penser au froid qui m’offre une caresse glacée derrière la nuque, pendant que je grogne ma désorganisation, là, exactement là, les portes de l’aéroport s’ouvrent sur la ville, je respire, et j’oublie.
Poisseuse. Etouffante. Humide. La Nouvelle-Orléans, ciel bas, lourd, m’écrase en m’embrassant. Notre danse, dans une euphorie lascive, indomptable, commence. Les taxis noirs et jaunes. Les accents afro-américains. Les mots que je ne sais pas encore. Ceux que je ne comprends pas toujours. Écureuils, lézards, libres, longeant les lignes du streetcar, se déplaçant avec aisance sur les trottoirs dévastés par les racines sauvages d’arbres séculaires. “How are you doing, ma’am?” lancés dans les rues par tous les inconnus pour te dire “Je te vois”, “Je te reconnais”, “Je t’accueille”. Musique vibrante dans les bars, tous les bars.
Grouillante, foisonnante de bordel, la ville. Je la marche, la parcours à vélo sur ses routes fracassées. Je la danse, elle me guide, pantin joyeux et plein d’entrain. Peau parfois humide de ses orages estivaux, surprise par trois fois avant de comprendre enfin que, non, l’été, on ne se promène pas à la Nouvelle-Orléans sans parapluie. J’accueille mère nature, aveugle, injuste, qui gronde, inflige. En échange, chaque douceur est un cadeau ultime. Quand je croyais m’étouffer, soudain, je respire, enivrée. D’un monde nouveau. Deux ans. Retour.
Ma petite vie américaine? 3 valises, un vélo. Le sud méditerranéen me reçoit. Air pur, ciel bleu et bienveillant. Et pourtant. Poumons poisseux d’angoisse, humides de tristesse. Stoppée, la danse. Asphyxie.
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desmachins · 6 years
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30 jours pour écrire - 4 -
Hier et demain
- Pas besoin de frapper quand t’arrives. Il te suffit de rentrer. La porte sera ouverte, tu le sais bien.
Elle raccroche.
Bon, le retour n’a pas l’air de se faire aussi simplement qu’elle le souhaiterait. Demain, elle doit réinvestir son ancienne maison. Après deux ans d’un ailleurs exotique et lointain. Dans sa voix, au téléphone, l’angoisse discrète et l’excitation légère de l’avenir, qui s’y mêle, racontent plus ou moins secrètement la contradiction profonde dans laquelle elle se trouve.
Je le sais, pourtant, tout l’amour que portent meubles et murs de ce lieu. Et elle le sait aussi. N’empêche, cet air de pas en arrière dans le passé, on dirait qu’il l’inquiète, qu’il la fige, qu’il la tend. Perchée dans un entre-deux, elle se tiraille. Décidée, mais prudente. Est-ce qu’elle est prête ?
Bien sûr qu’elle va y retourner. Même qu’elle s’y sentira bien. Vite. Très vite. Avec le bonheur comme objectif, elle le trouvera, le chemin des joies à venir, à l’intérieur des anciens murs. (J’aime bien quand elle se lance dans ce genre d’auto-encouragement, pommade du cœur qu’elle a l’air de toujours promener avec elle. Patient et médecin dans une même tête. Ça doit pas toujours être simple…)
Sa voix a vibré un peu plus, au creux de mon oreille, lorsqu’elle s’est mise à énumérer, liste désordonnée, les grands et petits joyaux de mémoire que contient la maison. (T'es émouvante, petite chose.)
La musique de l’amoureux de longue date, évidemment trop forte, bien entendu trop souvent, au cœur de soirées trop tardives. Les réveils, toujours lui, imbibés des mêmes sons métal et bois, esprit brumeux, guitare au bras, collée au corps, collée au cœur, bouée de sauvetage qui l’élève toujours un peu plus. Moi, je commence à les entendre, la bande son, le dialogue et les bruits amis des images mentales qui l’animent soudain.
(Continue-la, ta promenade au coeur des souvenirs. Ravive les couleurs des murs. Laisse affleurer le passé, doucement.)
Elle encore, lui, puis l’autre, copain/coloc' joyeux. Ce trio bancal qui, à force d’amour tendre et généreux, a fait résonner les murs de chaque pièce de rires puissants et graves, de mélodies joyeuses et sensibles. Elle se souvient, maintenant, la vie avait le goût acidulé et sucré des bonbons qu’elle s’offre parfois au tabac du coin. Elle se rappelle la légèreté, vibrante de réalité. En flash, la danse folle d’un soir fébrile sur le vrai parquet du presque salon.
Puis, la fin du trio, quand la vérité change de couleur, passant du beau rouge vif des saisons douces et prometteuses au triste bleu du cœur. La solitude, vaguement. L’amour, encore. D’autres. Pas sérieux, polissons, fugaces, transitoires. Puis le fort, l’immense, inépuisable, inespéré, arrogant. Dans sa tête, c’est audible, elle égrène le chapelet de ses souvenirs. Petite prière pour l’avenir.
Ben, justement, il frappe un peu trop fort à sa porte, celui-là. C’est pour ça que, demain, elle aura besoin d’une main pour tenir la sienne. Pour ouvrir la porte d’entrée. Fixer le grand couloir qui distribue les pièces puis faire le pas en avant (comment peut-elle penser qu’elle recule… )
Il lui faudra un appui solide mais discret pour accompagner son retour. Un genre de sourire optimiste et nourricier, comme celui qu'on offre aux gamins qui, courageux, se lancent à la conquête du vélo à deux roues. Elle, elle en aura besoin pour réinvestir sa cuisine rouge cerises, tu sais, les bien mûres, les presque noires, luisantes de sucre. Renouer avec l’intimité protectrice de la chambre tout contre la cour, silencieuse et retranchée. Laisser couler sur elle le soleil chaud et réparateur qui délasse les jambes pendant la sieste dans le canapé du salon, rappelle-toi, celui qui a probablement été blanc, un jour, juste après la lecture d’un livre de sa bibliothèque, j’arrête pas d’y penser depuis que je sais que je rentre, j’ai envie de le relire.
