Tumgik
journalduneprof · 5 years
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Tourbillon de fin d’année - la préparation du voyage
10/06/19
C’est après une longue absence et beaucoup, beaucoup de choses vécues au collège - et en dehors - que je me remets à écrire.
Ces derniers mois ont été passionnants. J’ai vraiment eu les mains libres au collège, ce qui m’a permis de monter pas mal de projets avec mes élèves. Celui qui m’a pris le plus de temps était la préparation d’un voyage dans le Sud de la France, avec une vingtaine d’élèves latinistes. Départ demain matin… tout devrait bien se passer !
Commençons par le voyage, donc. De la préparation de celui-ci, je retiens deux choses: il faut être optimiste, et il faut penser à TOUT. Un voyage scolaire, pour un chef d’établissement, ce sont des ennuis potentiels: il faut déplacer les élèves, les faire dormir en dehors de chez eux, obtenir tous leurs papiers et paiements à temps, trouver les fonds nécessaires… Ce n’est pas une mince affaire, mais c’est loin d’être infaisable, sinon cela ferait des années que les profs auraient arrêté de s’arracher les cheveux  sur cette histoire ! C’est là que j’interviens, armée de la 1ère des deux qualités exigées pour la réussite de l’opération: l’optimisme.
Assez tôt dans l’année, j’ai parlé de mon projet de voyage en Provence pour faire découvrir les vestiges de la culture romaine aux latinistes (et à moi-même, n’ayant jamais visité les lieux en question) à ma cheffe d’établissement. Le projet, encouragé sur le principe, était bien sûr suspendu à une condition: trouver les fonds nécessaires. Pas évident de motiver du monde sur un projet si incertain - généralement, les voyages scolaires se montent pour l’année suivante, alors que je proposais en octobre-novembre 2018 un départ pour mai-juin 2019. Je ne connaissais pas encore très bien mes collègues, ne savais pas qui serait susceptible et désireux de m’aider, ni combien d’adultes devraient être mobilisés pour ce voyage… J’ai vite lancé une bouteille à la mer auprès de ceux travaillant avec les classes que je souhaitais emmener, et, oscillant entre témérité et timidité, je n’ai pas vraiment su fédérer une équipe. Heureusement, une super collègue a tout de suite répondu présente à l’appel et n’a cessé de m’aider tout au long de la préparation - notre duo a été complété par un troisième larron tout aussi motivé dès que notre départ a pu être confirmé.
Suivant les traces d’une collègue de mon précédent collège, j’ai contacté deux fondations privées, qui soutiennent des projets culturels ou d’apprentissage de la citoyenneté en milieu scolaire. Sans le sésame du financement, impossible d’avancer sur les réservations de restaurants, de camping ou d’auberge, de visites… Motivées, nous avons tout de même décidé de faire notre maximum sur ces sujets, afin d’être parées lorsque le feu vert nous serait enfin donné ! Et heureusement, il l’a été, les deux fondations ayant accepté de nous financer. J’en profite pour faire un aparté sur ces dernières. Suite à un échange avec la responsable de l’une d’entre elles, j’ai réalisé qu’il était important de faire comprendre aux élèves grâce à qui ils pouvaient partir en voyage. Je vais tâcher ici de le faire comprendre à mes lecteurs. La fondation Seligmann a été fondée par une Françoise du même nom, résistante, femme extrêmement engagée dans le monde associatif et politique. L’association Sauvegarde des Enseignements Littéraires est née de Jacqueline de Romilly, bien connue des hellénistes ou simples amoureux de la Grèce. Elle oeuvre, comme son nom l’indique, pour la promotion des enseignements littéraires et culturels, principalement en rapport avec cette vaste période qu’est l’Antiquité. J’ai été très touchée de découvrir, suite à de rapides recherches, que c’était grâce à deux intellectuelles, femmes engagées, courageuses et généreuses (et grâce aux personnes qui travaillent aujourd’hui à leur suite) que mes élèves, mes collègues et moi allions pouvoir partir en voyage. Dans ces jours là, je me dis que non seulement je fais un métier formidable, mais que le monde est peuplé de personnes qui s’engagent à leur façon. Et quand on croise leur route, ça fait du bien !
Je reprends le fil de la préparation du voyage. Les subventions des associations en poche, notre budget n’était pas encore totalement bouclé. Pour cause de normes sanitaires, les fameuses « ventes de gâteaux » qui ont pourtant financé tant de voyages scolaires ne sont plus autorisées. Qu’à cela ne tienne, nous avons tenté de proposer des commandes de brioche, qui a abouti à un brillant total de 30 euros. Le mérite de cette opération aura été de mobiliser les élèves sur un stand pendant une soirée: ils étaient super motivés et ont adoré être ainsi responsabilisés. Si j’organise à nouveau un voyage (ce qui risque d’arriver, c’est trop tentant), j’essaierai d’impliquer davantage les élèves sur les aspects pratiques de la préparation - ici, par mesure d’efficacité, ce sont mes collègues et moi qui avons géré la logistique et le programme du voyage, ainsi que la recherche de fonds. Je pense pourtant que ce sont de telles tâches pourraient être très formatrices pour les élèves.
L’échec cuisant des brioches a été compensé par la réussite totale de notre collecte en ligne sur le site de la Trousse à Projets (le crowdfunding version Education Nationale). Revenant à mes premières amours d’école de commerce, j’étais ravie de pouvoir mettre à nouveau mes proches à contribution. Et notre bonne étoile ne nous a pas lâchés, s’incarnant en la personne du responsable d’une troupe de scouts à Arles, qui a accepté de nous prêter des grandes tentes pour loger tous nos petits. Le bilan aurait été parfait si le gérant du camping à l’amabilité toute relative n’était pas venu le ternir. Mais on s’en tire toute même très bien, et nous voilà fin prêts à partir - même si je confesse que j’ai un peu peur que les élèves se pointent sans sac de couchage et tapis de sol à la gare de Pierrefitte-Stains où nous avons demain matin à 5h45.
Conclusion: l’optimisme, ça paye ! Vous remarquerez que je ne me suis pas étendue sur la deuxième qualité requise, la capacité à penser à tout. Je n’ai cessé de me dire pendant cette préparation: « oh non, j’ai oublié ça - mince, il va être trop tard pour valider telle visite maintenant - j’espère que j’ai bien pensé à refaire une photocopie du papier que Untel perd pour la troisième fois ». Clairement, je n’ai pas réussi à tout anticiper, tout faire dans les cadres, à temps, proprement. Mais à défaut de penser à tout, j’ai fait tout ce que j’ai pu, et c’est déjà pas mal. On verra demain si cela suffisait !
J’ai déjà été bien bavarde et je m’en remettrai à un (des) prochain(s) article(s) pour raconter le reste de mes aventures.
A très vite !
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journalduneprof · 5 years
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Point d’étape
18/11/18
Pas facile dernièrement de prendre le temps de me mettre à mon clavier pour raconter cette période automnale. On rentre dans la routine, on est pris par le travail, et il moins évident de commenter son quotidien que les découvertes de la rentrée. A la faveur d'un trajet en train, je m'y mets, en espérant trouver le bon ton pour raconter ces semaines écoulées.
Trouver sa place
Avant de m'atteler à cet article, j'ai relu le précédent, écrit peu de temps après mon arrivée dans mon nouveau collège ; et je suis contente de constater que j'ai bien mis en place ce que j'avais prévu pour passer plus de temps dans l'établissement et m'y intégrer. Trois heures par semaine, je participe à Devoirs Faits. Le lundi midi, j'ai rejoint le club radio monté par mes collègues du CDI et de musique : l'idée est de créer une webradio du collège, par et pour les élèves, mais aussi pour l'ensemble de la communauté éducative, des parents, etc. Le sujet est assez technique et ce n'est pas évident de les faire avancer en une heure, mais ma collège de musique gère le côté technique et les petits sont assez volontaires. Le vendredi midi, j'ai lancé un atelier philo avec une collègue. C'est la meilleure heure de la semaine, j'y reviendrai dans un autre article, en deux mots je peux déjà dire que c'est un vrai bonheur. Enfin, j'essaie de proposer régulièrement à des collègues de travailler ensemble: des sorties avec les classes que nous avons en commun, des cours en co-animation (notamment avec mon collègue du CDI qui est toujours partant et d'une grande aide). Je suis contente de toutes ces initiatives, que je n'aurais peut-être pas osé lancer l'année dernière en tant que toute jeune débutante. Tout feu tout flamme, j'ai cependant parfois lancé des projets que j'ai du mal à mener à bien : j'avais par exemple en tête d'emmener mes élèves de latin (une soixantaine) visiter des vestiges romains à Arles et Nîmes. J'ai donc construit un projet pédagogique impliquant mes collègues d'arts plastiques, histoire, français ; obtenu l'accord de principe du CA... mais maintenant il faut retrousser ses manches et trouver des financements, et j'ai complètement délaissé cette partie du boulot depuis plusieurs semaines. Disons en tout cas que j'ai testé ma capacité à lancer des projets, et qu'il va désormais falloir que je développe celle de les entreprendre avec rigueur.
Trouver son rythme
Mon rythme, je ne l'ai pas encore totalement trouvé. Et cela rejoint en grande partie le point précédent. J'ai parfois l'impression de vouloir courir trop de lièvres : préparer de bons cours, lire des ouvrages théoriques sur l'éducation, l'incontournable ESPE, les projets pédagogiques, les cours particuliers pour mettre du beurre dans les épinards, mon vœu pieux de beaucoup lire et écrire... En début d'année, j'ai cru que j'allais avoir trop de temps, à ne savoir qu'en faire, et je m'aperçois finalement que je n'arrive pas à assez bien m'organiser pour tout faire correctement. Le point positif est que cela m'apprend des choses sur mon fonctionnement : j'ai peur du vide et je charge la barque, je suis sur plusieurs fronts quitte à aller un peu vite sur tout, ce qui ne me dérange pas car je ne suis pas la plus grande perfectionniste qui soit... mais cela ne marche que jusqu'à un certain point, et je me retrouver prise à mon propre piège, parfois un peu frustrée et perdue dans mon organisation. Étant moins monotâche que je ne l'étais l'année dernière à plein temps (ou que je ne pouvais l'être en prépa par exemple), je dois apprendre cette année à mieux gérer mes priorités, et me forcer à ne pas forcément dire oui à tout sans pouvoir honorer mes engagements.
Trouver sa posture
Les semaines passent et ma relation avec mes élèves évolue. L'année avait bien commencé avec mes 5èmes, que je trouvais infiniment plus faciles à gérer que mes précédents petits monstres. J'ai essayé de mettre en place avec eux un système fondé sur la confiance, exigeant silence et concentration mais en leur expliquant pourquoi, recourant à des discours type « quand vous bavardez, je ne me sens pas respectée en tant que professeure et vous ne pouvez pas travailler » plutôt qu'un expéditif « taisez-vous ! » ... Ce mode de fonctionnement touche un peu ses limites en ce moment : les élèves sont de plus en plus dissipés, mes leçons de morale sont plus fréquentes et donc moins efficaces, et je ne me résous pas encore à multiplier les heures de colle et appels aux parents (deux raisons à cela : je ne suis pas toujours persuadée de l'efficacité d'une punition type heure de colle... et cela demande une rigueur et une organisation qui me manquent parfois). Bref, il faut que je trouve un nouveau souffle, me montrant plus sévère sans me forcer à entrer dans une posture qui ne me ressemble pas. Énorme progrès par rapport à l'année dernière : rien de tout cela ne m'empêche de dormir et je ne me blâme pas de faire rater leur année scolaire à mes élèves parce que je ne suis pas une assez bonne prof... ça soulage ! En parallèle, je prends de plus en plus de plaisir avec mes latinistes, que j'ai mis plus de temps à apprivoiser car je ne les vois qu'une à deux heures par semaine, mais que je connais désormais davantage et que j'arrive de mieux en mieux à faire travailler. Avoir toujours au moins une classe avec laquelle ça se passe bien, ça aide à garder le moral quand c'est plus compliqué avec les autres.
C'est donc une Capucine contente d'aller travailler tous les matins qui vous écris ! Et il me semble que c'est un bon mot de la fin.
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journalduneprof · 6 years
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Back to school
30/09/2018
Septembre, il fait beau, il fait (presque) bon, les arbres n’ont pas encore perdu leurs feuilles et les profs leur patience. C’est la saison des bonnes résolutions, des baskets neuves, des cahiers bien tenus, et pour moi, celle d’une double rentrée.
Côté prof
C’est fou comme la deuxième rentrée de prof est moins impressionnante que la première. Débarrassées de l’interrogation fondamentale qui consiste à se demander «à quelle sauce vont me manger ces êtres étranges et perturbateurs que sont les collégiens?», les heures qui précèdent les premiers cours ont été bien moins stressantes qu’il y a un an. Pourtant, arrivant dans un nouvel établissement, j’avais - et ai toujours - bien des choses à découvrir.
