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#L'exégèse de Philip K. Dick
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Ce que nous appelons "musique" est un ensemble de structures ou de motifs mathématiques audibles: des séquences mathématiques complexes et uniques que le compositeur amorce puis complète; le plaisir esthétique est lié aux maths rendues audibles en entendues par le cerveau droit.
“L’exégèse de Philip K. Dick : volume 2″, Philip K. Dick, J’ai Lu, coll. Nouveaux Millénaires, 2017 , p. 649
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Livre : L'Exégèse de Philip-K-Dick
Note de l'éditeur :
Composée de milliers de pages de notes manuscrites, d'entrées de journal, de lettres et de travaux préparatoires, l'Exégèse constitue une part essentielle de l'oeuvre de Philip K. Dick qui, durant les huit dernières années de son existence, a cherché à donner du sens ses expériences visionnaires de mars-avril 1974. D'une voix totalement libérée, qui va de la confession personnelle à l'érudition philosophique en passant par les récits de rêves, il y questionne, comme dans sa fiction, la nature de la réalité, la versatilité de l'espace et du temps et le rapport de l'humain au divin. Présentée par Pamela Jackson et Jonathan Lethem au terme de plusieurs années d'étude et de transcription, annotée par de nombreux chercheurs, L'Exégèse de Philip K. Dick, qui comptera deux volumes en tout, est l'édition la plus aboutie du testament littéraire et intellectuel d'un écrivain reconnu aujourd'hui comme l'un des plus importants du XXe siècle.
Note d'un lecteur :
Autant commencer tout de suite par : "Bon courage a ceux qui liront l'intégralité des deux tomes de cette compilation." Tout est dit dans la quatrième de couv., qui est la même pour les deux tomes et qui est reproduite ici dans le Résumé éditeur. K. Dick écrivait tout le temps et il écrivait vite, mais pas forcément pour publier. Il ne s'agit pas ici d'un ou plusieurs textes originellement destinés à construire du roman. Nous sommes dans l'intimité de l'auteur, dans ses réflexions, ses correspondances, ses autoanalyses, ses doutes et ses recherches. Pour les fans, c'est un bel objet cadeau. Pour les étudiants ou chercheurs, c'est une source miraculeuse. Pour ceux qui aiment l'auteur mais pas au point de collectionner tout de lui, c'est une curiosité à feuilleter qui ne trahit rien : on y retrouve vraiment l'esprit de ses romans, mais sous un autre versant. En ce qui me concerne, j'ai été assez intrigué et même séduit par ce qu'il était capable d'écrire à ses correspondant(e)s. Je me demande si les destinataires on lu la totalité des dizaines de pages qu'il leur rédigeait à chaque courrier... Ce fouillis de papiers récupérés, transcrits, annotés et mis tant bien que mal en ordre pour constituer cette somme, dans laquelle on trouve aussi des dessins et des schémas, a le mérite de nous révéler la face cachée d'un homme à part, qui vivait entre deux mondes y compris hors de ses romans. Mais entre deux mondes fascinants lorsque c'est lui qui les décrit.
Quatre étoiles pour l'incroyable travail des compilateurs et de la traduction. Une en moins malgré tout parce que c'est parfois fastidieux à lire.
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adidrukqs · 2 years
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Le transhumanisme, utopie ou dystopie ?
Je vais tenter d’aborder le sujet du transhumanisme, dont on entend de plus en plus parler. Il s’agit d’un simple témoignage, je souhaite partager mes émotions et mon point de vue en tant que citoyen, en tant que chrétien. Je ne suis absolument pas un expert, je ne suis ni ingénieur ni médecin, mais le transhumanisme m’intéresse pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, en tant qu’amateur de cinéma et de littérature SF, je suis surpris de voir que les romans de science-fiction que j’ai pu lire durant mon adolescence sont en train de devenir une réalité. Ce concept m’interpelle également car, quand j’essaye de mettre en perspective le transhumanisme avec ma foi, cela soulève une multitude d’interrogations. Enfin, j’ai intimement été confronté à cette question lorsque je me suis fait implanter une prothèse cardiaque connectée.
Que nous soyons enthousiasmés ou effrayés par l’avenir que dessine le transhumanisme, cela ne peut pas nous laisser indifférents. Les récentes avancées scientifiques et technologiques (manipulation génétique, nanotechnologies ou intelligence artificielle) ouvrent d’immenses perspectives à ce courant de pensée qui vise l’amélioration des capacités intellectuelles, physiques et psychiques de l’être humain… mais dans un monde où tout va toujours plus loin et toujours plus vite, face aux enjeux d’écologie intégrale faisant le lien entre bioéthique et environnement, je me pose la question des limites à ne pas franchir. Quels cauchemars se cachent derrières ces rêves transhumanistes ? 
Quelques mots sur l’un de mes auteurs de SF favoris
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Parmi les auteurs que j’apprécie le plus (Orwell, Pierre Bordage, Ray Bradbury, Arthur C. Clarke ou Howard Phillips Lovecraft) il y en a un qui me semble particulièrement intéressant pour aborder cette question du transhumanisme : il s’agit de Philip Kindred Dick. Il est reconnu comme un grand maître de la science-fiction, et même comme l’un des grands auteurs américains du XXe siècle. Beaucoup le connaissent sans le savoir car plusieurs de ses nouvelles ou de ses romans ont inspiré le cinéma : Blade Runner, Total Recall, Minority Report… 
La réalité, les chimères, la spiritualité, l’aliénation de la société, les mondes parallèles, l’espace-temps, la technologie, la mort… voici les principaux thèmes de l’oeuvre de K. Dick, qui résonnent étonnamment avec les grands défis du XXIe siècle. 
