Chapitre 03 - Bonne élève
Anaïs devrait arriver d’un instant à l’autre. Cette fois-ci j’ai anticipé, je porte une chemise ample qui descend suffisamment bas pour couvrir mon entrejambe en cas de pépin, je pourrai bander en toute tranquillité normalement. Normalement car j’ai beau m’être masturbé il y a moins d’une heure je me surprends à être excité en repensant aux petits événements de la dernière fois. Cette petite garce me fait de l’effet mais je n’ai pas le temps d’y penser plus que ça, l’interphone sonne.
Le changement est assez radical : Anaïs est habillée de manière beaucoup plus décontractée et beaucoup moins couverte. Le haut est constitué d’un petit top en velours côtelé noir, plus proche de la brassière que du top d’ailleurs. Ultra-moulant, les fins élastiques cerclant les épaules ne laissent planer aucun doute : la petite a laissé son soutien-gorge à la maison. Pour le bas, un petit short en jean déchiré et délavé, bien au-dessus du genou, qui laisse dépasser un string identique à la dernière fois, sauf pour la couleur : rose bonbon. À ses pieds, de grosses baskets à plateformes, à la mode, disproportionnées, qui tranchent avec les petites chaussettes de dentelle fine et noire qui habillent ses chevilles fragiles. Point de vue tissu le compte y est et c’est délicieusement pauvre, je remarque qu’elle porte un magnifique petit choker en velour rose. Ne pas la mater est un challenge qui devient un supplice lorsque je me dis qu’il suffirait de l’attraper par le choker pour l’enculer sur le palier de mon appartement. Au lieu de ça je l’invite, tout sourire, à rentrer et à s’installer.
C’est la deuxième fois que nous nous voyons mais Anaïs prend ses aises comme si ça faisait des années. Elle s’installe à table, sort ses affaires de cours et me regarde avec un sourire dans lequel j’aime lire un mélange de complicité et de joie.
“Merci pour la dernière fois. J’ai pu avoir une belle note !”
“Sûr ! 18 à l’unif c’est plus que respectable.”
“C’était la première fois, j’y croyais pas ! D’habitude mes notes c’est plutôt entre 12 et 16…”
“Hey, même 12 à l’université c’est déjà bien. La barre est beaucoup plus haute qu’avant, tu peux être fière de toi Anaïs.”
“Oui mais quand même, c’est aussi grâce à toi. Merci… J’espère que ça ne t’a pas trop ennuyé.”
“Pas du tout ! Ça me fait plaisir de partager ce que je sais et puis ça me permet de revoir les bases, j’ai pas mal la tête dans mes études sinon. D’ailleurs on a quoi on programme aujourd’hui ?”
“J’ai un devoir, c’est encore socio. Mais là on a le temps, à rendre dans deux semaines.”
“Bon c’est parfait. c’est sur quoi ?”
“Les scripts sexuels.”
Je me suis remémoré les paroles qu’elle venait de prononcer, juste pour être certain de ne pas avoir mal interpréter. Mais c’était clair et limpide.
“Les scripts sexuels, d’accord… Monsieur Gaudreault a mis cette matière à son programme cette année ?”
“Pas vraiment… Le choix du sujet était libre…”
Elle était clairement gênée mais je pouvais sentir autre chose. Autre chose que de la gêne.
“D’accord, je vois… C’est plutôt riche comme sujet.”
“...oui…”
C’était un petit “oui” qui valait des millions à mes yeux. Anaïs rougissait, les yeux baissés sur ses notes de cours. Il fallait détendre l’atmosphère.
“Dans tous les cas ça tombe bien, c’est un sujet que je maîtrise assez bien, mon mémoire portait pas mal là-dessus.”
Ça devait avoir fait son petit effet car même si elle rougissait une teinte en plus, elle avait au moins levé ses iris bleus pour me sourire. Nous nous sommes donc mis à travailler. C’était un devoir de méthodologie assez simple, juste quelques recherches à faire sur un thème choisi par l’étudiant, agencer le tout de façon cohérente… En soi il ne fallait pas spécifiquement des prérequis sur le sujet choisi mais ça tombait à point pour ma machine à fantasmes.
Au fur et à mesure Anaïs semblait de plus en plus soucieuse, jusqu’au point où j’étais assez inquiet pour lui demander si quelque chose n’allait pas.
“Ah non c’est gentil, je n’ai pas de problèmes, je me posais juste quelques questions…”
“Des questions par rapport à quoi ?”
“Hmm… Tout, à peu près.”
“Je vois… Il y en a une qui te vient à l’esprit ?”
“Huuum… Ça fait au moins une heure qu’on est train de lire des enquêtes sur les pratiques sexuelles de différentes populations et je ne comprenais pas pourquoi il y avait autant de différences entre les goûts des gens. Je veux dire, même au sein d’une même population, il y a des gens qui adorent telle ou telle chose alors que d’autres la détestent. Je ne comprends pas pourquoi il y a autant de différences.”
“Vaste question en effet… C’est lié à un tas de facteurs comme, hmm, par exemple, l’époque, le milieu social, les pairs…”
Ma réponse semblait la faire cogiter. Je ne sais pas si c’était une bonne chose mais elle rougissait beaucoup moins. Mais au bout de quelques secondes, je l’ai sentie replonger dans la même réflexion soucieuse qu’avant.
“Tu...avais d’autres questions ?”
“Heu… Je sais pas vraiment…”
“Ok, pas de souci. Juste, n’hésite pas en tout cas.”
“Eh bien en fait, ça m’intrigue l’influence des pairs sur la sexualité, je vois pas vraiment…”
“Pour faire très simplement parce que ça n’est pas vraiment le sujet de ton devoir, avoir parmi les personnes qui nous sont proches des gens qui s’adonnent à certaines pratiques sexuelles risque d’influencer notre propre vie sexuelle. Parce qu’on est exposé à ce genre de pratiques indirectement, parce que ce sont des gens en qui on a confiance qui s’y adonnent…”
“Ah, d’accord… Merci pour l’explication…”
“Je t’en prie Anaïs.”
“Du coup, si je comprends bien… Si je connais quelqu’un, enfin, si j’ai des amis qui aiment bien la fellation, ça pourrait me pousser à aimer ça aussi ?”
“...alors c’est un peu plus compliqué que ça mais dans les grandes lignes oui, c’est à peu près ça.”
Je ne savais pas vraiment où ça allait mais j’avais le coeur qui battait à 100 à l’heure et la bite raide. La petite allumeuse qui a égayé mes dernières branlettes était en train, devant moi, de sous-entendre, qu’elle pourrait aimer sucer des bites.
“Ok… Merci, encore…”
“Pas de souci Anaïs. N’hésite pas à en parler autour de toi, c’est important de pouvoir discuter de ce genre de choses. Et puis si tu as des amis qui s’y connaissent plus que toi il ne faut pas hésiter à leur demander.”
“Ah, oui… Je sais pas trop en fait…”
“Je crois que je comprends. C’est normal, c’est pas toujours facile d’en parler. Faut juste le faire à son rythme, avec des gens qui savent s’y prendre.”
“Ah mais c’est pas vraiment ça le problème…”
“Oh… Qu’est-ce que c’est alors, si tu veux m’en parler ?”
“Bah… C’est juste que la personne qui aime ça, c’est Adèle…”
Je ne m’attendais pas à ça, ça m’avait un peu refroidi. Elle a 18 ans, elle est tout sauf idiote, ses questions sont mêmes pertinentes, elle est simplement inexpérimentée. Mais les choses prenaient un virage assez déconcertant.
“Heu, eh bien… je sais pas trop…”
Au vu de sa moue et de son froncement de sourcils, ça ne prenait pas. Elle ne me croyait clairement pas et il est vrai que ça n’était pas très fin de ma part, j’étais pris au dépourvu. Je pense à rattraper le coup mais elle me coupe l’herbe sous le pied :
“Tu ne sais pas trop ?”
“Bah pas vraiment...non…”
“Pourtant vous couchez ensemble.”
“...alors oui, c’est vrai, mais…”
“Et tu ne sais pas ce qu’Adèle aime ?”
“...forcément, vu comme ça, si...c’est juste que c’est…”
“C’est juste qu’il y en a toujours que pour Adèle, oui, ça c’est juste.”
Elle avait les yeux légèrement humides. C’était l’énième imprévu de cette journée, je ne sais pas dans quoi j’avais mis les pieds mais j’avais touché une corde sensible.
“Mais non il n’y en a pas que pour Adèle... Regarde, je suis là pour toi, on en discute simplement…”
“Mouais...je suis pas sûre…”
“Mais si Anaïs… Tu as l’impression qu’on ne s’intéresse qu’à Adèle ?”
“Un peu parfois...mais c’est pas important…”
“Mais si ça compte… Hey, tu n’es pas seule. Promis.”
“Vraiment ?”
“Vraiment.”
Elle s’était jetée dans mes bras. C’était spontané, ingénu, authentique. Le haut de son crâne m’arrivait au plexus solaire, ses petits bras fins et angéliques se nouaient dans mon dos, elle serrait, elle serrait fort. Je sentais ma bite gonflée de désir écrasée entre son ventre et le mien, je ne sais pas si elle s’en rendait compte mais ça ne la gênait pas. Je lui rends son geste en passant mes bras autour de ses épaules. Son parfum me transporte, une odeur fraîche, extrêmement féminine. Chargée en phéromones j’imagine. Il y avait quelque chose de vraiment addictif dans son odeur. Elle finit par relâcher son étreinte, il doit y avoir moins de cinq centimètres entre nous. Elle me regarde, son visage tourné vers le mien, ses joues s’empourprent, il y a une très légère gêne dans son sourire.
“Du coup, si on suite la logique que tu m’as expliquée pour les pairs… Si Adèle aime quelque chose, il y a de forte chances que moi aussi j’aime la même chose ?”
“Hmm, oui, on pourrait dire ça…”
“Et Adèle aime sucer, pas vrai ?”
“Disons que oui, oui… Comment est-ce que tu sais ça ?”
“Les murs sont fins entre nos chambres… J’entends le bruit que ça fait quand elle prend quelqu’un en bouche et le plaisir que ça procure…”
“Ah, je vois, d’accord…”
“Donc du coup, moi aussi, je devrais aimer sucer pas vrai ?”
“Hé bien, théoriquement oui, je dirais…tu… Tu n’as jamais essayé ?”
Ses joues se sont enflammées d’un coup, ça se voyait beaucoup sur une peau aussi claire. Elle a pris quelques secondes pour me répondre, elle devait être particulièrement embarrassée.
“Bah je sais pas, non...je suis vierge en fait…”
“Oh bah tu sais, il n’y a pas de honte…”
“Oui oui, je sais, c’est juste que ça me pèse un peu…surtout que moi j’ai envie d’essayer, j’ai juste pas trouvé quelqu’un d’assez intéressant. Ça m’emmerde vraiment de ne pas pouvoir tenter quelque chose qui devrait beaucoup me plaire…”
“Oui, je...je comprends…”
Elle était replongée dans son silence embarrassée. En y regardant de plus près, ça semblait empirer, sa gêne avait l’air de gagner du terrain, elle rougissait énormément.
“Après, quand on y réfléchit… J’ai envie d’essayer quelque chose et...et toi, je sais ce que tu aimes…”
“...quoi ?”
“Bah je vois que je te fais de l’effet quoi !”
“Heu ! Eh bien, non, Anaïs, enfin, je veux dire, tu es une jeune femme délicieusement belle, mais…”
“Mais...mais quoi ?”
“Eh bien, je ne sais pas si je te suis bien, mais je connais ta soeur, c’est un peu bizza-”
“Putain je le savais, il y en a juste pour Adèle en fait, c’était des conneries ce que tu me disais la tout à l’heure !”
“Mais...mais non...Anaïs...Anaïs, calme-toi…”
Quelques larmes perlaient sur sa joue, petites, il y avait beaucoup de colère et de frustration dedans je pense. D’un côté j’étais complètement perdu par rapport à la situation, de l’autre j’avais ma trique et dans le fond je savais ce qu’il fallait faire… Je l’ai prise à nouveau dans mes bras, en la serrant fort comme elle m’a serré. Ses pleurs ont atteint un pic, le temps de quelques instants, puis elle s’est calmée en passant ses bras dans mon dos, ses mains, ses ongles taquinaient mon dos, sans le vouloir, au travers le tissu de ma chemise. À un moment je la sentais qu’elle remuait le ventre, délicatement, créant un frottement contre mon pénis emprisonné. Je baisse les yeux pour voir ce qu’il se passe, dans ses larmes il y a un sourire.
“Ah...je te fais de l’effet...tu me trouves belle ?”
“Anaïs, ce n’est vraiment la question, c’est juste…”
“Tu ne me trouves pas belle alors ?”
“Mais non, c’est juste que…”
“Alors quoi ? Tu n’oses pas me dire que je te plais pas ?”
“Mais si, c’est juste que… Écoute. Oui, je couche avec ta soeur, ça nous arrive. Et je trouve que c’est une personne géniale, humainement parlant. Et oui, physiquement parlant, elle me plaît, beaucoup même. Elle fait partie des plus belles femmes que j’ai croisées. Et toi, tu lui ressembles. Donc oui, je te trouve belle Anaïs. C’est juste que…”
“...merci. J’avais besoin de l’entendre. Besoin d’entendre que je peux plaire. C’est pas grand-chose, c’est un peu superficiel, mais je sais pas trop l’expliquer, juste, ça me rassure un peu, sur un petit quelque chose, sur des trucs pas importants…”
“Ah, heu...eh bien, je t’en prie…”
Elle me souriait sincèrement. Il y avait une espèce de soulagement dans ses lèvres. Et dans ses yeux, j’ai vu un éclair étrange, comme de la malice.
“Mais si je comprends bien, Adèle et toi, vous n’êtes pas vraiment en couple, si ?”
“Hmm, pas trop, enfin, non…”
“Donc tu n’as pas à lui être fidèle...si ?”
“...techniquement, non…”
“Je vois...dis, tu as dit que tu serais là pour moi. J’ai envie de découvrir quelque chose. Et toi, tu fais énormément de bien à ma soeur. Je le sais, je l’entends. Et je le vois aussi. Depuis le temps que vous vous voyez elle est beaucoup plus détendue. Moi aussi, je veux qu’on me fasse du bien comme ça…”
“Anaïs, c’est pas que je ne veux pas, juste, je ne sais pas vraiment…”
“...s’il te plaît…”
C’était le regard le plus attendrissant que j’avais jamais vu. Une légère moue, les sourcils en accent circonflexe, une vraie tête de chien battu. Cette fille me menait par le bout du nez. D’un côté elle puait l’innocence, de l’autre, j’avais envie d’être encore plus sale avec elle qu’avec sa soeur. Il n’y avait qu’une seule chose à faire si je ne voulais pas le regretter toute ma vie.
“Écoute, Anaïs…”
“Oui ?”
“Je...veux bien, comment le dire…”t’aider”...mais ça doit rester entre nous. Absolument, d’accord ?”
“...oui…”
“Jure-le moi.”
“Je le jure.”
“Jure-le moi encore.”
“Mais promis, j’ai juré !”
J’avais l’impression que les battements de mon coeur résonnaient dans toute la pièce. Il y avait quelque chose à jouer là.
“...huum...donc...si je comprends bien, tu me trouves...intéressant ?”
Je ne pensais pas qu’elle pouvait devenir encore plus rouge mais apparemment si.
“...o...oui…”
“D’accord...merci, c’est...c’est très gentil…”
“...”
“...et donc, tu voulais...essayer quelque chose...en particulier…?”
“...o...oui...j’aimerais...j’aimerais voir ce que ça fait, de sucer quelqu’un.”
“...et tu...voudrais me sucer...pour voir ce que ça fait ?”
“...oui…”
Elle allait exploser la pauvre. Je réfléchissais pour essayer de la mettre à l’aise. Dans le fond, il suffisait de se laisser aller. Alors j’ai voulu l’impressionner, pour me donner un peu de prestance et la rassurer. J’ai doucement posé ma main sur son ventre, avant de refermer les doigts pour agripper son short, délicatement. J’ai tiré dessus, sans la brusquer, pour l’attirer à moi. Une fois qu’elle était contre moi, collée à moi, j’ai posé cette main sur la hanche, de l’autre j’ai épousé la forme de sa joue et je me suis penché pour l’embrasser. Quelque chose de tendre, lent, pour en apprécier toute la saveur. Mes lèvres, petit à petit, se mettaient à dévorer les siennes, la température montait et elle fondait de plus en plus. Je ne la sentais plus stressée. Au fil des secondes elle commençait à me répondre, jusqu’à ce que nos langues se mettent à danser ensemble, à rouler l’une autour de l’autre. Je goûtais la bouche de cette jeune femme, j’en savourais tout le parfum. J’allais lui montrer.
Je l’ai attrapée par les cuisses puis je l’ai soulevée, elle ne devait même pas peser 50kg. Ses bras se sont placés autour de ma nuque, notre baiser continuait, s’intensifiait. Je palpais ses belles cuisses charnues et ma langue dérapait sur ses lèvres, la sienne sur les miennes. Ses jambes pendaient dans le vide, avec ses grosses baskets, ses petites chaussettes à frise. Je l’ai portée jusqu’à mon lit et l’ai déposée sur mon lit, elle était assise sur le bout, les mains posées sur le bord, les bras tendus. Son visage était en face de mon pubis, j’étais debout. Mes yeux attrapent les siens, mon regard n’est ni dur ni lâche. Je la fixe avec cette pointe de douceur en débouclant ma ceinture, elle me fixait l’entrejambe sans cligner des yeux, la bouche légèrement entrouverte. Mon pantalon est sur mes chevilles, je relève un peu ma chemise : j’ai la queue bandée sous la toile de mon boxer. Elle la regarde quelques instants, rapproche son visage, presque inconsciemment.
“Tu peux toucher si tu veux, Anaïs.”