Je l’écoute. Je l’écoute. Elle voudra peut-être autoriser l’émotion à fleurir sur ses joues, rose de contentement ou salée de nostalgie. Elle soufflera fort, un coup long et profond, s’il le faut. Reprendra doucement le rythme de l’endroit. De sa maison, en fait. Puis me glissera un sourire, soulagée et un peu confuse. Se demandant si c’est possible d’en créer de nouveaux, d'aussi jolis, des souvenirs.
Alors, oui. Je lui tiendrai la main. Évidemment. Je serai là. Si ça peut la rassurer… mais bon. C’est quand même marrant qu’elle voie pas qu’elle l'est déjà, prête.
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desmachins · 6 years
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30 jours pour écrire - 3 - La ville
En petits morceaux. Parce qu’il m’est difficile de la contenir tout en grand. Elle me dépasse trop. Rapidement perdue dans ses innombrables rues. Alors, je la coupe. En tous petits bouts. Gérables. Identifiables. Limités. Pour pouvoir l’embrasser, l’entendre, la comprendre. Continuer de la chérir et de la trouver jolie.
Oublier ses odeurs inconfortables et dures. Ignorer ses dédales inquiétants de silence ou de bruits. Faire un trait sur ses quartiers où misère et malheur, dans une harmonie macabre et puissante, dessinent le pire et le meilleur. Ne pas lever la tête trop haut, non plus. Eviter d’être étourdie par l’immensité des immeubles. Non. Plutôt ancrer ses pieds dans le sol goudronné. Suivre les lignes que l’histoire et quelques urbanistes ont pris le temps de tracer pour la foule. Faire partie de cette foule. Cheminer jusqu’au nouveau petit bout. Gérable. Identifiable. Limité.
Une rue de dix mètres de long barricadée pour l’occasion. Le bar le plus vieux de la ville. Allez, plongeons.
Désordre joyeux. Une sorte de DJ instille morceau étrange sur morceau étranger. Foule du bar qui se croise, se lie, se fait et se défait au rythme des mauvaises chansons, ou alors mal choisies, ou passées au mauvais moment. Bar qui n’existe que pour qu’un groupe d’anonymes, enfin, se retrouve, se reconnaisse, se sourie et se gronde. Danse dans la rue. Moque les gens, moque le monde. Avec tendresse, hein. Ils savent très bien qu’ils sont, eux aussi, de la partie.
Enivrés d’alcools trop forts, de bruits trop lourds, les muscles se relâchent, les corps se détendent. Les bouches crient, rient, gaussent et se marrent. Chacun s’efforce avec dévotion d’atteindre l’abandon. Les corps vibrent, proches, tous proches les uns des autres. On est soi. Oui. Mais pas que. On est plus. On est l’autre, un peu, aussi, exotique, si différent de nous. La mamie qui a toujours vécu là, les jeunes estivants dont les pas ont accidentellement menés jusqu'ici, les piliers pleins de l’alcool joyeux et lucide, les habitués doucement ivres et rigolards, les malheureux un peu colères qui laissent enfin aller. On s’accueille, vague insolite échouée au milieu de cette île singulière, comme on est. On s’aime un peu gratuitement.
Là, serré, solide de l’énergie du groupe, évaporé dans la nuit, enfin soi-même dans le bordel des autres, on vit.
Dix mètres de long. Une ruelle. Un si petit morceau. Foutraque. Foisonnant. Indomptable.
Monstre maternel fait de ciment gris et pierres taillées, silencieusement enveloppée d'une patine que les siècles ne cesseront jamais de déposer sur ses façades, la ville veille. Doigts invisibles, elle tisse la toile qui réunit les gens. Elle observe les battements irréguliers et sauvages du cœur de la foule. Orgueilleuse, elle sait bien que tout ça ne serait pas, sans elle. Lucide, elle n'oublie pas non plus qu'elle ne vivrait pas, sans eux.
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desmachins · 6 years
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30 jours pour écrire - 2- Pépite
Matin. Réveillée par leurs cris joyeux. Les yeux vitreux du sommeil pas assez réparateur, à demi ouverts, encore un peu occupés à dormir, j’entame une descente précaire de l’escalier. Une fois en bas, j’entends le bruit cristal des voix aiguës que seule l’enfance est capable de rendre douce à l’oreille des grands. Elles sont dans la cuisine, occupées à occuper la grand-mère. Elles ne m’ont pas encore vue, huit mètres plus loin, toujours un peu enveloppée de sommeil, le sourire au bord des lèvres, émue de ces vies furieuses qui tambourinent à la porte. Y a des grasses matinées qui valent la peine de ne pas être vécues.
Debout, immobile, je crie.
- Ah non ! Je veux surtout pas que mes nièces sautent dans mes bras et me fassent un câlin !
Silence, pendant que les cerveaux enregistrent la nouvelle information. Bruit lourd de tous petits pieds bien ancrés au sol se dirigeant vers moi. Œil gentiment polisson de la petite, qui croit faire une bêtise rigolote. Quenottes blanches du sourire franc de la grande, stoïque, qui, bénéfice de l’âge, sent bien que j’en profite un peu. Pas grave, j’en aurai une sur deux, c’est déjà ça.
Le bruit des pieds accélère sa cadence. Le bolide fonce vers moi, téméraire, engagé, investi.