Quelques mots sur mon nouvel environnement de travail pour commencer: là où mon ancien collège était enclavé dans une cité, l’actuel est au carrefour de trois villes du Nord du 93, drainant une population qui, si elle n’est guère plus mélangée socialement, a la particularité de l’être davantage géographiquement. Les élèves habitent dans des villes et viennent d’écoles primaires différentes, ne sont pas tous destinés à aller dans le même lycée. L’an passé, l’école primaire du quartier se trouvait en face du collège, le lycée quelques dizaines de mètres plus loin dans la rue, et les élèves partageaient tous la même adresse, à un numéro de bâtiment près (j’exagère à peine). Conséquence principale: pas de réelle discontinuité entre le quartier et l’école, et une ambiance souvent électrique dans les couloirs et la cour de récré. Mon nouveau collège n’est à proximité immédiate d’aucune cité, il est plus spacieux, plus lumineux, et j’ai l’impression qu’il y a une plus nette démarcation entre son espace intérieur, dédié à l’enseignement, et celui de la rue. Je m’improvise géographe sur ce coup, mais j’ai l’impression que c’est une des choses qui concourt à y installer l’ambiance relativement apaisée qui m’a agréablement surprise en ce début d’année.
Difficile de ne pas tout comparer: quartier, locaux, direction, ambiance, collègues, transports, élèves… Comme me l’a expliqué un ami - qui se reconnaîtra et sera je l’espère flatté d’être cité dans ces prestigieuses lignes -, des études prouvent que l’impression qu’on a d’une expérience est fortement influencée par les derniers instants de celle-ci. Certes, j’en ai bavé l’an dernier. Mais la fin de mon année a été marquée par des très bons moments entre collègues et avec les élèves: j’ai donc vécu les premières semaines sous le signe de la nostalgie et de la comparaison.
Revenons à mes premiers pas de fonctionnaire. Le CAPES en poche, me voilà stagiaire: prof à mi-temps, élève le reste de la semaine (j’y reviendrai). A nouveau petite nouvelle, j’ai été bien accueillie au sein d’une équipe plutôt stable, mais ce n’est pas évident de créer rapidement du lien en étant présente seulement trois jours par semaine. Deux fois moins de classes donc deux fois moins de collègues avec qui on est directement en relation; deux fois moins d’heures donc deux fois moins de temps passé entre les murs du collège. Il y a bien sûr des manières de remédier à cela - participer à l’opération Devoirs Faits le soir après les cours, s’inscrire au CA, organiser des clubs le midi - et je compte là dessus pour me sentir plus intégrée et impliquée.
Car il est vrai que la transition avec une première année à plein temps, ultra stimulante et faite de découvertes permanentes, est un peu déconcertante. Il va me falloir encore une ou deux semaines pour me faire à mon nouveau rythme de stagiaire. Mais si ce changement est flagrant pour moi et m’amène à beaucoup me questionner dès cette rentrée, j’observe auprès de mes camarades que la deuxième année est pour nombre d’entre nous une étape un peu compliquée: on n’est plus tout à fait dans la nouveauté perpétuelle des débuts et l’enthousiasme qui va avec, mais on est loin d’être des professionnels chevronnés qui ne rencontrent aucune difficulté avec leurs classes. (Aparté: d’ailleurs, même les «vieux profs» ne sont pas épargnés par certaines difficultés, et comme l’écrit Sophie Mazet dans son super bouquin Prof: les joies du métier, prêté par une amie - qui se reconnaîtra et sera je l’espère flattée d’être citée dans ces prestigieuses lignes -, il est plus difficile d’être un bon prof tout au long de sa carrière qu’un excellent prof pendant un an ou deux.)
Cela étant dit, et malgré ce temps d’adaptation inévitable, j’entrevois déjà tout ce que cette deuxième année va pouvoir avoir de passionnant. La gestion de classe me prenant moins de temps et d’énergie que l’année dernière, je suis plus lucide pour réagir à tous les micros-incidents qui arrivent en classe, et j’ai aussi plus de temps pour réfléchir à mes cours, me documenter sur la pédagogie, etc. Ca tombe bien, car mon objectif principal pour cette nouvelle année était de devenir une meilleure prof: y a plus qu’à ! Et au delà de ces objectifs de performance, passer du temps avec ces chères têtes blondes reste un grand plaisir.
Côté élève
Quant au plaisir d’être à nouveau élève… C’est une autre histoire. Une journée par semaine, je suis sur les bancs de l’ESPE (Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education), ce qui me permet de me balader dans des coins aussi charmants que Créteil, Torcy, ou Bonneuil. J’avais beaucoup hésité à passer le CAPES l’année dernière, notamment parce que j’avais peur du rythme en demie-teinte, et aussi à cause de retours contrastés sur l’ESPE. J’avais finalement opté pour, avec pour motivations principales l’envie d’avoir plus de temps pour préparer mes cours et de bénéficier de l’apport d’une nouvelle formation et également celle de voir comment les profs étaient formés par le rectorat.
Quelques mois plus tard, m’y voilà, j’ai donc tout le loisir de me faire mon opinion sur la question. La formation est intéressante, et apporte des réponses / idées sur pas mal de points liés au cours de français: comment problématiser une séquence, travailler sur une oeuvre intégrale, diversifier ses exercices de conjugaison; quel type de trace écrite privilégier à la fin d’une leçon, etc. Le problème, c’est que ce contenu, fort utile, est noyé dans beaucoup de considérations psychologisantes: «comment ça se passe en classe ? / avez-vous des problèmes administratifs ? / attention, veillez à garder une vie sociale!» et autres discussions de ce type qui me donnent la fâcheuse impression de perdre mon temps. Non pas bien sûr que je considère être au dessus de ces questions. Mais 1/ avec Le Choix de l’Ecole, j’appartiens déjà à un collectif très soudé, et j’échange sans cesse avec mes copains sur les difficultés/enjeux/joies de notre quotidien de jeunes profs débutants, et je n’ai donc pas besoin d’un espace de parole supplémentaire et 2/ je suis là pour apprendre à être une meilleure prof de français et je suis avide de concret.
Et puis il y a aussi le fait que 10h de cours, cela me paraît bien peu, comparé à mon temps plein de l’année dernière. A la place, j’aurais envie de passer plus de temps avec les élèves: en plus du fait que l’on progresse aussi en pratiquant, on s’amuse quand même beaucoup plus du côté prof. Au moins, cela me fait me remémorer à quel point une journée de cours peut parfois être subie…
Le mot de la fin
En bonus, un instant #metoo alors que nous étudiions un extrait de Perceval ou la Quête du Graal avec mes 5èmes, où ledit Perceval vole vingt baisers à une demoiselle qui n’en demandait pas tant. Moi: «Que pensez-vous du comportement de Perceval?» / Un élève: «Il fait son charo!» (NB: «charo», diminutif de «charognard». Dans ce contexte, désigne un homme qui se montre entreprenant avec une femme non consentante. Peut être utilisé comme synonyme de «forceur». Ex: «un charo c’est quelqu’un qui ne lâche rien et c’est ce que je suis» Blaise Matuidi, footballeur). Je ne l’aurais pas dit comme ça, mais l’idée est là.
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journalduneprof · 6 years
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L’heure du bilan
26/07/18
L’année scolaire terminée depuis quelques temps déjà, c’est le moment de mettre par écrit des bribes de ces dernières semaines chargées en émotions avant de me lancer pour de bon dans les (grandes) vacances.
Rester ou partir ?
« Rester ou partir ? », c’était le sujet de rédaction de fin de la séquence « Ile et naufrage » de mes 5èmes il y a quelques mois. Après avoir tenu un carnet de bord du naufragé, ils devaient écrire une lettre à leur famille pour leur expliquer leur décision de rester sur ou partir de l’île déserte sur laquelle ils avaient échoué. C’est également la question qui s’est posée à moi à propos de mon collège, sans que je n’aie de prise dessus. Comme beaucoup de mes collègues contractuels, je souhaitais rester dans mon établissement à la rentrée 2018. Pour suivre mes latinistes et quelques élèves en français. Pour retrouver mes collègues avec qui j’ai pu nouer de beaux liens au fur et à mesure de l’année. Pour pouvoir lancer des projets dès septembre, sans les semaines d’acclimatation à un nouvel endroit, de nouveaux collègues, une nouvelle direction, de nouveaux élèves. Et aussi pour m’épargner une nouvelle rentrée en terre inconnue, avec une réputation à se faire. A ma grande tristesse, une collègue (voyez comme je m’insère au sein de la corporation) a demandé mon poste, et j’ai donc dû lui céder la place. Pas de surprise, je savais, et tous mes amis contractuels le savent aussi, qu’on ne peut pas prétendre à beaucoup de stabilité quand on revêt ce statut. J’en ai simplement fait les frais un peu douloureusement en juin. Mais à quelque chose malheur est bon : qui dit départ dit pot de départ (malin hein) et les témoignages de certains collègues et élèves m’ont beaucoup touchée. C’est donc la larme à l’œil et une coupe de champagne à la main que j’ai fait mes adieux à ma chère banlieue.
L’université d’été
Comme l’été dernier, un petit passage par Noisy-le-Grand pour l’université du Choix de l’Ecole (roulement de tambour, nouveau nom de Teach For France) était prévu. Pas un mois cette fois-ci mais une semaine, pour se retrouver entre copains, faire le bilan de cette expérience incroyablement riche et la connaissance de la nouvelle promotion de profs. Personnellement, j’avais grand besoin de ce sas avant les vacances pour faire le point sur l’année écoulée. Sans savoir le formuler précisément, je sentais bien sûr que cette première année d’enseignement m’avait énormément apporté. Mais je l’ai tellement vécue au jour le jour que je n’étais pas encore bien capable de discerner tout ce que j’avais appris sur les plans personnel et professionnel – à part la capacité à se lever très tôt, à retenir tout un tas de prénoms et à réapprendre la troisième déclinaison. J’étais donc mûre pour un petit moment d’introspection, qui m’a permis de commencer à prendre conscience du chemin parcouru. Cette année, j’étais, sans que cela ne soit une souffrance, dans la remise en cause et dans l’adaptation permanente, et je n’avais pas vraiment de temps de cerveau disponible pour réaliser les progrès que je faisais. Ce temps, je l’ai finalement pris pour mettre des mots sur quelques accomplissements personnels ou collectifs, et au bonheur de m’être lancée dans ce métier si trépidant s’est ajouté une certaine sérénité.
Bilan et objectifs
Pas évident de vous livrer les enseignements principaux sans recopier l’intégralité de mes notes, mais en vrac, voici ce que je retiens de cette année :
L’entraide entre collègues est fondamentale, j’en ai bénéficié tant au sein de mon collège que de l’asso. Pouvoir partager mes difficultés a été salvateur et m’a parfois aidée à trouver des solutions ; et à mon tour réconforter les copains ou partager quelques réussites a été une belle occasion de faire profiter de mon énergie aux autres.
Cette année, je me suis souvent sentie responsable des situations difficiles en classe. Je me blâmais vite – « mes cours ne sont pas assez carrés, je n’ai pas assez d’autorité, je suis trop fatiguée pour faire face au bordel, je n’arrive pas à récupérer tel élève, je ne leur fais pas faire assez de contrôles » et j’en passe. Je persiste à penser que c’est une très bonne chose de savoir se remettre en question… mais je pense aussi qu’il faut que j’apprenne à me mettre à distance de certaines situations compliquées et de ne pas les imputer à ma seule petite personne. Après l’apprentissage de la remise en cause permanente, il va falloir que j’inocule l’art de relativiser afin de ne pas m’exposer trop personnellement en classe. On le sait, on le dit, une heure de cours ratée ce n’est rien dans la vie d’un élève, mais il n’empêche, cela peut peser lourd dans une journée de prof.
Trouver sa posture de prof est un subtil équilibre. On m’a beaucoup répété : « tu joues un rôle quand tu es en classe, quand tu te mets en colère il faut que ce soit feint, tu dois avoir un ‘clown de prof’ ». Certes, et cela rejoint le point précédent, sur le fait de se mettre à distance. Mais parfois, s’adresser aux élèves avec sincérité sur des sujets qui nous touchent est le meilleur moyen de faire entendre notre voix – et de prendre du plaisir avec eux. A chacun de trouver sa formule, la mienne est encore en cours d’élaboration !
Plus rapidement, mes objectifs pour l’année prochaine :
Devenir une meilleure prof de français et de latin (rien moins que ça)
Etre plus calme en classe, pour m’économiser et pour que les élèves le soient aussi
M’investir à fond dès le Jour 1 dans mon nouveau collège, pour contrebalancer un potentiel effet stage - l’année prochaine, ayant passé (et obtenu) mon CAPES, je serai à mi-temps devant élèves, et à mi-temps à l’ESPE (Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education). Je suis heureuse de bénéficier d’une nouvelle formation, mais j’ai un peu peur d’être dans une dynamique moins stimulante du fait d’une présence plus légère au collège.
Préparer des cours au format plus systématisé pour que mes élèves aient davantage de repères.
Faire plus de petites évaluations pour que les élèves travaillent régulièrement.
Avoir un « grand » projet avec ma classe de français avec pour objectif de stimuler la créativité et la capacité d’organisation des élèves.
Les copains d’abord
Et puis l’université d’été c’est surtout les copains ! Ceux que j’avais beaucoup côtoyés, tantôt pour travailler, tantôt pour profiter de nos nombreuses vacances, mais aussi ceux que j’avais moins vus. Par discipline ou tous réunis, nous avons mis en commun nos meilleures pratiques, partagé nos difficultés communes, rassemblé quelques conseils à donner aux nouveaux. C’était super satisfaisant de formaliser ensemble les apprentissages de cette année, de glaner à leur contact des bonnes idées pour la rentrée, et d’envisager une nouvelle manière de nous engager dans l’association l’année prochaine.