“D’a...d’accord...merci…”
Du bout de l’ongle elle commence elle effleure la bosse dans mon boxer. Elle a de longs doigts féériques, pâles, ses ongles sont manucurés avec soin, noirs, taillés en pointe. Ma queue palpite suite à ce contact, son doigt se replie, elle ne devait pas s’y attendre. Mais il se déplie à nouveau, ses tétons pointent, je le vois même à travers l’épais velours côtelé de son petit top. Ses doigts sont de plus en plus entreprenants, elle palpe, caresse, sa petite paume chaude glisse le long de ma queue couverte. Encore une fois, sans qu’elle ne s’en rende compte, son visage se rapproche. Je la regarde en souriant, en continuant de tenir ma chemise d’une main. De l’autre, je lui caresse la joue, pour l’encourager. Elle a l’air de sentir, de chercher l’odeur de ma queue, ses yeux se ferment à moitié. Elle est envoûtée. Petit à petit, elle commence à me masturber doucement au travers de mon boxer. Jusqu’à ce que ses lèvres touchent la toile. Mais d’un coup elle se retire.
“Oh, je suis désolée, vraiment ?”
“Qu...mais pourquoi ?”
“J’ai laissé des traces de rouge à lèvre sur ton boxer, pardon, vraiment…”
“Hahaha, ce n’est pas grave, t’inquiètes pas…si tu veux te faire pardonner tu peux continuer, et même aller plus loin.”
Sa réponse tient en un sourire un peu malicieux, surtout complice. D’une main elle reprend sa masturbation, douce, elle savoure. Ses lèvres se baladent le long de ma hampe cachée, elles s’arrêtent sur le gland. Elles s’attardent dessus, découvrent, la forme, tâtent avant de gober le gland couvert. Je ferme les yeux, je sens sa petite langue rose s’enrouler autour, râper contre le tissu. La curiosité d’Anaïs est de plus en plus mélangée de l’appétit alors je décide de m’occuper d’elle correctement afin de voir si elle a les mêmes goûts que sa soeur. Je pose ma main derrière sa tête et la pousse contre ma bite. Sa joue est écrasée contre mon pubis, le bout de son nez touche mon gland, les yeux à peine ouverts elle me lèche la bite comme on lècherait un cône de glace. Sa petite main vient faire un bracelet autour de mon poignet, pas pour arrêter la pression que j’exerce, pour me remercier j’ai l’impression. Du bout des ongles elle me gratte le poignet, la main, je pousse et cette petite traînée en devenir continue de lécher goulument. Je décide enfin à lui offrir ce qu’elle veut plus que tout au monde et baisse mon boxer qui tombe sur mes chevilles. Elle se jette littéralement dessus au point que j’en suis surpris. D’un coup elle me gobe la bite et essaye de l’avaler le plus qu’elle peut. Ses mains sont sur mes fesses, je la sens qu’elle m’attire à elle pour que j’aille le plus loin possible. Et pourtant elle doit lutter contre son réflexe nauséeux, elle recrache ma bite, respire à peine et se précipite à nouveau dessus. Autant sa soeur est une affamée de la bite, autant elle frôle la nymphomanie. Elle a une main sur la base de mon sexe et l’autre tient mes couilles alors que sa petite bouche laisse de grosses traces de rouge à lèvre sur le haut de ma queue. Elle me suce frénétiquement, je sens sa langue autour de ma bite comme une tornade, cette pute me suce comme si sa vie en dépendait. À tel point qu’il y a quelques tâches de salive sur son petit haut, qui ne se voient pas trop heureusement. J’en profite quand même :
“Hmmm, c’est que tu es une excellente petite suceuse, surtout pour une première fois…”
“Merci !”
Au vu de son ton enjoué c’est comme si je lui avais fait le plus beau compliment de sa vie.
“Dis Anaïs… Je vais essayer de te faire plaisir. Le plus possible. Mais j’ai besoin que tu me le dises si ça va trop loin pour toi, d’accord ? Surtout il ne faut pas hésiter.”
“Pas de souci, tu peux y aller, j’ai envie de découvrir !”
Une véritable chienne en chaleur. Je m’agenouille entre ses cuisses et me mets à l’embrasser, tendrement. Je retire son crop top lui dis que c’est “pour ne pas le salir”. Apparaissent ses minuscules seins aux tétons dardés, roses de vie et de désir. Je gobe un mamelon, tout entier, l’aspire, mordille le téton, un cri de plaisir lui échappe, elle essaye d’étouffer les suivants mais s’abandonne. En même temps mes doigts glissent dans son dos et accrochent la ficelle de son string rose candy. Je joue avec, tire dessus, elle gémit d’autant plus, avec des variations, c’est comme jouer d’un instrument de musique. Ses mains sont dans mon dos, s’agrippent à ce qu’elles peuvent. Ensuite je la déchausse en embrassant ses belles cuisses, je les mordille et elle en rit. Je lui laisse ses chaussettes courtes à dentelle, petite touche de charme. Anaïs se laisse faire, confiante, offerte, heureuse. Je finis en lui retirant son short et me retrouve face à un string en microfibre rose sombre, très sombre, elle mouille tellement que je n’ai jamais vu ça. La couleur a quasiment tourné au noir, la différence de ton avec les ficelles sèches est surprenante. Mais elle est là, toute à moi. Cette jeune femme prête à tout pour avoir une queue bien dure, quasiment nue. Je me déshabille et m’asseois sur le lit, les jambes allongées, adossé au mur. J’ai la verge tendue, Anaïs ne la quitte pas des des yeux. Je lui dis de venir me sucer en se mettant à quatre pattes sur le côté, elle s’exécute dans la seconde sans discuter. Elle a du potentiel. Elle refait alors la même chose, sucer, à fond, aussi loin qu’elle peut, aveuglément, quitte à étouffer, cracher, chercher sa respiration, les yeux rougis par des petites larmes. Cette petite traînée en devenir manque de technique mais pas de volonté. Je lui caresse la tête, parfois la lui maintiens enfoncée sur ma queue, aussi loin qu’elle le peut. Elle tousse dès que je la relâche mais y retourne aussitôt. Ma verge et mon pubis sont couverts de salive et de glaire, de rouge à lèvres. Je me contente finalement de laisser une main tendre sur sa petite tête alors que l’autre serpente jusqu’à son cul. Je l’empoigne, joue avec un moment mais désire passer à la vitesse supérieure. Mes doigts glissent sur sa petite chatte que je commence à provoquer en poussant sur le tissu, tâtant le terrain à la recherche de son petit trou humide. Je le trouve et y vais franchement, le majeur s’enfonçant, retenu par la barrière humide de son string. Anaïs continue de sucer gentiment, la bouche pleine de ma queue et de ses gémissements de bonheur. J’attrape finalement les cheveux en tirant sur sa longue queue de cheval pour que cette sangsue lâche ma bite quelques instants.
“Anaïs, ma ptite chérie, ça a l’air de te plaire tout ça, pas vrai ?”
Elle me regarde, haletante, inépuisable. Son eyeliner a coulé avec ses larmes, son rouge à lèvre est ruiné, un long filet de salive relie ma bite à sa lèvre inférieure.
“Oh j’adore, je te jure que j’adore !”
“C’est le moment d’aller plus loin et de perdre ta virginité, non ?”
“Oh putain oui !”
Il a suffit de quelques mots. Elle se précipite à nouveau sur mon sexe, cette fille est une succube débridée, une accro à la bite, perdue pour la cause, toujours en manque. Tout en gobant ma queue, avec sa petite langue qui cherche à atteindre mes couilles, je la vois retirer son string. Ensuite elle roule sur le côté et se couche sur le dos, les jambes relevées, les genoux repliés. L’ouverture de sa chatte est totale ou presque, petit paradis vierge carnin que je vais investir et conquérir. Anaïs, ses petits pieds de dentelle en l’air, deux doigts sur son clitoris, l’autre main pinçant l’un de ses petits seins.
“J’en peux plus, je peux plus attendre, viens, je veux savoir ce que c’est, prends-moi !”
“Tu le mérites ?”
“Je le mérite et j’en ai besoin, fais-moi l’amour, baise-moi, démonte-moi, tout ce que tu veux mais je veux te sentir en moi !”
“Tu seras mienne ?”
“O...oui !”
“Tu m’obéiras !”
“Je ferai tout !”
“Ah oui ? Tu seras ma petite pute personnelle Anaïs ?”
“Je serai tout ce que tu veux, tout ! Ta petite amie, ta femme, ton amante, ta maîtresse, ta pute, ta chienne, ton sextoy, ton objet, ton esclave, tout ! Mais putain défonce-moi la chatte !”
“Arrête de te masturber Anaïs.”
Elle s’est stoppée aussi tôt. Elle avait une certaine tendance pour la soumission et je comptais bien en profiter.
“Je vais chercher des préservatifs.”
“Non...s’il te plaît non…”
“Je ne veux pas te mettre enceinte Anaïs, pas tout de suite en tout cas.”
“Moi je veux ce que tu veux… Mais s’il te plaît, je t’en supplie, je veux te sentir en entier dans mon ventre, dans tous mes trous. Je te suce la bite depuis un moment et c’est la meilleure sensation du monde. L’odeur, la forme, le goût, ça fond dans ma bouche et ça me fait fondre. Alors si tu me prends nature je crois que je vais exploser et c’est ce que je veux. S’il te plaît, je t’en supplie, je t’en supplie… Je prendrai la pilule du lendemain, je me ferai avorter s’il faut.”
“...c’est bon pour moi. Mais attends-moi quand même, je reviens.”
J’étais tombé sur la plus pute de toutes les putes, la nympho des nymphos. Et elle était encore vierge. C’était juste inimaginable. Mais j’avais ce qu’il fallait pour la dresser et la former. Je suis revenu avec une boîte que j’ai posée sur ma table de nuit et l’ai ouverte. J’en ai sorti un plug anal.
“Est-ce que tu sais ce que c’est ça, Anaïs ?”
“C’est un plug anal.”
“Tu es bien renseignée… Tu es sûre que tu es vierge ?”
“Je regarde du porno. Beaucoup de porno… Le soir, pour m’endormir, le matin parfois quand je suis trop excitée. Parfois je me masturbe dans des lieux publics aussi.”
“Mais quelle chienne… Ma petite chienne à moi, pas vrai ?”
“Oh oui, toute à toi, ta petite chienne à toi !”
Je pose le plug sur lit et sors de la boîte un collier de chien ainsi qu’une chaîne en métal.
“Et est-ce qu’une chienne a le droit de se balader sans collier ?”
“Seulement quand son maître l’autorise, non ?”
“Tout à fait. Et là ton maître voudrait t’avoir en laisse.”
Anaïs s’approche du bord du lit, à quatre pattes. Elle comprend vite où est sa place et ce qu’on attend d’elle, on ira loin elle et moi. Je lui enfile le collier. Il y a à peine deux semaines je l’avais encore en main, le poing serré dessus alors que je sodomisais sa grande soeur. Je lui en achèterai un en temps voulu. J’attrape son collier, je regrette qu’il cache son choker. Je pense que l’obligerai à porter soit un choker, soit un collier, et je lui en trouverai d’autres aussi, avec des petits noms appropriés qu’elle apprendra à mériter. Si elle est vraiment comme sa soeur, un petit choker “Cum Addict” devrait lui aller à merveille. Je tire sur son collier de chienne en rut, approche son visage du mien. Ma main est brutale, mes lèvres sont douces. Anaïs fond à nouveau, je sens plus la personne et moins la bête de sexe. Je la relâche et sors un tube de ma boîte à jouets.
“Et ça ma petite chérie, qu’est-ce que c’est ?”
“Du lubrifiant, non ?”
“Oui, c’est ça, bien trouvé. Mais on ne va pas l’utiliser je pense, est-ce que tu sais pourquoi ?”
“Alors là je ne sais pas, je suis désolée…”
“Ce n’est pas grave, tu es aussi là pour apprendre. La raison est assez simple : le lubrifiant peut servir à faciliter une insertion dans un orifice mais je ne pense pas qu’une pute dévergondée telle que toi en a besoin ou bien le mérite. En fait, lorsque je baise une salope digne de ce nom je n’en utilise que très rarement car la salive, la pisse, la mouille et le foutre sont les seuls lubrifiants dont elles ont besoin, c’est surtout pour le confort de ma propre bite. Est-ce que toi tu penses que tu es une salope digne de ce nom Anaïs ?”
“Oh ! J’espère que oui et si je n’en suis pas une je veux que tu m’apprennes à en devenir une !”
“C’est bien, tu as l’esprit qu’il faut. Maintenant tu vas prendre le plug anal, je l’ai utilisé avec plein d’autres chiennes. Si tu es méritante je t’achèterai les tiens. Je te l’enfoncerai bien dans le cul moi-même mais j’ai envie que ma queue retrouve le fourreau de ta gorge alors tu vas te le mettre toi pendant que tu me suces. Il fait 18 cm de haut pour 3,5 cm de diamètre, ça ira selon toi ?”
“Je vais tout faire pour !”
Et elle se jette dessus comme un enfant se précipite au pied du sapin à Noël. Elle crache, salive dessus et reprend directement la fellation. Ça me manquait d’avoir ma bite bien au chaud dans sa gorge serrée, sa langue s’active dans tous les sens. Elle est de plus en plus précise et je peux déjà constater des petits progrès, elle avale un peu plus de mon membre par rapport à la tout à l’heure. À croire qu’elle est née pour ça. J’attrape mon portable et commence à filmer : Anaïs se dévoue à ma bite, le plug qui s’enfonce petit à petit dans son anus, en faisant des petits allers-retours. Je ne lui ai rien demandé mais sa bouche se désolidarise quelques instants de ma queue, elle la prend avec ses deux petites mains, fixe l’objectif, sourit, le plus sincère, rempli d’allégresse de tous les sourires, dépose un petit bisou sur mon gland et reprend sa fellation. Avec les deux soeurs j’avais touché le gros lot. Anaïs gémit de plus en plus au fur et à mesure que le plug s’insère en elle, une fois que son cul a tout avalé elle attrape mes fesses et me suce comme une forcenée.
Je la laisse jouer encore quelques minutes avant de l’attraper par le collier et de la traîner sur le lit. Couchée sur le dos, elle lève ses jambes repliées, par instinct. Je me positionne entre ses cuisses, enroule la chaîne de son collier autour de mon poing. Anaïs me fixe, dans son regard on croirait que toute sa vie dépend de ce moment. Elle a le pubis presque glabre, juste un petit ticket de métro de poils châtains. Ses lèvres sont rondes, gonflées de vice et très symétriques, mon gland se pose à l’entrée, son dos s’arque, sa poitrine se relève. Elle ferme les yeux alors je lui ordonne de les rouvrir et de me regarder. De me regarder moi, droit dans les yeux. Une fois que j’ai toute son attention je commence à m’enfoncer dans sa petite chatte qui est très, très serrée. Déjà parce que c’est sa première fois, ensuite parce que son gabarit est ainsi fait et finalement parce qu’elle a un plug anal qui occupe déjà pas mal de place. Je me suis enfoncé jusqu’au bout, elle a pris toute ma queue dans son ventre sans trop se plaindre de la douleur. J’ai continué les va-et-vient doux et respectueux pour l’habituer à ma présence, ses petites plaintes de douleurs laissaient de plus en plus place à de minuscules gémissements de plaisir. Gémissements qui ont fini par grandir, grandir jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’eux. Je serrais la laisse, tirais de temps en temps dessus pour lui rappeler sa place, tout en accélérant le mouvement. Anaïs était de plus en plus bruyante, elle criait presque sous les vagues de chaleur qui lui irradiaient le ventre. Je continue, je commence même à la baiser assez fortement mais ça ne semble pas suffir. Elle me dit d’y aller plus fort, de ne pas me retenir. Alors je prends son string, lui enfonce dans la bouche et serre ses joues d’une main. Ma queue creuse sa petite chatte serrée, c’est un vrai bonheur. Je me retire de sa chatte et tire sur sa laisse en prenant mon portable. Elle tombe à quatre pattes, me jette un regard interrogateur. Je lui intime de suivre comme ça, à quatre pattes, et tire sur sa laisse. De retour dans le salon je la prends par le collier, la relève d’un bras et la plaque contre la table, ventre à plat. Son gros cul me fait de l’oeil, je lui retourne une monumentale fessée qui me démangeait depuis la tout à l’heure. Ensuite je déverrouille mon portable et lui tends :
“Anaïs, je vais te finir comme ça et tu vas tout filmer en selfie. Tu vas filmer ton premier orgasme avec un homme.”
La bouche bâillonnée elle se contente d'acquiescer. Je lui attrape les deux hanches et jette un coup d’oeil sur l’écran : on voit son visage en gros plan, on me devine derrière. Je l’embroche d’un coup et je donne tout. Cette conne a du mal à cadrer droit mais ça n’est pas grave, je continue, de longs, larges et rapides mouvements de queue dans sa chatte, avec son trou du cul encombré qui me fait de l’oeil. Incroyable mais vrai, cette salope dégénérée arrive encore à être bruyante alors qu’elle est en train de mâcher son propre string. Ce petit trou à queues est en train de goûter à la dose de plaisir la plus intense de sa vie, je l’entends à sa manière de couiner frénétiquement, à ses petits sons aigus à chaque fois que ma bite remplit son vagin. Et là je le sens qui arrive, ses gémissements sont crescendo, on sent les supplications dedans, alors je donne des coups plus lents mais plus brutaux, je vais bien jusqu’au bout, je tape dans le fond et elle finit par craquer. Anaïs convulse de bonheur au point que la table en tremble un peu, son corps entier est mordu de soubresauts violents, secs, jusqu’à ce qu’elle retrouve enfin un peu de tranquillité, le visage à côté de son devoir et de son 18/20. Elle crache son string, faiblement, un bout reste dans sa petite bouche, elle respire péniblement, le sourire aux lèvres. Elle reste une chienne obéissante, elle continue de filmer en cadrant correctement. Les convulsions de son vagin autour de ma queue m’ont donné de l’entrain, ça arrive pour moi aussi. Je reprends le portable, de l’autre main je lui croise ses bras menus dans le dos, menottant ses poignets frêles dans ma main. L’envie me vient, je lui crache sur la joue, cadre dessus, elle sourit, cette catin sourit, je serre ses poignets, je m’enfonce jusqu’au bout dans sa fente et je jouis dans un gémissement rauque. Je sens mon sperme lui remplir la chatte. Je retire ma queue, satisfait, lui ordonne de récupérer ce qui dégouline avec sa main, elle s’empresse de la placer entre ses cuisses. Je filme tout, absolument tout.
