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#quel matériel ne faut-il pas oublier pour son premier concert
journaljunkpage · 6 years
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AU CŒUR DU SWING
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Marc A. Bertin / Jean-Marie Masse, le chanteur Jimmy Witherspoon et Buck Clayton, Clermont-Ferrand, 1961. Fonds Paulette et Jean-Marie Masse, Bfm Limoges.
Sous intitulé facétieux « Hot Vienne », la capitale du Limousin initie une saison complète dédiée au jazz. Concerts, conférences, colloque et projections jusqu’en décembre. Et, surtout, des expositions d’ampleur. Historienne et musicologue, Anne Legrand, qui travaille sur les archives Delaunay à la Bibliothèque nationale de France, assure le commissariat de « Harlem à Limoges ». Il était naturel qu’elle guidât nos pas à travers 70 années fastes.
Pour comprendre cette fructueuse relation, impossible de ne pas citer la figure de Jean-Marie Masse… Fondateur en 1948 du Hot Club de Limoges, fasciné par le jazz de Harlem, cette personnalité fondamentale a animé avec passion la vie musicale de Limoges via des émissions de radio ou les concerts qu’il a organisés. Ami des plus grands jazzmen, il a invité Duke Ellington, Lionel Hampton, Don Byas, Buck Clayton, Bill Coleman, Mezz Mezzrow, Zora Young… à se produire dans cette « nouvelle capitale française » du jazz. En outre, il ne faut pas oublier le batteur, qui avant la Seconde Guerre mondiale se produit dans de nombreux bals et dancings du Limousin.
Qu’en est-il avant 1939 ? Dès 1926, Limoges est l’une des premières villes à posséder une station de radio. Cette antenne arrive tout de suite après Radio Agen, fondée en 1924, et précède Lyon et Toulouse. Pour autant, le jazz n’est pas populaire sur les ondes. À l’époque, on ne distingue que deux orchestres « nationaux » – le Poultry jazz et le Sympathic jazz. Or, en 1938, Roger Blanc, fidèle auditeur de Limoges PTT et collectionneur de disques, qui rêve d’animer une émission entièrement consacrée au jazz obtient gain de cause : un programme hebdomadaire, le jeudi, entre 19 h 30 et 20 h, en direct, qui rencontre un vif succès. Cette même année, il fait la connaissance de Jean-Marie Masse, chez le disquaire, éditeur musical Lagueny, boulevard Carnot, à Limoges. Le virus est transmis. On pourrait également citer Marc Lanjean qui rejoindra l’orchestre de Ray Ventura à la faveur de ses études parisiennes. Il ne faut pas non plus oublier que la ville a accueilli durant la Première Guerre mondiale des soldats afro-américains à l’hôpital militaire. Toutefois, à l’époque, la réception du jazz est très timide, les déhanchements très mal vus alors que, pour Jean-Marie Masse, la danse, c’était fondamental. En résumé, il se forme un noyau dur de passionnés nullement fédérés. Des étudiants pour la plupart.
Comment s’est constitué cette saison, plus précisément, le volet expositions ? Avant sa disparition, le 17 octobre 2015, Jean-Marie Masse a souhaité léguer à la ville près de 20 000 pièces (disques, livres et magazines, photos inédites, correspondances, archives personnelles...), désormais conservées à la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges. C’est un ensemble exceptionnel en Europe, qui a nourri 80 % des expositions. Il y a aussi des pièces provenant de la collection de Hugues Panassié, critique et producteur, qui fonda, en 1935, avec Charles Delanauy, la première revue spécialisée française Jazz Hot. Panassié était un intime de Masse, le recueillant même à Montauban, lorsque ce dernier fuit le STO. Nous avons également des photographies issues du fonds de Pierre Delord, de celui du légendaire Eddy Wiggins.