Clap de fin… avant la suite
Il est désormais temps de quitter mon clavier et de profiter des mes six semaines de vacances, période de l’année où les « t’as trop de chance, moi j’ai 10 jours en août » viennent remplacer les « chapeau, moi je tiendrais pas face à tous ces ados ». Je ne vais pas bouder mon plaisir et je vous retrouverai à la rentrée pour le chapitre 2 ! Merci de m’avoir lue jusqu’ici 😊
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journalduneprof · 6 years
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Voyages scolaires
25/05/18
La dernière fois que vous m’avez lue, j’étais au cœur de la tourmente. Rassurez vous, depuis, le joli mois de mai est arrivé, marquant le début d’une nouvelle période, que je devine bien plus festive pour beaucoup d’entre nous que ne l’a été l’hiver. Le cortège des jours fériés n’a pour le moment pas été mis à profit pour rattraper mon retard sur le blog mais plutôt pour me reposer. C’est finalement attablée à une terrasse ensoleillée que je renoue avec mon clavier. Mieux vaut tard que jamais !
Avril
Avril me semble maintenant il y a une éternité mais avait déjà apporté un petit vent de renouveau. J’ai profité d’une semaine banalisée pour le brevet blanc, à l’emploi du temps un peu remanié, pour emmener mes 5èmes latinistes pour une petite visite des départements grecs et romains du Louvre. N’ayant guère eu le temps de préparer ladite visite, j’ai compté sur mes souvenirs de prépa pour retrouver quelques réflexes en histoire de l’art – et aussi sur l’héritage de mon grand-père maternel qui m’a emmenée faire d’innombrables visites du Louvre lorsque j’étais petite. Finalement, ma science était suffisante : les élèves, s’ils sont curieux et enthousiastes à l’idée de sortir du collège, n’ont pas une capacité d’écoute surdéveloppée pour des commentaires sur des statues. On s’est donc amusés à reconnaître les dieux et héros, les scènes mythologiques, sur un fond de perpétuelle offuscation / excitation face à la nudité des diverses figures. Mais comme je leur répète souvent, quand on s’intéresse à l’Antiquité gréco-romaine, il faut s’habituer à avoir des fesses sous les yeux. Le clou du spectacle se trouvait pourtant ailleurs : alors qu’on sortait pique-niquer dans le jardin des Tuileries, un de mes élèves s’exclama « Waaaaaaah, il est trop beau le pigeon !!! ». Après tout, pourquoi pas, il faut aussi savoir s’émerveiller des trésors dont regorge Mère Nature.
Mai – partie 1
Après d’excellentes vacances, j’ai embarqué dès la rentrée pour un voyage haut en couleurs, probablement le meilleur moment de mon année jusqu’ici.
Rendez-vous lundi matin à 6h30 du matin au collège sous une pluie grise. Les élèves arrivent, secondés par leurs parents - certains émus, d’autres déjà plus habitués à laisser filer leurs petits – et trainant des valises plus grosses qu’eux. On vérifie que tout le monde a bien ses papiers, et on file à Orly, d’où nous prendrons un avion pour Athènes (!!!). Je suis ravie de retrouver cette ville incroyable, que j’avais découverte plusieurs années auparavant lors d’un voyage scolaire, cette fois-ci dans le rôle de l’élève. Après une longue journée de voyage, notre fine équipe de 61 enfants + 8 accompagnateurs débarque à l’hôtel : c’est parti pour une semaine intense.
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Au loin, la colline du Lycabette
Les journées qui ont suivi ont été riches en visites, certaines dans Athènes (balades ensoleillées à travers la ville, ascension sportive de la colline du Lycabette, incontournable Acropole, magnifique musée de l’archéologie), d’autres en dehors (Epidaure, Mycènes, canal de Corinthe, Delphes, Cap Sounion, Ossios Loukas). Certains élèves ont très bien adopté le rythme sportif, d’autres trainaient un peu plus la patte… J’avoue n’avoir pas trop réalisé ce que pouvait encaisser un gamin de 12 ans pas rompu à l’exercice en termes de marche sous un sacré cagnard, et j’ai donc remisé au placard un certain nombre de lamentations : « mais non t’es pas fatigué, allez on se motive, regarde comme c’est beau, tu seras content de l’avoir fait ! ». Une de mes élèves de 6ème a clairement explosé son record de km parcourus en une semaine, au point de déclarer, haletante : « Madame, ma mère elle va pas me reconnaître, j’vais trop maigrir ! ». J’ai trouvé pour désamorcer leurs plaintes une petite technique dont j’étais très fière : j’ai expliqué aux élèves la philosophie stoïcienne sur le mode « il faut chercher à se changer soi et non pas désirer que le monde se transforme pour se conformer à nos désirs » et je leur ai faite appliquer. Ce qui donnait lieu à des dialogues du type : l’élève : « Madame j’ai trop chaud ! » / moi : « Pas très stoïcien ça comme remarque, est-ce qu’on peut baisser la température du soleil ? » / « ... non » / « Alors travaille sur toi et accepte la chaleur ». Bon, ça n’a fonctionné qu’un temps, mais c’était amusant.
Les faire marcher, c’est pour leur faire voir des belles choses et leur donner leur goût de l’effort me direz-vous ? Oui, mais pas seulement ! Car un élève exténué est un élève qui se couche sans trop rechigner, et c’était clairement notre objectif en rentrant à l’hôtel le soir. Evidemment, on n’a pas coupé aux élèves qui faisaient sonner tous les téléphones de l’étage, aux allées et venues dans les chambres des copains, aux rires jusqu’à une heure tardive – mais en même temps, ils auraient eu bien tort de s’en priver. Ceci-dit, après une journée à les surveiller non stop, sans 5 mn de pause, à minuit, on a juste envie de boire une bière entre collègues puis d’aller se coucher rapidement pour tenir le coup le lendemain, et on est un peu moins dans un esprit « il faut que jeunesse se passe ». Nous avons donc dès le deuxième soir adopté une technique radicale : on faisait se coucher les élèves, lumière éteinte et porte ouverte, et on ne fermait la porte que lorsqu’ils étaient endormis.
Voyager avec des élèves, surtout dans un si beau cadre, permet de les découvrir sous un jour totalement différent. Ils sont plus détendus, enclins à papoter, affectueux. Moi-même, j’étais bien plus proche de la fille que je suis dans la vie de tous les jours que de la prof que je campe au collège. Pendant toute la semaine, j’ai un peu filmé et beaucoup photographié les élèves, ce qui au début les surprenait « Mais Madame vous prenez tout le temps des photos ficha ! » (comprendre : photo prise à l’insu de l’intéressé). Puis au fil des jours cela s’est mué en « Waaah Madame, elles sont trop belles vos photos, pourquoi vous êtes pas photographe ?? Madame vous pouvez m’apprendre ? ».
Outre les très belles visites, je retiens deux moments à part, joyeux et détendus. Le premier, sur une plage où nous nous sommes arrêtés une petite heure au retour du Cap Sounion. A ma grande déception nous n’avons pas pu nous baigner mais les élèves étaient ravis d’être près de l’eau. On a sorti une enceinte, mis de la musique, fait des ricochets avec les enfants, pendant qu’un ou deux se joignaient à une troupe de personnes qui dessinaient sur la plage et leur ont passé papier et crayons pour qu’ils se prêtent au jeu. C’était un moment que j’ai trouvé magique – il faut dire que la mer exerce sur moi un fort pouvoir d’attraction, j’étais clairement dans mon élément. Le second, une balade nocturne du dernier soir à Athènes. Nous avions hésité à nous risquer dehors car un énorme orage était prévu. Mais vu l’état de surexcitation des élèves en cette veille de départ, il était inenvisageable de les laisser parqués à l’hôtel. Nous avons donc emprunté un magnifique chemin le long de l’Acropole illuminée, effectuant la fameuse volta (promenade) vespérale chère aux Méditerranéens. Plusieurs groupes de musique jouaient : les élèves se mettaient à danser et les profs n’étaient pas en reste, ce qui déclenchait de nombreux commentaires « Aaaaanh t’as vu Mme X elle danse avec M. Y, c’est sûr ils sont ensemble !». On aurait volontiers fait durer ce doux moment, mais la perspective d’un lever matinal nous a fait regagner l’hôtel. A peine arrivés, l’orage s’est déclenché violemment, signe évident de la bénédiction de Zeus sur notre joyeuse troupe.
Il a bien fallu retourner à notre banlieue. Les enfants n’en avaient aucune envie, mais les profs n’étaient pas fâchés de pouvoir souffler. En tout cas, les rapports sont aujourd’hui sensiblement plus détendus avec les élèves qui ont fait partie du voyage, et c’est très agréable.
Mai – partie 2
Les cours ont repris en pointillé, à cause des jours fériés et d’un nouveau départ pour un court voyage, moins exotique cette fois-ci. Il s’agissait d’un séjour de 2 jours à Champs sur Marne, pour faire du kayak et autres activités nautiques. C’est ainsi que sous la pluie, sur un plan d’eau des plus excitants, je me suis retrouvée à essayer de faire avancer un mini cata ou à pagayer. Encore une bonne occasion de découvrir les élèves dans un contexte différent, et puis pourquoi pas de les arroser un peu au passage. Le thème du séjour était « Mange comme un athlète » : une de mes collègues cordon-bleu a cuisiné pour les 40 gamins + les adultes pendant deux jours, pour faire profiter aux enfants de repas équilibrés – ce qui n’est pas toujours le cas chez eux, loin s’en faut. De même, j’ai appris par mes collègues d'EPS que les enfants du collège étaient moins bons que la moyenne en sport : on est loin du cliché du jeune de banlieue prodige du ballon rond. Ceci, faute de pratique régulière en club : comme quoi tout est discriminant socialement, même ça.
Et le reste ?
Je vous rassure, je travaille quand même un peu. J’ai attaqué la poésie avec mes 6èmes après une (trop) longue séquence sur l’Odyssée, et je fais faire de la sociologie à mes 5èmes, qui doivent interroger des adultes du collège sur le thème « quel collégien étiez-vous ? ». Au-delà du travail quotidien, j’ai rencontré plusieurs personnes très intéressantes dernièrement, qui me permettent de continuer à réfléchir sur les différentes manières possibles d’enseigner et enrichissent progressivement ma vision du paysage éducatif en France. Cela pourra peut être faire l’objet d’un prochain article !
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journalduneprof · 6 years
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Du retard à rattraper
23/03/18
Février : où la fatigue et les émotions l’emportent
La fin de la période avant les vacances de février a été vraiment dure. Déjà, comme je le racontais dans mon précédent article, les fameux « épisodes neigeux » n’ont pas aidé - journées hachées, élèves survoltés, profs fatigués (prof fatiguée surtout, je parle pour moi). En plus, mes relations avec mes quelques élèves très perturbateurs en 5ème ne se sont pas arrangées, créant dans la classe concernée une ambiance très peu propice au travail… mais très propice aux tensions.
Ambiance qui a explosé juste avant les vacances, lorsque la quasi intégralité de mes élèves s’est révoltée alors que je leur annonçais qu’ils auraient un livre à lire pendant les vacances. J’ai été tellement contrariée et attristée par leur réaction que j’ai véritablement craqué sous leurs yeux – premières (et j’espère dernières) larmes d’énervement et de lassitude devant leur refus d’apprendre, ou du moins de travailler. Un peu à bout, et touchée personnellement (on ne devrait pas en arriver là mais parfois il est trop tard), j’ai été très transparente avec eux, plutôt que de leur servir un discours de prof éculé du type « quand-on-vous-donne-des-devoirs-il-faut-les-faire-c’est-tout ». Je leur ai dit que s’ils refusaient de lire un simple livre en 5ème ils risquaient d’avoir des difficultés plus tard dans la vie, car ce qu’on leur demanderait leur paraîtrait trop dur. Que s’ils arrivaient jusqu’au bac de français, leurs références actuelles étaient loin de suffire. Que pendant qu’ils s’acharnaient à râler à propos de chaque exercice à faire, les gamins des beaux quartiers continuaient à prendre de l’avance sur eux. Que si je leur donnais des devoirs pendant les vacances, ce n’était pas pour leur gâcher la vie mais parce que je considérais cela nécessaire pour leur parcours d’élève et d’enfant. Et enfin, que je ne leur demandais pas de m’aimer ou d’être d’accord avec moi, mais que ce travail restait obligatoire et serait noté. Bref, j’ai bien vidé mon sac, et je pense que ça les a un peu secoués ou du moins troublés de me voir dans tout mes états comme ça, car tout d’un coup, silence dans la salle. Vraiment bizarre cette prof de français, elle se met à pleurer pour un livre. Vous inquiétez pas Madame, on va le lire.
Heureusement mes collègues étaient au rendez-vous pour me consoler de cet épisode en soi pas dramatique, mais qui me cueillait à un moment où j’étais particulièrement vulnérable. L’un d’eux m’a répété ce qu’il m’avait déjà dit cet été, en guise d’avertissement avant la rentrée : « Rappelle-toi que les élèves ont toujours une bonne raison de dire ce qu’ils disent, de penser ce qu’ils pensent, de faire ce qu’ils font. A leurs yeux, ils sont dans leur bon droit. C’est leur rôle d’élève de râler parce que tu leur donnes du travail. » Utile pour relativiser et se rappeler que leurs réactions ne sont pas dirigées contre moi personnellement mais contre mon rôle de prof.