“Pas mal du tout pour une première fois, tu peux être fière de toi ma petite princesse.”
“Oh...je suis ta petite princesse ?”
“Tu es tout ce que je veux que tu sois. Ma princesse ou ma petite chérie quand je suis fier de toi, ma putain quand je veux me vider les couilles, ma servante quand je veux me relaxer, ma femme ou ma petite amie quand je veux passer du bon temps. Tu peux tout être, tu en as le potentiel Anaïs.”
“Oh...je suis juste...tellement heureuse…”
“Par contre si tu veux être une petite chienne obéissante il te reste encore quelque chose à faire…”
“Ah oui ? Dis-moi, je veux être parfaite !”
Je voulais voir jusqu’où elle pouvait aller. Toujours la main sous sa chatte, je lui dis d’étaler ça sur ses petits seins, ce qu’elle fait avec une petite moue de désapprobation que je laisse passer. Cette assoiffée aurait préféré avaler le surplus je pense. Je lui dis de s’asseoir par terre et d’essayer de rapprocher au maximum sa bouche de son sexe. Je l’aide et c’est vraiment ma chance car elle est particulièrement souple. Elle y arrive en attrapant ses cuisses et en les calant avec ses coudes, courbée comme ça elle peut lécher sa propre petite chatte. Je lui dis d’ouvrir la bouche et de tirer la langue, elle a l’air complètement décérébrée, juste des bites dans le cerveau à la voir. J’essuie les quelques gouttes de sperme restées sur mon gland sur sa langue, m’assois et lui donne ensuite l’ordre de lécher le sperme de sa chatte. Elle s’exécute en lapant avec application. Je lui dis d’ouvrir sa bouche, d’avaler et de rouvrir pour montrer qu’elle est bien éduquée, elle le fait, ses yeux pétillants de bonheur. Je la filme, ses petits pieds en l’air, son maquillage ruiné, mon crachat sur sa joue, sa langue dans sa chatte dégoulinante de foutre. Une fois sa fente épongée, je lui ordonne de lécher les quelques gouttes de sperme sur le parquet et ça y est.
“C’est bon maintenant. Tu as été une excellente petite traînée, je suis fier de toi Anaïs. Vraiment.”
“Oh...merci…”
“Aller viens, on va prendre un bain.”
Elle me regarde avec des yeux ronds d’affection, je vais chercher une petite boîte sur la table du salon et lui prends la main. Dans la salle de bain je dépose ma boite près de la baignoire, lui retire sa laisse, son choker et ses petites chaussettes. Je lui dis de s’agenouiller dans la baignoire, face à moi, et elle s’exécute, l’air interrogatif. Je commence alors à lui uriner sur les seins, le jet remonte, finit sur son visage, le petit ruisseau de pisse coule jusqu’à son vagin. Anaïs sourit. C’est bon.
Je prends la douchette et lui fais une toilette rapide après lui avoir passé mon tube de dentifrice pour qu’elle se brosse les dents. Je fais couler le bain, nous nous installons. Anaïs est assise contre mon torse, la tête posée contre mon épaule, ses mains sur mes genoux repliés. Elle a l’air apaisée et satisfaite. De mon côté j’attrape ma petite boîte et commence à rouler un joint. Je l’allume et lui tends, elle semble tire quelques bouffées avant de me le rendre.
“On s’est bien trouvés, tu ne trouves pas ? C’est rare de tomber sur une petite nympho comme toi.”
“La plupart des filles que je connais ont l’air plus coincées que moi, mais je cache bien mon jeu… Ce matin j’étais encore vierge. Je suis très heureuse en tout cas, merci…”
“Je t’en prie Anaïs. Tout le plaisir est pour moi. Par contre ton devoir…”
“Ah oui…”
“Tu repasseras chez moi, pas vrai ? Pour qu’on le termine et que je te baise encore ?”
“Oui !”
“Parfait ! Tu me fais un brouillon pour la prochaine fois ? Si c’est mauvais, pas de sexe…”
“Bon, c’est sûr que je vais m’appliquer là…”
“Maintenant que j’y pense, je peux aussi te donner d’autres devoirs.”
“Oh non…”
“Ça implique un gode.”
“Oh oui !”
“Très bien… Je vais te passer un gode que j’ai utilisé pour entraîner quelques filles… Il fait 25 cm de long, 7cm à la base et 3cm à la pointe. Ton devoir ça sera de t’entraîner à faire des gorges profondes dessus. Tu peux chercher des conseils sur internet pour t’améliorer. Tu t’entraînes tous les jours et je veux des selfies pour voir ta progression.”
“C’est noté ! Je suis bonne élève, t’as vu ?”
“J’ai vu, et je suis fier de toi.”
Et ce n’était que le début.
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Les histoires narrées dans ces quelques lignes impliquent des sujets consentants et possèdent leur part de fantaisie. Oui au sexe, mais dans le respect de vos partenaires et de leurs limites.
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© X. Lamy
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Le grand saut
Mardi 7 février, dix-sept heures.
Trois tonalités. Répondeur.
« Vous êtes bien chez les Maurice, nous ne sommes pas là pour le moment, merci de rappeler plus tard.
-Salut Patricia, écoute c’est Christiane, je suis un peu embêtée, je crois que Thibaud a perdu son écharpe à l’école... Je sais que tu vas chercher Jasmine et Robin à dix-huit heures, ce serait possible qu’ils jettent un coup d’oeil en partant ? Si non, c’est pas grave, il prendra celle de Clara. Bon, eh ben, à plus. »
Mardi 7 février, dix-huit heures trente-sept.
Deux tonalités. « Oui, allô ?
-Christiane, c’est Patricia !
-Ah, salut, tu as eu mon message ?
-Juste quand je repassais chercher le trombone de Jasmine, oui, j’ai pu récupérer l’écharpe de Thibaud.
-Oh, merci ! Tu passes me la donner et on prend un café ? -Une tisane plutôt, cette journée m’a épuisée.
-Super, à tout de suite. »
Mardi 7 février, 23h35.
« ... Non, vraiment, j’insiste, je trouve que tu exagères, Clara. -Je trouve que je suis bien gentille, au contraire !
-Le qualifier de « cellule de peau morte oubliée au fond d’un lavabo de parc municipal à l’abandon », c’est gentil ? Après tout, la perception c’est très personnel.
-Tu as raison, et la tienne au sujet de ce prof est aussi biaisée qu’un agriculteur nordiste qui lit le programme de Marine Le Pen.
-Tu dis ça parce qu’il a refusé de retirer toutes tes absences, mais il faut bien comprendre que quand tu ne respectes pas les règles du jeu, tu ne peux pas t’attendre à ce que les profs se plient à tes exigences.
-Oh, ça va, Julie, je t’ai vue faire les yeux doux au prof d’éco parce que t’étais en retard à son contrôle, mardi dernier ! T’es pas mieux que moi.
-La différence entre toi et moi, c’est la sincérité. Moi, quand je suis en retard, je ne mens pas sur les raisons, et quand j’aime bien un prof, ou un cours...»
Cri strident, soudain.
« Wahou ! Tu as entendu ça ?
-Le cri ?! C’est dingue, je crois que quelqu’un est tombé du haut de l’immeuble !
-Je vais voir à la fenêtre. »
Bruits de pas, fenêtre que l’on ouvre, et autre cri strident. « Maman ! », crie Clara. « Maman ! »
Mercredi 28 février, neuf heures et quart.
Trois tonalités. « Allô ?
-C’est Momo. Tu m’ouvres, oui ?
-J’peux pas, la police est là.
-Comment ça, la police est là ? Je suis en double fil !
-Je vais pas à la fac ce matin, ils sont en train d’interroger tout le monde dans l’immeuble, je dois attendre qu’ils viennent.
-C’est quoi cette histoire ?
-Rien, des gamines sont persuadées d’avoir entendu quelqu’un crier hier soir, et leurs parents ont appelé les flics ce matin. Apparemment, elles pensent que quelqu’un est mort, ou je sais pas quoi.
-Conneries ! J’ai pas passé quarante minutes dans les bouchons à Argenteuil pour que tu restes coincée dans ton immeuble ! Descends par derrière !
-Arrête de gueuler, je t’entends d’ici. Je peux pas passer par derrière, ils sont partout. Y a du sang sur la dalle.
-Un gosse qui s’est vautré en trottinette, voilà tout. Ils partent quand ?
-J’en sais rien. Écoute Momo, merci d’être venu mais j’irais pas à la fac ce matin. On se retrouve ce soir.
-Mais non, je t’ai déjà expliqué que c’était l’anniversaire de ma petite dernière. Ça lui fait cinq ans, je peux pas sécher, cette fois. Demain, peut-être. J’dirais à ma femme que j’ai une réunion au boulot.
-Fais gaffe, t’as dit ça aussi la dernière fois. Bon, j’les entends qui arrivent. Bisous, mon Momo. -A demain, Sara, j’t’embrasse. »
Mercredi 28 février, douze heures cinquante-quatre.
« Allô ?
-Oui, je suis bien chez Sara ? -Oui, à qui ai-je l’honneur ?
-Votre voisine d’à côté, Madame K. Je voulais vous informer que le comité de co-propriété tiendra une réunion d’urgence ce soir, afin de discuter des évènements d’hier soir et d’aujourd’hui. Serez- vous présente ?
-Ah, non, le mercredi soir j’ai yoga...
-Oui, je comprends mademoiselle, mais vous devez vous rendre compte que c’est une situation d’extrême urgence !
-Ben, je sais bien, mais je paye cinquante euros pour deux cours, alors voyez...
-C’est quand même fou que vous ne vous rendiez pas compte de la gravité de ce qu’il s’est passé hier !
-C’est le p’tit du quatrième qui s’est cassé la gueule en rollers vers vingt heures, j’l’ai vu. Allez pas chercher plus loin, m’dame. Les drames, c’est pas la peine de les créer soi-même, ils se débrouillent bien tout seuls. J’dois y aller, j’ai cours dans cinq minutes. Bonne chance avec vot’ réunion.
-Attendez ! »
Mercredi 8 février, dix-huit heures trente.
« Allô ?
-Lars ? C’est vot’ voisine, Sara. J’suis embêtée de vous appeler, mais j’crois que Madame K. a cherché à vous joindre, et qu’elle a pas réussi, alors bon, elle m’a laissé un papier sous ma porte pour me dire de venir vous chercher, et tout et tout. Elle fait une réunion avec son club des voisins, j’crois.
-Ah oui, euh... Eh bien, j’étais là quand elle a sonné et m’a laissé six messages sur mon répondeur, mais je ne peux pas y aller ce soir, et Madame K. n’aime pas qu’on lui dise non. De plus, je n’ai rien compris à cette histoire de police, je suis parti tôt au travail ce matin.
-C’est rien, des conneries de gosses. Pardon, c’est des histoires.
-Je m’en doute. Écoutez, j’ai remarqué la dernière fois que votre bonbonne de gaz était presque vide. Je vous propose qu’on aille en acheter une nouvelle, il m’en faut une aussi, comme ça elle ne nous trouvera pas le temps de sa réunion.
-Super idée. Rendez-vous dans dix minutes à l’ascenseur. -A tout de suite. »
Mercredi 8 février, vingt-trois heures quarante-deux.
« Allô ?
-C’est Sara. Vous pourriez descendre dire aux petits de l’étage d’en-dessous de la fermer un peu ? J’ai un QCM demain, mais j’peux pas descendre, leur chien me fait trop peur.
-Pas de souci. Vous avez pu installer la bonbonne ?
-Sans problème. Mon père est électricien, vous savez, j’m’y connais en bonbonne, et tout et tout.
-Formidable. Je vais voir les voisins. Bonne nuit, Sara.
-Salut. »
*
Jeudi 9 février, sept heures trois.
« Allô ?
-C’est Maman ! C’est toi qui a l’aspirateur ?
-Maman, il est sept heures !
-Je sais, mon chouchou, je me disais que ça te réveillerais !
-Tu pouvais pas juste toquer à ma porte ? Et non, j’ai pas l’aspirateur !
-Oh, on s’est levé du mauvais pied, ce matin !
-Justement, je suis même pas encore levé !
-Ça va, ça va... Je dois filer, de toute façon. Donne à manger à Leeloo avant de partir ! Pas le truc aux petits pois, elle le vomit derrière les toilettes à chaque fois.
-Maman !
-Bisous mon coeur, bonne journée ! »
Jeudi 9 février, sept heures sept.
« Quoi encore ?
-Euh...
-Oh, pardon, je croyais que c’était ma mère ! Excusez-moi. Qui est-ce ?
-C’est la femme de ménage de l’immeuble, votre voisine. Je crois que j’ai retrouvé votre chargeur dans le couloir, près des escaliers, je le dépose sur le paillasson.
-Ah, super merci ! Encore désolé. Bonne journée ! »
Jeudi 9 février, seize heures vingt-deux.
« Allô ?
-Oui, c’est Papa. Ta mère est là ?
-Non, elle finit tard aujourd’hui.
-Ok, je l’appelle au bureau. À samedi, mon grand. »
Jeudi 9 février, seize heures trente.
« Allô ?
-Ça alors, c’est dingue quand même ! Tu sais ce que ton père vient de me dire ? Que tu lui as demandé de passer à la garde partagée ! Pourquoi je l’apprends de la bouche de ton père ?
-Calme-toi...
-Non, je ne me calme pas ! Je travaille quinze heures par jour, sept jours par semaine pour qu’on ait de quoi vivre près de chez cet homme, et toi, ingrat, tu décides sans demander à personne de changer ta garde ? Ça ne se passera pas comme ça !
-Maman !
-Pas de discussion, Clotaire. J’en ai marre de ces gamineries. On règlera ça au tribunal, comme tout le monde ! À ce soir. »
Vendredi 10 février, quinze heures trente-huit.
« Patricia, c’est Christiane. Je suis coincée au quatrième dans l’ascenseur, le concierge ne répond pas, mon mari n’est pas à la maison et je dois aller chercher Thibaud à l’école, ça te dérangerait de le faire pour moi ? Je pense pas sortir de là avant vingt minutes. Je voulais juste aller voir... Enfin, j’étais au trentième, et l’ascenseur s’est bloqué. Je te raconterais. Merci. »
Vendredi 10 février, dix-huit heures quarante.
« Christiane ? C’est Patricia.
-Salut ! Écoute, je suis désolé pour tout à l’heure, merci pour Thibaud. Il était ravi d’aller jouer avec Jasmine et Robin.
-Oh, je t’en prie, c’est pour ça que les amies sont là. Mais pourquoi tu es allée jusqu’au trentième ?
-Ah, ça... Eh bien, je n’ai pas eu de nouvelles de Zaza depuis quelques temps, j’étais inquiète, mais personne ne répond chez elle. Elle garde Thibaud ce soir normalement, parce que mon mari et moi allons au théâtre et Clara a une sortie scolaire. Nous n’aurons qu’à annuler, mais ce n’est pas ça qui m’embête. La petite m’appelle tous les vendredis pour que l’on prévoit les gardes de la semaine, normalement, et là pas un seul coup de fil depuis ce matin. Alors, tu vois, je suis allée la voir, même si elle n’aime pas qu’on vienne jusque chez elle.
-Je comprends ton inquiétude, mais tu sais, les gamines de nos jours ne sont pas des gens de
confiance. Elle aura sûrement eu un chagrin d’amour et sera retournée chez ses parents. Elle m’a dit un jour qu’ils habitaient en Auvergne et qu’elle y retournait de temps en temps. Oh, je n’ai rien dit, même si je pense qu’à vingt-quatre ans elle devrait être plus indépendante. Enfin. Ne t’inquiètes pas pour Thibaud, il peut venir dormir à la maison. Tu me garderas les petits une prochaine fois.
-Merci Patricia. Tu sais, je... Je me suis dit que peut-être, la personne qui a perdu tout ce sang sur la dalle l’autre fois...
-N’y penses pas. On s’était mises d’accord, on n’y pense pas. Il y a de quoi devenir folle. -Tu as raison. Je te dépose Thibaud à vingt heures ?
-Parfait, je ferais des spaghettis. À tout à l’heure.
-Oui, à tout à l’heure. »
Vendredi 10 février, vingt-deux heures trois.
« Allô ?
-T’es où ?!
-J’arrive, je trouvais pas mon bonnet !
-Oh, t’exagères, on fait pas un cambriolage de la Banque de France non plus !
-La dernière fois, ma mère m’a vue dans la cour à cause de mes cheveux, alors tu m’excuseras mais je mets mon bonnet !
-Quand je dis vingt-deux heures, c’est vingt-deux heures, Julie.
-Je te signale que j’ai ton frère chez moi pour la nuit, c’est encore plus galère !
-Eh bien tu n’as qu’à prévoir les rendez-vous avec Zaza à des heures de la journée ou au lycée, c’est moins risqué qu’un vendredi en pleine nuit.
-Tu veux acheter de la drogue au lycée en plein jour ? Grand bien te fasse, mais j’ai encore des choses à vivre et la couleur des uniformes en prison ne va pas du tout avec mon teint.
-Bon, ça va pour cette fois mais dépêche-toi, ma parole ! -Je suis là dans deux minutes. »
Samedi 11 février, quatre heures vingt-sept.
«Clara, c’est Julie. J’arrive pas à dormir. Je suppose que c’est pas ton cas, et tant mieux. Je... Je sais pas quoi te dire, je suis morte de peur depuis tout à l’heure. Je sais que tu crois que je suis la plus courageuse de nous deux, mais là, j’avais jamais vu ça – enfin, il faut être sacrément louche pour avoir déjà vu le cadavre de sa voisine-dealeuse dans un placard d’agent de surface à seize ans, mais bon, tu vois ce que je veux dire. Je voulais m’assurer que t’avais pas appelé la police. J’pense... Je pense que c’est mieux si on le fait pas maintenant. Il faut aller parler à la femme de ménage d’abord. Elle nous parlera, mais elle parlera pas à la police. Et... Et pour Zaza, il faut trouver au plus vite qui a bien pu lui faire ça. On l’appellera demain. Ma mère est là tout l’aprèm’ avec la tienne pour leur cours de yoga du voisinage. On se retrouve à quatorze heures au troisième, on l’appellera de là. À demain. Je... Je suis désolée. Salut. »
Samedi 11 février, quatorze heures quinze.