Sa conversion chrétienne 
Nous sommes à la fin de l’hiver 1974, K. Dick vient de divorcer et vit un nouvel épisode dépressif. Il se rend dans une officine pour acheter un analgésique afin de soulager des douleurs dentaires (les drogues occupent une place importante dans la vie et l’oeuvre de Dick). Sa pharmacienne porte un pendentif représentant un poisson, symbole chrétien. Elle répond aux interrogations de K. Dick au sujet du poisson d’or autour de son cou, elle lui explique la signification religieuse de ce bijou. La conversion de K. Dick rappelle celle de Paul sur le chemin de Damas. Au cours de cette expérience religieuse, Philip K. Dick a eu le sentiment intime d’éprouver le divin tel qu’il existe. Il a pu accéder à une réalité supérieure, en se débarrassant des obstacles liés à une condition matérielle frustrante. K. Dick raconte ce qu’il qualifie d’expériences mystiques dans un journal qu’il rédige à partir de 1974 et jusqu’à sa mort (L'Exégèse de Philip K. Dick). Dans son journal, Philip K. Dick fait référence aux philosophes, religieux ou psychanalystes qui ont inspiré sa pensée et ses récits : l’apôtre Paul, Calvin, le prêtre jésuite Teilhard de Chardin, Heidegger, Spinoza, Bergson, Platon, Jung... 
Quelques années après, lors d’un festival de SF à Metz en 1977, K. Dick donne une conférence intitulée « Si vous trouvez ce monde mauvais, vous devriez en voir quelques autres » (on peut visionner son intervention sur le site du CNRS). Fasciné par le concept d’univers parallèles comme de nombreux auteurs de SF, K. Dick expose sa théorie de l'axe horizontal et de l’axe vertical. D'après lui, la spiritualité, qui s’exprime à travers sa littérature, est un moyen de s’élever selon un axe vertical. L’être humain peut s’échapper de l’axe horizontal et du schéma linéaire passé-présent-futur, il peut avoir accès à l’axe vertical pour se hisser vers une connaissance divine. Ce concept est bien plus qu’une source d’inspiration pour l’écrivain, K. Dick y croit dur comme fer ! 
Ses prophéties 
K. Dick se pose trois questions qui me semblent essentielles pour aborder le sujet du transhumanisme. Qu’est-ce que le réel ? Qu’est-ce que le divin ? Qu’est-ce qu’être humain ? Selon lui, la différence entre les êtres humains et les androïdes résulte d’une dimension chrétienne : la caritas. Contrairement aux humains, les androïdes n’ont aucune empathie… mais, à cause de la technologie, l’être humain risque de perdre la notion de caritas. C’est sur cette problématique que se fonde le combat idéologique de Philip K. Dick. À travers ses oeuvres, en dénonçant les dérives de la technologie, l’auteur tente de raviver cette empathie chez les humains.  
Dans ses nouvelles et ses romans, K. Dick décrit plusieurs innovations technologiques qui sont en train de devenir des réalités. Par exemple, il y a l’orgue d’humeur Penfield qui est une console qui permet de programmer son état d'esprit du jour en composant le numéro associé. Les choix d'humeurs peuvent être la dépression, « atteindre directement la conscience éveillée », « avoir envie de regarder la télévision peu importe ce qu'elle diffuse » ou encore « extase sexuelle prolongée ». Ainsi, même nos sentiments les plus profonds peuvent être programmés par la technique. Dans la nouvelle Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (Blade Runner au cinéma), le personnage d’Iran Deckard se transforme peu à peu en robot. À force d’utiliser l’orgue d’humeur, Iran est plongée dans un monde artificiel. C’est une femme déshumanisée, elle n’exprime plus et ne ressent plus de véritables émotions. On le comprend au fil des pages, la grande peur de K. Dick était que la technologie se substitue à l’échange humain. Quelle serait la réaction de l’écrivain face à Mark Zuckerberg qui ambitionne de construire le métavers, un nouveau monde virtuel ? Que penserait-il des relations amoureuses avec les robots, appelées « botamour » ? 