- Tata !!!!!!!!!!!
Mes bras l’accueillent toute entière, dix kilos d’amour inconditionnel et ultime. Pieds potelés, peau lumineuse du soleil d’été, sourire tendre, en un saut vif et absolu, elle offre l’intégralité de son énergie. Bulle de vie sauvage et entière qui éclate sur moi. M'irradie un peu. Bon, chaud, tendre, gratuit, cet amour. Alors je fixe au fond de ma rétine, dans un recoin de ma tête, puis au cœur du palpitant, partout où la mémoire reptilienne est susceptible de faire son nid, le trésor que je viens de recevoir.
Il me faudrait peut être commencer une liste jamais exhaustive au titre révélateur À ne pas oublier. Juste au cas où le corps se mettrait, un jour, à faire défaut.
Joueuse.
- Ah non ! Je veux surtout pas que tu me serres fort fort fort dans tes bras !
… Bon, d’accord, j’en profite peut-être un peu trop.
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desmachins · 6 years
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30 jours pour écrire - 1 - Trois lettres
Le baiser sur la bouche. Les sourires dans les yeux.
Ces derniers mois, c’était sur des pas mal assurés, fragiles et maladroits qu’ils tentaient de composer la danse de leur couple. Laisser sa place à l’autre. Mais l’envahir d’un amour sincère. Allers et retours. Écoute généreuse et discrète sur un répertoire un peu nouveau.
Cela faisait maintenant deux ans. Deux ans d’un tango passionné, dense, parfois rude. Oui, mais aussi.Vibrant d’un abandon qui fait s’effacer tous les poids de la vie. Léger de douceur. Élégant d’ambition. Yeux fixés l’un sur l’autre, voyant-voyante ébahis par ce qu’ils découvrent.
Tango noble de l’amour mouvements, regards, rythmes, confiance.
Quelques contre-temps, parfois. Des jambes qui se croisent et se cognent, générant petits bleus et autres griffures que le temps ne soigne pas si mal finalement. Des mains qui échappent, suspendues en l'air, desoeuvrées, qui finissent toujours par retrouver leur partenaire. Des yeux qui se perdent et s’éloignent, fascinés qu’ils sont par les surprises du monde. Des esprits qui s’envolent, libres et insoumis, vers un ailleurs qu’ils ne savaient même pas exister. Mais qui reviennent, plus libres encore, et se choisissent à nouveau.
Alors ce soir, lourds des écueils de la danse, forts de l’amour de l’amour, baiser sur la bouche et sourires dans les yeux.
Elle pense, alors elle dit :
- T’es heureux ?
- Je crois.
- Tu penses encore à elle ?
Tu penses encore à elle ? Les oreilles accueillent l’information. Le cerveau les traite. Le mot, toujours le même à chaque fois qu’elle pose la question, se forme dans le ventre, tripes traîtresses si mauvaises au jeu du mensonge. Il glisse dans l’œsophage, étonné que Peur et Raison n’aient pas encore fait barrage à son ascension. Inquiet mais curieux de l’issue, il grimpe. Cette fois-ci, enfin, ira-t-il jusqu’au bout ?
La gorge se déforme à sa venue. Au bout des lèvres, il se pose, prudent et excité.
- Oui.
Contre-temps malheureux. Un tout petit mot coupable d'une chute si violente. Disparus les baisers. Oubliés les sourires. Le couple a trébuché. Corps vacillants. Cœurs asphyxiés. Tango arythmique. Ils ne savent plus danser.
Ils sentent. Une fraction de seconde pour défaire le monde entier.
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desmachins · 6 years
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Impératif
Dessine. Une petite commune dont le nom se termine par « les-bains », racontant en trois mots, deux tirets que, l’été, l’âge moyen de la population augmente soudainement de vingt ans. Une sorte de station balnéaire, ville touristique de bord de mer, offrant des soins thermaux à qui en a besoin. Les patients, se parant pour l’occasion du drôle de nom de curistes, viennent ici pour tenter de se débarrasser des phlébites intempestives, des rhumatismes chroniques, des allergies récurrentes, maladies du quotidien qui ponctuent depuis trop longtemps leur vie, les obligeant parfois à mettre pause, même en pleine action. Alors, on tente de se soigner, ou au moins d’affaiblir ces affections, on les maltraite un peu, quelques semaines, au soleil. Au passage, on leur montre qu’on pense à elles, que le combat continue, qu’il faudrait pas qu’elles croient qu’on a renoncé. Mais, secrètement, ça nous déplait pas, ce dépaysement qu’elles imposent. Puis, à force de rythmer nos vies, elles se sont transformées en petites compagnes presque rassurantes, un repère régulier et stable. Est-ce qu'il ne serait pas vaguement inquiétant de les voir disparaitre en entier?
Regarde donc cette petite ville grossir en population au début des beaux jours, puis exploser de mai à septembre. Elle retrouvera sa vie morne, calme, silencieuse, et franchement triste, avouons-le, le reste de l’année. Mais, dans le temps estival, où, paradoxe malicieux, c’est la maladie qui engendre vie, bordel et monde, on tente d’organiser et de rythmer le quotidien de ces locataires ponctuels. On essaie de les occuper. Les divertir. Film, danse, musique, on distrait.
Maintenant, focus. Zoomons. Un soir. Concert en plein air. Chacun sur sa chaise de camping (c’est plus si facile de se relever directement du sol…), les curistes - non, décidément, ce nom n’est pas sérieux - écoutent. Le soleil a déjà tiré sa révérence. Silence presque religieux face à un groupe de bal local.