« Clara, c’est Clotaire. Est-ce que Julie et toi vous pouvez la fermer, vous jacassez depuis vingt minutes et j’ai un examen de SVT lundi qu’il faut absolument que je réussisse si je ne veux pas finir à la rue.
-Et c’était trop difficile de sortir de chez toi pour nous dire ça ?
-J’ai pas le temps pour des gamines comme vous. Allez parler de vos gamineries ailleurs.
-Ta voisine est chez elle ?
-Laquelle ?
-La femme de ménage.
-Qu’est-ce que j’en sais ? Je suis son secrétaire, peut-être ?
-On veut juste lui parler, on a pas son nouveau numéro.
-Je sors pour vous le donner uniquement si vous vous taisez après.
-On va bouger au cinquième, ils sont tous partis au spectacle de danse de Jasmine et des autres petites de l’immeuble, y aura personne. Rendez-vous là dans dix minutes.
-Quoi ? Mais ! Clara ! Clara ? Merde ! »
Samedi 11 février, dix-huit heures treize.
« Clara, c’est Clotaire. J’ai réfléchi à ce que Julie m’a dit, et je crois qu’elle a raison, c’est mieux de pas appeler la police tout de suite. Ils penseront que c’est nous qui avons fait ça à votre dealeuse, si on leur dit seulement maintenant qu’on l’a retrouvée. En plus, vos parents vont vous tuer aussi quand ils découvriront que vous achetiez chez elle. Enfin, bon... Je rappellerais la voisine demain. Il faut que je réfléchisse à tout ça. Ne faites rien sans mon approbation. Bonne soirée. »
Dimanche 12 février, dix heures six.
« Lars, c’est Sara. J’voulais vous demander si vous pouviez aller chercher mon chat sur le balcon du sixième, j’ai le vertige et ils sont pas chez eux.
-Pas de problème. Je vous rappelle quand j’ai récupéré Minouche. À tout de suite. »
Dimanche 12 février, dix heures quatorze.
« Sara, c’est Lars. Minouche n’est pas au sixième, je la cherche. -Ouais, j’ai vu qu’elle y était plus, je grimpe les étages pour la chercher. -Moi aussi. On se retrouve au sixième quand on a trouvé. »
Dimanche 12 février, dix heures quarante-huit.
Tonalités. Répondeur.
« Lars, c’est Sara ! Montez vite au trentième !
-Quoi ? Répétez Sara, je ne comprends pas un mot de ce que vous racontez. Je suis au sixième avec Minouche, elle se cachait dans un porte-parapluie.
-C’est pas Minouche, c’est le chat de la voisine du dix-septième, et j’ai trouvé la voisine en morceaux et elle est dans un placard, et y a plein de sang partout, et j’ai mis mes empreintes partout, y a plein de sang !
-Attendez, j’arrive, je ne comprends rien, mais j’arrive ! »
Dimanche 12 février, vingt-deux heures quatorze.
« Sara ? C’est Lars. Je voulais voir si tout allait bien.
-Ouais, ça va... Un peu secouée mais ça va. J’arrête pas d’appeler Momo, mais j’crois bien qu’il m’évite. J’lui ai laissé un message après que j’ai trouvé la voisine... Enfin, voilà quoi. Mais il a pas rappelé. Ça a dû le faire flipper. Vous savez, Momo pense que j’suis stupide, une gamine qui se raconte des histoires pour occuper sa p’tite vie, mais moi je sais c’que j’vois, et ça, ce corps dans le placard, ça je l’ai vu, Lars.
-Je vous crois, je l’ai vu aussi. Mais au vu de vos antagonismes avec Mademoiselle Zaza, la voisine, je pense qu’il est préférable de ne pas appeler la police tout de suite.
-Je sais bien. Écoutez, j’ai des images dans la tête qui veulent pas sortir, j’crois que j’vais essayer de dormir, et puis j’verrais bien demain.
-Vous avez raison. Je vous appellerais pour vous accompagner à la fac, demain matin. Bonne nuit, Sara.
-’Nuit. »
Lundi 13 février, trois heures cinquante.
« Allô... Vous avez pas honte d’appeler à une heure pareille, oui ?
-C’est Momo, imbécile ! J’suis en bas, tu vas m’ouvrir ou quoi ?
-Quoi ? Mais qu’est-ce que tu fous là ?
-J’ai eu ton message de tarée, et je viens te dire que c’est fini entre nous. Ouvre-moi, c’est hors de question que j’te largue sur cette dalle idiote, sous la pluie et en pleine nuit !
-J’vais pas te faire monter pour que tu me largues, t’es marrant toi, tiens ! Laisse-moi t’expliquer ce qu’il s’est passé.
-Non, tu vas encore m’embobiner et me monter la tête avec tes histoires à dormir debout. J’en ai marre des gamines comme toi, vous faites les ingénues quand je vous aies pas, les nymphos quand je vous aies, et les gosses de sept ans quand ça se gâte !
-Ben peut-être que tu devrais arrêter de tromper ta femme avec des nanas quinze ans plus jeunes que toi, mon vieux ! Ça n’empêche que j’ai retrouvée Zaza morte de chez morte au dernier étage de la tour, le crâne défoncé et baignant dans son sang. Et ça n’empêche que toi et moi, on est suspects numéro un !
-Mais pourquoi tu dis ça ? J’ai rien fait moi, j’suis innocent !
-T’as quitté cette pauvre Zaza pour moi y a trois mois, et elle a pété un câble et menacé d’appeler ta femme pour tout lui dire, je te signale ! Moi, je risquais rien, mais toi, t’avais tout à perdre, Momo. La police va venir fouiner dans tes affaires si ils la découvrent, et tes histoires d’immobilier sont pas nettes, non plus.
-T’es malade, ma pauvre fille. Va te faire soigner, et ne m’appelle plus jamais !
-Ouais, c’est ça ! Demain, j’appelle la police et tu finirais en taule jusqu’à la fin de tes jours, ordure ! »
Lundi 13 février, quatre heures dix-sept.
« Quoi, encore ?!
-Mon petit coeur, je suis désolé...
-Ah, c’est ça, oui, maintenant tu es désolé ! T’as beau dos de me traiter de folle puis que, quand j’te menace, tu me fasses des caresses dans le sens du poil ! Ben, ça marche pas comme ça, mon p’tit gars. Je suis pas une cruche comme ta femme, moi !
-Je sais bien, tu es tellement mieux qu’elle... Ma bichette, mon colibri, ma fleur, je suis désolé. J’étais chamboulé par la nouvelle de la mort de Zaza. Une fin violente pour une folle ! Tu n’as rien d’elle, et c’est pour ça que je t’aime. Mais comprends-moi, savoir que ma petite étoile de mer a vu de telles atrocités, et ce dans son propre immeuble... ! De plus, t’as bien raison, j’suis dans la mouise avec ces histoires de tromperies... Les flics, ils comprendront pas que c’qu’on vit toi et moi, c’est de l’amour ! Nous deux, on est comme Bonnie and Clyde, bandits mais heureux, tous les deux. Tu peux pas me lâcher comme ça, tu peux pas ! J’t’en supplie, laisse-moi rentrer...
-...
-Sara ? Allez, je suis dans le hall, la vieille du septième nous a fait du somnambulisme et j’ai dû la faire rentrer, i’ pleut des cordes...
-Ok, mais pas plus d’une heure.
-Ça marche. Je monte. »
Lundi 13 février, huit heures trois.
« Lars, c’est Sara. Écoutez, y a eu un imprévu, j’vais pas à la fac aujourd’hui. J’vous recontacte plus tard pour l’histoire de la voisine, enfin, de vous-savez-quoi. À plus. Et merci. »
Lundi 13 février, quatorze heures trente-deux.
« Madame Katia ? C’est Mme H., du septième étage. Vos filles vous attendent devant ma porte, elles ont fait une grosse bêtise.
-Mes filles ?
-Oui, deux adolescentes, une blonde et une brune, je vous expliquerais la situation quand vous viendrez les chercher.
-Très bien, je... Euh, eh bien, j’arrive tout de suite. »
Lundi 13 février, quinze heures neuf.
« Madame Katia ? C’est Julie, du premier étage. Je voulais m’excuser au nom de Clara et moi, on a paniqué, on savait pas comment expliquer ce qu’on faisait dans l’appartement à Mme H., je sais pas pourquoi on a pensé à ça... Enfin, c’est Clara, vous savez, c’est pas le cerveau de la bande.
-Mais pourquoi vous étiez chez elle, et pourquoi vous avez tenté de voler son carnet d’adresses ?
-On... On voulait trouver votre numéro de téléphone. Clotaire, votre voisin, devait nous le donner, mais il nous fait la gueule depuis... Depuis ce week-end, et puis je savais que nos parents trouveraient ça bizarre si on leur demandait Ils ont pas de carnet d’adresse, tout sur leur portable. On connaît pas les autres gens aux étages, et vous êtes sur liste rouge. Mme H., elle m’a donné la clé de chez elle parce que je donne des cours de soutien de maths à sa fille quand elle rentre du collège, alors je me suis dit que c’était l’occasion rêvée ! On pouvait pas venir vous voir directement pour vous demander ce qu’on voulait vous demander.
-C’est quoi cette histoire ? Je vous connais pas, moi, j’ai rien à voir avec vos histoires. Laissez-moi tranquille.
-Attendez ! Non, vous avez rien fait mais justement, on voulait vous poser une question. On peut vous rencontrer plus tard aujourd’hui, vers vingt-trois heures ?
-Euh... Écoutez, vous m’avez l’air d’être perturbée, mademoiselle. Je suis pas votre solution.
-J’ai une question à vous poser avant tout : vous faites souvent le ménage au trentième étage ? -Non, pratiquement jamais, je m’arrête toujours au vingt-neuvième.
-Parfait. Alors, rendez-vous à vingt-trois heures au trentième étage.
-Mais...
-À tout à l’heure. »
Lundi 13 février, vingt-trois heures quarante-neuf.
« Katia ? C’est Sara, la fille de tout à l’heure. -Laquelle ?
-Celle qui portait pas de bagues et qui n’a pas fondu en sanglots en ouvrant le placard. J’voulais voir si vous teniez l’coup.
-J’ai rien à voir avec cette affaire. Mais faut pas appeler la police. Je suis pas en règle dans les papiers, je suis arrivée il y a trois ans ! Si ils me trouvent, je suis fichue. Je ne peux pas retourner en Russie, là-bas c’est la misère. Au moins, ici j’ai un lit et un toit.
-J’comprends bien, on appellera pas la police tout de suite de toute façon. Avec Lars, on voulait vérifier que l’corps était toujours là, et on a croisé ces gamines... C’est elles qui ont crié au loup en premières, mais maintenant elles ont leurs raisons pour pas vouloir appeler la police non plus. Je crois qu’on est tous d’accord sur ça. Vous auriez pas une idée de qui pourrait avoir fait ça à la fille ?
-Non, je sais rien, j’ai rien à voir avec cette histoire. Bonne soirée.
-Attendez ! »
Mardi 14 février, sept heures trente.
« Allô ?
-Joyeuse Saint-Valentin, mon petit coeur !
-Maman... Je commence à dix heures, tu me réveilles deux heures avant mon alarme pour me souhaiter la pire fête qui ait jamais existé après Noël ?
-Je t’aime aussi, mon poussin. Alors, tu vas voir ton amoureuse aujourd’hui ?
-Maman ! Au revoir ! »
Mardi 14 février, sept heures trente-deux.
« Quoi encore ? Je t’ai dit de me foutre la paix, Maman !
-C’est pas Maman, c’est votre voisine, Madame Katia. Vos copines m’ont dit de vous appeler aujourd’hui.
-Comment ? Quelles copines ?
-Deux petites du premier étage, une blonde et une brune avec des appareils dentaires, qui parlent un peu fort.
-Ah, elles... Et pourquoi vous ont-elles dit de m’appeler ? -Elles m’ont montré le placard du trentième.
-...
-Vous êtes là ?
-Oui, oui. Je réfléchissais juste à comment j’allais les assassiner à leur tour, et si j’allais les découper et les disperser un peu partout dans les Hauts de France ou bien tout simplement les plonger dans la cuve d’acide de l’usine, près de l’immeuble.
-Alors, c’est vous qui avez tué la petite rousse dans le placard du trentième ?
-Absolument pas, mais cette tour va connaître une épidémie de meurtres si elles n’arrêtent pas de raconter à tout le monde ce qu’elles ont vu.
-Ah, bon.
-Je pense simplement qu’il faut commencer à réfléchir rationnellement. Vous savez qui d’autre est au courant ?
-Une fille et un monsieur au deuxième étage, et je crois que c’est tout.
-C’est déjà ça. Vous les avez rencontrés ? Qu’en pensez-vous ?
-Eh ben, ils sont gentils... Ils étaient un peu dépassés par la situation. -Ils ne l’ont dit à personne d’autre ?
-Je ne pense pas. Vous savez, Monsieur, quand on peut on essaye d’éviter de raconter à qui veut bien l’entendre qu’on planque le cadavre d’une voisine dans un placard et qu’on refuse de contacter la police.
-Vous avez très certainement raison. Auriez-vous le numéro de téléphone d’un d’entre eux ? Il faudrait que je les contacte au plus vite.
-Oui, celui de la jeune fille, Sara. C’est le 01...
-Merci. Je vous tiens au courant quand j’en saurais plus.
-D’accord, mais je ne veux pas être impliquée dans cette histoire.
-Vous ne le serez pas, c’est promis. »
Mardi 14 février, midi quarante.
« Allô, Sara ? C’est Momo.
-Salut Momo, j’suis en pleine fiche d’arrêt, là...
-T’es chez toi ?
-Ouais, j’avais un rhume et le bus était en panne, alors je me suis dit que c’était pas la peine d’aller à la fac.
-J’voulais te demander ce que tu savais de cette histoire de meurtre, finalement.
-Pas beaucoup plus. On a rencontré des gamines du premier étage et la femme de ménage de l’immeuble en allant voir si le corps y était toujours hier, avec Lars. La femme de ménage a pas l’air méchante, j’pense pas qu’elle soit impliquée. Les gamines sont clairement au bord de la crise de nerfs à chaque instant, ça peut pas être elles.
-Ce qui fait qu’on est toujours les suspects numéro un. Fait chier.
-Calme-toi, personne nous soupçonne. On l’a pas fait, de toute façon. Si ils nous interrogent, on n’aura qu’à dire la vérité.
-Ah oui, et c’est quoi la vérité, Sara ? Que je vends des appartements au black en faisant des faux contrats de location pour mon agence ? Que j’héberge toute ma famille à l’oeil dans des appartements de standing au fin fond du XVIème arrondissement ? Que Zaza le savait, et qu’en plus, je l’ai trompée avec toi alors que je trompais ma femme avec elle, qu’elle m’a menacé de tout raconter, et que j’avais toutes les raisons de la tuer ? C’est ça la vérité que tu veux que j’aille dire aux flics ? Hein ?
-Tu peux pas me blâmer pour tes conneries, Momo ! C’est trop facile d’être un tricheur infidèle et de remettre la faute sur ceux qui essayent de t’aider, ou qui t’aiment, tout simplement !
-C’est juste que t’as pas l’air de réaliser à quel point on est mal barrés, ma petite. Dans quelques jours, quand on croupira en garde à vue à cause de tes grandes idées de sauveuse du monde, tu regretteras d’avoir voulu jouer les héroïnes ! Maintenant, tu arrêtes d’en parler à tout le monde, et on essaye de trouver par nous-mêmes qui a été assez con pour tuer cette pauvre gosse.
-C’est pas toi qui va me dire ce que j’vais faire, Momo ! Je te signale que... » Tonalités.
« Attends, j’ai un double appel.
-C’est ça, décroche, et raconte à la boulangère que t’as trouvé le cadavre de l’ex-maîtresse de l’homme avec qui tu couches !
-Oh, la ferme ! »
Elle décroche l’autre appel. « Allô ?
-Sara ? C’est Clotaire, votre voisin du dessus. -Clotaire ? Sacré nom.
-Bon, mes parents ont confondu Agnan et Clotaire dans Le Petit Nicolas, et il s’avère que j’ai plus hérité d’Agnan que de l’autre. On peut pas leur en vouloir, déjà à l’époque ils étaient trop occupés à se chamailler. Peu importe. Je vous appelle au sujet de vous-savez-quoi.
-Quoi ? C’est quoi vous-savez-quoi ?
-Comment ça, c’est quoi vous-savez-quoi ? Vous savez pas de quoi je parle quand je dis vous-savez-
quoi ?
-Comment pourrais-je savoir de quoi vous parlez quand vous dites vous-savez-quoi ? Je sais plein de choses, je vous signale que j’suis en fac de droit.
-Grand bien vous fasse ! Ce que je voulais dire, c’est que Katia m’a donné votre numéro pour que je vous pose quelques questions sur... Eh bien, sur vous-savez-quoi.
-Est-ce que le vous-savez-quoi aurait un quelconque rapport avec vous-savez-qui à qui il serait arrivé des bricoles vous-savez-comment et vous-savez-quand et qu’on aurait retrouvé vous-savez- où ?
-J’avoue être troublé.
-La mort à Zaza, c’est d’ça que vous voulez causer ?
-Exact. On m’a dit que vous et votre voisin étaient impliqués dans une enquête personnelle pour retrouver l’assassin, et il s’avère que mes camarades Clara, Julie et moi-même sommes nous aussi sur sa piste.
-Les deux gosses avec d’la ferraille dans la bouche ?