K. Dick est également très critique vis-à-vis du capitalisme et de la société du divertissement. L’intensification de la publicité et l’invasion des technologies dans notre quotidien est un sujet clef pour l’auteur. Si vous avez vu le film Minority Report, vous vous souviendrez peut-être de ce moment où le personnage principal se promène dans la rue et reçoit des publicités personnalisées via un implant dans son oreille.  La technologie permet le marketing intrusif, elle introduit le consumérisme et le capitalisme jusque dans la pensée des gens… je suis  épaté par le fait que K. Dick ait imaginé tout cela dans les années 1960-1970, bien avant les réseaux sociaux et les algorithmes publicitaires, bien avant des concepts marketing tels que le « retailtainment » ou le « digitail ». Cette critique du capitalisme ne me semble pas hors sujet car il y a une convergence entre le transhumanisme et les intérêts néolibéraux. Loin d’être marginaux, les idéaux transhumanistes d’un humain augmenté sont portés par de grandes entreprises : PayPal, Google et notamment sa filiale Calico, Facebook rebaptisé Meta. Dans Total Recall (qui est l’adaptation de la nouvelle Souvenirs à vendre), on raconte l’histoire d’un homme à qui on a volé son passé et qui veut le récupérer. Cet homme ne sait plus qui il est, ni qui il a été. À force d’être soumis aux intrusions de la technologie et des grandes entreprises capitalistes, l’individu n’existe plus, il n’est plus qu’une somme de données que l’on peut vendre. Le transhumanisme est-il le nouvel horizon biopolitique du capitalisme ? Pour apporter un début de réponse, j’ai envie de citer Marcel Mauss : « L’homo œconomicus n’est pas derrière nous, il est devant nous […]. L’homme a été très longtemps autre chose ; et il n’y a pas bien longtemps qu’il est une machine, compliquée d’une machine à calculer. »
Philip K. Dick était véritablement un visionnaire. Les fake news, la manipulation des esprits, l’usage abusif de la data, la relation homme-robot, la place des écrans… l’anticipation est très forte dans son oeuvre et c’est certainement pour cela qu’il y a eu autant d’adaptations cinématographiques. J’ai pensé à l’oeuvre de Dick en lisant le livre de Jean Boboc, intitulé Le transhumanisme décrypté. À la fin de la préface de ce livre, le philosophe Pierre Magnard résume l’approche du père Boboc en quatre lignes de fractures : 1. La crise de la famille causée par le déni de filiation de la part de ceux qui, biologistes ou législateurs, prônent une humanité hors-sol et refusent l’ordre naturel. 2. L’éclatement de la communis humanitas, quand l’individualisme absolu transforme la mondialisation de la fraternité en mondialisation de l’indifférence. 3. La perte du sens de la terre dans la surexploitation de nos sols et leur épuisement jusqu’à la rupture des écosystèmes. 4. La perte du sens du sens, liée à la quête de l’immortalité.
Le pessimisme de Philip K. Dick
Philip K. Dick n’était pas un homme heureux, il était profondément mal à l’aise avec son époque et sans espoir quant aux perspectives d’avenir. Il est mort en 1982 suite à un AVC, certainement en pensant que notre monde était déjà condamné. Il ne faut pas lire ses bouquins si on a besoin de se remonter le moral. Quand on referme un livre de K. Dick, il est difficile d’avoir une vision positive de l’humanité. 
Il est l’écrivain du pire scénario. À travers son oeuvre, K. Dick envisage le pire qu’il pourrait arriver si notre société continue sur cette pente dangereuse, si l’homme continue de déléguer ses responsabilités à la technologie. Selon K. Dick, nous vivons dans une prison technologique de laquelle il faut s’évader. Pour s’échapper de cette prison froide et rétablir la caritas, il y a plusieurs voies : la religion, la littérature et la musique (qui a également été très importante dans la vie de Dick). 
Quand la science-fiction devient réalité 
Depuis le début du XXe siècle, il y a beaucoup de productions littéraires, cinématographiques ou philosophiques, qui fantasment un humain augmenté. On a tellement associé le transhumanisme à la fiction qu’on pourrait croire qu’il s’agit d’une blague, d’une idéologie farfelue ou de rêves impossibles… mais attention à ce biais épistémologique. Avec les révolutions technologiques de la seconde moitié du XXe et du début du XXIe siècle, il faut bien se rendre compte que la science-fiction est en train de rattraper petit à petit la réalité. 
Cela est dû aux innovations scientifiques dans quatre domaines principaux que l’on nomme avec le sigle « NBIC » : - N pour nanotechnologies ; - B pour biotechnologies ; - I pour informatique ; - C pour sciences cognitives. Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, chacune dans son coin et sans trop s’occuper des autres, ces quatre disciplines ont considérablement progressé. Aujourd’hui, ce fonctionnement en silo est rompu. Les experts appellent cela la « grande convergence NBIC ». L’humain est alors capable de transformer son environnement mais également de modifier son humanité de façon très significative. Ce n’est qu’un début mais, quand on regarde le financement de la recherche dans les universités et les grands groupes comme Google ou Meta, on comprend que cette tendance s’affirme très fortement.    