Les voici, nos joyeux protagonistes. Là, au milieu des peaux ridées par le temps et tannées par le soleil, assis à même l’herbe du parc principal de la ville, un peu en contretemps de tout, trois petites jeunesses. Deux garçons, une fille. Se retrouvant ici, notamment par le hasard de la géographie, aussi à cause de l’errance de certains soirs d’été et l’aléatoire des moments vécus sans conviction. Mais avec l’enthousiasme des âges ingénus. De toute façon, ils sont déjà convaincus d’eux-mêmes, pleins de l’énergie solide de ceux qui sentent qu’ils ont le temps.
Bavards, bruyants, blagueurs, imbibés de l’arrogance que leurs fronts lisses et leurs cernes encore légers légitiment assez bien. Conscients de la bêtise juvénile avec laquelle ils rient gratuitement de ceux qui les entourent. Peut-être aussi un peu occupés à la conjurer, cette vieillesse, parce qu'ils savent bien qu’un de ces quatre, ils feront partie de la foule qu’ils moquent aujourd’hui. En attendant, ça vit. Sauvagement. L’air de rien. Avec l’idée, derrière, d’exister toujours un peu plus. Alors ça boit un peu trop, ça parle un peu fort, c’est un peu désolé, mais ça s’en fout finalement pas mal.
Jeunesse effrontée.
23h30. Concert terminé. Retour nonchalant aux voitures. Chaises des voisins repliées. Le parc retrouve son silence. Gentils moutons bien éduqués, la foule quitte les lieux, avance dans une même direction, d’un pas régulier.
Elle marche à coté de lui. Le trio s’est allégé d’un protagoniste, comme disparu tout à coup.
Ils discutent. D’un truc. Elle prête pas vraiment attention au sujet. Elle rit. Depuis qu’elle le connait, elle rit énormément. Pas de méprise : elle était pas triste, avant. Mais, aujourd’hui, elle se sent privilégiée. Le bonheur frappe tellement plus facilement à sa porte. Y a un truc frais. Elle pourrait pas vraiment le nommer avec précision. C’est de toute façon pas affaire de mots à prononcer, mais plutôt d’énergie à ressentir. Et la sienne, à lui, est solaire. Ca brille un peu partout, les faisceaux se propagent dans toutes les directions, ça se contient mal, ça explose. Faut pas le fixer trop longtemps, au risque de se bruler les yeux. Ca bouillonne de tant de choses que, de toute manière, on sait pas où poser son regard.
Bref, quand il est dans les parages, elle a le sentiment diffus qu’elle goute avec un peu plus de gourmandise le plaisir de la vie. Elle est reconnaissante. Y a des rencontres qui pèsent. Elle l’aime, ce nouveau poids dans son quotidien, parce qu’en même temps, un peu comme dans une balance, il a l’air d’alléger tout un tas d’autres choses.
Voilà. Ils se dirigent vers la voiture, tout en discutant d’un truc, elle est pas vraiment intéressée mais c’est pas grave parce qu’elle rit.
Puis, moment de grâce. Observe.
Il parle. « Ouh, ça fait longtemps que j’ai pas fait la roue ! » Elle l’écoute, attentive. Elle ne sait pas encore. « Tiens mon verre. » Elle obéit, un peu décontenancée. Le regarde. Attend. Alors, il fait la roue. Reprend sa bière. Continue sa discussion où il l’avait laissée.
Elle ne dira rien de particulier. Parlera avec lui comme si de rien n’était. Elle taira tout : la surprise jolie de cette envie soudaine, la rapidité d’exécution qui a la couleur de l’urgence des enfants sérieusement pressés de s’amuser, le naturel avec lequel l’action a été accomplie. La fraicheur déconcertante dans laquelle la bière a été reprise de sa main. La discussion qui continue de continuer. Elle laissera peut-être glisser un sourire sur son visage qui racontera pudiquement l’émotion vibrante qu’elle ressent. Là, devant elle, dans un instant d’harmonie légère et parfaite, tous les atomes qui constituent ce drôle de garçon se sont mis à chanter sa liberté profonde et inconsciente.
Elle pense: "Rare et joli. Savoure."
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desmachins · 6 years
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Jachère
Le cœur comme un champ.
Epuisées, les ressources. Cœur en berne. Comme une incapacité à laisser fleurir quoi que ce soit. Sols drainés, vidés de tout. Disparus, minéraux et autre petite faune secrète. Tout a été arraché, dans la précipitation, avec une urgence maladive, nécessaire. C’est que, plus rien de ce qui était produit ne trouvait acheteur. Débarrassé, le champ.
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, il en avait porté, des jolies plantes. Il avait su laisser s’épanouir tout un tas d’espèces, un peu nouvelles aux yeux du propriétaire. Cœur nourricier, alors. Dans des zones de confort redessinées, un environnement renouvelé, un écosystème changé, il avait su transformer les opportunités en expériences folles, inattendues. Il avait vécu, furieusement, un peu, avec avidité, libre de toutes les entraves. Soudain imperceptiblement autre – ou enfin entièrement lui-même – il avait enchainé découvertes imprévues, passions inespérées, amours surprises, tendresses généreuses. Chaque rencontre pleine de bienveillance pour le monde. Joyeusement, légèrement, sans autre ambition que vivre dans la plus grande vérité, il s’était laissé aller à exister. Cœur comme un champ. La récolte avait été belle, riche, variée, colorée. Née sur une terre dense, grasse et lourde de vie. Exactement ce que l’on n’attendait pas. Cœur bondissant, encore. Naif et convaincu. Que tout ça n’est qu’un jeu. Cœur expert, pourtant, jouant sérieusement. Cœur qui perd, alors. Ce qu’il avait misé. Ignorant, en fait. Ne sachant pas encore de quoi se nourrissait sa terre.