Après tout ça, je n’étais pas fâchée de partir en vacances, même si j’ai eu du mal à couper le cordon - j’ai rêvé de mes élèves pendant 4-5 jours avant de réussir à tourner la page. Pour conclure sur ce sujet : je me suis rendu compte, en prenant un peu de recul et en en discutant avec des amis qui travaillent dans d’autres domaines, que le sujet de la reconnaissance pour le travail accompli fonctionnait d’une manière vraiment particulière pour les profs. Par exemple, je ne pourrai jamais exiger de mes élèves d’être sages telle heure parce que j’ai passé 3h à préparer ce cours. Soit ça prend, soit ça ne prend pas, mais il m’est impossible leur demander de m’être reconnaissants pour le travail que j’ai fourni en amont, à l’inverse d’un boss qui peut me féliciter parce que j’ai bien fait telle analyse ou préparé telle présentation. Les élèves préfèreront d’ailleurs en règle générale que je n’aie rien préparé et que je les mette devant un film, plutôt que je n’aie pas dormi la veille pour leur concocter une super leçon. Autant en être consciente pour ne pas être frustrée en attendant des remerciements qui ne viendront pas.
Mars : où je retrouve un peu de sérénité
Après des vacances mi alpines, mi citadines, et plutôt studieuses, me voilà de retour à l’école. Ces deux semaines loin du collège (plus loin pour moi que pour les élèves) ont fait du bien à tout le monde, le climat est plus apaisé.
Les jours passent vite et nous sommes déjà à la période des conseils de classe du deuxième trimestre. Tous les professeurs, ainsi que le ou la CPE, partagent leur constat, et leurs éventuelles inquiétudes, sur chaque élève, et on cherche ensemble des solutions pour les cas qui posent problème. J’ai par exemple une élève en 6ème que je soupçonne fortement d’être dyslexique : pourtant ses premières visites chez l’orthophoniste n’ont rien donné. Le conseil de classe permet de (ré)affirmer les préoccupations des professeurs, et donne ainsi un prétexte au chef d’établissement et au CPE pour (re)prendre contact avec les parents et les autres personnes concernées (ici, le médecin scolaire). De même avec un élève récemment débarqué de Côte d’Ivoire, adorable, mais qui maîtrise mal le français, même s’il a été diagnostiqué francophone à son arrivée et a donc été intégré dans ma classe de 6ème plutôt que dans la classe d’UPE2A (ex-classe d’accueil, pour les enfants allophones – c’est-à-dire non francophones). On va donc le renvoyer devant les personnes compétentes pour lui faire passer des tests, et éventuellement le changer de classe en fonction de ses prochains résultats.
A côté de ça, les cours continuent : en français, l’Odyssée en 6ème, le Malade Imaginaire en 5ème ; en latin, toujours les Enfers, en 5ème, les guerres puniques en 4ème, la fin de la rhétorique et bientôt le début des empereurs romains en 3ème.
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Un exemple d’activité en classe: les latinistes de 4ème incarnaient chacun un personnage de la République romaine, citoyen ou non, et devaient jouer des saynètes en respectant les attributions de chaque personnage
Mes élèves de 3ème, qui devaient préparer des discours sur un thème au choix (parmi des suggestions que je leur avais faites ou bien un sujet de leur invention) m’ont préparé des discours plus ou moins éloquents mais toujours sincères, sur des thèmes comme les violences policières contre les Afro-Américains, le Kurdistan, l’Algérie, la peine de mort … La palme du meilleur discours a été décernée à « L’école est-elle juste ? », originellement proposé sous la forme « L’école est-elle égalitaire ? ». Hésitante au début, mon élève, E., ne savait pas vraiment si elle allait répondre par oui ou par non. Sans surprise, elle a choisi la négative, et a fait de ce triste constat un discours vivant, une interpellation à ses camarades, comme elle premiers concernés par cette question des inégalités scolaires. J’ai été enthousiasmée par l’intervention de mon élève, qui certes dénonçait le manque d’opportunités pour les jeunes de banlieue, mais à mes yeux a prouvé qu’elle ne manquait pas d’atouts pour se construire un bel avenir.
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Un art du photomontage à toute épreuve - “L’école est-elle juste?”
Parmi les dernières réjouissances au collège : la journée de l’élégance ce jeudi, qui m’a permis d’admirer mes élèves – et mes collègues ! – dans leurs habits de lumière. Pour les garçons, c’est à qui sortira son plus beau costard ou son plus beau jogging, mais toujours avec classe. Pour les filles, coiffures sophistiquées et épaules dénudées côtoient robes (longues) ou jolis pantalons. Désolée pour ce panorama un peu niais mais c’était vraiment mignon de les voir ainsi pomponnés. Dommage que je ne puisse pas vous montrer de portraits !
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A défaut des photos de classe, l’art du photomontage continue: lecture des contes des 6èmes au CDI
Avril : où le printemps arrive ?
Avril n’est pas encore là mais la suite de l’année approche à grand pas. Dans quelques semaines, les prochaines vacances arriveront, avec à leur suite le voyage en Grèce avec mes latinistes, puis un autre court séjour à Champs-sur-Marne pour faire du kayak avec mes 6èmes (oui oui). Je commence à entrevoir la fin de cette année et à réfléchir à la prochaine. J’aimerais beaucoup rester dans mon établissement pour pouvoir suivre mes élèves, mener des projets dès le début de l’année, et tout simplement m’épargner une nouvelle rentrée en terra incognita. Mais rien de tout cela n’est garanti, et j’ai encore bien des choses à faire avant juillet 2018 !
Par exemple, avec une collègue de français, nous avons commencé à réfléchir à une séquence sur le thème de l’école, pour remobiliser nos élèves dans les cours et les faire s’interroger sur leur place à l’école. Le but est de les transformer en petits sociologues pour quelques semaines, afin qu’ils interrogent des adultes dans l’établissement sur leurs souvenirs de collégiens et qu’ils analysent les réponses obtenues. Au menu également, des extraits de film ou de livre qui mettent en lumière différentes expériences d’élèves, des 400 Coups de Truffaut à Chagrin d’école de Pennac en passant par plein d’autres choses que nous n’avons pas encore identifiées. J’aimerais également profiter de cette séquence pour leur faire réaliser la chance qu’ils ont d’aller à l’école tous les jours, contrairement à des enfants vivant dans des pays moins favorisés. Cela peut paraître très bateau et plein de bons sentiments mais je pense que c’est tout de même un message important à faire passer, d’autant plus qu’on peut pour cela utiliser des supports très vivants – films, photos, interviews… Pourquoi pas même leur montrer des photos ou interviews d’enfants ou adolescents que j’ai moi-même interviewés pendant mon tour du monde ! A creuser. En tout cas, ce petit projet de cours illustre bien la liberté que l’on peut prendre lorsqu’on choisit des thèmes et prépare une leçon. C’est là l’un des aspects les plus appréciables de ce métier.
Je conclue ici ce billet un peu long en précisant que malgré les quelques difficultés ici mentionnées, je suis toujours heureuse dans ce que je fais. Un jour j’écrirai aussi un article sur les petits succès du quotidien, ceux qui font qu’il y a toujours un bon moment dans la semaine pour éclairer le reste.
La perle du jour
Et pour finir en beauté, la perle du jour, dans un devoir que je viens de corriger : à la question “Dans quelles conditions vit la famille?” posée dans un questionnaire de lecture, j’ai reçu la réponse “dans des conditions climatiques”. Pourquoi pas !
Bonne fin de semaine à tous, vivement le printemps !
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journalduneprof · 6 years
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L’école buissonnière
07/02/18
Matinée enneigée, collège fermé, j’en profite pour m’installer à mon clavier.
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La cour de récréation sous la neige
3ème rentrée, je suis rodée
Voilà déjà plus de 4 semaines que la rentrée est passée. Comme je le disais dans mon précédent article, elle s’est étonnamment bien passée pour moi. Non pas que les choses soient soudainement devenues plus faciles, mais je commence à bien connaître mes élèves, à savoir lesquels peuvent me poser problème, et le chahut ou l’agressivité de certains me touchent moins qu’auparavant. Il est d’ailleurs drôle de constater à quel point les élèves peuvent avoir une image différente d’un même prof. Depuis deux semaines, un de mes élèves de 6èmes ne cesse de me réclamer des blagues parce que, je cite, « il paraît que vous êtes la prof la plus drôle du collège ». Je ne sais pas d’où il tient ça, mais visiblement pas de mes 5èmes : en cours, alors que nous étudiions un texte où Robinson Crusoé n’arrive plus à sourire car il a perdu l’habitude de toute compagnie humaine, une de mes élèves lance : « comme vous Madame ! ». Comme quoi tout est relatif et il ne faut pas se formaliser de ces petites piques, qui m’amusent aussi (parfois).
Les premières semaines se sont écoulées moins dans l’urgence que d’habitude. Pour une fois, la plupart de mes cours étaient prêts, ce qui m’a permis d’arriver en cours plus sereine et plus reposée. J’ai aussi pris le temps sans pression de finir tranquillement mes séquences qui durent pourtant depuis bien trop longtemps.
Recueil de contes et autres réjouissances
Avec les 6èmes, nous avons travaillé sur les contes : pour finir la séquence, ils ont écrit leurs propres contes en petits groupes. Cela a donné des récits assez drôles dont voici quelques extraits :
Dans la série « ça y est je suis vieille, ils parlent de choses qui me dépassent » 
« Pendant ce temps là Alexy essayait les nouveaux filtres sur Snapchat. Elle se prenait en photo et quand elle sauvegarda la photo elle se vit avec une tête d’elfe. Elle dit: “Ouaw! Les filtres on dirait des vraies têtes d’elfe!”. Elle s’approcha du miroir et elle se mit à crier: “Haaaaa! C’est quoi cette tête!”. Et elle disparut comme son frère. »
Dans la série : « c’est trop mignon mais je crois qu’on va revoir le passé simple »
« Un jour Arthur  trouva deux fidèles acolytes (sic) dont les noms étaient Paul et Loïc. Arthur passa par les champs pour participer à un combat avec une récompense juteuse. Loïc lui dit: “Non Arthur tu vas perdre, écoute-moi!”. Arthur lui dit: “Je suis un guerrier, je ne raterai ce combat pour rien au monde”. Paul dit: “Les amis, il y a une potion qui donne des forces”. Arthur la buva, il partit au combat et gagna toutes les participations jusqu’à la finale. Une montagne de muscles avança devant lui et lui dit: “Je vais te détruire comme une vermine”. Le combat commença. Arthur se faisa dominer jusqu’au moment où la montagne sauta, rata, et perda. Arthur gagna deux mille pièces d’or et continua son parcours. »
Dans la série « amour toujours … »
« Arthur tomba sous le charme de Agnès au combat. Arthur partit au château pour assumer son amour. Le roi lui dit: “Si tu veux la main de ma fille, tu devras ramener le trésor du royaume de Karaba”. Arthur dit: “Oui, je partirai demain à l’aube”. »
Dans la série « … et plus si affinités »
« Mouswah demanda le prénom à la fille qui s'appelait Valia. Elle était ravissante avec sa robe en soie donc Mouswah décida de se marier avec elle. Ils furent bien heureux et eurent des enfants dans le lit et voilà qui finit bien. »
Dans la série « si seulement »
« Le lendemain matin Mia fonça le plus discrètement possible au cours. Mia apprit énormément de choses et devint une des filles les plus heureuse de la minute. » (assez fan de cette nouvelle expression)
Dans la série « pourquoi pas »
« Il était une fois, l’histoire des robots. Les robots s’appelaient Dol, Tol, Yol. Leurs passions étaient de faire la fête, de jouer dehors et de faire le ménage. Leurs ennemis attaquèrent les vilains, mais cela n’eut aucun effet. L’humain attaqua Dol et le fissura un peu. “Mais ça fait super mal!” dit Dol. »
Prochaine et dernière étape de ce travail : lecture à voix haute des contes (tapés à l’ordinateur, tout beaux tout propres) au CDI. Elle aurait dû avoir lieu hier mais ces chers petits étaient trop agités. Ce n’est que partie remise !
Dans les autres classes, la vie suit son cours. En français toujours, je travaille sur « Iles et naufrages : peut-on survivre seul au monde ? » avec les 5èmes. Le but de cette séquence, imaginée avec deux copines de TFF, est de travailler sur l’expression des émotions – surprise, peur, émerveillement, solitude, doute… Un petit défi car les jeunes de cet âge ne sont pas forcément les mieux armés pour identifier et décrire leurs émotions. Nous abordons donc chaque émotion à l’aide de textes, extraits de film, mots de vocabulaire, et ils écrivent ensuite un carnet de bord du naufragé. Certains jouent vraiment le jeu, d’autres moins. Je découvre en tout cas de jolies plumes, de l’humour, de l’inventivité. Et je pense que le biais de la fiction est pertinent pour les faire travailler sur les émotions, plutôt que de leur demander de but en blanc « racontez moi un moment triste de votre vie ».
Avec les latinistes, on progresse péniblement en langue et on s’amuse en civilisation : les Enfers pour les 5èmes, la vie sous la République romaine pour les 4èmes, la rhétorique pour les 3èmes. Les thèmes sont plutôt accrocheurs, et je ressens une plus grande liberté pédagogique dans cette matière, ayant moins de pression face au programme et moins de lacunes à combler. Avec une amie de TFF, nous avons donc imaginé les activités suivantes : une visite guidée des Enfers ; des jeux de rôle (patriciens, plébéiens, esclaves, femmes, étrangers…) et des saynètes à jouer pour la République ; et des discours écrits (et déclamés) sur des thèmes au choix pour la rhétorique. Rien de révolutionnaire en soit, mais j’ai hâte de tous les voir en action.