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Quelques exemples d’innovations   
À partir du moment où nous touchons au processus de la vie elle-même, il y a évidemment une palette incroyable d’exemples. Tous les fruits de la vie peuvent être transformés, modifiés, augmentés… mais il y a plusieurs niveaux qui sont affectés : 1. Les transformations de l’humain dans son corps pour être plus performant, plus résistant et plus productif. Plusieurs innovations mettent en évidence le lien entre transhumanisme et capitalisme, comme les exo-squelettes pour ceux qui travaillent sur des lignes de montage dans des positions complexes. Demain, on pourra très certainement augmenter la rapidité de nos mouvements, décupler notre capacité mémorielle ou cognitive, rester plusieurs jours sans dormir… 2. Au-delà de l’amélioration du corps humain, les innovations transhumanistes pourront également avoir un impact sur nos émotions et nos sensations. Nous pourrons exacerber ou inhiber nos sensations physiologiques à l’aide de nano-robots qui pourront plus ou moins activer nos cinq sens. Avec ces nano-robots pouvant agir sur des zones spécifiques de notre organisme et de notre cerveau, les transhumanistes rêvent de « félicité perpétuelle ». 3. Il y a également la relation homme-robot. Dans l’avenir, nous devrons de plus en plus partager nos vies avec des robots. Il y a déjà les caisses automatiques des supermarchés, vous connaissez peut-être cette pizzeria avec des pizzaioli robotisés, que j’ai découverte dans le IIIe arrondissement parisien… mais tout ça va beaucoup plus loin ! En Corée, des robots enseignent aux enfants, un astronaute japonais a été envoyé dans l’espace avec un robot de compagnie pour éviter les épisodes dépressifs, on parle de plus en plus de robot-thérapie basée sur l’IA, on a inventé le terme « botamourer » pour décrire les relations amoureuses entre un humain et une machine, il existe des robots sexuels…  4. Après le corps augmenté, les sensations et la relation homme-robot, il y a la robotisation de l’être humain. La question des êtres hybrides, appelés cyborgs ou humanoïdes, se pose. Vous me prenez peut-être pour un fou, mais ce n’est pourtant plus uniquement de la science-fiction. Notre santé est de plus en plus améliorée par des organes synthétiques : le Carmat, les rétines artificielles, les vertèbres cervicales imprimées en 3D… On sera de plus en plus réparés par des organes non biologiques. Selon les transhumanistes, l’humain dépassera la réalité biologique pour devenir humanoïde. 5.   Enfin, le transhumanisme veut tuer la mort. Nous venons de le voir, le transhumanisme ouvre d’importantes perspectives pour la médecine et ma prothèse cardiaque est un exemple (j’y reviendrai plus tard). Cependant, le rêve transhumaniste va bien plus loin. Il ne s’agit plus seulement de repousser l’âge de la mort, mais de devenir immortel. Pour ce faire, il y a les recherches sur l’immortalité cybernétique qui consisterait à télécharger notre intelligence sur un serveur afin de la conserver, et éventuellement de la transférer sur des avatars. C’est encore utopique mais il y a des millions de dollars consacrés à cette recherche depuis plusieurs années, notamment aux USA et en Russie avec le programme Avatar 2045. Cette information a été source de profonds questionnements spirituels. Une partie de ma famille est bouddhiste car j’ai des origines vietnamiennes, et j’ai appris que le dalaï-lama s’était exprimé en faveur de ce projet de transplantation de l’esprit humain… mais si cette idée d’une âme désincarnée ne semble pas être problématique dans les spiritualités orientales, cela me choque et semble en totale contradiction avec ma foi chrétienne. En effet, je ne pense pas que nous soyons une âme à l’intérieur d’une enveloppe charnelle, car cela voudrait dire que notre corps n’est qu’un simple réceptacle. Je crois qu’il y a un lien naturel et indissociable entre corps et esprit. Irénée de Lyon a lutté pour qu’on ne s’égare pas dans un spiritualisme artificiel et je suis sensible à sa catéchèse, qui s’oppose au dualisme entre le corps et l’âme (la “fausse gnose”). L’être humain est en relation avec la nature par son corps, et je crois que le corps est un instrument pour parvenir à Dieu.
Avec toutes ces innovations, on peut se demander ce que signifiera être humain dans le futur. Notre corps sera-t-il à la fois biologique et mécanique ? Notre intelligence sera-t-elle à la fois biologique et électronique ? Notre réalité sera-t-elle à la fois biologique et cybernétique ?   
Ma petite histoire  
Je ne vais pas vous exposer mon dossier médical, je vous passe les détails. Je souhaite simplement partager ma petite expérience qui illustre ce lien entre innovations technologiques et applications médicales, avec une dimension prophylactique. Au printemps 2021, on m’a diagnostiqué une maladie rare du rythme cardiaque. Cette pathologie ne me fait pas souffrir, ce n’est pas une maladie dégénérative, elle est presque totalement sans conséquence sur mon quotidien… mais on sait qu’il y a une très forte probabilité pour que cette maladie provoque une mort subite précoce. Comme il n’existe pas encore de traitement pour soigner mon syndrome et écarter tout risque de mort subite, on m’a proposé une mesure préventive : un défibrillateur cardiaque miniaturisé, directement implanté sous ma peau. Le fonctionnement est exactement le même que celui des dispositifs que l’on trouve dans les hôpitaux ou de nombreux lieux publics, et qui permettent d’administrer un choc électrique pour réanimer les victimes d’arrêt cardiaque. Contrairement au pacemaker qui envoie de faibles signaux électriques pour éviter certains symptômes comme les vertiges ou les syncopes, mon DAI (défibrillateur automatique implantable) pourra, lorsque ce sera nécessaire, délivrer un choc électrique de haute énergie (entre 30 et 40 joules) pour interrompre un grave trouble et afin de retrouver un rythme sinusal. De plus, mon DAI est équipé d’un petit disque dur qui enregistre en permanence mes données cardiaques et, à l’aide d’une box 4G, je peux transmettre ces données au service de télécardiologie de l’hôpital. Ainsi, mon cardiologue peut surveiller mes ECG à distance tout au long de l’année et me contacter en cas de besoin.  