Parce que, voilà le hic. Au cœur du cœur, racine solidement et profondément enfoncée dans les sols, résidait une sorte de foi. Candide, clairement. Un peu folle aussi – est-ce que ce n’est pas la nature même des croyances irraisonnées ? -, inconsciente, surement. Quand bien même. C’était elle qui lui avait permis de prendre des risques. C’était par elle qu’il en était sorti plus fort. Elle encore qui lui avait donné l’occasion d’aimer, d’aimer vrai, entier, inconditionnel. Tout, tous et toutes. Générosité sincère, gratuite et accidentellement ultime, rendue tous les jours au centuple par la vie.
Foi complète et insouciante, donc. Tout ça porté par un garçon, racine inespérée. Tout ce qui fait vivre. Le bon, le beau, le vibrant, l’indicible de l’amour. Le gourmand, le tendre, le riche et l’enchanté. Le tout. Le rien. Un homme devenu l’absolu de l’absolu. Pourtant là sans être là, âme bienveillante, posant un regard enveloppant sur le champ de ce cœur. Un regard lumineux qui aurait pu faire pousser n’importe quoi. Une chaleur mêlée d’humidité qui a fait s’épanouir avec la même force joyeuse petites herbes folles et fleurs rares et gracieuses, sur un terrain jamais aussi fertile qu’à ce moment-là. Champ sauvage et foisonnant. Cœur sensible, alors. C’était tellement beau, tout ça. Il s’est nourri, émerveillé et enivré. Il a fait sien cette chose inattendue et sublime qu’est l’amour qui ne demande rien. Cœur inculte. Dans la précipitation, il a mêlé gratuité avec éternité.
Cœur comme un champ, toujours. Jolies fleurs fanées. Terre sèche, rincée. Racine arrachée.
Alors, jachère. 
Laisser reposer les sols. Ne plus rien leur demander. Attendre. Donner le temps à la vermine secrète et joyeuse de se répandre à nouveau dans la terre. Se nourrir d’elle-même. Fertiliser encore. Autrement. Laisser grandir les mauvaises herbes. Et les autres. Ne rien exiger. Accepter ce qui vient, renoncer à ce qui ne sera plus. Puis observer avec tendresse, au milieu des plantes sauvages qui repoussent dans une anarchie heureuse, quelques petites raretés. Croire les profondeurs cachées : la terre porte plus que ce qu’elle prétend parfois. Se rappeler. La vie, c’est pas si facile d’y mettre un terme.
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desmachins · 6 years
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Temps suspendu
C’est juste avant que tout se jouait. Pendant les dix minutes de marche qui précédaient l’arrivée. Toujours rapide, cette marche, toujours - une forme d’urgence se trouvait au tréfonds. Oui, tout ça venait de loin. Ou de si près. Déplacement un peu furieux, faussement détaché, discrètement pressant. Qui, l’air de rien, gonflait l’envie, tendait le corps. Dans un pas qui se voulait souple, lointain, patient, un peu désengagé. Dix minutes pour se rappeler la dernière fois. Les dernières fois. Toutes les fois. Pour se remémorer la violente beauté, l’incroyable douceur, la profonde intimité de chaque rendez-vous. Et voir ça grandir, grossir, devenir ce magnifique monstre d’amour, cette incroyable surprise humaine.
Dix minutes, entre nos deux chez nous, pour se demander si c’est possible que ça ait lieu encore. Si c’est pas trop naïf d’espérer que ça se reproduise. S’il ne faudrait pas arrêter tout ça tant que c’est encore beau, tant que c’est encore puissant, tant que c’est encore pur. Tant que ça n’est rien d’autre qu’ultime et insupportablement parfait. Que la vie et ses travers n’ont pas encore posé leurs doigts dessus, risquant les salissures indélébiles. Que les monstres Ego et Circonstances n’ont pas encore trouvé comment participer à la fête. Que cette histoire n’est rien d’autre que celle de deux personnes attendries, émues et fascinées par tout ce qu’elles voient chez l’autre.
Oui, mais. Aussi vite que les peurs, des flashs de baisers. La mémoire du corps. Sa main sur ma joue.
Sa main sur ma joue. Alors je marche plus vite. Sa main sur ma joue. Plus le temps d’avoir peur. Je le vois, déjà, l’imagine, dans quelques minutes. Cette façon qu’il aura de m’ouvrir la porte, ses bras, son cœur, dans un mouvement unique et complet. Générosité totale. Sa main sur ma joue qui dira tout l’amour. Je n’ai plus le loisir de me trouver toutes les raisons du monde pour m’inquiéter de ce que je ne maitrise pas. Ma tête est déjà un peu avec lui, curieuse et angoissée. Est-ce qu’aujourd’hui, encore, le miracle va se produire ? Augmentée, l’allure. Vite. Pressons-nous. Adieu, détachement et autres « l’air de rien ». Fébrile et déterminée, je le veux. Je le sais. Maintenant.
Le bout de la rue. Le clochard au pied de l’immeuble. Salutations. Quelques sourires échangés. J’écoute un peu ses réponses mais ne suis plus vraiment là, déjà. Je sonne. On m’ouvre. Et, enfin, le rythme peut ralentir. 
Un mélange inattendu d’inquiétude sourde et d’envie suprême. Mais je connais déjà l’issue. Savourons. Au pied des escaliers, le bruit de la lourde porte de l’appartement me raconte qu’il m’attend. La lumière du hall d’entrée me fait signe. C’est l’heure. Je souris déjà. Montée sautillante des dernières marches. Plus le temps d’avoir peur. Il ne reste qu’à vivre. Alors je pense à cette main qui attend ma joue.
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desmachins · 6 years
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Trouvaille
ou De l’art de dégoter ce que l’on ne cherchait pas. Probablement parce qu’on ne savait pas que ça existait. Oui, ce titre est bien trop long.