Et ce qui devait arriver arriva
Evidemment, sous ce regain d’énergie, guettait le fameux coup de barre pré-vacances, qui n’est jamais loin. Encore débutante dans le métier, j’ai toujours un peu de mal à gérer ma forme et mon travail, et dès que ça va mieux, je tire un peu sur la corde. Le tout sans déplaisir, sauf les fois où les conflits avec les élèves deviennent trop forts, ce qui m’arrive en ce moment avec un de mes élèves de 5ème. Difficile d’enrayer une mauvaise dynamique quand les choses deviennent presque personnelles… Je voudrais pouvoir dire à ce garçon que je ne souhaite qu’une chose : son succès ; mais il est tellement perturbateur et insolent que je ne peux faire autrement que de le réprimander, ce qui nous entraîne dans un cercle vicieux. Heureusement, CPE, direction, et collègues, sont présents si besoin. TFF m’a également permis de prendre du recul sur ce sujet lors d’un atelier psychologie organisé avec une psychologue de l’EN, pendant lequel nous avons travaillé avec 3 autres enseignantes sur des cas précis d’élèves qui nous posaient problème. Une approche concrète qui permet de repartir avec plus de pistes d’action qu’un atelier général sur « la psychologie de l’adolescent » - même si cela pourrait être intéressant également. Je suis ressortie de cette séance de travail pleine d’empathie pour mes petits monstres, avec une volonté de les « sauver », et presque un peu d’envie pour les psy qui peuvent se concentrer sur le bien de chaque enfant là où nous sommes souvent débordés en tant que profs. Mais à chacun son métier, et s’il est très intéressant que les deux dialoguent, la mission du prof, qui est en un sens de faire primer le collectif, ne manque pas non plus d’intérêt.
Je vous laisse et vous dis à une prochaine, il est temps d’aller profiter de la neige avant qu’elle ne fonde! 
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journalduneprof · 6 years
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C’est la rentrée
19/01/18
Après un long silence dû au trop plein de la fin d’année, à la trêve des vacances, et à la reprise progressive, me revoilà !
Quand les vacances deviennent nécessaires
Comme je l’ai déjà un peu dit dans les derniers articles, la fin de l’année 2017 a été vraiment laborieuse. L’occasion de prendre conscience qu’un enfant fatigué = un enfant surexcité, et non pas un enfant apathique. Imaginez ça x 25 dans une classe et x 700 dans les couloirs, ça fait beaucoup de bruit et ça n’a pas trop envie de travailler sur le passé simple ou la structure narrative des contes. On les comprend, mais on en fait les frais en termes de fatigue et de tension : on encaisse beaucoup de l’agressivité ambiante, pour arriver à un point où on a vraiment besoin de faire un break et de ne plus voir ces petits vandales pendant deux semaines (sur le moment je peux vous assurer que ça parait le minimum pour assurer la survie de toutes les parties engagées). Fort heureusement Noël est passé par là et la famille, le champagne, le grand air et les grasses matinées font qu’on y retourne volontiers le 8 janvier. Il n’empêche, la dernière semaine avant les vacances a été la première fois où je me suis dit que je ne ferai pas ce métier pendant des années, tant il est usant. Ce n’est pas un avis définitif mais en tout cas une impression que je n’avais pas ressentie jusque-là.
Quand il est l’heure d’un premier bilan
Je savais que j’avais envie et besoin, pendant ces deux semaines, de prendre un peu de temps pour faire un premier bilan de l’année, mais je ne savais pas trop comment m’y prendre. Tenir ce blog m’aide à formaliser ce que je vis au quotidien mais pas forcément à mettre les choses en perspective : j’avais besoin cette fois-ci de me raconter les choses à moi-même. Sur les conseils d’une amie, j’ai tout simplement réfléchi à ce que j’aimais dans ce métier (en termes de relation aux élèves, aux collègues, mais aussi de rythme de vie, de relation à mes proches, etc.) et à ce que j’aimais moins, ou ce que je souhaiterais changer. Je n’ai pas spécialement réussi à en tirer des conclusions pour les années à venir, mais c’était symboliquement important de faire ce petit bilan fin 2017.
Quand le métier commence à rentrer
Bonne surprise, la rentrée s’est plutôt bien passée. Les élèves, soit contents de retrouver leurs profs, soit indifférents, étaient en tout cas nettement moins agités qu’avant les vacances. On m’avait pourtant dit que cette période pouvait être un peu difficile – les enfants du collège n’étant pour la plupart pas partis en vacances, n’ayant pas été spécialement gâtés à Noël, bref, s’étant copieusement ennuyés sous la pluie dans la cité pendant deux semaines – mais je ne les ai pas sentis tendus. C’est peut-être – et sûrement – parce que j’étais moi-même beaucoup plus sereine en ce début d’année, ce qui aide à mener les interactions avec plus de douceurs et à moins se laisser embarquer dans des affrontements inutiles. Les vacances n’avaient pas été très studieuses pour moi (pour eux non plus d’ailleurs je pense) mais j’acquiers avec le temps une certaine capacité d’improvisation qui m’a permis de m’en sortir pour la première semaine, avant de m’y remettre plus sérieusement. Reprise du travail plutôt agréable, d’autant plus que je commence ou vais commencer prochainement avec toutes mes classes des nouvelles séquences : un vent de nouveauté bienvenu pour cette nouvelle année.
A ce propos, pêle-mêle des réponses de mes élèves à la question : « que voulez-vous faire en cours de français en 2018 ? » que je leur ai posée par écrit le jour de la rentrée : rien / regarder des films / garder mes bonnes notes / du théâtre ! / du latin (réponse unanime de tous les 6èmes à qui j’ai fait de l’initiation au latin avant les vacances, je suis très fière de ce petit succès, je me vois déjà avec 60 inscrits pour l’année prochaine) / orthographe et conjugaison et pas des truc qui serre impeut à rien comme hulice (sic, Homère se retourne dans sa tombe) / moins bavarder / jouer à fortnite (nouveau jeu vidéo qui fait fureur chez les 11-12 ans)… J’en passe et des meilleures !
Bonne année à tous (est-il encore temps pour vous la souhaiter ?) et à très vite pour de nouvelles aventures.
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journalduneprof · 6 years
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Les montagnes russes
14/12/17
Pas évident ces dernières semaines de trouver de l’inspiration et du temps pour écrire autre chose que des variations de plaintes avec pour thèmes principaux l’hiver et les élèves agités. Mais comme il serait dommage d’en rester là, me voilà.
Les jours se suivent et (ne) se ressemblent (pas)
Ce qui me frappe dernièrement, c’est le caractère cyclique de ce métier. Pour moi, les heures du matin sont toujours plus faciles (réveil excepté), les lundis et les mardis sont toujours épuisants, les fins de semaines toujours détendues. Cela me donne donc la sécurité de savoir que même si les journées sont longues, le week-end de trois jours me tend les bras, même si les semaines sont fatigantes, les vacances ne sont jamais loin. Ainsi, je passe par une multitude d’humeurs, à l’échelle d’une journée, d’une semaine, ou d’un mois, mais je sais qu’aucune d’elle ne va durer - ce qui fait que je suis plus dans l’instant présent et moins dans l’anticipation qu’avant: l’étape suivante arrivant de toute façon bien vite. J’apprécie pour le moment cette sécurité, mais même si les journées sont toujours différentes et souvent surprenantes, je pense que cet “éternel retour” (n’ayons pas peur des grands mots) peut s’avérer lassant après quelques années d’enseignement. Je m’aperçois aussi que seulement après quelques mois, cette routine a déjà imprégné ma manière de percevoir et de raconter mon métier: “oh tu sais, c’est crevant mais on ne s’ennuie jamais, les 6èmes sont mignons, les 5èmes plus durs et les latinistes globalement sages, les collègues sont sympas, je ne me plains vraiment pas”.
Et pourtant, on n’est jamais à l’abri d’un retournement de situation. Les fameux 6èmes mignons deviennent de plus en plus ingérables, du fait de leur propension croissante à s’interpeller d’un bout à l’autre de la classe - que ce soit pour bavarder ou pour s’enjoindre mutuellement à se taire (en employant un vocabulaire bien moins châtié que celui-ci) - tandis que les 5èmes, une fois les éléments les plus perturbateurs neutralisés (que ceux-ci soient temporairement exclus ou qu’ils se calment au prix de longues négociations), se révèlent plus mûrs que leurs successeurs, et capables de travailler. A ce propos, je m’interroge souvent sur la manière dont il faut gérer lesdits éléments perturbateurs. Souvent contrainte de les reprendre en classe, j’essaie de compenser ces interactions tendues par des discussions en tête à tête pour leur expliquer pourquoi il est nécessaire qu’ils se calment, pourquoi je suis obligée de les gronder, etc. C’est coûteux en temps et en énergie et cela m’empêche parfois d’accorder l’attention nécessaire aux élèves plus discrets mais en grande difficulté qui en auraient besoin, mais c’est à ce prix que je maintiens une paix relative dans ma classe. 
Tous les chemins mènent à Rome
Mais s’il y a bien une chose qui ne change pas, c’est la respiration que mes cours de latin m’apportent. Pour commencer, ce sont des cours qui me permettent d’enrichir ma culture personnelle, puisque je dois régulièrement me remettre à jour en histoire pour préparer mes cours. Et surtout, les effectifs réduits apportent un réel confort et me permettent de tester des configurations différentes sans le stress que cela parte dans une bazar indomptable. Par exemple, mon dernier contrôle avec les 4èmes, pour clore la séquence sur les gladiateurs, s’est déroulé comme un face à face entre deux équipes, qui devaient se saluer à grands renforts de “Ave Cesar, morituri te salutant” avant de s’affronter dans les multiples épreuves de grammaire et de civilisation. Cela ne m’empêche pas d’apprécier aussi des moments plus classiques où je savoure le fait de pouvoir faire travailler mes élèves en silence après leur avoir dispensé mon cours.
Vivement dimanche
J’ai beau dire que je vis dans l’instant présent, je sens - et c’est le cas de tous mes collègues et copains de TFF - que je vis vraiment sur mes réserves: préparations de cours qui s’épuisent, énergie qui s’amenuise… Il est temps que les vacances arrivent!
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journalduneprof · 6 years
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Plus que quatre semaines
24/11/17
Après l’enthousiasme de la rentrée, les deux semaines qui viennent de s’écouler ont donné le ton d’une période effectivement compliquée (on m’avait prévenue).
Winter has come
Tous les témoignages de mes copains dans leurs différents collèges concordent : les élèves sont de plus en plus difficiles à contrôler, manquant parfois fortement de respect envers les professeurs, ou tout simplement étant agités – voire violents - avec leurs camarades. Les contrôles de fin de trimestre, la fatigue qui les gagne, l’hiver qui rend nos vies à tous un peu moins palpitantes : tout cela ne facilite pas la tâche des profs, qui en prennent pour leur grade pendant les heures de cours, en plus de faire un certain nombre d’heures sup au collège - ô joie des conseils de classe et autres conseils de discipline. J’ai récemment eu quelques problèmes avec deux de mes élèves, qui se comportaient de manière irrespectueuse envers moi : les deux loustics ont été sévèrement sanctionnés, et la principale a conclu l’épisode par un (à moitié) rassurant « bienvenue dans le monde des profs ! ». S’il est désagréable de ne pas se sentir toujours pleinement respectée, on m’a assez dit de ne pas le prendre personnellement pour que je ne m’en formalise pas. Ce qui est plus désagréable en revanche, c’est de se dire que deux élèves, si jeunes, sont déjà en train de déraper et de prendre le chemin d’une potentielle exclusion, alors que profs et parents se mobilisent pour qu’ils conservent une scolarité normale. Mais ça aussi, apparemment, ça fait partie du métier.
Tout ne va pas si mal
Je reste heureusement contente de venir au collège, et de tester de nouvelles choses avec mes élèves. Le projet sur les femmes en 5ème avance bien : avec ma collègue d’histoire, nous leur avons demandé, par binôme, de choisir un portrait de femme célèbre (artiste, intellectuelle, militante, sportive, scientifique) ou une œuvre réalisée par une femme ; et de réaliser des panneaux présentant en quelques mots cette femme, pourquoi elle est connue, pour quelle cause elle s’est engagée, et en quoi cela les touche. C’était intéressant de les voir réagir face aux différentes images proposées : « viens on prend celle-là ! / nan, t’as vu comment elle est habillée ? » (photo de Marylin Monroe) ; « ah, c’est horrible, c’est quoi ce truc ?! » (autoportrait de Frida Kahlo) ; « c’est quoi ces grosses, vas-y c’est marrant on prend ça ! » (sculptures de Niki de St Phalle) ; « waouh trop stylé, y a écrit Black and Proud ! » (pochette d’album de Nina Simone).  Pour le reste, ils avancent assez doucement dans le recherche, un petit stage en conseil ne leur ferait pas de mal pour une maîtrise de Word et de Google plus efficace. Mais ils y mettent de la bonne volonté, et ça, c’est l’essentiel (à prononcer avec un air concerné et la main sur le cœur). La prochaine séance sera consacrée à la finalisation des panneaux, et à l’entraînement de leur présentation à l’oral – l’objectif étant de les exposer devant la principale et l’équipe de direction, oui oui. Moi, en tout cas, tant que je vois mes 5èmes au travail, ça me va.