Lorsque je me suis fait implanter cette petite machine, je me suis évidemment posé mille questions d’ordre pratique, mais également d’ordre spirituel et éthique. Lutter contre les maladies et réparer le corps humain n’est pas nouveau. La prophylaxie existe depuis longtemps mais le paradigme médical change : il s’agit de moins en moins de soigner ou de prévenir. Il s’agit de plus en plus d’éliminer les risques, et même avant la naissance. Je suis heureux d’observer les immenses progrès de la médecine au cours de ces dernières années (même si la question des inégalités d’accès aux soins se pose). De nombreuses découvertes scientifiques sont tout à fait réjouissantes quant aux applications thérapeutiques, mais elles laissent aussi entrevoir des dérives inquiétantes. Comme exemple, nous pouvons citer Crispr-Cas 9, des ciseaux permettant de découper l’ADN. Si cette technique suscite d’immenses espoirs de traitement des maladies génétiques (comme le syndrome dont je suis atteint), elle pourrait cependant constituer une arme terrifiante entre de mauvaises mains. Avec de telles innovations, le transhumanisme soulèvent évidemment la question de l’eugénisme. On peut rappeler que le terme “transhumanisme” a été inventé par le biologiste Julian Huxley, qui a été un théoricien de l’eugénisme durant la première moitié du XXe siècle (il était également le frère de l’écrivain Aldous Huxley, auteur du roman d’anticipation dystopique Le meilleurs des mondes). Pour prendre conscience de ces dérives eugéniques, je vous invite à voir ou revoir Gattaca. Ce magnifique film d’Andrew Niccol décrit un monde peuplé d’individus génétiquement parfaits. Dans ce monde idéal, les êtres conçus dans un élan d’amour et sans intervention de la science pour améliorer leur patrimoine génétique, sont condamnés à occuper des fonctions subalternes et n’ont aucun espoir d'ascension sociale (à cause d’un QI inférieur, d’une myopie, un souffle au coeur ou autre handicap). Ce film résonne comme un avertissement face aux éventuelles dérives liées à la PMA, à la GPA, à la recherche sur les cellules souches, au clonage, au séquençage du génome humain…
Jusqu’où poursuivre l’oeuvre de Dieu ? 
Dieu a créé le monde par la Parole, il a créé l’homme a son image en lui confiant une mission particulière : « Dieu les bénit et leur dit : “Reproduisez-vous, devenez nombreux, remplissez la terre et soumettez-la ! Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui se déplace sur terre !” » (Genèse 1.28). Nous sommes invités à poursuivre l’oeuvre de Dieu, à faire comme Dieu fit pour nous. Dire cela n’est pas faire preuve de vanité, mais il faut être prudent et ne pas oublier que la nature est un espace de communion avec le Créateur. Le respect de la nature est un acte de foi. Mal interprété, le verset du premier texte du Premier Testament que je viens de citer, pourrait placer l’homme en surplomb de la nature. Je ne vais pas revenir sur ce long débat théologique qui dure depuis la publication du célèbre article de l’historien américain Lynn White, dans lequel il dénonce l’émergence d’une interprétation du christianisme au cours du Moyen Age qui en a fait « la religion la plus anthropocentrique que le monde ait connue ». Je vous invite à lire la lettre encyclique Laudato si’, dans laquelle le pape François répond parfaitement à cette mise en cause intellectuelle du christianisme (même s’il ne cite jamais Lynn White). 
Bien qu’il faille nuancer les propos de Lynn White, très critiques à l’égard de la science et des grandes religions monothéistes, il serait dommage de clore totalement ce débat qui me passionne. Ne faut-il pas repenser la « matrice chrétienne » pour mieux célébrer la Création ? J’ai le sentiment que c’est exactement ce que nous invite à faire le pape François avec Laudato si’, dont le titre fait référence au sublime Cantique des créatures de François d’Assise. En effet, l’homme moderne semble s’être totalement égaré. Que penser du fait que l’anthropomasse (le poids de ce que l’homme a fabriqué) soit aujourd’hui plus importante que la biomasse (le poids du vivant, le poids de la nature) ? Est-ce poursuivre l’oeuvre de Dieu ou lui faire concurrence ? Est-ce en voulant poursuivre l’oeuvre de Dieu que nous détruisons les écosystèmes ? Nous modifions notre environnement depuis toujours, nous le faisons abusivement depuis la révolution industrielle et la révolution transhumaniste va maintenant permettre d’agir sur notre corps et notre esprit… quelles seront les conséquences pour l’humanité ? « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » disait Rabelais.
La tour de Babel 
Face à cette folle ambition transhumaniste, on ne peut s’empêcher de penser à la tour de Babel. On connait bien cette épisode biblique, je vais donc le résumer très rapidement : le projet des hommes était de construire une tour qui puisse atteindre le ciel, mais Dieu stoppa ce projet en brouillant la langue des hommes.
