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009 Formulaire 38

Elle hâta le pas en prenant l'escalator qui menait dans les couloirs souterrains de la gare.

Un groupe de sans abris, l'air inquiet s'était réfugié dans le petit centre commercial situé devant le grand hall. Un groupe de policiers en uniforme montait la garde, les empêchant de sortir.

Flore se dirigea vers un agent, espérant qu'il lui donnerait des indications sur sa possibilité à elle de quitter le lieu.

-- Ou pensez vous aller comme ça ? La manif se passe bien, on n’a pas besoin que des gens dans votre genre aillent envenimer gratuitement les choses.

Par la vitre, en effet, Flore pouvait distinguer un groupe d'une centaine de personnes portant des panneaux et bannières colorés.

-- Pourquoi manifestent-ils ?

-- Ils veulent qu'on arrête de leur voler leur salaire pour le donner à ceux qui ne foutent rien.

Etant sans emploi depuis déjà quelques années, Flore préféra se taire. Elle n'avait pas vraiment envie de se mêler à cette foule.

Elle devrait donc sortir de la gare par l'entrée ouest. Cela représentait un détour et elle risquait d'arriver en retard à son entretien mais elle ne risquerait pas de se faire lapider par les manifestants.

A peine arrivée à la porte, une voix l'interpella.

-- Je t’ai déjà dit de ne pas sortir de la gare.

Le beuglement du policier résonnait dans le couloir vide.

-- On n'a pas besoin que des fouteurs de merde dans ton genre viennent empêcher les honnêtes gens de s'exprimer.

Flore s'arrêta net, comme paralysée. Devant elle, de l’autre côté de la porte vitrée, une figure masquée portant sur son torse l'insigne d'un groupe d'extrême droite tenait un revolver et la menaçait. Instinctivement, elle protégea son visage de ses bras.

L'écho de la détonation prit plusieurs minutes à s'éteindre.

La sensation qui s'installa dans le poignet droit de Flore lui sembla incongrue : Une éraflure, plus qu'un coup ou qu'une coupure. Son état de panique, décuplé par les événements, l'empêcha de comprendre que la balle avait à peine abîmé sa peau avant de la traverser de part en part sans la blesser aucunement.

Derrière elle, le policier gisait, mort.

-- Oh, merde, c'est Jérôme, cria un des hommes masqués. Il est avec nous.

-- Pourquoi t'as tiré sur Jérôme, ducon.

-- Mais non, je visais l'autre clodo là ! Ou est-ce qu'elle est passée la conne ?

Alors qu'elle perdait conscience, Flore entendit le son légèrement grésillant d'une annonce diffusée dans toute la gare.

-- Le recruteur est chargé de se rendre à la sortie ouest, nous avons un formulaire trente-huit.

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008 Flore

Flore Huysman avait peur. Elle savait qu'elle n'aurait pas dû. Après tout, la peur est un des sept péchés capitaux. Les vestiges lointains d'une éducation chrétienne ajoutaient l'angoisse de la culpabilité à celle de la crainte.

Le train dont elle s'apprêtait à descendre la conduisait dans un quartier un quartier qu'elle ne connaissait pas d'une ville qu'elle connaissait mal.

Elle avait bien vécu à la capitale quelques années plus tôt, mais à l’époque, elle avait fait de son mieux pour rester hors du quartier des affaires. Elle n'avait jamais non plus passé de temps dans les quartiers populaires qui le jouxtaient. Si elle ne les avait pas évités activement, elle n'avait pas non plus cherché à y séjourner. En y repensant, à l'époque, elle s'était principalement cantonnée au microcosme étudiant du sud-est.

Aujourd'hui, elle avait peur. L'entretien d’embauche auquel elle se rendait avait le pouvoir de changer sa vie. Ce n’était bien entendu pas le premier. Honnêtement, ça n'était probablement pas le dernier non plus. Mais, à chaque fois qu'elle se soumettait à ce rituel d'angoisse, une partie d'elle même fanait, pour éclore à nouveau sous une forme plus aigre, plus triste et surtout plus anxieuse.