-Elles-mêmes. Plus la femme de ménage, Madame Katia. Ce serait mieux qu’on agisse tous ensemble, vous ne trouvez pas ?
-Pourquoi pas, mais vos copines là, je leur fais pas confiance, elles ont l’air zinzin. Elles m’ont raconté des histoires à dormir debout, comme quoi elles seraient baronnes de la drogue ou je sais pas quoi... Vous voyez le genre.
-Tout à fait. Je vais finir par les balancer dans la Seine, un jour, vous savez. Il n’empêche qu’elles sont très douées pour entrer par infraction chez leurs voisins, je pense qu’elles peuvent nous être utiles. Vous avez des idées ?
-Attendez, je suis en double appel. Je vous reprends dans une seconde. » Momo repasse au bout du fil.
« Eh ben, Madame se fait attendre !
-La ferme, Momo, rappelle-moi plus tard, j’ai trouvé quelqu’un d’autre avec qui enquêter ! -Attends, quoi ? Sara, tu peux pas en parler à n’importe qui ! »
Clotaire récite la composition des sous-sols du Vercors quand Sara le reprend.
« ...mollusques rudistes, d’ailleurs à l’origine du calcaire urgonien...
-Pardon ? Vous m’avez traitée de quoi ?
-Oh, il y a méprise, je révise mon interro d’SVT tandis que je vous parle ! -Quelle horreur. Qu’est-ce qu’on disait, déjà ?
-Je vous demandais quelles pistes vous aviez, pour l’instant.
-Faut que je vous dise que Momo, mon chéri, il était avec Zaza avant, et il l’a quittée pour moi, mais il trompe aussi sa femme en même temps. Et il deale des appartements, de ce que j’ai compris. Je dois avouer que je le suspecte d’y être pour quelque chose, mais rien n’est moins sûr.
-Diantre. Il vit avec vous ?
-Du tout.
-Sur le front de Seine, tout du moins ?
-Non, il est à Argenteuil avec sa famille. J’y suis allée en bus une fois, quelle angoisse... Toutes ces maisons individuelles, ça vous donne la chair de poule. Figurez-vous qu’on voit tellement le ciel, rapport à que y a pas de tours ni d’immeubles, que j’en ai fait une crise d’angoisse.
-Quel malheur. Bon, et ce Momo, il était où le jour où Zaza est morte ?
-Au moment même, à Argenteuil avec sa femme, j’crois bien. Il s’est ramené après, j’voulais pas le faire monter parce que y avait la police à tous les coins de l’immeuble.
-Et pas moyen de vérifier auprès de sa femme qu’il était bien là.
-Sûrement pas, si je l’appelle elle va me prendre pour une folle, ou tout simplement comprendre que j’suis la maîtresse à Momo. Vous savez, j’suis pas super pour tout ce qui est mensonge.
-Bon... Je peux appeler en me faisant passer pour quelqu’un du boulot qui avait rendez-vous avec lui le sept février au soir, sinon.
-Pourquoi pas. Écoutez, j’ai pensé à autre chose. Momo travaille dans l’agence au proprio, celui qui habite au huitième. C’est possible qu’il ait quelque chose à voir avec ça, lui aussi.
-Comment ça ?
-J’garde ses gosses de temps à autre – ce soir, notamment. Il est pas net, le type. Gueule de gangster au possible. Il a trois Maserati, et c’est pas pour être méchante, mais leur agence c’est pas Rotschild, non plus. Si ce minable de Momo fait des magouilles avec les appartements, c’est possible que lui aussi. Ils ont peut-être monté un coup avec Momo pour l’éliminer, si elle savait pour les deux.
-Mouais... Vous partez un peu loin.
-De toute façon, il a les clés de tout l’immeuble chez lui. Si on chope les clés de la Zaza, autant vous dire qu’on aura plein d’indices. De quoi me décrédibiliser, ou je sais pas quoi. On pourra appeler la police ensuite.
-C’est vrai. Bon, on s’appelle à vingt-trois heures pour voir comment ça a fonctionné. -Parfait. À ce soir. Et bonne chance pour cette histoire de Vercors.
-Merci, j’en aurais besoin. »
Mardi 14 février, vingt-deux heures dix.
« Sara, c’est Clotaire. Écoutez, j’ai appelé la femme de Mohammed – enfin, de Momo – et je crois avoir fait une gaffe. Elle m’a demandé mon nom quand je lui ai raconté mon mensonge, et j’ai du en inventer un, sauf que dans la panique j’ai donné le nom de famille de votre voisin, Lars. Si Momo l’apprend, ça risque de mal tourner. Rappelez-moi pour me dire comment ça s’est passé pour vous. »
Mardi 14 février, vingt-deux heures onze.
« Police Nationale.
-J’habite avenue Émile Zola, quinzième arrondissement, la tour Panorama, huitième étage droite et je veux vous signaler un vol. Ma voisine et locataire gardait mes enfants, et elle a subtilisé seize trousseaux de clés avant que je ne l’attrape, la main dans le sac littéralement.
-Très bien, Monsieur, nous faisons au plus vite. »
Mardi 14 février, vingt-trois heures cinquante-deux.
« Clotaire, c’est Sara.
-Mais qu’est-ce qui vous a pris ?! Vous avez failli tout faire foirer ! La voisine que vous avez contacté pour payer votre caution a appelé ma mère quand vous lui avez dit que j’étais dans le coup, et elle m’a questionné pendant une heure et demie ! On aurait pu se faire prendre !
-Je sais, je sais, c’était pas une si bonne idée.
-Ça, pour être une mauvaise idée, c’en était une. Appelez Lars, il court dans tout l’immeuble à votre recherche depuis que les flics vous ont embarquée. Les petites ont fondu en larmes quand je leur ai dit. Katia se prépare à fuir en URSS. Ils pensent tous qu’on va croupir en prison pour les vingt-trois prochaines années.
-Rien de si grave, vraiment. J’ai pleuré un coup et me suis inventé une kleptomanie, ils m’ont lâchée au bout de quinze minutes. Mon bail dans l’immeuble est sérieusement compromis, par contre.
-Tu m’étonnes, qu’il est compromis ! A partir de maintenant, on ne fait plus rien en solo. On fera une réunion d’urgence pour décider de nos hypothèses, et de comment les vérifier sans danger. D’ici là, pas de vagues, c’est compris ?
-Compris.
-Bon. Et ne parlez plus à cet imbécile de Momo. »
Mercredi 15 février, six heures trente-sept.
« Patricia, c’est Christiane. Je... Je suis perdue. Clara... Enfin, tu as parlé à Julie, récemment ? -Eh bien, oui, c’est ma fille tu sais, je lui parle tous les jours.
-Non, mais... Enfin, tu vois quoi ! Elles sont bizarres en ce moment. L’autre jour, j’ai retrouvé un recueil de poèmes dans la poche arrière du jean que Clara a mit au linge sale. C’était écrit en pattes de mouche sur deux ou trois feuilles de cours, mais je crois bien que c’est elle qui les écrit. C’était d’un glauque... Ça parlait d’une jeune femme qui meurt violemment, et d’une adolescente qui est témoin du crime mais ne peut rien dire de peur d’aller en prison car elle achetait de la drogue à la défunte. Je me demande bien ce que cela signifie.
-Tu sais, Clara a toujours été plus perturbée que Julie. Rappelle-toi, en maternelle elle collectionnait les chenilles mortes. Faut pas s’étonner que le meurtre de la petite du trentième la perturbe autant.
-On a toujours voulu cultiver sa sensibilité, mais peut-être que nous sommes allés trop loin. J’ai peur qu’elle ne prenne trop à coeur cette histoire, qu’elle s’implique, tu vois... Et puis, moi aussi, ça me terrifie. Ç’aurait pu...
-Non, ne le dis pas. Ne dis surtout pas que ç’aurait pu être nous, parce que ce n’est pas le cas. Elle est morte dans des circonstances particulières, nous, ça ne nous serait jamais arrivé. Merde, elle a du glisser ou se faire larguer par son petit copain et sauter sur un coup de tête. C’est la première fois que nos enfants voient la mort de si près, alors forcément, ça réveille des choses en eux qu’on ne soupçonnait pas.
-Leur chat est mort l’année dernière, je te signale. C’était un gros coup pour eux. Mais là, c’est vrai que c’est différent. Clara est si... Elle est si perturbée, on dirait qu’elle a perdu toute énergie de vivre.
-Je vois ce que tu veux dire. Écoute, Christiane, on va attendre quelques jours, et ensuite, on interviendra. Surveille tes enfants de près, je surveille les miens. Essaye de la remotiver à vivre, aller au lycée... La vie ne s’arrête pas, pas pour elles.
-Oui. Merci Patricia.
-De rien, Christiane. Au revoir.
-Au revoir. »
Mercredi 15 février, sept heures quarante-deux.
« T’es où ?
-Ça va, deux minutes, je dois déposer la petite du neuvième à l’école et on l’attend depuis dix minutes devant sa porte !
-Oui, eh ben si on arrive encore en retard, on va finir par avoir des problèmes ! Le prof en a marre de nous.
-Moi aussi, j’en ai marre de toi ! Je te dis juste de m’attendre deux petites minutes pour une fois dans ta vie.
-Bon, tu m’énerves, on se voit au lycée. »
Mercredi 15 février, dix heures trente.
« T’es où ?
-Chez moi, et toi ?
-Quoi ? Mais pourquoi ?
-Quoi mais pourquoi quoi ?
-Pourquoi t’es chez toi ?
-Clotaire est pas rentré chez lui hier, sa mère est super inquiète alors j’attends devant chez lui.
-Elle pouvait pas le faire elle-même, sa mère ?
-Oh, écoute Clara, je suis consciente que tu penses que le monde tourne autour de toi, mais sache qu’il y a des gens qui souffrent !
-Je vois pas le rapport.
-Moi non plus. Sa mère avait rendez-vous chez le véto pour stériliser Leeloo. J’avais pas fait mes devoirs d’anglais pour la troisième fois d’affilée, ça nous arrangeait toutes les deux, alors voilà.
-Et la petite du neuvième ?
-Je lui ai donné cinq euros pour qu’elle aille à l’école toute seule et ne dise rien à sa mère.
-Elle a cinq ans !
-Et alors ? Moi, à cinq ans, je lisais Proust et je buvais du café. Elle peut bien aller à l’école toute seule. Les parents sont complètement tarés, de toute façon.
-C’est pas l’oncle et la tante de Zaza ?
-Un truc du genre. Elle habitait chez eux quand elle est arrivée, y a trois ans.
-Ils t’ont rien dit ?
-Ils sont tarés, je te dis. En fait, en montant au neuvième la mère de Clotaire m’a harponnée et m’a suppliée d’attendre qu’il rentre...
-Suppliée ?
-Bon, ok, je me suis proposée. C’est qu’un détail. Tout ça pour dire que je suis montée au neuvième, j’ai sonné, tu m’as appelée, et là ils l’ont balancée devant la porte et m’ont pas décroché un mot sur Zaza. J’avoue que j’avais bien envie de leur demander, parce que c’est pas Clotaire et ses plans tordus qui vont nous amener bien loin. Mais non, ils avaient même pas l’air un peu perturbés.
-C’est louche.
-Nan, je pense que c’est pas des gens de sa famille, en fait. Et puis, c’est que des voisins. Ok, certes ils l’ont accueillie mais ça veut rien dire.
-Peut-être... La cloche sonne, j’dois filer.
-À plus. »
Mercredi 15 février, seize heures vingt-deux.
« T’es où ?!
-Je rentre du lycée, et toi ?
-Encore devant chez Clotaire, je pète un câble. Tu veux pas prendre le relais ?
-Sûrement pas. On a bac blanc de SES demain, pas question que je le foire pour les beaux yeux de Clotaire.
-Aucun rapport.
-Tous les rapports ! On s’en fout, de ce qu’il devient ! On est pas obligés de travailler en équipe ! Ce qui compte, c’est qui a tué Zaza, et pourquoi !
-Calme-toi. Oh, j’entends du bruit, là. Je vais guetter. »
Mercredi 15 février, vingt heures six.
« Vous êtes où ?
-Sur la dalle, j’arrive dans cinq minutes à l’immeuble, pourquoi ?
-J’ai le petit Clotaire en état de choc chez moi depuis hier soir, il serait temps que quelqu’un le trimballe chez sa mère.
-Que s’est-il passé ?
-Il est retourné au cercueil provisoire de Zaza quand j’étais au comico, hier. C’était pas du joli, Lars. Il est sur mon canap’, bec grand ouvert et mou comme un ver depuis minuit et demie.
-Je viens vous aider. »
Mercredi 15 février, vingt-trois heures quinze.
« Vous êtes où ?
-Dehors, je fume un clope.
-Ok. Bon, j’ai eu une discussion avec la mère du petit Clotaire. Je lui ai dit qu’il était allé dormir chez sa copine et était venu dîner chez nous après les cours, et n’avait plus de batterie sur son portable toute la journée. J’ai rajouté qu’il venait de se cogner la tête à un tuyau dans les escaliers, d’où sa tête hébétée. Elle a tout gobé. Quand même, j’espère ne pas être un père aussi crédule pour mes enfants.
-Vous avez des gosses, vous ?
-Deux filles, elles ont vingt ans. Mais elles vivent avec leur mère, à Créteil.
-J’savais pas.
-Et vous, le commissariat ? J’étais inquiet.
-Oh, vous savez, c’était pas grand-chose. Le p’tit Clotaire veut plus que je vole en solo à partir de maintenant. Je suis « intenable », selon lui. Drôle de gamin, vraiment.
-Et Momo ?
-Ah, Momo. Je commence à me dire que c’est lui qui a fait le coup, ou qu’il est au moins impliqué, quoi. J’l’ai vu aujourd’hui, et il était très nerveux. D’habitude, il est détente. On réfléchit pas trop ensemble. Mais là, il bouillonnait. Et vas-y que je tourne en rond, que je tape du pied, que j’me pose des questions avec des mots compliqués comme « statu-quo » et « libre-arbitre »... J’l’ai foutu à la porte.
-Tant mieux. On parle plus à ce Momo tant que tout ça n’est pas réglé. -Vous avez raison. Ma paëlla va cramer, je vous laisse.
-Bonne nuit, Sara. »
Jeudi 16 février, onze heures une.
« Quoi ?!
-Oh, ça va, tu pourrais dire bonjour !
-Tu me déranges en plein cours, raccroche !
-Ben, ne décroche pas si t’es en cours, t’es bizarre toi ! -Et toi, t’as jamais cours ou quoi ?
-Je me repose, moi Monsieur! J’ai dû guetter devant ta porte treize heures d’affilée hier, je te signale. Je passe pas des journées entières à me la couler douce chez les voisins comme toi ou au dixième étage comme ton débile de chat.
-Oh, ça va Causette ! Et ne mets pas Leeloo dans cette histoire. Je te rappelle après. »
Jeudi 16 février, douze heures trente-huit.
« Tu veux quoi ?
-Te demander où t’en es de l’enquête.
-L’enquête, l’enquête... Ça va, Colombo ?
-La ferme, dis-moi.
-Avec Sara, on pense que son mec y est pour quelque chose. Il sortait avec Zaza avant, et elle était au courant des trafics qu’il faisait à son boulot. Enfin, sombre, quoi.
-Je vois. Et on fait quoi ?
-On peut se voir cet aprèm’ pour faire des recherches sur lui ?
-Oui, rendez-vous au CDI à quatorze heures. »
Jeudi 16 février, dix-neuf heures cinquante-neuf.
« Sara ? C’est Momo.
-Ah, désolée mauvais numéro.
-Mais qu... ! »
Jeudi 16 février, vingt heures.
« Sara ! C’est quoi cette histoire.
-Rappelle plus tard, suis occupée.
-Mais ! »
Jeudi 16 février, vingt heures une.
« Sara, maintenant tu vas me dire ce qui...
-Salut. »
Vendredi 17 février, quatorze heures dix-huit.
« Patricia, c’est Christiane. Je prenais le café chez Mireille et Michel, du onzième, quand on a sonné à la porte – un certain Mohammed. Il cherchait la petite Sara, la voisine du second étage. Je lui ai donc dit gentiment qu’elle était en cours, mais il m’avait l’air bien angoissé. Et comme il n’acceptait pas que je le remette à sa place, il m’a dit : « Madame, si vous saviez ce que vos filles font dans votre dos ! ». Je suppose qu’il parlait de Clara et Julie, alors j’ai appelé ma fille qui s’en est défendu – non, je n’ai rien avoir avec cette homme, je sais pas qui c’est, de toute manière tout ce que tu sais faire c’est envahir mon espace personnel. Enfin, tu vois le genre, crise d’ado typique. Je ne me suis pas fait de souci jusqu’à ce que j’entre dans sa chambre pour déposer son linge, et son ordi était ouvert sur la table – bon, certes, je l’ai peut-être ouvert, et alors ? Elle a quinze ans, la vie privée, c’est pour plus tard. Bref. Elles s’envoient des messages sur... des rendez-vous avec Clotaire, du troisième étage, des rendez-vous en pleine nuit, elles en sortent paniquées et... Et je crois que, je crois qu’elles se droguent et que Clotaire leur vend de la cocaïne ! Elles ont tous les signes ! Pupilles dilatées, panique, grosse déprime quand elles redescendent... C’est grave, Patricia ! Rappelle-moi au plus vite ! »
Vendredi 17 février, vingt-deux heures douze.
« Madame Katia ? C’est monsieur Lars, l’ami de Sara. -Oui ?
-On ne s’est pas encore trop parlé pour l’instant, mais je voulais vous tenir au courant de la situation. Pour l’instant, Sara pense que son copain Momo est dans le coup.
-Le grand brun ? Il est venu toquer aux portes de tout le monde à sa recherche hier. Il m’a insultée de « Потаскуха », quand j’ai pas voulu lui dire où Sara était. Ça veut dire salope, en français. Je sais même pas comment un imbécile pareil est capable de parler russe. Je lui ai donné un coup de pelle – je plantais des tomates sur mon balcon – après, mais ça a pas eu l’air de l’arrêter. Enfin, il était sacrément sonné, quand même. Comment cette petite, si débrouillarde et jolie, peut se retrouver avec un vieux croûton comme lui ?