Dimanche matin. Petite place. Marché aux puces.
On vend. Regroupement désordonné de toutes les petites, moyennes et parfois grosses choses inutiles dont, très rapidement, les fourmis consommatrices et amasseuses que nous sommes ne savent plus quoi faire. On les a achetées avec conviction, oui. Il y a une semaine, un mois, un an. Mais, un jour, ça encombre, ça ennuie, ça empêche. Puis, pour pouvoir acheter encore, pour pouvoir en acheter d’autres, parce qu’au bout d’un moment, on s’ennuie de cet ennui, il faut de la place. Alors, on vend. On vend pour quelques sous, pour que ce soit à nouveau utile à quelqu’un, pour s’occuper.
Tôt le matin, ou plutôt tard la nuit, on se lève, déjà prêts, la voiture pleine, le sommeil encore au bord des paupières. Tout décharger, déballer, installer. On vient pour se délester du poids des choses. Peut-être aussi, et surtout, pour assister à un petit cadeau que seules ces heures du jour peuvent offrir : la magie du soleil qui se lève avec nous, dévoilant ce ciel frais et d’un bleu si pur que le vent méditerranéen parvient à dessiner de façon tellement particulière. Et on est là, le sommeil maintenant loin, spectateur privilégié face à une aurore qui, reconnaissant nos efforts matinaux, on le sent bien, se lève un peu spécialement pour nous.
Dimanche d’avril. Vent et lumière. Dans l’élan du réveil joyeux de ceux qui savent bien qu’ils se trouvent exactement là où ils doivent être, quelques heures après que les premières lueurs du jour se soient faites connaitre, légère de tout ce qu’elle ne sait pas encore, elle décide qu’elle veut partir se promener. Avec lui. Ça tombe bien, il en a envie aussi. Marché aux puces. Balade tranquille, balade douce. Aucun désir d’achat. Juste celui d'aller voir de plus près les gens, de contempler leurs histoires, au milieu du bric à brac de vies, qui, d'habitude, sans se faire secrètes, sont au moins privées. Or, soudainement offert au monde, là, à leurs pieds, en pleine lumière, tous deux, émus, se retrouvent en face du robot ménager dissimulé dans un placard depuis trop longtemps et dont on veut enfin se débarrasser, des achats étranges et audacieux faits par cette dame, sous un coup de folie, qui ont perdu tout leur sens sitôt qu’ils ont rejoint la maison, et qui encombrent maintenant le garage; ils voguent avec respect d’une passion déclinante à l’autre: celle de ce monsieur pour un certain magazine de dix années trop vieux, celle de ce couple pour les cartes postales sépias dont on ne distingue plus aucun trait. Tout autour d'eux, se trouvent encore, pêle-mêle, les cadeaux qu’on n’a pas aimés, les DVD d’une ancienne série que l’on s’est empressé de ranger dans un coin, les livres que l’on n’a probablement pas lus, ou alors il y a longtemps, ou alors on ne s’en souvient plus, ou on ne les a juste pas vraiment aimés, les amoncellements de chaussures et vêtements d’enfants qui ont choisi de grandir bien trop vite, présentés à quelque trente centimètre de la vaisselle et des meubles kitsch dont on veut se défaire, au profit de la nouvelle cuisine Ikea fraichement installée. 
Tout ça, éparpillé au sol, sur des étals de fortune, couvertures élimées et draps vieillis, accueillant dans une poussière heureuse les traces d’un temps passé, rassemblant là, dans un amas indistinct, les amours, les deuils, les folies dépensières de tout un chacun. Juste, exactement, profondément et simplement les gens, dans un déballage aussi impudique que généreux d’eux-mêmes. Dimanche matin, balade dans l’intime. Avec lui. Déambulation tendre dans l’émouvant chaos de la vie.
Midi s’annonce. Mains vides mais âmes pleines, la promenade au cœur des hommes se termine. L’heure de la terrasse et de la bière. Effervescence dans les deux bars qui longent la place. Ca crie, ça moque, ça rit, ça vit en même temps que dansent les serveurs, d’une table à l’autre. Verres perlant de fraicheur. La chaleur, d’abord timide, s’installe avec de plus en plus d’assurance dans le jour. Soleil au zénith. Dans son dos, à elle. Lui assis en face. Il la regarde, un peu émerveillé. Dans les boucles de ses cheveux, anarchiquement dispersés autour d’elle, se mêlent les rayons d’une lumière de printemps. Ils tentent, avec un succès moyen, d’explorer ce monde joyeusement libre qui entoure son visage. Brouillard d’auréole orangée autour d’elle. Il la regarde. Intensément, avec un étonnement sincère et naïf. Elle le voit bien, là, dans ses yeux à lui, de soleil, il n’y en a plus qu’un.
Pudeur et reconnaissance. L’astre sourit, attrape la main posée sur la table, puis, tendrement, glisse un baiser tout au creux, comme une offrande. Elle voudrait lui faire sentir l’émotion qui la traverse. Ce regard là, entier, ultime, gratuit, d’une sincérité qui a l’air de le dépasser lui-même, elle aimerait le contenir un instant, l’embrasser tout entier, le fixer quelque part. C’est à ça que servent les souvenirs, non?
Dimanche matin, marché aux puces. Sans le vouloir, elle vient de faire l’acquisition d’un bijou rare d’émotion. Quelqu'un a vu en elle une beauté qu'elle ne se sait pas. Y aurait-il une chance pour que ça existe vraiment?
Elle découvre, émue. Certains amours transforment.