Pourquoi deux sites pour « Harlem à Limoges » ? L’ampleur du matériau a dicté ce choix ! Ceux qui ont bien connu Jean-Marie Masse disent d’un commun accord que « son rêve eût été d’aller au Savoy Ballroom à Harlem ». Tout est dit. C’est l’histoire d’une passion, et celle d’une vie. La première partie du parcours évoque l’enfance, l’initiation à la musique (piano, clarinette puis batterie), la découverte du jazz, le festival de Nice 1948. La deuxième partie rend hommage aux régiments afro-américains de la Première Guerre mondiale, dont 27 avaient des orchestres constitués, et qui furent les premiers passeurs en France de cette révolution. On évoque aussi Joséphine Baker, la voix du swing à travers Sydney Bechet, Louis Armstrong et Duke Ellington. On y trouve également des loges d’écoute pour retrouver des concerts enregistrés à Limoges sur disque pyral. Enfin, un éphémère studio de radio, conçu à partir de matériel des années 1960, a été reconstitué ! Chaque samedi après-midi, une série d’émissions en direct retracera cette épopée, ses acteurs, dont le Hot Club à qui l’on doit plus de 400 concerts en 70 ans d’activité !
Plus surprenante ou du moins méconnue, l’oeuvre peinte et dessinée de Jean-Marie Masse fait l’objet d’une exposition a part entière « Pensez à prendre les prolongements ». Effectivement, ses premières amours, c’est la peinture. Élève de Pierre Parot, il connaît des débuts plus que prometteurs, ses natures mortes, ses autoportraits sont étonnants, très riches. Il continue par intermittence et reprend même des cours dans les années 1970. D’ailleurs, cette deuxième période est fascinante par son pointillisme, ses étonnants choix de couleurs. Il a arrêté subitement car il avait peur de finir dément, ce travail occupant ses nuits et ses jours. Néanmoins, il est toujours resté d’une discrétion proverbiale sur cette passion.
« Harlem à Limoges », jusqu’au 8 décembre, Bibliothèque francophone multimédia centre-ville et galerie des Hospices. « Jazz in Limoges - 1918-1939 », jusqu’au 31 décembre, musée de la Résistance. « Pensez à prendre les prolongements : peintures et dessins de Jean-Marie Masse », du 6 juillet au 10 décembre, musée des Beaux-Arts de Limoges, Limoges (87000) www.ville-limoges.fr
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Affiche du concert de Rex Stewart, considéré a posteriori comme le premier concert du Hot Club de Limoges, signée par tous les musiciens. - Fonds Paulette et Jean-Marie Masse, Bfm Limoges.
Un village d’une vingtaine d’exposants, des articles vintage et des démonstrations de danse, des concerts et un bal, quel menu !
À partir de 14 h, dj set de Dee Jay Kay. Tombé dans la bain, mais tout autant amateur de rock’n’roll, de funk ou de soul, ce collectionneur de 45 tours reste inspiré par le jazz et jouera ses disques préférés. De 19 h à 20 h 30, « Tribute to Louis Jordan ». Saxophoniste né en 1908, Louis Jordan commence sa carrière aux côtés d’Ella Fitzgerald dans l’orchestre de Chick Webb qu’il quitte en 1938 pour créer son propre orchestre. Il est considéré comme l’artiste de r’n’b ayant le plus influencé les artistes noirs et blancs, notamment les pionniers du rock’n’roll. 60 ans plus tard, voici l’occasion de découvrir ce répertoire grâce à l’anglais Drew Davies.
De 21 h à 23 h, Noé Reinhardt Quartet. Cousin du petit-fils de Django Reinhardt, fils de Nippon Reinhardt, ami de longue date de Jean-Marie Masse il a participé au fameux « Dick Renny » ayant animé les nuits de fêtes de la Libération à Limoges.
De 23 h à l’aube, Jean-Marc Lajudie Quintet. Figure bien connue et unanimement appréciée à Limoges, ce grand batteur monte un quintet d’anciens – Alain Ohier au Piano ; Pascal Combeau à la contrebasse ; Jean-Jacques Taïb au sax ; Guy Bodet à la trompette – afin de faire revivre l’ambiance des bals de jazz de l’immédiat après-guerre.
Samedi 7 juillet, Jardins de l’Évêché, Limoges.
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