-Un des mystères de Sara, madame Katia. Toujours est-il qu’il faudrait que je sache si vous avez quelque chose sur lui.
-Eh bien, oui, une fois par semaine il a rendez-vous au café qui va bientôt fermer, en bas, sur la dalle. Les pauvres, c’était le seul commerce du Front de Seine qui fonctionnait encore depuis Beaugrenelle, et puis ils ont fait faillite. Enfin, il a rendez-vous là avec le propriétaire de l’immeuble, et il va toujours chez Sara après. Depuis l’histoire malheureuse de mademoiselle Zaza, ils y vont plus. Je sais pas quoi en penser. Mais vous dites pas que je vous l’ai dit, hein ?
-Non, non, surtout pas. Vous pensez que les rendez-vous étaient liés à Zaza ? -Pas forcément. Je peux pas parler plus longtemps, la pub est presque finie. -Que regardez-vous ?
- « Faites entrer l’accusé ». A plus tard.
-Au revoir. »
Samedi 18 février, six heures une.
« Non.
-Quoi ? Allô ? C’est Clotaire !
-Non, non, non, petit ! Tu peux pas m’appeler à six heures du mat’ un samedi ! Surtout si c’est pour me parler de cadavres et autres « glauqueuries » !
-Le cadavre sera là à six heures du mat’ ou à minuit et demie, et on peut rien y faire. Enfin, si, on peut aider à mettre Momo derrière les barreaux.
-Ah, parce que c’est lui le suspect numéro un, dans la tête de Détective Clotaire ? -Je croyais que c’était évident.
-Ça l’est pas. Tu commences à me courir sur le haricot, Clotaire. J’vois pas pourquoi Momo serait le seul coupable ! Le proprio aussi, a peut-être balancé Zaza du haut du trentième étage ! Ou peut-être que c’est toi, ou peut-être que c’est ta saloperie de chat...
-Pas Leeloo !
-...ou peut-être que c’est tes copines Clara et Julie, ou peut-être que c’est la vieille du douzième, on en sait rien ! Alors arrête de faire des plans sur la comète, et fous-moi la paix. Salut.
-Sara ! »
Samedi 18 février, treize heures cinquante.
« Clara, c’est Julie. T’as fait le DM de maths ?
-Bonjour, Julie. Ça va, Julie ? Oui, et toi Julie ? Voilà, on peut commencer la conversation.
-Fais pas ta mijaurée, ça fait six ans qu’on se demande plus comment ça va.
-C’est une raison pour être désagréable ?
-C’est toi qui l’est, là. Y a un problème, peut-être ?
-Pour sûr que y a un problème. Tu m’appelles comme ça, tu me pompes mes devoirs, comme d’habitude, et après tu t’étonnes que j’ai pas envie de parler.
-Mais qu’est-ce qui te prends ?
-Il me prend que j’en peux plus de tes conneries ! Tu sèches les cours, tu découvres des cadavres, tu me pousses à mentir à ma mère, et par-dessus le marché, maintenant elle pense que je me pique à l’héro et que Clotaire me fournit du LSD ! C’est n’importe quoi, j’ai clairement pas signé pour ça. Alors, tu m’excuseras, mais j’ai pas envie d’être responsable de ton échec scolaire et de ton futur séjour en centre de désintox. A plus.
-Tu sais pourquoi tu me dis tout ça, Clara ? Parce que t’es qu’une trouillarde. C’est vrai ! T’as toujours peur de tout ! Qui est-ce qui va en premier quand on marche dans un tunnel sombre ? Qui tue les araignées dans ta chambre ? Qui achète des cigarettes et de la drogue pour toi ? Qui trouve des techniques de tricherie en cours pour que tu te fasses pas remarquer ? Et pour tout le reste, qui fait tous nos plans de soirée, week-end et vacances ? Qui demande aux parents pour sortir ? Qui va vérifier, tous les deux jours, si le cadavre de Zaza est toujours là ? C’est moi ! Moi ! Moi et toujours moi ! T’es là que pour m’engueuler et me dire que je fais les choses mal, mais je vais te dire un truc Clara, je fais les choses mal parce que je les fait pour deux personnes au lieu d’une seule ! A plus, rappelle-moi quand t’auras décidé de te comporter en adulte. »
Dimanche 19 février – pas d’appel.
Lundi 20 février, trois heures dix.
« Quoi ?
-C’est Momo, je suis au métro. -Momo... Mais ? Quel métro ?
-Émile Zola. Un putain de flic m’a enlevé mes derniers points de permis ce soir, j’peux pas rentrer chez moi. Viens me chercher....
-Non, Momo. Rentre chez toi, va chez un copain, mais t’approches pas. -Et pourquoi ?
-Déjà, parce que t’as bu de l’alcool, et tu sais bien que je le supporte pas. Ensuite, j’veux pas voir de meurtriers.
-Alors c’est donc ça. Tu penses que j’ai tué la petite Zaza. Et tu voulais pas me voir parce que t’as pas le courage de me le dire en face.
-C’est pas une histoire de courage, Momo, et tu le sais bien. C’est juste que ça me brise le coeur de penser que j’ai pu tomber amoureuse de quelqu’un qui commettrait une horreur pareille, et qui aurait pu me faire la même chose.
-Jamais j’aurais fait ça, ni à toi, ni à cette idiote de Zaza ! Si tu devais t’inquiéter, regarde plutôt en face de toi. Il te l’a pas dit, mais ton nouveau pote Lars connaissait aussi bien Zaza que moi, si c’est pas mieux ! J’croyais que t’avais zappé tes idées morbides de meurtre, alors je t’en ai pas parlé, mais il a les mains sales, lui aussi. J’ai perdu mon travail, aujourd’hui. La police est venu me poser des questions sur Zaza et en ont profité pour fouiller dans mon ordi. Ils ont découvert mes trucs. Et maintenant, j’ai plus de travail, trois gosses en bas âge à la maison, dont un qui a besoin de soins hospitaliers qui coûtent un rein, une femme que j’ai trompé avec une nana qui est morte et enterrée dans le placard de la nana avec qui je la trompe maintenant, et toi, toi qui pense que j’ai que ça à faire de balancer Zaza par-dessus bord. Toi qui pense que j’aurais ce courage – c’est flatteur et terrifiant.
-Momo...
-Zaza et toi, vous m’avez gâché la vie. Et j’espère que tu chercheras plus loin que l’bout d’ton nez, que tu traverseras le couloir pour aller voir celui chez qui t’es jamais allé mais qui est allé mille fois chez toi, et que tu découvriras enfin la vérité. Salut, Sara.
-Mais comment tu vas rentrer chez toi ?
-J’vais m’débrouiller. J’me débrouille toujours. »
Lundi 20 février, onze heures vingt-neuf.
« Allô ?
-Lars, c’est Sara.
-Je sais, votre nom s’affiche sur mon écran.
-Peu importe, vous m’avez menti... Euh, je veux dire, comment allez-vous ?
-Je vous ai quoi ?
-Rien, ma langue a fourché. Attendez une seconde. (étouffé) Quoi, Momo ?! Oui, ben ça va, je vais lui dire ! Je prends mon temps. Y a pas l’feu.
-Vous êtes avec quelqu’un ?
-Du tout, je parle à Minouche. Comment ça va, Lars ?
-Bien, et vous ? Vous semblez tendue.
-Oh, non, tout va bien.
-Ah oui ?
-Oui. J’ai... J’me demandais si vous aviez avancé un peu du côté de Momo.
-Non, rien de nouveau depuis ce week-end, mais on devrait pas tarder à appeler la police. Je ne sais pas combien de temps le cadavre restera en décomposition, comme ça.
-Vous avez raison, oui, oui....
-Je me permets d’insister, vous avez l’air préoccupée. (murmures inaudibles)
-Vous avez parlé, Sara ? Qui est avec vous ?
-Vous savez quoi, Lars ? Ouais, j’suis un peu tendue. Ou préoccupée. Enfin, ça va pas super. Une source... (étouffé) Arrête, Momo ! Une source m’a dit que vous étiez pas tout blanc dans cette affaire. Qu’il paraît que vous connaissiez Zaza plus que vous l’dites. C’est vrai que j’vous ai jamais demandé si vous la connaissiez, en fait. C’est p’tet’ ma faute si, maintenant, vous m’avez fait accusé mon fiancé de meurtre alors qu’il avait rien à voir là-d’dans.
-Quoi ? Je ne comprends pas.
-Lars, vous connaissiez Zaza.
-Oui, je... Enfin, c’était une voisine, quoi.
-C’est faux. Moi, j’suis vot’ voisine. Elle, c’était plus que ça.
-Mais non !
-Mais si !
-Mais qui vous a dit ça ?
-Mais Momo !
-Mais vous avez continué à lui parler ?
-Mais bien sûr !
-Mais pourquoi ?
-Mais parce que je l’aime ! Et parce que vous me mentez. (étouffé) Ça va, Momo, la ramène pas.
-Mais vous êtes avec lui, actuellement ?
-Mais oui ! Et il m’a tout dit ! Enfin, non, c’est pour ça que je vous appelle en fait. On sait pas comment vous la connaissez.
-Alors, c’est moi l’ennemi maintenant ? Vous êtes vraiment parano, Sara. Zaza a fait le ménage chez moi avant Madame Katia, quand elle est arrivée dans l’immeuble, et chez les gens du quatorzième étage, aussi, rien de plus. Je la croisais à peine. À peine, Sara.
-Mais vous saviez qui elle était ! Pourquoi vous l’avez pas dit ?
-J’en voyais pas l’utilité.
-Mais l’utilité pour fouiller dans ma vie amoureuse, elle était là. Vous êtes un porc.
-Arrêtez, Sara. Écoutez, vous avez épuisé toute ma pause du midi avec vos conneries. On se parle plus tard. »
Lundi 20 février, vingt heures seize.
« Allô, Clotaire ? C’est Sara. J’te dérange pas ?
-Non, je regarde une rediff’ de Secrets d’histoire sur Napoléon, c’est fascinant. Saviez-vous qu’il était né sur un tapis, et que...
-C’est pas que ça m’intéresse pas, ces histoires de tapisserie, mais on a un gros problème. -Comment ça ?
-Lars connaissait Zaza, et d’après Momo « mieux que lui-même la connaissait ». Et Momo a été innocenté.
-Par qui.
-Moi.
-Que c’est objectif... Allez-y, je vous écoute.
-Bon, y a eu de nouveaux éléments, mais en gros, il a un alibi. Lars, en revanche, nous a caché son histoire avec Zaza. Je pense qu’ils avaient une liaison.
-Tout le monde semble avoir une vie amoureuse palpitante dans cet immeuble maudit, et dans ce front de Seine pourri, sauf moi. Mais continuez, je vous en prie.
-Bref, je crois qu’il a découvert qu’elle fricotait avec Momo et il a pété un câble. C’est que c’est une armoire à glace, le Lars, un mètre quatre-vingt-douze pour cent-dix kilos, j’irais pas l’emmerder, moi.
-J’ai bien vu, il fait plus d’ombre que les tours avoisinantes.
-Ou bien, il nous cache encore plus de choses. Parce que j’ai appris récemment qu’il avait deux filles, et ça j’en savais rien.
-Notez qu’il n’est pas obligé de tout vous dire.
-Ouais, mais là c’est important. On devrait changer de cible.
-Puisque vous le dites.
-Bien. J’te laisse, mon chat crie famine.
-Au revoir, Sara. »
Mardi 21 février, neuf heures treize.
« Qu’est-ce que tu veux ?
-Tout doux, la tigresse ! Je voulais m’excuser.
-C’est bien de s’excuser soi, encore faut-il que je te pardonne si tu me présentes tes excuses.
-Oh, ne joue pas sur les mots. Je te demande pardon, voilà, pardon Julie.
-Pardon pour quoi ?
-Pour mon comportement. Ça me monte à la tête le meurtre de la voisine. J’ai juste envie de savoir qui a fait ça. Ça m’a stressée, et j’ai tout rejeté sur toi. Désolée.
-T’en fais pas. C’est pas net, ce truc. Et en parlant de ça, Clotaire m’a envoyé un SMS pour me dire qu’on se rejoignait ce soir avec tout le monde pour discuter des nouveaux éléments de l’enquête. Au quinzième, dans l’appartement abandonné. A vingt-trois heures.
-Ok, j’y serais. On prend un café après les cours ?
-Bien sûr. Je suis désolée de t’avoir parlé comme je l’ai fait.
-Tu as eu raison. Ah, et Julie ?
-Oui ?
-Je te ramènerai mon DM de maths cet aprèm’.
-Je t’aime aussi. »
Mardi 21 février, dix-huit heures trois.
« Allô ?
-Katia, c’est Clotaire. On se réunit ce soir pour parler de l’avancement de l’enquête. -Je vous ai dit, je ne veux pas...
-Oui, mais vous n’avez pas le choix. Et vous le savez. Alors retrouvez-nous ce soir, vingt-trois heures, au quinzième étage.
-Mais...
-À ce soir. »
Mercredi 22 février, trois heures quinze.
« Moui ?
-Madame Katia ? C’est monsieur Lars. J’ai vu que votre porte d’entrée était ouverte, je l’ai fermée pour vous. Je voulais juste vous prévenir.
-Qu... Quoi ? Comment ça ? Vous êtes entré chez moi ?
-Mais non ! Je travaillais tard, et en rentrant j’ai vu votre porte ouverte.
-J’habite au troisième étage.
-Je... Oui, je...
-Ne m’approchez plus, Monsieur. Vous devriez avoir honte. Je ne serais pas votre prochaine victime !
-Attendez ! »
Mercredi 22 février, quinze heures douze.
«Clotaire, c’est Julie.
-T’es vraiment une tête de nœud.
-J’ai encore rien dit !
-Oui, mais je sais que t’as fait une connerie.
-Du tout, j’ai fait des recherches sur Lars, je voulais passer par toi avant de les transmettre à Sara.
-Vas-y, balance.
-C’est très étrange, de chercher son nom sur Internet.Tu sais combien de Lars W. il existe dans le monde ? Des millions. J’ai dû aller au fin fond des registres d’une commune minuscule dans le Mecklembourg en Allemagne pour finalement trouver son histoire – du moins, le début. Ivan Lars W. est né le 5 mai 1965 à Barnekow d’un père russe et d’une mère allemande. Il a passé son enfance là-bas avant d’obtenir son Abitur après avoir redoublé deux fois. Ensuite, mystère. J’ai pas réussi à tracer sa trajectoire, mais on le retrouve dix-sept ans après, marié à une Française, père de jumelles. Il a commencé à travailler à la SNCF en 2000. Chômage avant, je suppose. Ils ont divorcé presque à la naissance de leurs filles, mais c’est pas le plus intéressant ; déjà, il a changé de prénom entre temps et totalement effacé Ivan de son identité. Ensuite, il partait d’un casier vierge en Allemagne, à un passage de sept ans en prison dans la période où j’ai perdu sa trace. Le pire, c’est que ce n’est même pas précisé pour quelle raison il a croupi aussi longtemps. Et c’est louche qu’il ait réussi à dégoter un travail de fonctionnaire après une peine aussi lourde. Ses filles ont changé leur garde à l’âge de dix ans pour vivre avec leur mère exclusivement – j’ai trouvé des photos de leurs dernières vacances ensemble, c’était quand elles avaient douze ans, elles tenaient un blog toutes les deux, et leurs profils sur Facebook ne font pas état de quelconques vacances en famille par la suite. Y a même une photo d’elles avec leur beau-père qu’elles appellent Papa. Je crois qu’il est très seul, mais je ne sais pas pourquoi.
-Et Sara pourrait en savoir plus, selon toi ?
-Ça m’étonnerait. Hier, elle nous a dit qu’avant la semaine dernière, elle ne savait même pas qu’il avait été marié. Il est très secret, mais ça cache quelque chose.
-Ça ne fait pas de doute. Il faudrait que quelqu’un réussisse à le faire parler sur ces sept ans de trou.
-Katia, peut-être ?
-Non, elle l’a rembarré salement la nuit dernière, c’est bizarre si elle revient vers lui maintenant.
-Tu parles, elle est super gentille, elle s’excuse et basta. Ils font ami-ami, elle l’attendrit avec ses histoires de Staline, et ensuite ça se raconte son passé d’immigré d’Europe de l’Est.
-À creuser. Je vais en parler avec Sara, mais elle risque pas d’être d’une grande aide. Elle va dramatiser, tu la connais.
-C’est clair.
-Dis, t’aurais pas vu Leeloo ? On l’a perdue depuis deux jours, ma mère pense qu’elle fait une dépression.
-Non, désolée. J’ai déjà du mal à suivre mon propre frère, alors ton chat...
-Bon, merci quand même. On se parle bientôt. »
Mercredi 22 février, seize heures trente-six.
« Clotaire ! C’est Maman !
-Ne crie pas !
-Toi non plus ! Comment va, mon sucre d’orge ? -On s’est vus il y a cinq minutes, Maman.
-Oui, mais tu me manques déjà.
-Je dois travailler.
-C’est bien, mon fils. Pour tout te dire, je suis un peu inquiète pour toi en ce moment. Les deux voisines un peu névrosées, les mamans de tes copines Clara et Julie, elles m’ont raconté une sombre histoire de drogue, de réseau, de rendez-vous nocturnes... Rassure-moi, Clotaire, tu ne drogues pas tes amis ?
-Maman !
-Je demande, c’est tout ! Attention au sida, mon fils. Le grand garçon du seizième étage est bouffé par cette connerie, et il raconte à qui veut bien l’entendre qu’il est malencontreusement tombé sur une seringue dans un square. À dormir debout, ce type.
-Ne m’appelle plus. »
Jeudi 23 février, dix-neuf heures vingt-sept.
« Allô ?
-Monsieur Lars, c’est madame Katia. Je voulais m’excuser pour la nuit dernière, je me réveillais tout juste d’un cauchemar, et j’ai pris peur. Vous savez, ça me hante, cette gamine morte.
-Je sais, moi aussi.