En dehors de projets annexes comme celui-ci, je poursuis mon travail sur « héros et héroïnes » avec les 5èmes et sur les contes avec les 6èmes. Ces deux thèmes plaisant plutôt aux élèves, ils sont assez enclins à participer, et pour ma part je suis amenée à raconter beaucoup d’histoires (explications sur les héros mythologiques, lecture de contes) : je me fais donc un peu rattraper par le temps et je peine à progresser dans l’étude de la langue (il serait pourtant temps de se mettre à l’imparfait…). De manière générale, le temps est l’ennemi n°1 du prof, et mieux vaut parfois sacrifier telle activité (même si on a passé un dimanche aprem à la préparer) et faire une nouvelle leçon de grammaire… le choix n’est pas toujours facile à faire.
J’ai également découvert cette semaine la joie des sorties scolaires. On y tisse un tout autre lien avec les élèves : rien que le trajet en bus permet des conversations anodines et détendues, moins centrées sur la classe. J’avais prévu cette sortie pour visiter une exposition sur la science dans les contes, mais on en a profité pour passer la journée à la cité des sciences et faire plein d’autres activités : film au Planétarium sur la Lune, atelier sur la biodiversité, jeux sur la lumière… Les élèves étaient ravis, et moi aussi – la prof de lettres que je suis avait bien besoin d’une petite piqûre de rappel en sciences. En plus de passer une bonne journée, cela enchantait les élèves de savoir que tous les autres trimaient au collège : le malheur des uns fait le bonheur des autres… J’ai retrouvé cette classe en cours le lendemain de la sortie, et ils étaient calmes et souriants. Je n’imagine pas cet état de grâce durer éternellement, mais c’est toujours ça de pris !
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Atelier lecture de contes - qu’elles sont mignonnes...
Ré-apprendre à apprendre
Dans la série « sortons du collège pour respirer », je me suis rendue à plusieurs formations ces deux dernières semaines. Je m’étais faite dispenser de mes précédentes formations : l’une était adressée aux contractuels toutes matières confondues, et l’inspectrice d’un de mes camarades de TFF lui avait dit que cela risquait d’être redondant avec l’université d’été, l’autre était sur la progression en langue, et j’avais reçu la convocation trop tard pour pouvoir prévenir mes élèves. Derrière ces prétextes plus ou moins valables, il y avait aussi le sentiment que si je ne faisais pas cours deux jours de suite, on n’allait vraiment pas pouvoir avancer – déjà que quand je suis là on n’avance pas forcément à un rythme effréné… Mais c’est un raisonnement très court-termiste : en allant en formation, certes on rate quelques heures de cours, mais on apprend, on respire, on s’inspire, et on ne s’enferme pas dans un rythme monotone (et pas forcément toujours plaisant ces dernières semaines, comme on l’a vu plus haut). Bref, tous ces atermoiements m’ont finalement menée dans la charmante bourgade de Sucy-en-Brie, où j’ai suivi une formation très intéressante intitulée « Favoriser l’oral dans les apprentissages ». Cela répondait parfaitement à ma récente prise de conscience que l’oral doit être travaillé de manière aussi structurée que le reste. Les formatrices, tout comme les autres collègues présentes (24 femmes pour un homme, le féminin l’emporte), m’ont donné beaucoup d’idées d’activités à mettre en place pour faire progresser les élèves à l’oral, relier l’oral à l’écrit, etc. Cela m’a amusée aussi de voir d’autres profs que mes collègues de REP, qui sont en majorité jeunes et motivés. Ici les profils et les âges étaient variés, et si l’attachement à la matière et aux élèves était indiscutable, j’ai pu constater que se plaindre, chez les profs, c’est un sport national. Peut-être que cela tient à la solitude du métier, souvent évoquée mais pas du tout ressentie pour ma part car j’ai la chance d’appartenir à une équipe pédagogique soudée. En définitive, deux journées instructives et agréables. S’en est suivie une formation destinée aux contractuels de lettres. C’était, là aussi, intéressant de voir le profil des autres contractuels, mais j’ai moins accroché avec le contenu qui n’était pas vraiment thématisé: cela constituait plutôt en en un pèle mêle de conseils certes pertinents, mais un peu désordonnés. Je pense aussi être parfois moins réceptive aux recommandations en tout genre que lorsque je n’étais pas encore en prof. Désormais, quand on me dit quelque chose, j’ai envie que ça puisse m’être utile sinon tout de suite, du moins dans un futur proche: et j’ai parfois le sentiment (à tort ou à raison, probablement à tort) que j’apprendrais plus en pratiquant face à mes élèves qu’en étant assise sur une chaise.
Sur ce, bonne semaine à tous, M-1 avant Noël, j’imagine que je ne suis pas la seule à faire le compte à rebours!
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journalduneprof · 6 years
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La reprise
11/11/17
Ça y est, me voilà embarquée pour une nouvelle période. 7 semaines jusqu’à Noël, qui ne sont apparemment pas les plus faciles : les bulletins tombent, les journées raccourcissent, élèves et profs sont fatigués. Mais je ne suis pas mécontente de retrouver mes chers petits, histoire de conjurer deux semaines de rêves angoissés (merci mon inconscient).
Lundi
Pleine de bonne volonté mais prête à jouer à la méchante s’il le faut, je débute la semaine avec les 6èmes. Ils sont très agités, mais contents de se retrouver entre copains, et même de me retrouver ! J’en suis flattée mais cela ne m’assure pas une classe calme pour autant. M’étant rappelée de cours de français que j’avais beaucoup aimés étant élève, j’avais décidé de faire une séance qui sortait un peu de l’ordinaire: faire parler mes élèves des livres, films, expos qu’ils auraient lus ou vus pendant les vacances. Pour une fois la participation est timide au début, puis ils s’échauffent : « Madame je peux venir parler d’un jeu vidéo ? Madame je peux raconter un film d’horreur que j’ai vu l’année dernière ? ». Ce n’était pas exactement ce que j’avais prévu, mais allons-y. Quelques téméraires volontaires viennent au tableau pour livrer leurs impressions sur les œuvres de leur choix, essayant de tenir compte de mes questions : « Qu’est-ce qui t’a plu ? Qu’est-ce qui t’a surpris ? Est-ce que tu recommanderais cette œuvre à tes camarades ? ». Ils avaient pourtant du mal à faire autre chose que raconter l’histoire, de manière assez brouillonne. Cela m’a fait prendre conscience que l’oral, malgré leur énergie et leur bonne volonté, c’est comme le reste : il faut les préparer en amont et leur donner des consignes claires et précises si on veut que ça marche.
Je retrouve les 6èmes plus tard dans la journée. On consacre cette fois-ci le cours à corriger les devoirs qu’ils avaient à faire pour la rentrée (inutile de préciser que tous ne l’ont pas fait, « j’étais en vacances » semblant être un argument acceptable pour ne pas ouvrir son agenda pendant deux semaines). Je trouve cela un peu laborieux de revenir sur des choses qu’on a abordées il y a plus de deux semaines mais en même temps je n’ai pas le choix, cela n’a aucun sens de les faire travailler sur quelque chose et de ne pas le corriger ensuite. Malheureusement je n’ai pas encore trouvé la bonne combine pour que 1/ tous fassent systématiquement leur travail 2/ même ceux qui ne l’auraient (remarquez l’emploi optimiste du conditionnel) pas fait se sentent concernés par ces sessions de correction. Je conclus cette deuxième heure de cours un peu pénible par un petit sermon. Leur comportement n’était pas dramatique en soit mais je préfère marquer le coup, histoire qu’ils ne perdent pas toutes les bonnes habitudes que l’on avait commencé à construire en deux mois ; et je joue aussi de la bonne relation que j’ai avec eux. Je peux désormais faire vibrer la corde l’affect - “Je m’attendais à mieux, je veux pouvoir dire que je suis fière de ma classe, je compte sur vous pour changer de comportement” - chose qui aurait été difficile en septembre. Je ne vais pas me priver si ça peut marcher!
Mardi
Je retrouve ce jour-là mes 5èmes, pour entamer avec eux une séquence intitulée « Héros et héroïnes ». Ils semblent emballés par le thème, jouent le jeu, participent, donnent leurs propres définitions d’un héros… Je suis contente de les voir dans cet état d’esprit et les encourage donc beaucoup, et savoure mon rôle de prof plutôt que celui de flic. Les 6èmes quant à eux continuent à être assez pénibles, je décide donc de recourir à une technique pratiquée par plusieurs de mes copains profs : je lance le chronomètre dès qu’ils sont trop bruyants, me tais, et attends le silence pour reprendre le cours. Dès qu’on arrivera en cumulé à 53 minutes (durée d’un cours), on récupérera une heure. La technique est relativement efficace (dans le sens où l’heure sera bien rattrapée) mais même si les élèves se calment une fois le chronomètre enclenché, ils reprennent leurs bavardages cinq minutes plus tard. Qu’à cela ne tienne, je relance le chrono, et conserve ma bonne humeur: j’ai l’impression de vivre ces heures agitées avec plus de distance désormais, et ma colère est désormais (parfois) feinte. Je commence à rentrer dans mon “clown de prof”, comme dirait l’un de mes collègues.
Mercredi
Allez, les quatre heures du mercredi matin, et ma semaine sera presque finie. Je retrouve les 3èmes latinistes, avec qui je travaille bien. Je fais une heure à peu près calme avec les 6èmes, puis deux plus agitées avec les 5èmes. L’accalmie aura été de courte durée mais j’ai l’impression d’être mieux entendue lorsque je leur fais des remontrances après les deux heures réussies de la veille : les réprimandes ont plus d’effets quand elles alternent avec des encouragements plutôt que lorsqu’elles sont incessantes. C’est pour cela que même si je ne m’attends pas à ce que ce soit une partie de plaisir tous les jours, j’ai le sentiment de construire progressivement ma relation avec mes classes. Chaque fois où l’on travaille efficacement est non seulement un bonheur pour moi sur le moment mais aussi une cartouche pour la suite, qui me permet d’être plus crédible lorsque je les gronde, et moins tendue lorsque j’ai l’impression qu’on perd notre temps. Après tout, qu’est-ce qu’une heure dans la vie d’un élève…
Jeudi
La journée débute par des commissions éducatives pour deux de mes 6èmes. Cette discussion, qui réunit l’élève, ses parents, la directrice, les CPE, et les professeurs disponibles, est le dernier échelon avant le conseil de discipline (dont l’issue potentielle est l’exclusion définitive). Autant dire que cela ne rigolait pas pour ces deux garçons. Les profs commencent par mentionner les problèmes d’apprentissage et de discipline, suivis par les CPE qui font le point sur la vie scolaire (comportement en général dans le collège), pour enfin passer à la directrice qui expose les conséquences possibles si l’élève ne change pas de comportement. La parole est bien sûr laissée à l’élève pour qu’il donne sa position sur la questions (étonnamment, les deux lascars n’étaient pas bavards) et à ses parents pour qu’ils nous expliquent comment cela se passait les années précédents (en l’occurrence, au primaire). Expliquer clairement à l’enfant pourquoi son comportement n’est pas tolérable sans poser de sanction me paraît important, et contraste avec les moments de conflits en classe où l’on est obligé de punir (mot dans le carnet, menace d’appel aux parents, heure de colle…). J’étais aussi très intéressée par le point de vue de ma collègue CPE, qui a une relation plus individuelle avec les élèves que moi, prof, qui interagit principalement avec eux dans le cadre du groupe classe. Reste à voir maintenant si ces discussions auront un réel impact… On l’espère.
Je retrouve mes latinistes de 5ème puis de 3ème pour finir la journée, improvisant avec ces derniers une heure d’initiation au grec et d’étymologie. Ils ont bien accroché et cela m’a donné plein d’idées pour de prochains ateliers plus structurés.
Vendredi
Ah je ne vous avais pas encore dit ? Je ne travaille pas le vendredi. Bon weekend à tous !
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journalduneprof · 7 years
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Petits projets et grandes réflexions
26/10/17
Les vacances sont normalement faites pour couper le cordon mais visiblement j'ai un peu de mal: j'ai rêvé cette nuit de l'entrée en classe de mes 6èmes qui refusaient de s'installer conformément au nouveau plan de classe que je leur ai confectionné il y a quelques jours. Comme vous voyez, être prof, c'est aussi un grand investissement émotionnel.
Où je prépare la rentrée
La rentrée des vacances de la Toussaint verra naître de grands projets: il est venu le temps des sorties scolaires! Je vais emmener mes 6èmes voir une exposition intitulée "La science dans les contes" à la Villette (ô joie de redécouvrir la Géode!) car je vais travailler avec eux sur les contes dans les prochaines semaines. J'ai embarqué mon collègue de SVT pour l'occasion (il faut bien quelqu'un pour gérer "la science" dans "la science dans les contes"). De même, je me suis fait embrigader par ma collègue d'histoire pour une visite du département d'égyptologie du Louvre avec ces mêmes 6èmes (décidément il en est beaucoup question en ce début d'article, me manqueraient-ils?). Avec mon autre collègue d'histoire en 5ème, nous avons décidé de faire travailler nos élèves tout au long de l'année sur la cause des femmes. Je suis très contente de ne pas me cantonner à ma matière et de travailler avec d'autres profs. Je m'aperçois en étant du côté prof que les différentes matières sont moins cloisonnées qu'elles me le paraissaient étant élève: je fais de la grammaire française en latin, je parle gestion de classe avec mes collègues de sport, beaucoup de projets interdisciplinaires se construisent au sein du collège...