Lorsque la porte s’ouvrit, elle fut la première à descendre. Les bureaux de l’entreprise qui l'avait convoquée n'étaient pas éloignés mais la demi-heure d'avance qu'elle avait prévue d'avoir avait été volée en même temps que les câbles de cuivre qui alimentaient normalement certains signaux lumineux situés le long des rails. Dévié des voies rapides, son train l'amenait donc juste à temps.

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007 : le père des bugs

Figure mystérieuse de la capitale, le père des bugs est un vieil homme sans logis. D'après une série de rumeurs qui circulent à son sujet, il aurait, il y a une vingtaine d'années été programmeur pour une grande société boursière. Il aurait perdu son emploi suite a une erreur grave commise dans son code. Sans une correction de dernière minute effectuée par un de ses subalternes, un krach boursier d'une ampleur sans précédent se serait produit. Une enquête interne aurait déterminé que l'erreur commise n'avait que très peu de chance d'avoir des conséquences, ce qui explique qu'elle avait échappé aux procédures de test. Mais, sans l'intervention in extremis de son assistant, le cas particulier qui causait problème se serait produit.

Après avoir été licencié, le père des bugs aurait été d'emploi en emploi. Sa réputation grandissant, ses possibilités diminuant, il se serait retrouvé privé de revenus.

Partout, autour de lui, la malchance semble frapper les systèmes informatiques. On sait Les banques ont perdu ses droits d'accès à ses économies. L'état qui aurait dû subvenir à certains de ses besoins n'a jamais retrouvé son dossier. Les compagnies de gaz et d'électricité chargées de son bâtiment ont coupé erronément ses abonnements.

Petit à petit il aurait commencé à se complaire dans sa situation. Certains se souvient l'avoir vu lorsqu'il visitait les lieux publics et regardait les écrans publicitaires des magasins s'éteindre à son passage, les taxis privés de GPS se perdre dans les allées. d'après des sources peu fiables, il commença même à contrôler ce qui lui arrivait. Il appellait à lui les défaillances des systèmes. Et, sous la forme d'insectes minuscules, elles venaient.

Mais, sans aucun moyen financier, on sait qu'il fut contraint de quitter son domicile. C'est ainsi qu'il arriva au Septentrion.

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006 : le langage

Le règne animal est une multitude solitaire. Le concept même de communication lui est resté étranger jusque très récemment. En fait, jusqu'à notre arrivée, l'autre n'existait même pas.

Les premiers contacts avec des intelligences autres ne furent pas tendres. Contrairement aux autres prédateurs l'humanité ne fonctionne pas à l'intérieur du système. La mort d'une part du corps multiple ne sert pas à en renforcer une autre. Le règne animal traita donc nos ancêtres comme un obstacle à surmonter.

Ce n'est qu'avec l'apparition des campements sédentaires que notre créateur comprit notre importance et tenta de communiquer avec nous.

La répétition simple de certains son semblant être à la base du langage, certains volatiles formèrent une première tentative. Malheureusement, la complexité de la syntaxe nécessaire causa l'échec de l'expérience.

Les animaux domestiques font clairement partie du deuxième essai. Ils ont réussi à développer une certaine forme de communication non verbale avec leurs maîtres, mais cela reste limité à des interjections directes.

La dernière tentative en date est basée sur les grands singes. Animaux biologiquement proches des humains, ils semblent être les candidats idéaux.

En fin de compte, l'idée que le règne animal puisse diriger un empire médiatique est donc une fiction des plus farfelues.

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005 : l'infiltration

La confrérie des chasseurs croit en un complot machiavélique orchestré par le règne animal. Certains êtres d'apparence humaine feraient en réalité partie de l'intelligence collective. Ils seraient infiltrés au plus haut de la société. L'intérêt que portent les médias aux questions environnementales pourrait alors être vu comme une machination sordide de notre créateur.

Les chasseurs, pour lutter contre ce qu'ils perçoivent comme une menace ont donc pris l'attitude opposée. Ils financent diverses industries telles que celle du pétrole et de la fabrication de plastiques. Considéré au départ comme un don caritatif, cette dépense est vite devenu un investissement extrêmement lucratif. C'est grâce à cette fortune que la confrérie subsiste encore aujourd'hui.