Alors que nous avons été invités à poursuivre l’oeuvre de la Création dès le début du livre de la Genèse, cette intervention de Dieu peut surprendre. N’est-il pas normal que l’humanité s’unisse et s’organise pour travailler, pour s’atteler à un projet ambitieux ? Plusieurs raison expliquent l’attitude de Dieu :  - « Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots » (Genèse 11.1). Il s’agit d’une langue technicienne, comme le langage binaire informatique. C’est une langue sans poésie, sans émotion, qui ne permet pas d’exprimer ses sentiments. Le mot “brique” désigne une brique, le mot “bitume” désigne le bitume.  - « Ils se dirent l’un à l’autre : “Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu !” La brique leur servit de pierre, et le bitume de ciment » (Genèse 11.3). Les briques et le bitume sont des symboles de la société moderne. Contrairement aux pierres taillées artisanalement, les briques sont produites en série, les briques sont toutes identiques. Les hommes se sont unis pour entreprendre la construction de cette tour, mais cette unité est basée sur le refus des différences. C’est une uniformité dans laquelle, tel un robot, chaque homme est réduit à son utilité. Les êtres humains deviennent des briques interchangeables, ils deviennent des machines.     - « Ils dirent encore : “Allons ! Construisons-nous une ville et une tour dont le sommet touche le ciel et faisons-nous un nom afin de ne pas être dispersés sur toute la surface de la terre” » (Genèse 11.4). En voulant se faire son propre nom au lieu de le recevoir, l’homme refuse son héritage. C’est uniquement avec ses propres constructions que l’homme veut exister et atteindre le ciel. C’est se déconnecter de la nature, c’est être exagérément prétentieux. 
« Dieu s’oppose aux orgueilleux mais il fait grâce aux humbles » (Jacques 4.6). Dieu nous alerte quant à la présomption et l’ambition exagérée des hommes. Il s’est opposé au projet totalitaire de Babel, mais il accueille avec amour ceux qui s’adressent à lui avec reconnaissance, modestie et pauvreté. 
Quel avenir pour le transhumanisme ?
Comme pour la tour de Babel, est-ce que les foudres de Dieu vont s’abattre sur les transhumanistes ? Je n’en suis pas certain, compte tenu de la liberté humaine et de la liberté de la recherche. La revendication de liberté est bien évidemment légitime mais elle semble prendre le dessus sur les valeurs d’égalité et de fraternité. J’ai le triste sentiment que la quête de liberté n’est pas toujours associée à la réciprocité.  Dans une société de plus en plus individualiste, il existe une réelle volonté philosophique pour transformer l’humain. Cette volonté est maintenant rendue possible par les progrès de la science. Il ne s’agit donc plus de croire ou non au transhumanisme. Si nous regardons les avancés technologiques qui ont eu lieu depuis à peine deux générations, nous comprenons que c’est pleinement crédible. Durant leur jeunesse, jamais nos grands-parents n’auraient pu imaginer la congélation du sperme ou des ovocytes, les FIV, le séquençage du génome… Tout ça fait pourtant partie de notre quotidien actuel. Nous n’arrivons peut-être pas à imaginer aujourd’hui ce que sera la modification de l’humain dans l’avenir, mais cela ne veut pas dire qu’elle n’adviendra pas. Le transhumanisme est déjà en route.
Qui sont les transhumanistes ?
Les transhumanistes ne sont pas des hurluberlus. Ils sont peu nombreux mais il s’agit d’hommes et de femmes très puissants, ayant une légitimité scientifique, d’importants moyens financiers, une influence politique et une immense expertise technologique. Concrètement, les transhumanistes sont des professeurs de philosophie de grandes universités anglo-saxonnes, des ingénieurs de la Silicon Valley, des patrons de grandes entreprises comme Google, SpaceX, Meta...
Cependant, je ne veux pas surtout pas sombrer dans le complotisme ou le conspirationnisme. Le transhumanisme n’est ni une secte ni une mafia. Le transhumanisme est un mouvement parfaitement transparent, qui ne cache rien. Il s’assume et s’affirme. Ce n’est pas une force obscure. Il s’impose dans nos sociétés par les faits, avec ses innovations.
Entre technophobie et technolâtrie
Il ne s’agit pas de diaboliser la technologie. Je ne veux pas condamner l’innovation et la recherche. Je suis heureux de corriger ma myopie avec des lunettes, de téléphoner, de surfer sur le web, d’être vacciné ou d’être soigné grâce aux progrès de la médecine. Cependant, je regrette l’absence d’un grand débat sur cette question de la transformation de l’humain. Sans être technophobe, il ne faut pas croire que le progrès technologique est de facto bon pour l’homme.
Le chemin entre technophobie et technolâtrie est très étroit, il n’est pas simple de l’emprunter. Pour y arriver, je crois qu’il faut prendre conscience que le mouvement transhumaniste est une réalité. Il ne s’agit plus d’être pour ou contre une technologie pouvant agir sur le corps humain, il s’agit maintenant de savoir ce que nous voulons en faire et où nous voulons placer les limites à ne pas franchir. Il faut se pencher sérieusement sur cette question posée par K. Dick et bien d’autres écrivains ou philosophes : que signifie être humain ? Comment les innovations technologiques peuvent-elles rendre chaque individu plus humain ? Comment peuvent-elles rendre notre société plus humaine ? Je ne pense pas qu’une meilleure résistance face aux maladies ou qu’une augmentation de nos capacités cognitives seront de bonnes ou de mauvaises choses en soi, cela dépendra du contexte sociétal et politique. Cependant, je souhaite éviter le cauchemar du posthumanisme. Malgré d’éventuels organes synthétiques ou des lunettes connectées, je veux rester un être humain. Je veux me préparer à mourir car je pense que c’est la meilleure façon d’apprendre à vivre. Je ne veux pas être seul parmi des machines, je veux vivre en harmonie avec la Création. Je veux développer mon empathie. Malgré une technologie qui peut parfois nous accaparer, tentons d’être le plus charitable possible et d’aimer notre prochain en acte.  Avec la foi et l’espérance, la caritas est un don de Dieu pour le bonheur de son peuple et de chacun de ses membres. Le meilleur moyen de lutter contre les dérives transhumanistes est certainement de vivre dans la matérialité de la chair et du monde ces 3 vertus théologales : foi, espérance et charité (qui est l'amour de Dieu, de soi-même et de son prochain). 