« Est entré dans son cœur, et n’en sortira plus. »
Ce trésor de tendresse, elle va le chérir. Aucun étal d’aucune puce ne le verra jamais reparaitre. Un mélange de foi stupide et d’espoir naif le chuchote à son oreille. Elle le savait pourtant, les petites voix, dans sa tête, c’est pas prudent de les écouter.
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desmachins · 6 years
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Bottines, robes, motifs, collants, jambes. Et bouche. Bagues, boucles, veste, œil. Mat, sensible, sincère. Joyeux. Presque tout le temps. Collants soyeux, doux, lisses, brillants et transparents. Jambes fines, jambes tendres, jambes sures. Et sourire. Entier. Trop grand. Sans limites. Offert. Pour accueillir et pour se sentir accueillie. Etre au monde par les pieds, debout, sur les deux jambes, jusque dans les mains, près de la fossette, à la pointe du cheveu le plus long.
Auto-portrait. Aquarelle et traits fins. Des détails et du flou. Jambes. Robe. Regard. Bouche. Boucles. Couleurs. Ca y est, elle existe.
Jambes. Regard. Boucles. Bouche. Redessiner les contours d’un auto-portrait aquarelle qui vient de bien en baver.
Elle existe. Et aujourd’hui, dans sa tête, dans ses tripes, ça tire, ça tend, ça déchire, ça implose. Alors ça explose au dehors. Déformation spectaculaire d’un avenir tendrement recherché. Présent qui échappe. Futur qui effraie. Le monde change et a changé. Et elle ? Elle constate. Coincée dans l’épicentre du séisme. Secouée, transformée, ensevelie. Perdus, tout ça. Jambes. Robe. Regard. Bouche. Boucles. Disparus sous les décombres. Jambes. Robe. Regard. Bouche. Boucles. Invisibles, absents. Cachés. Contours fragiles à redessiner. Alors, elle a une idée. Laisser aller. Laisser baver un peu, peut-être. Dégoulinées, les couleurs. Fondues, les lignes. L’image d’elle-même se meut. Elle laisse faire. Pour voir. Elle n’a encore jamais essayé. Renaitre autre? Un peu autre? Auto-portrait troublé. Qui est-elle ? Elle se recentre. Fixe les instants. Que veut-elle garder ?
Le sourire trop grand. Trop fort. Qui lui fait accepter ce qu’elle ne devrait pas mais qui lui donne aussi ce qu’elle ne demandait pas. Les blagues, drôles et moins drôles, ratées avec légèreté et enthousiasme, petit pas de coté sur le monde. Les autres. Son regard sur les autres. Son amour des autres, stupide et salutaire. Les mots, qui sont ses mots, employés au mauvais moment, sous la mauvaise forme, dans le mauvais contexte, mais avec une joyeuse lucidité. Son chapelet de vie, à elle. Elle scrute les détails d’elle-même à la recherche de ce qui ne se dissout pas. Qui mérite d’être gardé. Qui a besoin d’être gardé. En profite pour retirer certaines choses et faire de la place pour ce qui est à venir. Pour ce qui est déjà en train de venir.
Auto-portrait, donc. Accepter les bavures et dessiner avec ? 
Changer le trait. Chercher le trait. Ne pas refaire le dessin, y a des choses à garder. Ecrire. S’écrire. Raturer et gommer. Gratter, les mots, la page, au crayon, à l’encre, pour voir mieux, pour débrouiller le brouillon. Ecrire, encore.
Dessiner-redessiner les contours. Toujours. Tous les jours. A coups d’essais-erreurs, par accident-acharnement, elle finira peut-être par tomber sur elle-même. Jambes. Regard. Boucles. Bouche. C’était elle. Ca l’est encore. C’est déjà autre chose. C’est plus. 
Ça rend curieux. Grattons, voir.
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desmachins · 6 years
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Cicatrices
Nacrées ou blanches. Creusées ou lisses. Des dizaines. Partout.
J’ai 10 ans. 10 ans et demi. Ou 11. Je suis jeune. Je suis jeune et je grandis. Ma tête. Mon corps. Ma voix. Mon corps, encore. Je grandis, me transforme, me développe. Partout. Tête. Voix. Et ce corps. Toujours ce corps. Jambes qui s’affinent. Hanches qui s’arrondissent. Seins qui se dessinent. Je suis jeune. Trop jeune pour comprendre. Le changement. L’ampleur du changement. Moi, j’aime ce garçon, je lis ce livre, je discute avec cette copine, je regarde ce film, j’apprends cette théorie mathématique, j’écoute ce prof. Tous les jours. Et c’est bien. C’est suffisant. Je ne me vois pas. Je n’ai pas le temps pour ça. Je regarde le monde et c’est passionnant.
Alors je ne remarque pas la première. C’est pour ça que j’ai toujours pensé qu’elles s’installaient en bandes. Assez désorganisées, je dois dire. Aucune n’a la même forme, pas une seule symétrie n’est respectée. Elles se sont construites dans une belle anarchie, au fil de ma peau. En bandes, oui, mais libres. D’abord sur mes seins, puis mes hanches. Elles ont généreusement envahi mes cuisses, puis tout le reste. Très doucement, sans violence, sans douleur, presque tendrement. Elles ne voulaient pas me déranger, peut-être. Elles ont trouvé là un refuge agréable, infini. Se sont mises à ponctuer mes formes avec leur ligne. A dessiner sur moi. A me dessiner un peu.