-Rarement j’ai vu une telle violence, je... J’en rêve la nuit. Ses yeux révulsés... Et elle était si jeune. Elle me fait penser à ma nièce, là-bas, en Russie. Elle a que vingt ans. Vingt ans. Une vie si courte.
-C’est terrible.
-Et vous, vous avez une famille ?
-Oui, j’ai deux filles, mais elles sont grandes. Vingt ans aussi.
-Des jumelles ! J’ai moi-même un frère jumeau, Ivan.
-...
-Et, eh bien, nous sommes très proches. Enfin, pas physiquement, puisqu’il est resté en Russie, et moi je suis ici. Mais en grandissant, on était comme les doigts de la main. C’est particulier, les jumeaux. On est comme une seule personne. Jamais l’un sans l’autre. On a beau se débattre, lutter, on ne sera que la partie d’une même âme toute notre vie... Pardon, je divague.
-Oh, non, je vous en prie. J’ai toujours voulu comprendre le lien qui unissait mes deux filles.
-Ivan et moi, c’est comme de la magie. Quand il a mal, je le ressens. Il y a deux ans, il s’est cassé le bras à l’usine, et je l’ai su au moment même où l’os se cassait en deux. Je l’ai appelé et il était dans l’ambulance, c’est fou.
-Il travaille à l’usine ?
-Oui. Sidérurgie. Je viens d’un petit village, là-bas on a senti passer le changement de gouvernement il y a vingt ans.
-Je... j’ai fui l’Allemagne de l’Est quand j’avais vingt ans, je vois ce dont vous parlez.
-Ah oui ? Vous veniez d’où ?
-Du Nord. J’ai vécu toute mon enfance là-bas, et puis, une fois le bac en poche, j’ai entrepris de fuir. J’ai mis sept mois à arriver à Paris. De là, j’ai construit ma vie, toujours au front de Seine. Tout a changé, l’Allemagne, la France, le monde, ce quartier, tout sauf moi.
-Je comprends ce sentiment. L’impression d’avoir amené un bout de votre pays avec vous et de ne pas avoir réussi à vous en défaire. Le travail m’a aidée à m’intégrer, c’est vrai, mais je me sens seule tout de même. L’autre soir, j’étais au dix-septième pour chercher le chat de la voisine, et je pensais à l’époque où Zaza m’aidait à faire tout ça. On parlait beaucoup, au moment où elle faisait les ménages chez vous et...
-Je suis désolé, je dois y aller. Au revoir.
-Attendez ! »
Vendredi 24 février, dix heures trente.
« Allô ?
-Katia, c’est Clotaire. Je voulais prendre des nouvelles de votre discussion d’hier avec Lars.
-Eh bien... Il n’a pas été très loquace. J’ai essayé de le remuer sur le prénom Ivan, l’immigration... Il m’a un peu parlé de son pays et de son arrivée, mais rien de vraiment nouveau.
-Merde. Quelle tombe, ce type – sans mauvais jeu de mot.
-Vous avez raison. J’ai l’impression qu’on s’enfonce petit à petit.
-Moi aussi. Pourtant, ce serait tellement plausible que ce soit lui. J’ai un pressentiment.
-Je comprends, mais il ne faut pas trop vous attacher à des hypothèses. Il serait peut-être temps d’appeler la police.
-Pas encore. Pas encore.
-Mais si on a innocenté le fiancé de mademoiselle Sara, pourquoi garder le cadavre caché ?
-Il faut encore qu’on trouve une solution pour que Clara et Julie n’aient pas de problèmes avec la drogue. Et si c’est Lars le coupable, on pourra leur montrer toutes nos preuves.
-Je ne suis pas convaincue.
-Je ne vous demande pas de l’être, simplement de me faire confiance.
-Très bien. Je vous fait confiance.
-Merci. Au revoir, Katia.
-Au revoir. »
Vendredi 24 février, vingt-et-une heure trente-et-un.
« Christiane, c’est Patricia.
-Salut, Patricia. Comment va ?
-Formidable. J’ai retrouvé les patins à roulette de Thibaud dans le hall, je te les rends demain ? -Oui, merci. Comment va Julie ?
-Oh... Pas trop mal. Mais j’ai repensé à ce que tu m’as dit l’autre jour, et je ne sais pas si tu avais raison, mais je sens aussi qu’elles mijotent quelque chose, et... Je ne suis pas tranquille.
-Dis-moi à quoi tu penses.
-J’ai vu qu’elles échangeaient avec Sara, la voisine du deuxième, et Lars, l’Ukrainien – ou le Tchétchène, je ne sais plus – taciturne qui habite en face de chez elle. Tu vois où je veux en venir.
-Non... ?
-Eh bien, il vient de l’Europe de l’Est. Région du monde réputée pour le peu de soin apporté aux jeunes femmes. Et nos filles sont très belles mais surtout très naïves. Ça ne m’étonnerait pas qu’il ait réussi à les embarquer avec cette Sara dans une histoire de prostitution.
-Comment !
-Mais oui ! Réfléchis : Sara, étudiante en droit, ne pose plus un pied à la fac depuis deux semaines. Elle reçoit des visites de quarantenaires louches dans son appartement en pleine nuit, et l’autre jour je jurerai avoir vu le beau voisin du dix-huitième étage lui donner du cash dans le hall ! Si elle a vendu ça aux filles, il y a des chances qu’elles usent de leur corps pour avoir de l’argent qu’elles reversent à Sara et Lars mais utilisent aussi pour acheter de la kétamine à Clotaire !
-Mais oui, mais c’est bien sûr ! Tu as raison ! Oh mon Dieu, Patricia, qu’allons-nous faire ! Nos bébés vont mourir du sida avant même d’avoir leur bac !
-Le sida ?
-C’est la mère de Clotaire qui m’a dit qu’il l’avait sûrement attrapé, ça m’étonnerait pas qu’il leur ait refilé, sale comme il est.
-Tu as raison. Oh, Christiane, qu’avons-nous raté ? Qu’avons-nous fait ?
-Je ne sais pas... De plus, ce ne serait pas étonnant, puisque tout le quartier du front de Seine est bardé de riches diplomates. Les connaissant, elles ont compris le système pour se faire beaucoup d’argent. Écoute, je vais chercher sur Google « que faire quand ma fille se prostitue ? », et je t’appelle pour te dire ce que je trouve.
-Merci... Oh, je me sens si bête !
-Mais non, nous allons nous en sortir, ensemble.
-Oui... À plus tard.
-Au revoir, ma belle. »
Samedi 25 février, midi dix.
« Clotaire, c’est Lars. Il faut que tu arrêtes les conneries. -Bonjour Lars, comment allez...
-Pas de conneries avec moi, petit ! J’ai compris ton petit manège.
-Quel manège ?
-Monter tout le monde contre moi pour tenir le coupable idéal. Tu crois que je ne remarque rien ? Que je ne vois pas que Sara m’ignore alors qu’elle me disait tout avant ? Qu’elle était ma seule amie, et qu’à présent je suis totalement seul ? Que tu as envoyé Katia me tirer les vers du nez, et qu’il y a dix minutes elle s’est planquée dans la cage d’escaliers quand je l’ai saluée en rentrant du marché ? Alors, tu vas arrêter tes machineries, et me foutre la paix ! Zaza ne reviendra pas si tu trouves qui l’a tuée ! Elle est morte, et ce pour toujours ! Morte !
-Expliquez-moi pourquoi vous n’avez dit à personne que vous la connaissiez. Pourquoi Sara, qui vous « dit tout », comme vous le présentez, ne sait rien de vous ? Pourquoi vous avez un trou de dix-sept ans dans votre existence ? Pourquoi vous avez changé de nom ? Pourquoi vous avez fait de la prison ? Pourquoi vos filles vous fuient ? Pourquoi vous vous êtes infiltrés chez Katia, l’autre nuit ? Pourquoi vous vouliez éloigner Sara de Momo ? Hein ? Pourquoi ?
-J’n’ai de compte à rendre à personne.
-C’est faux, et vous le savez bien. Pour que ça fonctionne, nous tous, on se doit l’honnêteté totale. Et vous êtes d’une mauvaise foi alarmante.
-Quel Marseillais tu fais ! J’ai choisi de rester discret, est-ce de ça que l’on m’accuse aujourd’hui ? -Absolument ! Et du meurtre brutal d’une jeune femme de vingt-quatre ans à peine, accessoirement.
-Eh bien tu seras ravi de savoir que je n’ai rien à cacher. Sara ne sait rien, parce qu’elle n’a jamais demandé. Personne ne demande jamais. Personne ne veut jamais savoir rien d’autre que ce qui attrait à sa petite personne, dans ce maudit immeuble. Le nom, c’est parce qu’il me venait de mon grand-père ayant collaboré avec le régime de Staline, et je ne pouvais pas le supporter. J’ai choisi Lars par souci d’éthique. Le trou de dix-sept ans, c’est parce que je me planquais du gouvernement de RDA qui me traquait, comme tous les autres Allemands de l’Est ayant fait le choix de fuir la dictature et le communisme. Planqué dans ce putain d’immeuble, n’allant que du travail – payé au black – à chez moi, où ma femme, qui ne comprenait pas ma peur parce qu’elle a vécu à Paris toute sa vie, m’attendait pour que l’on se dispute une énième fois. Quand ils ont fini par vaciller, je suis allé manifester pour la liberté de mon peuple, et dans la débâcle, j’ai balancé une bouteille sur un policier qui est tombé dans le coma durant six mois. Comme on suspectait toute attaque soviétique à l’époque, ils m’ont foutu au trou durant sept longues années. Quatre murs, deux hommes, mon crâne et mes pensées durant sept ans. À la sortie, tout avait changé, et je ne m’étais jamais senti aussi étranger. Rien n’était pareil, ni en France ni en Allemagne, ni nulle part ailleurs. C’est long, sept ans. D’une longueur insoutenable, que les mots peuvent pas exprimer. Cet immeuble, tout ce quartier qui me bouffait, je l’ai retrouvé avec ma femme qui faisait encore plus la tronche qu’à mon départ en prison. Alors, vite, on s’est séparés. Les filles vivaient un peu chez moi, un peu chez elle. Vie de bohème que je leur enviais. Mais un jour, ma femme a fini par leur dire la vérité : elles avaient été conçues quand j’étais encore en prison. Je n’étais pas leur vrai père. Au lieu de les déchirer comme ça a été le cas pour moi, la nouvelle les a poussées à fuir loin de moi, au plus vite. Je ne les vois presque plus, aujourd’hui. Qu’est-ce que vous voulez que je dise à Sara ? Que je suis un vieil homme orphelin de ses propres enfants, sans patrie ni famille, et que sa présence m’apporte une joie et une amitié que j’n’avais pas connu jusqu’à aujourd’hui ? Pour finir en prison pour harcèlement, non merci.
-Ça n’explique pas votre relation avec Zaza.
-Tu n’en n’as jamais assez ! Tu veux la vérité ? Avant que Zaza ne vienne faire le ménage chez moi, j’étais incapable d’écrire ou de lire un mot de français. A la SNCF, je trie des bagages et je conduis une camionnette toute la journée, pas besoin d’être un génie pour faire ça. Alors quand Zaza est venue, elle a vu la pile monstrueuse de courrier dans mon appartement, et elle m’a aidé à tout déchiffrer. Elle m’a appris à lire et écrire durant trois longues années, et je la payais plus que de raison pour la remercier. C’était une fille exceptionnelle. Un être hors-du-commun, tellement généreuse qu’elle... Je suis désolé. Je ne peux plus parler d’elle. C’est trop.
-Je... Je ne sais pas quoi dire.
-Alors ne dis rien, Clotaire. Ne dis plus jamais quand tu ne sais pas. Arrête de penser que tout est simple, binaire et linéaire. Tu es si jeune... Dix-sept ans. Dix-sept années de vie derrière toi, et tu es pourtant si sûr de tout savoir. Cette certitude détruit tout sur son passage. Alors calme-la. Apaise-la en la nourrissant de savoir, de ce que tu regardes et vois chaque jour. La meilleure des sagesses est le silence, petit Clotaire. Ne le négliges pas.
-...
-Quant à moi, je te dis au revoir pour l’instant. Toute cette histoire m’a bien trop blessé, et il faut que je me repose. Je reviendrais vers vous après m’être mis à l’écart quelques temps, pour mettre la lumière sur l’horreur qui a tué ma Zaza. A bientôt.
-(chuchoté) Au revoir, Lars. »
Samedi 25 février, vingt-deux heures quarante-huit.
« Lars, c’est Sara. Je... Je sais que vous ne répondez pas, et j’sais pourquoi, j’ai parlé au petit Clotaire, mais je voulais que... Que vous sachiez que je suis désolée. J’ai pas l’don des mots, comme vous aurez pu le remarquer, mais j’crois que là, j’ai gaffé. J’étais aveugle avec cet imbécile de Momo. J’sais bien que vous vouliez me protéger, à votre façon. Merci. J’suis désolée du mal que j’vous ai fait. J’voulais aussi vous dire que j’ai fait des tartes à la myrtilles pour l’anniversaire des gosses du dix-neuvième étage, et que j’vous en ai gardé une entière pour vous. Voilà. Passez la prendre quand vous voulez. À très vite. »
Dimanche 26 février, onze heures.
« Clotaire ?! C’est Clara et Julie ! On est au vingtième, y a une fête post-messe des voisins de droite – ceux qui votent Sarkozy, je veux dire – c’est totalement dingue, tu devrais venir !
-C’est quoi ce bin’s... Je suis chez moi avec Leeloo, elle a chopé le sida, je crois. Je dois la veiller jusqu’à sa dernière heure.
-Laisse tomber la chatte, viens à la fête des gens de droite !
-Bon, j’arrive. Y a de l’ostie ?
-Des tonnes ! De quoi purifier tes péchés sur sept générations !
-Super, j’arrive. Je prends Leeloo, ne vous étonnez pas si vous voyez un chat avec une collerette. »
Dimanche 26 février, vingt-trois heures quinze.
« Sara, c’est madame Katia. Je n’arrive pas à dormir.
-Ma pauvre, j’ai eu ce même problème quand j’avais un ongle incarné, une horreur. Je suis sacrément grognon quand j’ai pas ma sieste du dimanche.
-C’est pire que ça. Je me baladais sur la dalle, cet après-midi, et j’ai vu ce pauvre Lars assis dans un sous-sol, en face de bacs à fleurs vides, il regardait au loin en jetant du pain à des pigeons rachitiques. Je me sens monstrueuse.
-Ah, ça... vous savez, il est fort, Lars, il reviendra.
-J’ai surtout le sentiment d’avoir été d’une immaturité que je n’avais pas connu depuis des décennies. C’est sûrement l’influence des petites Clara et Julie.
-Ça vole pas très haut avec elles. On a prit un thé chez moi l’autre jour, elles ont passé une heure à décrire leurs chaussettes préférées. J’ai du mal à les comprendre, parfois.
-Un mystère. Je suis étonnée que ce soient elles qui soient les plus impliquées dans cette affaire.
-Comment ça les plus impliquées ? J’ai perdu mon mec et mon meilleur pote pour cette Zaza, je vous signale.
-Non, non, mais ce sont elles qui l’ont trouvée. En soit, elles en savent plus que nous tous réunis. -Elles en savent plus que nous tous...
(silence)
-Vous avez pensé à la même chose que moi ?
-Je crois que oui, Sara. Je crois que... On avait la réponse sous le nez depuis le début, et qu’on a rien vu !
-Vous pensez... ?
-Et vous, vous croyez.... ?
-Peut-être que...
-Ou sûrement qu’elles....
-Oui, c’est sûrement ça....
-Ou bien alors...
-À qui le dites-vous.
-Il faut que l’on contacte Clotaire.
-Dormons, d’abord. Tout ceci n’a aucun sens.
-C’est bien vrai. La nuit porte conseil. On verra demain. -À demain, alors.
-Oui, à demain. »
Lundi 27 février, six heures une.
« Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire Clotaire, joyeux anniversaire ! -Tu ne dors donc jamais ?
-Si, tellement que je suis défaillante dans presque toutes les matières à la fac.
-Il n’y a pas de quoi être fière.
-J’aime vivre dangereusement. Bon anniversaire, petit.
-Mon anniversaire est en octobre, ignoble monstre.
-... C’est presque pareil. En fait, pour tout te dire, j’avais un sujet brûlant à aborder avec toi.
-Écoute Sara, je sais qu’on s’entend bien, mais...
-Calme tes hormones, le pré-ado. Je veux te parler de Clara et Julie.
-Et tu as le culot de m’appeler le pré-ado avant d’aborder le sujet du fan-club numéro un dans toute l’Europe de boys-bands farfelus et autres rappeurs à minettes...
-Toujours est-il qu’elles sont peut-être plus sombres qu’on ne le pense. -Et pourquoi donc ?
-Ce sont elles qui ont trouvé le cadavre en premières, n’est-ce pas ? -Oui.
-La nuit où elles avaient « rendez-vous » avec Zaza pour lui acheter de la drogue ? -Et donc ?
-Laisse-moi développer. Et si elles savaient parfaitement que Zaza était planquée dans un placard parce qu’elles ont fait le coup elles-mêmes ? Peut-être que Zaza allait tout balancer à leurs parents et qu’elles ont paniqué et l’ont balancée par la fenêtre de son appartement, avant d’aller la ramasser et la cacher. Et qu’au dernier moment, elles ont paniqué et nous ont contactés.
-...
-Alors ?
-Ce qui m’effraie, c’est que ça se tient. Mais ce n’est pas un peu parano ?
-Je ne pense pas, c’est Katia qui m’a parlé de cette théorie, et c’est elle qui est restée la plus rationnelle entre nous tous, pour le moment.
-C’est sûr que tu ne peux pas en dire autant.
-Restons zen, concentrons-nous sur l’essentiel. Il est possible qu’elles nous aient menti depuis le début.
-Possible seulement. Ne nous emballons pas, je vais appeler Julie, elle est incapable de me mentir.
-Ok, tu me diras ce qu’il en ressort. Je dois aller démarcher les Juifs du vingt-et-unième étage pour l’association de trading que l’université m’oblige à présider pour pas que je foire mon semestre, je te raconterais.