Enfin, puisque le transhumanisme est encore fréquemment apparenté au libertarisme, je voudrais rappeler que la liberté est indissociable de l’égalité et de la fraternité. Dans un contexte où il est beaucoup question de liberté individuelle dans les discours politiques, n’oublions pas qu’il est impossible d’être libre au détriment de notre prochain. La quête de liberté est un combat juste, mais elle ne doit pas mener vers l’indifférence à l’autre et l’affaissement du projet sociétal. Malheureusement, j’ai parfois l’impression que chacun revendique une liberté individuelle sans limite, une liberté « hors sol », négligeant la relation au prochain et à la nature. La liberté n’est pas une propriété à défendre, mais un bien commun à partager. La Bible insiste sur ce principe de réciprocité : “Tout ce que vous voudriez que les hommes fassent pour vous, vous aussi, faites-le de même pour eux, car c’est ce qu’enseignent la loi et les prophètes” (Matthieu 7.12). 
À lire, à voir, à faire
Les romans et les nouvelles de Philip K. Dick (il existe plusieurs recueils aux Presses de la Cité ou chez Gallimard)
L'exégèse de Philip K. Dick, Philip K. Dick
Si ce monde vous déplaît... et autres essais, Philip K. Dick
L’interview de Philip K. Dick lors du festival de science fiction de Metz en septembre 1977 : https://images.cnrs.fr/video/876
Plusieurs adaptations cinématographiques des oeuvres de Philip K. Dick : Blade Runner de Ridley Scott (d’après le roman Do Androids Dream of Electric Sheep?), Total Recall de Paul Verhoeven (d’après la nouvelle Souvenirs à vendre), Minority Report de Steven Spielberg…
Quelques autres films : 2001, l’Odyssée de l’espace réalisé par Stanley Kubrick et basé sur un scénario co-écrit avec Arthur C. Clarke, Morts suspectes de Michael Crichton, La mort en direct de Bertrand Tavernier, RoboCop de Paul Verhoeven, Gattaca de Andrew Nicoll, Matrix de Lilly et Lana Wachowski, Never Let Me Go de Mark Romanek (adaptation du magnifique roman de Kazuo Ishiguro)…
Le transhumanisme décrypté : Métamorphose du bateau de Thésé, Père Jean Boboc (préface de Pierre Magnard) - 2017
Le transhumanisme, ou quand la science-fiction devient réalité (bulletin Documents Episcopat), Jean-Guilhem Xerri - 2013
Les racines historiques de notre crise écologique, Lynn T. White
Laudato si’, Pape François - 2015
La Philosophie devenue folle : le genre, l'animal, la mort, Jean-François Braunstein - 2018 (même si je suis très souvent en désaccord avec l’auteur, les questions soulevées dans ce livre me semblent intéressantes et méritent un débat sérieux)
Plusieurs articles de l’historien Franck Damour : https://www.revue-etudes.com/auteurs/franck-damour-24658#:~:text=Tous%20les%20auteurs-,Franck%20Damour,-FRANCK%20DAMOUR 
La Bible, commentaire intégral verset par verset, Antoine Nouis 
L’exposition Aux frontières de l’humain, du 13 octobre 2021 au 30 mai 2022 au Musée de l’Homme de Paris
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Pacôme Thiellement ou la transcendance des obsessions
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Comment est-ce que je me suis retrouvée à lire un bouquin sur Jésus ? Durant les premières pages de "La victoire des Sans Roi. Révolution gnostique", qui passent en revue différentes appropriations par les apôtres de la pensée de Jésus, j'ai eu le temps de me poser la question. Je n'ai pas le moindre rapport avec la religion et un intérêt en dessous de zéro pour le christianisme. Mais il a fallu deux phrases, en fin de chapitre, pour que craque l'allumette de la curiosité et que je me souvienne ce que j'étais venue faire là.
"Dieu est le pire ennemi de Jésus et Jésus est le pire ennemi de Dieu. Et c'est là que les problèmes commencent."  
Si je viens de finir un bouquin sur les Gnostiques, les premiers adversaires du christianisme, fidèles de Jésus mais dissidents de l'Eglise chrétienne, c'est de la faute de Pacôme Thiellement.