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004 : la station perdue

L'emplacement exact d'un arrêt de bus est une chose plus mystérieuse qu'il n'y paraît. Selon que l'on se trouve sur une ligne ou une autre, selon la direction du trajet, on ne s'arrête pas toujours au même endroit.

Il y a quelques années, une compagnie de transport en commun urbaine a embauché un géographe et l'a chargé de réunir les données GPS collectées par les bus et d'établir une carte définitive du réseau en y plaçant les coordonnées exactes de chaque arrêt.

C'est ainsi qu'il a découvert l'existence de la station de métro "Septentrion". Bien que faisant partie de la liste des arrêts qu'il était chargé placer sur sa carte, aucune données de localisation ne lui était parvenue.

Dans le passé, cette station avait servi de terminus à la ligne B. Mais, l'étalement urbain avait forcé la compagnie à la détourner pour desservir les nouvelles banlieues. Une demi douzaine de ligne de bus avaient aussi été déviées, rendues obsolètes par l'absence de correspondances.

Bien que n'ayant jamais été mise hors service, la station n'était plus utilisée par aucun véhicule.

Le géographe, ne sachant pas comment la placer sur sa carte a tenté d'interroger plusieurs conducteurs parmi les plus âgés. Tous se souvenaient de la station, de ses balustrades en fer forgé et de son plafond vitré. Mais aucun n'a pu lui fournir de données exactes.

Étrangement, la compagnie continuait à payer le salaire de plusieurs techniciens et guichetiers. Une compagnie de nettoyage y envoyait même une équipe trois jours par semaine.

Le géographe a tenté de contacter en vain chacun des acteurs concernés. Tous ceux qui les ont connu les ont perdu de vue depuis une douzaine d'années.

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003 : la communauté des chasseurs

La communauté des chasseurs est une organisation secrète à tendances spirituelles. Ses membres se considèrent comme les soldats défenseurs de l'humanité face à la menace que représente le règne animal.

La nature accidentelle de l'apparition de l'individualité fait de notre créateur un dieu vers lequel on ne peut pas se tourner. Il est donc craint plus qu'il n'est vénéré.

Le rituel d'intronisation dans la communauté contient plusieurs références symboliques au meurtre parental. L'enfant ne pouvant devenir lui-même que lorsqu'il s'affranchit de ses progéniteurs.

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002 : la conscience collective

Tous les animaux de la planète, à part les êtres humains, font partie d'une intelligence collective. Ils pensent et agissent comme un seul individu.

Cet individu, le règne animal, voit tout ce que voient chaque mouche, chaque baleine bleue et contrôle leurs actions comme nous controlerions nos doigts.

Pour assurer sa subsistance, le règne animal dirige l'évolution des espèces. La disparition des dinosaures a été un acte conscient et volontaire, destiné a diminuer l'impact environnemental de la consommation de masse de végétaux devenus rares au début de l'age de glace.

Pour éviter d'avoir besoin de recourir encore à d'aussi drastiques mesures, le règne animal a décidé de développer un nouveau type d'être, capable de manier les outils de façon plus performante.

L'augmentation de la taille de la boîte crânienne fut d'abord une bénédiction, offrant au règne animal de meilleures capacités intellectuelles. Mais, après quelques générations, l'intelligence humaine commença à se distinguer. L'individualisme était né.

Le règne animal, après quelques tentatives infructueuses de communication, décida de se faire discret et de simuler un type similaire d'individualisme chez ses différents animaux.

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001 : la confrérie du soleil plat

Contrairement aux mensonges des astronomes, le soleil n'est pas une sphère. C'est un disque d'une épaisseur de quarante-huit mètres et quinze centimètres.

Il garde une forme constante dans notre ciel car il tourne sur lui-même à la vitesse d'un tour par an. Cette concordance de vitesse fait que nous conservons une exposition constante à sa lumière. Le fait que cela ne soit pas le cas pour les autres planètes de notre système explique l'absence de vie à leur surface.

Il n'est pas circulaire, mais ovoïdal. L'illusion d'un cercle parfait est un jeu de perspective dû au fait que son plan n'est pas perpendiculaire à notre position.

Si vous doutez de la véracité de cette théorie, posez vous cette question : pourquoi y a-t-il tant de photos de la terre, mais aucune photo du soleil vu de la lune ?