Ma peau, ma barrière avec le reste du monde. Seul lien ultime avec lui aussi. L’endroit exact où je finis et où tout commence. Elles la tirent, elles l’étirent. Elles la tendent. La déchirent. Ma peau éclate. Ma peau éclate ? Non. Elle s’ouvre. S’épanouit. Me dévoile. Me rend plus poreuse au monde. Je me répands en même temps que j’accueille. La barrière se brise, et, peut-être, enfin, le monde et moi ne faisons qu’un. Elles racontent les creux et les bosses que ma vie rencontre. Quand j’ai perdu du poids parce je croyais que c’était comme ça qu’on devenait belle. Parce que, enfin, je m’étais posé les yeux dessus. Quand j’en ai repris parce que j’étais aimée et en confiance et que quelqu’un d’autre s’occupait de me regarder. Quand j’ai eu peur de la solitude. Quand j’ai aimé si fort que je me suis un peu oubliée. Quand j’ai mangé trop. Quand c’était pas assez. Toute ma vie, tous les excès, d’amour des autres, de haine de moi, de dégout et de crainte, toutes mes questions intimes, là, sur mes hanches, sur mes seins, sur mes jambes. Partout. Visibles. Par tous. Ma vie se dessine sur moi, et j’ai le sentiment que ça m’humilie. Me diminue. Qu’elles me fragilisent.
Aujourd’hui, montagne russe. L’homme que j’ai aimé le plus intensément, le plus absolument, le plus naïvement et avec la plus grande arrogance, me quitte.
Rompue à l’exercice, je guette. Lesquelles de ces sinuosités, en s'élargissant encore un peu, vont se mettre à raconter la douleur, l’amour et la peine qui m’unissent encore à lui ? Peut-être pour ne pas le perdre en entier, pour ne pas le perdre tout de suite, pour rallonger le deuil de lui, de nous, je me scrute, à la recherche du refuge que notre histoire aura trouvée. J’inspecte les striures que je crois ne pas encore connaitre, qui semblent jeunes et vives. J’observe toutes les porosités qui me rendent si sensible à la vie, ces jours-ci. Je voudrais savoir où s’est fixé le merveilleux souvenir de nous. Sur mes hanches, peut-être, se glissant dans le même temps dans mon allure? A l’intérieur de mes cuisses, blotti dans l’intimité de mon corps ? Le long de mes mollets, rythmant mes pas à venir ? Dans un creux ? Sur une bosse ?
Pour la première fois, je regarde avec tendresse ce que j’ai toujours vu comme un ennemi. Comme le reflet d’une de mes plus grandes faiblesses. Je le sais, maintenant; ces nervures craquelées répandues sur mon corps portent en réalité les plus belles, les plus vraies, les plus intenses de mes histoires. 
J’ai beau chercher, je ne nous trouve pas.
Merde. Je vais être obligée d’apprendre à les aimer toutes. Juste au cas où.
C’est ton dernier cadeau d’amour, c’est ça ?
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desmachins · 6 years
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Ou comment reculer pour mieux sauter
“On va boire un verre ce soir. Il sera là, tu sais ». Sourire en coin au bout des lèvres du colocataire (Version, je me moque tendrement de ta fébrilité nouvelle. Et un peu irraisonnée.)
« Qui, il ? » dit-elle. Alors qu’elle connait la réponse. Mais c’est doux d’entendre le nom de cet intriguant inconnu qui, une semaine plus tôt, lui a laissé un gout surprenant sur la bouche et dans la tête.
C’est pas tant le soir même de leur rencontre. Ou pas seulement. C’est aussi le joli message qu’il lui a envoyé deux jours plus tard. Il racontait un petit bout de vie. Son déménagement. A quoi allaient ressembler les prochains jours. Très simplement.
Mais ça n’avait pas vraiment le gout de la drague. Il y avait un truc un peu plus honnête. Un peu plus entier. Simple, quoi. C’était marrant qu’il ait eu envie de partager ça. Avec elle. L’inconnue. La tout nouvellement découverte. Et tout sonnait avec pas mal d’évidence. Une jolie énergie sautillante. Un truc frais. Des bons mots. Bien placés.
Ajoute à cela une petite blague qu’elle seule pouvait comprendre et qui laissait entendre qu’il l’avait écoutée. Qu’il avait aimé leurs échanges. Qu’il en voulait plus. La gentille promesse sans conséquence de se revoir bientôt. Et la voilà curieuse. Fébrile. En attente.
On ne peut pas dire que ce soit sa posture préférée, l’attente. Puis, elle est un peu fragile, en ce moment. Et, sans poser de mots sur l’origine de ses inquiétudes, de ses peurs profondes, elle sent que toute cette situation va la mener à des prises de risques auxquelles elle n’est peut-être pas encore prête. Puis son père lui a déjà dit. Quand tu veux quelque chose un peu trop fort, surtout, ne t’en approche pas. Bon, d’accord, lui, utilisait ce credo quand il s’agissait d’acheter un appartement, par exemple… Mais elle l’avait trouvée très juste, cette phrase. Et elle s’était fait la remarque qu’on pouvait l’employer pour toutes les envies. Même lorsqu’il s’agissait d’avoir envie de quelqu’un.
Alors, elle respecte la consigne, elle se dit que c’est ce qui la protègera de la douleur.
Oui, elle est un peu naïve.
N’empêche. Un quart d’heure d’une réflexion intérieure intense. Puis elle répond : « Non. Pas ce soir. J’en ai trop envie. Il vaut mieux que je reste à la maison.»
Le coloc’ se marre. Elle s’en fout, c’est sa façon de reprendre le contrôle. (Même si, bon, plusieurs fois dans la soirée, elle se demandera si elle a fait le bon choix.)
Heureusement, la vie a son propre sens de l’humour et son copain de maison a pris grand plaisir à le partager : le garçon en question ne les a jamais rejoints pour ce verre. « Beaucoup de questions pour pas grand-chose », elle s’est dit.
C’est, que, jolie candide, tu n’avais pas encore mesuré l’ampleur de ce qui allait se passer.
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