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J'ai rencontré ses écrits autour de 2012-2013. Je lisais à l'époque avidement le site qui a le plus bâti ma conscience politique, Les Mots Sont Importants, créé par Sylvie Tissot et Pierre Tevanian. Les articles de Pacôme Thiellement portaient sur "Céline et Julie vont en bateau", le film de Jacques Rivette. Je me souviens, je n'y comprenais rien. C'étaient parmi les textes les plus ésotériques, confus et colorés que j'avais pu lire. Mais il élaborait une analyse qui avait créé en moi une petite déflagration. Sa proposition consistait à dire que les films dans lesquels les femmes sont amies, collaborent entre elles et ne sont pas punies pour ça, sont rarissimes. "Céline et Julie" en est le parangon. Le film, que j'ai fini par découvrir lors d'un mini ciné-club féministe, compte depuis parmi ce que j'ai vu de plus ésotérique, confus et coloré. Et les bouquins de Pacôme Thiellement me happent peu importe le sujet.
Il parvient à écrire avec suspense des essais qui articulent une mosaïque d'objets culturels populaires et des enseignements théoriques et spirituels qui, on l'aura compris, peuvent remonter à perpète. Il a l'art de semer des graines qui font lever un sourcil, tendre l'oreille, et qu'on ne comprendra pourtant que deux ouvrages plus loin. Il parle de gens, de lieux, en énonçant des noms qui ne sont pas toujours explicités. Sans nécessairement de contexte ni de pédagogie, le lecteur doit accepter de ne pas savoir où il va, où il est. Pour la blague, j'ai lu tout "Tu m'as donné de la crasse et j'en ai fait de l'or" et un bon tiers de "La victoire des Sans Roi" en pensant que le lieu de la découverte des textes des Gnostiques en 1945, la bibliothèque de Nag Hammadi, appartenait à quelqu'un. Je pensais que Nag Hammadi était une personne. (C'est une ville égyptienne proche de Louxor). Mais quand bien même on est souvent paumé, quand bien même la langue, les correspondances et les symboles sont parfois obscurs, je n'ai jamais été passionnée par des essais de cette façon. A part chez Mona Chollet, ce n'est jamais un type de littérature que je n'arrive pas à lâcher. Pourquoi est-ce que j'aime autant les livres de Pacôme Thiellement ?
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Je partage peu de ses obsessions culturelles. Il y a bien Lynch, Philip K. Dick, The OA... Mais je ne suis ni proche de Franck Zappa, ni des Beatles, ni de Beaudelaire, ni de Blake, ni de Shakespeare. Je n'ai fini ni Lost, ni Buffy, ni The Leftovers. Mais ce n'est pas un problème. J'ai mes propres obsessions et je sais ce que ça peut faire à l'âme. De ça découle ma fascination pour le travail d'alchimiste qu'il opère, connectant des séries TV à des préceptes datant du début de la chrétienté, reliant au divin des récits de science-fiction et tirant de pop songs des enseignements existentiels. Il me semble être l'un de ceux qui parviennent le mieux à penser avec ses obsessions culturelles. Et il fournit généreusement la possibilité de penser avec lui. Son appropriation des œuvres, l'exégèse qu'il en fait, consiste à en retirer ce qui peut s'appliquer à l'existence. Ce qui peut résonner dans des petits bouts d'histoires personnelles, pour les connecter, les réconcilier ou en adoucir les contours. Il réussit à aller très haut dans l'abstraction, à nous égarer dans des circonvolutions vaporeuses, pour ensuite revenir tout en bas, l'appliquer au plus concret. Pacôme Thiellement nous dit littéralement comment l'art aide à vire.
Je suis parfois déstabilisée par sa façon de connecter des choses qui semblent n'avoir rien à voir. Chez Thiellement, si deux choses renvoient le même éclat, c'est qu'elles ont une essence en commun. Il a une façon de planter des connexions entre les idées avec un aplomb qui leur donnerait presque de l'objectivité. Avec une habileté d'illusionniste, Il fait apparaitre un pont entre deux rives avant de vous regarder droit dans les yeux : "Evidemment qu'il a toujours été là, ce pont. Vous ne l'aviez jamais remarqué ?". La pratique n'est pas pour autant sans rigueur. Il y a bien des références aux Sans Roi dans les discours de John Lennon, quand bien même la lecture des paroles d'une chanson ne nous semble pas immédiatement probante. Mais si la pratique trouble, c'est que le fait de plaquer ses propres conceptions sur un contexte différent, de tisser une narration entre des évènements indépendants, est considéré dans des domaines comme les sciences humaines comme un écueil. Mais là, il le peut. Il y a dans la pensée critique sur l'art une liberté d'un autre ordre. Ce qu'il y a de chouette, quand on parle de forces supérieures, de pop culture et de prescriptions spirituelles (avec le même sérieux) c'est qu'on peut se permettre de bâtir des ponts qui finissent par ressembler à des tourbillons arachnéens. La sensibilité n'obéit à aucune autre loi que la subjectivité.
Même si on n'a pas les mêmes codes ou les mêmes interprétations de l'univers, on peut se retrouver dans ce que Pacôme Thiellement garde du monde pour en faire une planche de salut : "l'art, l'amour et la politique".
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Certes, rien n'est neuf sui generis ; tous les objets du présent sont littéralement constitués d'atomes ayant appartenu à des “décors” antérieurs.
“L’Exégèse de Philip k. Dick : volume 1”, Philip K. Dick, J’ai Lu, coll. Nouveaux Millénaires, 2016, p. 356
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