Où j'aurais des choses à dire à Jean-Michel B.
Je commence d'ailleurs à me dire que j'aimerais bien enseigner une autre matière (les maths) dans quelques (petites) années pour avoir un point de vue plus complet de ce qu'est l'enseignement au collège, mais c'est un projet qui risque d'être contrarié si je passe mon CAPES: lorsque l'on a le CAPES de lettres par exemple, obligation d'enseigner les lettres. Cela s'entend, on a été formé pour ça. Mais si, détenteur.rice (nan, blague, je ne compte pas me mettre à l'écriture inclusive) de ce CAPES, on passe le CAPES de maths et on l'obtient, alors l'un des deux CAPES est annulé (après une année de battement pour décider lequel on souhaite conserver)! Cela me paraît très dommage de freiner des initiatives de personnes qui souhaitent avoir une vision complète de l'enseignement, et ne sont pas uniquement des aficionados de leur matière... D'autant plus dommage lorsque l'on sait que dans certains pays (la Finlande me semble-t-il, mais je n'arrive pas à retrouver de source fiable), il est obligatoire d'enseigner plusieurs matières pour être titularisé.
Où je me transforme en vraie prof de français
En attendant, avant de songer à devenir prof de maths, je crois que je suis bel et bien en train de me transformer en vraie de vraie prof de lettres: je suis allée voir la semaine dernière une pièce de théâtre sur l'orthographe. Eh oui, vous avez bien lu. Cette pièce, La Convivialité, qui nous avait été conseillée par Caroline, une des tutrices de TFF, retraçait une brève histoire de l'orthographe en France, et la remettait à sa place: un dogme, arbitraire, qui a subi de nombreuses évolutions et ne devrait pas être considéré comme un monstre sacré. Je cite quelques mots des auteurs du spectacle pour vous en présenter la démarche: "Notre intention est de permettre au public de s’autoriser un discours critique sur l’orthographe et de s’interroger sur ses enjeux démocratiques. (...) La plupart des gens ignorent que l’orthographe française n’est pas une et indivisible, mais le résultat d’une histoire chaotique que les linguistes redécouvrent. L’orthographe est une passion. Hobby pour les uns, chemin de croix pour les autres, elle est intime et liée à l’enfance. Elle est publique en véhiculant une image sociale. Elle détermine un rapport collectif à la culture et à la tradition. Mais l’orthographe est un outil. L’orthographe est un marteau." J'ai été tout à fait convaincue par le spectacle, qui m'a fait prendre conscience de la place démesurée que nous accordons à l'orthographe, nous autres Français lettrés et fiers de l'être. Pourquoi se scandaliser de pouvoir désormais écrire nénuphar "nénufar", surtout lorsque l'on sait que le "ph" originel était usurpé (un botaniste ayant nommé cette espèce avec ph car l'ayant confondue avec les nymphéas). Cet exemple est anecdotique, mais représentatif des nombreuses choses que l'on devrait pouvoir simplifier sans que cela déclenche des levers (levées?) de bouclier pour cause d'atteinte fondamentale à la langue française. Qu'on se le dise, l'orthographe n'est pas la langue française, elle n'est que l'outil qui permet sa transcription graphique normée. Et l'idée des réformes de l'orthographe n'est pas d'abolir la norme, mais de la simplifier.
En espérant ne pas vous avoir perdus avec ce passage militant, je vous laisse méditer ces quelques citations.
"L’orthographe de la plupart des livres français est ridicule. (...) l’habitude seule peut en supporter l’incongruité. L’écriture est la peinture de la voix : plus elle est ressemblante, meilleure elle est." Voltaire, Dictionnaire Philosophique, 1771
"​L'orthographe est plus qu'une mauvaise habitude, c'est une vanité." Raymond Queneau, Bâtons, chiffres et lettres, 1950
"​L'orthographe, divinité des sots." Stendhal, Lettres à Pauline, 1804
"Orthographe : Y croire comme aux mathématiques. N'est pas nécessaire quand on a du style." Gustave Flaubert, Dictionnaire des idées reçues, 1913
​"Je crains bien que nous ne nous débarrassions jamais de Dieu, puisque nous croyons encore à la grammaire." F. Nietzsche., Crépuscule des idoles, 1888
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journalduneprof · 7 years
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Bienvenue dans une salle de classe
21/10/17
C'est auréolée de l'immense privilège d'avoir des vacances toutes les sept semaines que je vous écris. Mais plutôt que de dresser le bilan de cette première partie de l'année, je vais tenter de vous faire rentrer dans mon quotidien. Vous allez voir, du côté prof, on ne s'ennuie pas.
L'entrée en classe
Les réjouissances commencent à la sonnerie: le matin, et après chaque récréation, il faut aller chercher les élèves dans la cour et les faire monter jusqu'à sa salle de classe. Chaque classe a son emplacement, les élèves sont supposés y attendre le professeur à la fin de la récré. Autant vous dire que cela ne se passe pas exactement comme cela, et qu'au delà des très bons élèves, peu sont rangés "à leur place" en temps voulu. Qu'à cela ne tienne, j'emprunte tout de même les escaliers en indiquant à mes élèves de me suivre, avec la vague sensation d'être un guide touristique (mais sans parapluie rose à agiter en signe de reconnaissance) ou une maman oie suivie de ses oisillons. Les salles où je donne cours se trouvant au troisième étage, j'entends au moins trois fois par jour "Mais Madame, c'est trop fatiguant, comment vous faites? Madame pourquoi on n'a pas d'ascenseur?". J'arrive finalement devant ma classe, l'ouvre, et y fais rentrer mes élèves en restant dans l'embrasure de la porte pour les saluer individuellement. Une fois la majorité rentrée (les retardataires faisant légion) je me place devant eux et attends que tous soient bien debout pour les saluer à nouveau et les faire asseoir. Cette partie peut durer assez longtemps si je n'obtiens qu'un vague "bjourmdame" inaudible en réponse à mon tonique "Bonjour à tous!" ou si certains se sont assis sans mon autorisation. Ce moment me permet également de repérer qui est absent, pour pouvoir faire rapidement l'appel devant mon ordinateur (oui vous avez le droit à tous les détails). À chacun son rituel d'entrée, voici à peu près comment le mien fonctionne (avec une variante "Ave discipuli / Ave magistra / Potestis sidere" pour les latinistes).
Ces premières minutes, suivies de celles où je lance mon cours, sont déterminantes, à l'image, comme me l'expliquait un formateur, du décollage d'un avion. Elles sont l'occasion de prendre l'ambiance de la classe, de jauger si les activités que j'avais prévues sont adaptées à leur humeur... Nan, ça c'est en théorie. En pratique, elles me permettent surtout de rassembler plus ou moins difficilement tous mes élèves et de les embarquer dans une heure de travail à mes côtés.
On se met au travail
Comme je l'ai dit déjà dit plusieurs fois, il n'y a pas une heure qui ressemble à une autre, il m'est donc difficile de vous décrire une "heure type". Cela commence souvent par un rapide rappel de ce que l'on a vu au cours précédent, puis on lance une nouvelle activité, individuelle ou en groupe. La plupart du temps, ce qui est agréable, la participation est assez forte, avec une forêt de doigts levés à la moindre de question, et des "mais pourquoi pas moiiiii" quand je n'interroge pas tel ou tel élève. C'est toujours plus délicat lorsque l'on passe à l'écrit et que les élèves doivent recopier une leçon ou écrire eux-mêmes le bilan de la séance. Certains sont très lents, d'autres ignorent délibérément la consigne: je dois passer du temps à les mettre au travail ou à les faire accélérer et je ne suis guère disponible pour vérifier les productions de ceux qui ont fini rapidement et attendent que les autres aient fini. Une solution de facilité voudrait que je distribue beaucoup de polycopiés (encore un terme que vous n'aviez pas entendu depuis longtemps), mais cela n'aiderait pas les élèves les plus lents à progresser dans leur vitesse de copie... Pas évident de faire les bons arbitrages et ici comme souvent, je tâtonne encore. Pas facile non plus de prévoir des évaluations appropriées: je m'aperçois que les miennes sont souvent trop longues, bien que j'aie l'impression de n'y mettre que le strict minimum.
En tout cas, une chose qui ne change pas, c'est l'état de vigilance permanent que j'ai à chaque cours ou presque. Il faut reprendre untel pour ses bavardages, expliquer les consignes à un autre, stoper une dispute qui commence, répondre à la question du voisin, se rappeler qu'on avait prévenu unetelle qu'au prochain avertissement on prenait le carnet... et il faut bien sûr faire son cours au milieu de tout cela. Il m'arrive souvent de m'interrompre pour attendre le silence, mais j'ai testé une version plus radicale cette semaine: je me suis carrément arrêtée de parler à mes élèves de 6ème pendant la moitié du cours car ils faisaient trop de bruit. J'écrivais à la place les consigne au tableau, faisant des signes désemparés signifiant que je ne pouvais plus parler quand on me posait une question. Les élèves étaient catastrophés: "Madame vous allez quand même nous dire au revoir?? Mais non, elle veut plus gaspiller sa salive pour nous! Chuuuuuuuut tais toi sinon elle parlera plus jamais!". Moi je riais beaucoup intérieurement, et puis il faut dire que c'est sacrément plus reposant que de s'époumoner. J'ai refait la même combine pour marquer le coup en les récupérant le lendemain matin: "Oh non Madame vous parlez toujours pas?? Mais pourquoi, on n'a rien fait!!", prolongeant mon silence jusqu'au milieu du cours. Si seulement ils pouvaient être aussi attentifs à chaque cours que lorsque j'ai à nouveau ouvert la bouche pour leur parler...
Le mot de la fin
J'arrête ici ce billet déjà un peu long, j'en écrirai à nouveau un pendant les vacances pour vous raconter un peu les projets à venir avec les élèves et les réflexions que nous menons avec mes collègues au sein de mon établissement. En attendant, bon weekend à tous et bonnes vacances à mes copains profs!
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journalduneprof · 7 years
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Quand le rythme est pris
08/10/2017
Premier weekend à la campagne depuis la rentrée, l’occasion de rattraper mon retard sur ce journal et d’en dire un peu plus sur ces dernières semaines. L’année est bel et bien lancée: je peux dire le prénom de tous mes élèves sans me tromper (à peu de choses près), les premières notes tombent, la petite habitude des verres du mardi soir s’est installée avec mes collègues, je sais qu’il faut que je prenne le RER de 7h28 si je veux attraper le bus direct en arrivant. Bref, on peut parler de routine.
Le quotidien au collège
Les choses n’en deviennent pas forcément plus faciles pour autant. Lors d’une session de formation dans mon collège, nous débutons par un « alors, comment ça passe maintenant que la lune de miel avec les élèves est terminée? ». Ah bon, il y a eu une lune de miel? Je n’étais pas au courant, pour moi c’était plutôt un baptême du feu. Mais il est vrai que maintenant que nos petits monstres se sont (ré)approprié le collège, l’ambiance n’est pas des plus calmes. Ajoutons à cela qu’il manque au moins un surveillant à temps plein dans mon établissement, et qu’il y a en ce moment de fortes tensions dans le quartier: cela fait partie de la réalité du quotidien dans un collège classé REP+.
Il nous arrive souvent de discuter de ces problèmes entre collègues, de manière plus ou moins formelle. J’ai par exemple assisté la semaine dernière à une HMI (Heure Mensuelle d’Information syndicale, j’espère que vous tenez à jour votre carnet d’acronymes de l’Educ Nat), heure où les collègues syndiqués sont supposés nous faire remonter des infos sur l’état de l’éducation en général (réformes prévues, impact attendu, etc.) mais que nous avons essentiellement consacrée à parler des problèmes en cours dans le collège (comment encadrer les enfants alors que nous sommes en sous effectif, comment gérer et limiter les retards, etc.). Avoir des temps d’échange dédiés à cela en plus des discussions (continues) que nous avons sur nos élèves et notre travail me parait utile - même s’il faut aller au delà du simple constat et travailler ensemble à des solutions, ce qui ne se fait bien sûr pas en une heure, et nécessite une implication non pas des seuls professeurs et autres personnels (surveillants, enseignants chargés de l’accompagnement personnalisé) mais également de la direction.
Les dynamiques qui s’installent
Au sein de mes classes, le rythme et la progression sont très différents. Certaines dynamiques sont bien enclenchées, d’autres plus laborieuses. Nous avançons bien avec mes 6èmes en français et mes 3èmes en latin, et je me sens très à l’aise, quoique dans des postures différentes. Avec les plus jeunes, en classe entière, même dans une classe où cela se passe bien, je passe toujours beaucoup de temps à faire de la discipline, à rappeler vigoureusement « S comme… » - « Sileeeeeeence » claironnent en choeur mes petits élèves (cf. les sacro-saintes règles SMART: Silence Main Attendre Respect Tenue, qui me permettent de gérer à peu près toutes les situations au sein de la classe) - et à répondre à des questions du type « Madame on l’écrit en rouge le titre? Madame si j’ai plus de place je tourne la page? Madame mon voisin il me pique ma colle! Madame j’ai mal à la tête… ». Cela ne nous empêche pas de bien travailler et de construire une bonne relation professeur - groupe classe. Avec les plus grands et en petit groupe, je suis beaucoup plus détendue (pas besoin d’avoir 5 paires d’yeux et des cordes vocales à toute épreuve pour maintenir le calme), je me permets plus de blagues (attention à ne pas abuser de la répartie, sinon les élèves se transforment en public et guettent les moindres punchlines) et j’ai la chance de pouvoir commencer à nouer une relation individuelle avec chacun d’entre eux.