-Tu sais, Sara... Laisse tomber. J’ai plus les mots. À plus. »
Lundi 27 février, dix heures vingt.
« Julie, c’est Clotaire. T’es au lycée ?
-En perm’, le prof d’SVT m’a sortie.
-Pourquoi ?
-Il paraît que lancer les intestins de grenouille sur Clara pour la réveiller alors qu’elle dort en plein TP, c’est « inapproprié ».
-Je vois. Bon. T’es collée combien de temps ? -Jusqu’à midi. Pourquoi ?
-Fallait que je te parle d’un truc.
-Vas-y.
-Y a pas de surveillants ?
-Ils font un Scrabble. Dis-moi.
-Tu as tué Zaza ?
-Bien sûr que oui.
-Sérieux ?!
-Mais Clotaire, t’es complètement zinzin, ma parole ! Bien sûr que non, j’ai pas tué Zaza !
-Mais je sais pas, tu me dis ça avec un naturel terrifiant !
-C’est parce que ta question est terrifiante ! Comment oses-tu penser que j’aurais fait un truc pareil ?
-Vous avez tous les traits des coupables avec Clara.
-Ah bah, bien entendu ! Deux filles de quinze et seize ans qui pleurent devant des vidéos de chatons à la naissance et ont vu Titanic vingt-trois fois, et connaissent sur le bout des doigts le dernier album de Carla Bruni, on est les suspects principaux.
-Tu sais bien que ça ne veut rien dire.
-Tu racontes n’importe quoi, Clotaire. Sérieux, c’est insultant. J’arrive pas à croire que tu soupçonnes n’importe qui et que tu oses te présenter comme le cerveau de la bande !
-Je ne me présente pas comme telle, c’est toi qui m’as fait cerveau de la bande ! Tu m’as mit toute la responsabilité dessus, parce que t’as pas les épaules pour porter le poids de ta propre culpabilité.
-Ce que tu dis n’as aucun sens. Si tu penses sincèrement que je serais capable de tuer un être humain, c’est que tu me connais bien mal, et j’en suis navrée. Maintenant, tu m’excuseras, mais je dois copier 134 fois « je ne lacèrerais pas le visage de ma camarade avec des boyaux de batracien mort » pour dans deux heures. Bye. »
Mardi 28 février, dix-sept heures dix-sept.
« Patricia, c’est Christiane.
-Que c’est bon, de t’entendre !
-Toi aussi. Écoute, je crois qu’on s’est un peu emballées sur l’histoire de la prostitution.
-Oui, je le pense aussi.
-En revanche, si je suis sûre d’une chose, et bien d’une seule, c’est que quelque chose ne va pas. As- tu observé les chats du quartier en ce moment ?
-Christiane...
-C’est vrai. Les filles ne sont peut-être pas étrangères à ça. Les chats ne cessent de se perdre, et on les retrouve toujours dans les derniers étages de l’immeuble. Si l’on revient à l’hypothèse de base que Clotaire tient un réseau de trafic de drogue, je pense que les filles l’aident à le planquer dans les étages du haut. L’autre jour, le chat des gens du vingt-deuxième s’est carrément retrouvé sur le toit. J’ai regardé sur Google, et il paraît que les chats exposés à l’air de la Seine sont plus susceptibles d’avoir un odorat développé, notamment pour tout ce qui est substances illicites. Il faudrait qu’on aille jeter un coup d’oeil tout là-haut.
-Pas ce soir, j’ai krav maga. -Bon, une autre fois alors. -C’est ça, au revoir Christiane. -Salut, Patricia. »
Mardi 28 février, vingt-deux heures cinquante-six.
« Clara, c’est Julie. On est sérieusement dans la merde.
-Quoi encore ? Il me faut mes douze heures de sommeil si je veux être opérationnelle. -Depuis quand ?
-Depuis que je l’ai lu dans le livre des mémoires de Dalida écrit par son arrière-petite-nièce germaine.
-Germaine ? C’est qui ça ?
-Non, elle est germaine, Germaine n’est pas elle.
-Tout s’éclaire. Mais on est quand même dans une sacrée merde. Clotaire pense qu’on a tué Zaza. -Comment ça ?
-Selon lui on aurait menti depuis le début. Tu connais la force de persuasion qu’il a. Quand on avait sept ans, il nous a persuadées que le père Noël était en réalité Nicolas Sarkozy avec une prothèse ventrale.
-Parfaitement, j’ai eu la honte de ma vie en m’asseyant sur ses genoux pour commander un cerf- volant Razmockets quand il est venu visiter notre école.
-Il va réussir à convaincre tout le monde que c’est notre faute, et on va fini derrière les barreaux.
-Non ! Hors de question ! Je ne peux pas mourir en prison !
-Tu ne vas pas mourir, ça va juste craindre un max.
-Mais si ! Si je n’ai pas deux heures d’air frais et de soleil par jour, je jaunis à vue d’oeil. Et si je deviens moche, je ne veux pas vivre plus longtemps.
-Je comprends ma chérie, mais il faut trouver une stratégie pour éviter la prison, pour le moment.
-Mais on dit déjà la vérité ! Que faire de plus ?
-Contacter la police.
-Non, Julie, non. Il faut d’abord qu’on s’introduise chez Zaza pour récupérer toutes les infos sur notre consommation. Si les flics les trouvent, là on sera vraiment mortes.
-C’est vrai. On est bloquées de tous les côtés.
-Pas du tout. Il faut juste qu’on se défende autant que possible et qu’on leur apporte des alibis. Ils deviennent paranos avec toutes ces histoires, tu m’étonnes qu’ils nous soupçonnent. Si ils nous en reparlent, on se bat, ok ?
-Ok.
-Bon, je te laisse, je sens déjà des ridules apparaître sous mes yeux.
-C’est ça, bonne nuit Miss France. »
Mercredi 1er mars, sept heures quarante-et-un.
« Sara ? C’est Katia. Clotaire vous a parlé.
-Oh, oui hier dans le hall on a parlé de la meilleure race de chien. Il était plus caniche, mais moi... -Non, vous a-t’il parlé de Clara et Julie ?
-Oui, il a parlé à Julie au téléphone et visiblement elle serait responsable de sept meurtres et huit disparitions, selon ses prévisions. I’ m’semble qu’il s’est un peu laissé emporter.
-Très certainement. Parce qu’il y avait quelque chose auquel on avait pas pensé. -Quoi donc ?
-Et si on ne l’avait pas poussée ?
-Qui ?
-Zaza, voyons. Si on n’avait pas poussé Zaza ?
-Plutôt un coup de pied, vous pensez ? Oh, ça change pas grand-chose, la p’tite Clara m’a l’air assez vicieuse pour donner un coup de latte et crasher quelqu’un au fin fond de la dalle.
-Non, vous ne comprenez pas. Et si Zaza avait sauté ? »
Mercredi 1er mars, treize heures vingt-cinq.
« Clotaire, c’est Sara. Je crois que Katia a trouvé quelque chose, quelque chose qui pourrait tout changer. Il faut que tu m’rappelles au plus vite. J’t’embrasse. »
Mercredi 1er mars, dix-sept heures trente-deux.
« ...Puisque je te dis que je n’ai pas tué Zaza, qu’est-ce que tu veux de plus ?
-Mais tu ne comprends pas ce que je te dis ! Et si elle ne s’était pas faite pousser ? Si elle avait sauté ?
-Et pourquoi elle aurait fait ça ?
-Et pourquoi quelqu’un l’aurait tuée ? Tu t’es jamais demandé ? On trouve mille raisons, mille détails, mais c’est jamais ça. Je pense qu’elle a sauté.
-Écoute Clotaire, si c’est pour avoir des idées morbides comme ça... »
Jeudi 2 mars, quinze heures douze.
« ... Et après, elle aurait sauté.
-Sara, avec tout le respect que je vous dois, ça ne tient pas la route.
-Pourquoi ?
-Parce que Zaza aimait la vie ! Elle était jeune, fraîche comme... Je sais pas, comme un surgelé Picard ! Elle n’aurait jamais fait ça. Jamais.
-Vous êtes aveuglés par l’admiration que vous lui portiez, Lars, il faut voir les choses en face, et se dire que ce sont des choses qui... »
Jeudi 2 mars, vingt heures quarante-huit.
« ... J’ai eu envie de sauter. J’ai eu envie, un seul instant, et rien qu’un seul, de basculer et de tomber dans le vide. J’étais là, tout en haut de l’immeuble d’à côté, au vingt-quatrième étage, je
voyais ma chambre au premier étage. Je voyais ma sœur fouiller dans mon armoire. Je voyais mon père faire cuire des pâtes en lisant L’Équipe. Je voyais les gamins faire de la patinette sur la dalle. Et j’me suis dit que la vie serait toujours la vie si j’étais pas là, que j’sois là ou non ça changerait rien. Alors, voilà, rien qu’un seul instant j’aurais aimé être cette sacrée Zaza, briser mes os un par un, et partir dans un murmure, sans mystère mais sans explication... »
Vendredi 3 mars, trois heures quatorze.
« ...moi, il y a eu une seule fois où j’ai eu peur de mourir. J’étais à plat ventre dans un fossé, entre Berlin Est et Berlin Ouest. Je voyais la petite lumière du vingt-cinquième étage de l’immeuble d’en face, là où j’avais passé la nuit d’avant, avec mes cousins et ma tante. J’entendais les hélicoptères au-dessus de moi, je sentais les chiens chercher dans les voitures, et je savais, je saurais pas vous expliquer aujourd’hui, mais je savais que j’allais mourir, et que si c’était pas ce soir, ce serait une autre fois. J’ai connu une peur que je saurais pas dire. Un truc qui m’a pris au tripes, et qui m’a tourné dans tous les sens... »
Samedi 4 mars, dix-sept heures deux.
« ...Et on ne peut rien y faire ! C’est ça qui est rageant ! Rien de rien ! Toutes les nuits depuis trois jours, je rêve de Zaza. Je rêve que je suis au balcon du trentième étage, et que je la supplie de descendre. Et je la vois tomber, jusqu’à ce qu’elle se brise en mille morceaux en bas de la tour. Alors je galope, je sprinte et je me vautre au vingt-sixième. Là, je suis incapable de me relever, de bouge, je peux pas aller chez moi et dire à ma mère que je l’aime, et que je me tuerais jamais.
-Je comprends, Clotaire, mais tu peux pas être obsédé par ça. Il faut revenir dans la réalité, qu’tu retournes en cours, qu’tu continues à vivre. J’sais que j’ai l’air de m’en foutre de la face, mais c’est une partie de ta vie qui va commencer, et après ça, tout s’ra différent. Et Zaza, tu pourras pas la ramener, mais tu finiras pas comme elle. Parce que tu n’es pas Zaza, et qu’aucun de nous n’est Zaza, et ça il faut... »
Dimanche 5 mars, cinq heures cinquante-six.
« ...Je te parle, et le soleil se lève. On en voit rarement d’aussi beau, dans le village d’où je viens. En Russie, on a parfois l’impression que le soleil ne se lève jamais. Mais ici, à Paris, et surtout du vingt-septième étage, je vois toujours l’horizon, et le jour qui arrive du bout de la ville. »
Lundi 6 mars, sept heures une.
« Allô ?
-Clotaire, c’est Sara. J’suis tombée sur un truc. Il faut que j’te dise.
-Quoi ? Fais vite, Leeloo est en train d’accoucher dans mes bras.
-Comment ? Mais elle était pas stérilisée ?
-Apparemment pas ; ce que j’ai pris pour le sida était en fait une grossesse.
-La malheureuse. Eh ben, j’ai découvert que Zaza, c’était pas vraiment Zaza.
-C’est-à-dire ?
-J’suis allée au bureau à Momo pour fouiner un peu, j’avoue. Et en fait, Zaza s’appelait Elsa T., elle avait vingt-deux ans et venait de Picardie.
-Incroyable.
-Attends un peu. J’ai trouvé des tonnes de lettres dans son dossier d’l’agence ; elle avait reçu tout plein d’avis d’expulsion, des menaces d’appeler la police, qu’elle renvoyait toujours à l’expéditeur. J’ai trouvé des relevés de compte qu’elle avait fourni. En fait, elle squattait. Elle habitait pas vraiment au trentième étage. Elle a d’abord squatté au vingt-huitième, et elle a fini au trentième. Elle était toujours prête à partir. Elle était toujours prête à fuir. Elle faisait des petits boulots, et n’allait plus à la fac depuis un bail.
-Je crois que ça ne change rien à l’issue de l’histoire.
-J’en sais rien. En tout cas, c’est c’que j’ai trouvé.
-C’est gentil, Sara, mais je crois que cette affaire prend fin bientôt.
-Je sais. Je sais bien. Mais j’voulais qu’tu saches. Qu’on se mente pas sur qui elle était, même après sa mort.
-Je comprends. Merci.
-Bonne journée, Clotaire.
-Merci. Toi aussi. »
!
« Lars, c’est Katia. Un homme bizarre est entré dans l’ancien appartement de Zaza. Je faisais le ménage dans les étages du haut, je l’ai vu passer, et il m’a saluée, et il m’a dit qu’il rentrait chez lui, au trentième. J’ai rien su dire.
-Ok, je vois. Je vais parler à la petite Julie pour qu’elle cherche qui est cet homme. Vous avez son nom ?
-Non, je n’ai rien. Je n’ai rien.
-Pas de panique, nous allons tirer cette histoire au clair. Je vous rappelle au plus vite. »
Mardi 7 mars, onze heures huit.
« Lars, c’est Julie. Désolée pour la réponse tardive, j’avais un contrôle d’éco que je devais à tout prix réviser. Bon, j’ai trouvé quelques infos sur ce type. La quarantaine, il vit là depuis cinq ans. D’après Sara, Zaza ne faisait que squatter l’immeuble depuis un bail.
-Je le savais.
-Pourquoi n’avez-vous rien dit ?
-Parce que j’avais peur de me tromper.
-Vous aviez raison. Peut-être qu’il pourrait nous rendre les affaires de Zaza, et on verrait si on trouve quelque chose en plus ?
-Ok, pourquoi pas. Rendez-vous au vingt-neuvième à onze heures du soir. On trouvera un plan d’attaque avec les autres, et on aura le fin mot de l’histoire.
-Je passe le message.
-Et, Julie ?
-Oui ?
-Merci.
-Merci à vous, Lars. »
Mercredi 8 mars, minuit une.
« Clara ! C’est Julie ! Venez vite me chercher ! -T’es où ?
-Planquée dans la salle de bain. Ce type est un taré ! -Il se passe quoi ?
-J’ai sonné, comme prévu en me faisant passer pour la sœur de Zaza qui voulait récupérer ses fringues, et tout. L’appart’ était dans un chantier pas possible et, et il y avait du sang partout ! Sur les murs, sur le canapé, sur toutes les affaires de Zaza ! Elle était déjà morte quand il l’a balancée! Il vient jamais ici, c’est un pied-à-terre, et quand il est arrivé il y a un mois et qu’il l’a vue squatter, tranquille, il a pété un câble et l’a tuée ! Tu... T’aurais vu son regard ! Il m’a pas crue une seconde quand j’ai dit être sa sœur. Il a essayé de... Il m’a frappée à la tête, je crois que je saigne, venez me chercher !
-On court, Julie, je... »
Mercredi 8 mars, une heure treize.
« Police nationale, bonsoir.
-Bonsoir ! Je suis résidente de la tour Panorama, avenue Émile Zola, premier étage gauche ! Il faut que vous veniez vite, je... Mon amie et moi avons trouvé un corps en décomposition, celui d’une de nos voisines, on, on cherchait la drogue que le mac de nos filles leur fait planquer pour la faire passer en URSS, et on est tombées sur un putain de cadavre ! Venez vite ! »
Samedi quinze avril, quatorze heures. Le soleil se cache derrière quelques nuages épars jalonnant le ciel parisien. Ses fins rayons de printemps timide frappent les vitres austères de la tour Cristal, emblème du front de Seine, et viennent réchauffer le visage de deux adolescentes étendues dans un carré d’herbe baigné dans le béton de la dalle. Appuyées sur leurs coudes, vêtues de tenues bariolées, elles laissent leur peau absorber lascivement les premiers relents de l’été. L’une, le teint pâle et les cheveux blonds, sirote un jus de pomme en racontant comment elle a découvert la recette miracle de la jouvence éternelle. L’autre, l’épiderme aussi brun que ses cheveux bouclés, arbore un pansement monumental sur le front mais n’en semble pas perturbée ; elle tient à la main un roman d’Agatha Christie qui ne semble pas l’intéresser le moins du monde. Sirènes sur leur rocher, elles regardent l’après-midi couler entre leurs doigts. La dalle est vide de monde ; c’est leur coin, où aucun touriste n’ose s’aventurer. Vent dans l’unique arbre du plateau de béton ; le soleil glisse en un clin d’oeil derrière un épais nuage blanc. Soudain, au coin d’un immeuble morne et démesuré, un homme surgit. Grand, le crâné dégarni, il porte à la main un grand sac Monoprix et une baguette de pain ramollie par le court trajet entre la grande surface et son habitation. Il avance d’un pas lent, lourd. Celui d’un homme qui a décidé de prendre le temps, pour une fois. Ses yeux sont cachés par de petites lunettes teintées, et pourtant les jeunes filles perçoivent son regard les transperçant de part en part. Les trois individus se regardent, se jaugent ; mais n’échangent guère plus que des battements de cils, et quelques souffles retenus. Le temps se suspend ; peut-être que l’un d’eux saluera l’autre. Il hésite, l’autre main fourrée dans la poche de son grand manteau en cuir. Mais jamais il ne se fige, et avec une désinvolture polie, il cherche le badge pour entrer dans l’immeuble, et tourne le dos aux adolescentes. Il entre dans le hall et disparaît de leur vue, comme si jamais ils ne s’étaient connus. Leurs cous se relâchent, et leurs visages touchent le soleil à l’instant où, de grâce, il se décide à les honorer de sa présence obsédante et éphémère.
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