Au sein d’autres classes, je n’ai pas encore trouvé un équilibre complètement satisfaisant. Mes 5èmes en français me donnent toujours du fil à retordre au niveau de la discipline, même si un certain nombre d’entre eux est prêt à travailler. On alterne donc entre des séances où je serre la vis et où on travaille correctement et d’autres où je me fatigue à essayer de les tenir, avec un succès tout relatif, ce qui a pour résultat principal de maintenir un climat tendu. Il faut que je fasse des progrès sur la perception du groupe (« Qui est encore avec moi? Sur qui m’appuyer, qui épargner pour ne pas faire monter les tensions ou au contraire qui calmer au plus vite? Est-ce que cette activité marche? Est-ce qu’il ne faudrait pas passer à tout à fait autre chose pour les rattraper? »). Pas toujours évident quand on est dans le feu de l’action et qu’on a, à tort ou à raison, une ligne de conduite qui consiste à ne rien laisser passer (ce qui est compliqué, mais pourquoi pas essayer). Dans un autre registre, la composition des emplois du temps a voulu que j’aie mes 4èmes latinistes deux heures de suite de 16h à 18h: après une heure, ils n’en peuvent plus, moi non plus, et je n’ai pas encore trouvé la recette miracle pour les tenir jusqu’au bout. Même avec la meilleure volonté du monde, les élèves ne peuvent pas être calmes et attentifs tout du long: à moi d’adapter mes cours en fonction. Quant aux 5èmes latinistes, c’est un groupe curieux et très capable, mais une petite heure par semaine, cela file à une telle vitesse que j’ai l’impression d’à peine commencer l’année à leurs côtés.
Pèle mêle d’instants vécus
A beaucoup vouloir résumer dans les grandes lignes l’évolution de ces premières semaines, je laisse peu de places aux anecdotes et au simple récit de moments passés en classe. Alors allons-y pour une petite tranche de vie (je vous sens frétiller d’impatience)! En vrac:
Je fais en ce moment une séquence sur la fondation de Rome avec les 5èmes, au cours de laquelle nous étudions notamment le voyage qui mena Enée de Troie au Latium (vous savez tous de quoi je parle, bien sûr). J’évoquais lors de la dernière séance le passage d’Enée aux Enfers, où il rencontre, accompagné de la Sibylle de Cumes, non seulement son père décédé mais aussi ses descendants. « Mais comment ça se fait? » me demandent mes élèves. L’un a eu cette très jolie intuition: « Peut être que les Enfers, c’est un lieu où le temps n’a pas de prise ». Je n’aurais pas dit mieux!
Je corrige une interrogation de grammaire faite en 6ème sur les phrases simples et phrases complexes (phrases qui ont un ou plusieurs verbes conjugués): l’un de mes élèves a répondu « une phrase simple c’est une phrase facile à prononcer, par exemple: j’ai joué avec mes potes. Une phrase complexe c’est une phrase difficile à prononcer, par exemple: les chaussettes de l’archi du sèche (sic) sont archi secs ». Alors oui, mais non.
La semaine dernière, lors de la journée nationale du sport, mes élèves ont eu des ateliers sportifs sur mes heures de cours. Je me suis donc retrouvée (tout à fait volontairement) à enfiler un maillot de handball et à crier « la passe, la passe! » à mes 6èmes puis à apprendre une chorégraphie de hiphop avec mes 5èmes. « Eh la prof elle est en tenue de sport! Ah bon Madame vous allez jouer avec nous?? »: c’était amusant et attendrissant de les observer et côtoyer dans un autre contexte.
Mes cours de latin m’amènent à mentionner beaucoup de récits mythologiques où l’on marie de force / viole / sacrifie nombre de mortelles. Je ne loupe une occasion de souligner auprès de mes élèves ces situations violentes et peu valorisantes. Et souvent c’est eux qui me précèdent et s’exclament « Mais Madame c’est abusé, pourquoi ils font ça? Madame c’est toujours la même chose, heureusement qu’on n’est pas nés à cette époque ». Ou comment faire un peu d’EMC (Education Morale et Civique) même quand on n’est pas prof d’histoire-géo.
Sur ce, je vous quitte, et vous souhaite un bon dimanche en attendant de vous raconter les prochains jolis moments qui m’attendent!
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journalduneprof · 7 years
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Quelqu’un peut m’aider à trouver un titre?
23/09/17
Moins facile que ce que je pensais de tenir régulièrement ce journal! Ce n’est pas tant que je manque de temps, que j’ai envie de passer à autre chose et de souffler quand je rentre chez moi le soir. Je pense qu’il est quand même intéressant d’essayer de fixer mes impressions tout le long de l’année, car celles-ci risquent fort d’évoluer.
Premiers plaisirs et premiers défis
Je continue à prendre mes marques, ayant déjà de bons rapports avec certaines classes et toujours un peu de mal à imposer pleinement mon autorité dans d’autres. J’avance plutôt au jour le jour, chaque heure étant différente de la précédente. Mille facteurs entrent en jeu: l’heure de la journée, l’humeur des élèves, le cours qu’ils ont eu avant, le jour de la semaine... Ajouté à cela il y a tout de même quelques paramètres que je peux (tenter de) maîtriser: ma propre humeur, le contenu de mon cours, les activités que je demande à mes élèves d’effectuer. J’essaie donc de me dire deux choses: 1/ si une heure se passe mal, ne pas s’inquiéter, il y a de forte chances que la suivante se passe mieux; et 2/ quand je suis sereine sur la préparation de mon cours, je suis plus détendue et j’ai l’esprit plus libre pour m’occuper des élèves (révélation du siècle n’est-ce pas?).
En tout cas, c’est déjà un plaisir d’enseigner. Les cours de latin sont salvateurs pour cela: des petits groupes, des belles histoires à raconter sur Enée et Didon, la perspective d’un voyage en Grèce pour motiver mes 4èmes et mes 3èmes... sans oublier les joies des déclinaisons bien sûr! Etonnamment, cette petite gymnastique plait plutôt aux élèves - même si elle n’est pas totalement maîtrisée. Les cours de français me semblent un peu plus complexes (tant de choses à rattraper quant au niveau de langue, tant d’oeuvres à aborder parmi lesquelles il faut faire un choix, tant d’activités possibles qu’il faut judicieusement organiser) mais sont également très agréables lorsqu’ils prennent bien auprès des élèves.
Passer de “pourquoi?” à “comment?”
Prendre mes marques c’est aussi me sentir de plus en plus intégrée dans mon collège. Je me rappelle, pendant la formation de cet été, m’être demandé à plusieurs reprises “mais quelle va être ma légitimité devant mes élèves?”. Cette question de la légitimité, je me l’étais déjà posée dans d’autres contextes professionnels, en tant que jeunette qui débute et qui ne sait pas encore faire grand chose. La bonne nouvelle, c’est qu’ici, la question est tout de suite évacuée: je suis devant mes élèves parce qu’il n’y a pas assez de profs et que j’ai l’envie et les capacités d’être là. Quand je suis dans ma classe, même en difficulté, je ne me pose plus jamais la question de “pourquoi je suis là?” mais “comment m’y prendre?”. Question qui n’est évidemment pas si simple mais qui a l’avantage d’être ancrée dans l’action!
Pour y répondre, mes collègues sont toujours de précieux conseillers. Ils connaissent les élèves par coeur, savent apporter des débuts de réponse, et aussi et surtout, me font décomplexer par rapport à mes difficultés en me rappelant que 1/ elles ne seront pas éternelles et 2/ je ne suis pas la seule à les rencontrer !
Sur ces belles paroles, je vous dis à très bientôt - à la semaine prochaine si j’honore mes promesses de début d’année.
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journalduneprof · 7 years
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Bilan de la première semaine
08/09/17
Ca y est, les premiers cours sont passés, me voilà officiellement professeure de lettres classiques. Ca me donne envie d’aller mettre mon profil LinkedIn à jour, tiens (on ne perd pas tous ses réflexes corporate en quelques semaines). 
Ce titre nouvellement acquis ne fait pas moins de moi une débutante, et je l’ai bien senti lors de ma première matinée face aux élèves. Les défis sont nombreux, différents à chaque heure, pour chaque classe, et pas toujours faciles à anticiper. En revanche, j’ai constaté avec surprise que dès qu’on est en train de commettre une erreur, on s’en rend compte rapidement. Cela m’a permis de sortir de classe dès les premières heures avec la petite liste suivante:
être plus précise sur le matériel et les consignes
ne pas se contredire, changer d’avis, ou entrer dans des négociations avec les élèves
ne pas se laisser émouvoir / attendrir
ne pas hésiter à séparer les éléments perturbateurs
faire des activités plus rythmées
garder la pêche et ne pas trop hausser le ton!
Les heures suivantes m’ont permis de rectifier le tir sur certains points et je prends bonne note des autres pour la préparation de mes prochains cours. Je me doute bien que d’autres défis vont survenir et que mettre le doigt sur un problème ne suffit pas à le résoudre mais je suis tout de même rassurée de me sentir assez lucide sur mon sort. Je vais essayer de consigner mes impressions et mes difficultés de manière assez précise - ici ou sur des notes moins élaborées - car je pense qu’il sera intéressant pour moi d’identifier les difficultés récurrentes ou au contraire celles qui disparaissent facilement et dont je ne me souviendrai plus après quelques temps.
En bonus, une petite photo des 6èmes et de leurs parents dans la cour lors de l’accueil des élèves le premier jour. Les barreaux n’offrent pas une visibilité optimale mais disons que cela aide à conserver l’anonymat de cette petite foule. En arrière plan, une des barres d’immeuble de la fameuse cité des 4000 à la Courneuve, rivale de celle où se trouve mon collège.
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Eh oui, je ne suis pas la seule à faire ma rentrée
La suite au prochain numéro!
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journalduneprof · 7 years
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Veille de rentrée
04/09/17
Un court billet pour fixer mes impressions en cette veille de rentrée, après deux instructifs et chaleureux jours de pré-rentrée. La première semaine se déroule par étapes, sûrement en grande partie pour permettre un retour en douceur aux élèves, mais en tant que prof je bénis cette entrée progressive dans le grand bain - moi qui ai pourtant toujours été du genre “je plonge sans me mouiller la nuque en éclaboussant tout le monde”.
Pré-rentrée
Vendredi 1er septembre, premier trajet vers le collège. Pas de mauvaises surprises sur le RER B, ça commence plutôt bien. J’ai été accueillie avec les autres nouveaux arrivants par quelques uns des “anciens” (dans mon collège, il y a un tel turnover qu’après un an de présence on fait déjà partie des meubles): une rencontre conviviale (9h du mat, on parle déjà des verres qu’on va boire ce soir) et quelques premiers mots bien utiles sur l’établissement. J’ai apprécié la manière dont mes collègues n’ont pas éludé les difficultés qui nous attendaient, tout en insistant bien sur le fait qu’eux aussi, même après plusieurs années, rencontraient ces mêmes difficultés et que notre équipe se serrait les coudes pour encaisser et progresser. J’ai ressenti énormément de bienveillance et une vraie volonté de réfléchir ensemble à comment faire au mieux notre métier, dans des conditions parfois difficiles mais avec lesquelles il faut bien composer.
La pré-rentrée s’est déroulée entre diverses réunions qui m’ont permis de rencontrer plusieurs autres collègues et de commencer à travailler avec mon équipe de lettres. Même topo pour la seconde journée, avec divers sujets très intéressants (l’Accompagnement Personnalisé, les Enseignements Pratiques Interdisciplinaires, etc.), sur lesquels j’aurai sûrement l’occasion de revenir par la suite. J’ai également été introduite, avec les autres jeunes padawans, aux dispositifs de formation internes à l’établissement: en l’espèce, l’ANPE, Accueil des Nouveaux Personnels Enseignants et le LéA, Lieux d’Education Associés (je vous avais prévenus qu’il y aurait beaucoup de sigles). Encore une fois je reviendrai plus tard là dessus mais c’est en tout cas très stimulant de voir que la réflexion sur les pratiques pédagogiques est dans toutes les têtes.
Et après ...
Les prochains jours seront placés sous le signe de la rencontre avec mes élèves et des premiers cours. Les choses vont vraiment s’accélérer. A la question “Tu te sens prête?” qu’on me pose beaucoup ces derniers jours, la réponse est “Non, pas prête à proprement parler, car j’ai un nombre incalculable de choses à apprendre et à préparer; mais oui, prête à aller rencontrer mes petits élèves et à apprendre avec eux autant que je leur enseignerai”. Une chose est sûre, c’est que j’ai envie d’être là où je suis et qu’il me faut ce sursaut de la rentrée pour entrer dans le vif du sujet!
Je m’arrête sur ces quelques lignes rapidement rédigées, l’heure n’est pas à l’introspection mais au sommeil, histoire d’avoir figure humaine pour faire une bonne première impression. Wish me luck!
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